L’idée d’une théorie générale propre au contrat administratif a été avancée par la doctrine, notamment par deux auteurs :

  • Jèze dans les années 30
  • Georges Péquignot, auteur du premier ouvrage proposant une vision globale des contrats administratifs

Cette idée poursuit un double but :

  • distinguer les contrats administratifs des contrats de droit privé
  • chercher à unifier le régime de ces contrats administratifs autour de principes communs

Cette conception doctrinale a paru triomphée parce que le CE l’a reprise explicitement dans CE 1958 DISTILLERIE MANIAC LAVAL. Le CE fait expressément référence de règles générales applicables à tous les contras administratifs. Cette présentation doctrinale s’avère très contestable pour des raisons structurelles et conjoncturelles. Il est très difficile de vouloir opposer le contrat administratif car la jurisprudence n’a jamais consacrée cette idée.

Il a toujours considéré que le contrat administratif, avant d’être administratif, était contractuel (référence au code civil).

Le contrat administratif a un caractère dual :

  • c’est un ctt
  • et un acte administratif

Ce caractère emporte application d’un régime mixte où on retrouve des règles spéciales mais dans un contexte très largement déterminé par des règles plus générales empruntées au code civil. L’évolution législative récente est marquée par la multiplication de textes applicables à des cttx en particulier. On assiste donc à l’apparition de ctts administratifs spéciaux qui dérogent sur bcp de points à la théorie générale des ctts administratifs. L’exemple est celui du ctt de partenariat. Cette théorie que l’on doit à Jèze s’appuie presque exclusivement sur la notion de SP.

L'intégrité du consentement dans les contrats publics.
L’idée est de dire que les ctts administratifs sont conclus pour les besoins du SP.
Cet objectif doit conduire le JA à déroger à la plupart des pps du droit civil qui sont fait pour les relations de particuliers à particuliers. Cette présentation a été à ce point systématique qu’on a trouvé des auteurs pour expliquer que finalement, le ctt administratif ne serait pas un véritable contrat.

  • Hauriou disait que c’était un acte de réquisition déguisé = un acte unilatéral en forme contractuelle, l’idée étant que le régime du ctt administratif déroge à ce point aux règles du droit civil et donc il ne serait plus assimilable à un ctt tout court.
  • Lhuillier, dans la revue Dalloz de 1953, page 88, Les ctts administratifs tiennent-ils lieu de loi à l’administration ?, met en avant le pouvoir de modification unilatérale, de résiliation unilatérale. Il explique que derrière l’administration contractante, il y a toujours la puissance publique qui détient des prérogatives extérieures au ctt pour assurer la bonne marche des SP.

Le simple fait que le ctt administratif déroge à des pps du droit civil est-il de nature à interdire une qualification contractuelle à ces actes ? Cette conclusion est curieuse parce qu’elle partirait de l’idée qu’il y a un droit commun, le droit civil, qui définirait ce qu’est le ctt. Tout ce qui serait en dehors de ces pps du droit civil obligerait à recourir à d’autres qualifications, d’autres concepts. Or le droit civil n’est pas le droit commun. C’est le droit des communs. Il a sur le droit public un bénéfice, celui de l’antériorité. Le droit administratif n’est pas une entorse au droit commun. Il n’est pas polyvalent et n’a pas vocation à régler toutes les situations contractuelles quelque soit l’objet du ctt. Les autorités publiques sont amenées aussi à conclure des ctts sur des questions qui n’ont pas d’équivalent en droit privé.

Dès lors, on peut accepter qu’on appelle contrats des actes conclus par l’administration dérogeant au droit civil.

Ce qui compte, c’est que les ctts signés par l’administration soient porteurs d’engagements réciproques. C’est à partir de la notion de SP que la jP et la doctrine ont dégagé le concept de ctt administratif. Dès lors, on voit toute l’ambiguïté de cette construction juridique, la notion de SP n’étant pas totalement opératoire. Cependant, cette notion de SP permet de fixer un certain nombre de traits essentiels au ctt administratif. On les retrouve, dans une certaine mesure, dans les systèmes de droit étranger.

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L’explication des spécificités du régime des contrats administratifs par le recours à la notion de SP

On peut dater l’origine de la théorie des contrats administratifs de conclusions rendues en 1903 par le commissaire du gouvernement Romieu sur l’affaire Perrier. Dans cette affaire, il expliquait que « tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des SP, soit que l’administration agisse par voie de ctt ou qu’elle procède par voie d’autorité, constitue une opération administrative ». De ce fait, elle relève de la compétence de la juridiction administrative. Ces conclusions ont pour objet de mettre fin à une conception qui a dominé tout au long du XIXème siècle à savoir la distinction entre les actes d’autorité relevant du DA et les actes de gestion relevant du droit privé. Elle englobe aussi tous les actes des CT qui ont des pouvoirs de gestion mais pas d’autorité. L’apport de Romieu est de dire que le critère de compétence de la juridiction administrative passe par la notion de SP. Dans le prolongement de ces conclusions, Gaston Jèze va expliquer que le contrat administratif trouve son fondement dans la notion de SP. Le contrat administratif doit :

  • non seulement ne pas gêner le fonctionnement des SP
  • mais doit aussi le faciliter

L’administration ne doit pas avoir plus d’inconvénients à traiter par ctt que par acte unilatéral. Il faudra alors le cas échéant adapter le régime du ctt administratif. Cette conception que condamne Romieu n’a pas, au XIXème siècle, une portée totalement générale. Il y a des exceptions textuelles :

  • Le décret du 28 pluviôse an VIII qui fait que les marchés de travaux sont des contrats dont le cttx relève du JA
  • Le décret de 1806 visant les marchés de fourniture de l’Etat
  • De même que le ctt de vente d’immeubles par l’Etat

A la suite de cette affaire, Jèze et l’Ecole du SP vont écrire que le SP est le critère de la compétence du JA et de l’application d’un régime de DA. On doit pouvoir déroger aux règles du droit civil, notamment la règle de l’intangibilité du ctt. CE 1910 CIE GÉNÉRALE DES TRAMWAYS (sur la résiliation). On brandit l’autonomie du contrat. Le problème est que la présentation de Jèze n’est pas complètement satisfaisante pour plusieurs raisons :

  • Il focalise son attention et construit cette théorie générale en s’appuyant sur des solutions qui concernent toutes la concession de SP. Cela présente deux faiblesses:
  • la concession n’est pas un ctt administratif mais un acte mixte ayant des clauses règlementaires et contractuelles
  • comment rattacher les marchés publics à cette théorie ?
  • Le ctt administratif n’a pas pour critère la notion de SP. En effet, il a eu pour critère la notion de SP pendant peu de temps.

CE 1910 THÉROND (ctt de ramassage des bêtes mortes et animaux errants) où, suivant les conclusion du commissaire du gouvernement, il va expliquer qu’est un contrat administratif tout contrat conclu dans un but de SP. Tous les contrats de l’époque sont devenus des contrats administratifs. Or, tous les ctts de l’administration n’ont pas besoin d’être soumis à ce régime (notamment ceux de gestion courante). On a ici, dans cette affaire, affaire à un ctt d’une CT. Cette approche très systématique mise en avant dans l’affaire Thérond va être rejetée.

  • TC 4 JUIN 1910 CIE D’ASSURANCE LE SOLEIL.

Est en cause un contrat passé par l’Etat qui loue un local pour y installer ses services. Le TC a jugé que ce ctt était, par son objet, un ctt de droit commun.

  • CE 1912 SOCIÉTÉ DES GRANITS PORPHYROÏDES DES VOSGES.

On est dans le cas d’un contrat de fourniture de pavés pour la construction d’une route. Ce ctt n’est administratif que s’il contient une clause exorbitante ou plusieurs. Dans ses conclusions, Blum expliquer que, quand il s’agit de ctt, il faut examiner la nature du ctt lui-même indépendamment de la personne qui a conclu le contrat et de l’objet en vue duquel il a été conclu. Les thèses de Jèze auront évidemment des retombées sur la jP administrative avec CE 1956 ÉPOUX BERTIN (courant de revalorisation de la notion de SP, courant applicable aussi à la matière contractuelle). On prend en compte l’objet même du contrat = le ctt a pour objet même l’exécution du SP.

Essai de recensement des spécificités du régime des contrats administratifs par rapport au droit civil

Il y a au moins quatre arrêts du CE :

  • CE 1910 CIE GÉNÉRALE DES TRAMWAYS qui consacre le pouvoir de résiliation unilatérale du ctt
  • CE 1916 GAZ DE BORDEAUX sur la théorie de l’imprévision
  • CE 1909 CIE DES MESSAGERIES MARITIMES où il est admis que la FM peut être une cause d’exo de la R contractuelle
  • CE 1932 CIE GÉNÉRALE DES TRAMWAYS DE CHERBOURG qui consacre la notion de FM administrative

Dans l’arrêt CE 1958 DISTILLERIE MANIAC LAVAL précise les règles générales applicables à tous les ctts administratifs. Quelles sont-elles ? Elles sont peu nombreuses :

  • On pense à la compétence de la juridiction administrative en cas de litige : en effet, le JJ n’en connaît pas et l’arbitrage est un mode de règlement exclu en matière administrative.
  • Mais ce n’est pas vraiment un élément du régime juridique puisqu’il n’a pas trait au fond du droit.
  • En outre, l’arbitrage tend à se développer. Les ctts de partenariat sont ouverts à l’arbitrage. La commission Labetoulle a recommandé sa généralisation.
  • On pense aussi à l’obligation de mise en concurrence qui tend à se généraliser. Au départ, elle concernait les marchés publics. Elle a vocation à englober aujourd’hui les concessions de SP et peut-être un jour les concessions domaniales.

Mais elle ne vaut pas pour tous les ctts, elle ne vaut que pour les ctts de commande publique, à contenu économique. Dans ce cadre-là, la notion de marché public est tellement large en droit communautaire qu’elle englobe des ctts passés par des organismes de droit privé. Des ctts de droit privé sont soumis aux obligations de concurrence du droit de la commande publique. En définitive, deux pps illustrent la théorie générale des contrats administratifs :

  • la règle de l’indisponibilité
  • le ppe d’inégalité

L’inégalité

L’administration n’est pas un contractant comme les autres car, derrière la personne publique, se cache la puissance publique. En tant que gardienne de l’intérêt général, elle est dotée de prérogatives de puissance publique même dans le cadre de sa relation contractuelle.

Ses prérogatives

  • le pouvoir de contrôle sur son cocontractant pour s’assurer de la manière dont il exécute le contrat qui se matérialise par les ordres de service
  • le pouvoir de sanction
  • le pouvoir de modification unilatérale des clauses du contrat
  • le pouvoir de résiliation unilatérale

Ces prérogatives sont liées à son pouvoir d’organiser le service public.

  • L’indisponibilité de ses compétences contractuelles exorbitantes

Le juge considère que l’administration ne peut pas renoncer à son pouvoir d’organisation du SP. Une clause par laquelle elle renoncerait au pouvoir de résiliation serait illégale. Certains ont fait valoir que ces compétences étaient extérieures au contrat. Cette marque distinctive n’est pas totalement signifiante car il existe des contrats inégaux en droit privé.

La portée de ces spécificités au regard du droit comparé

Est-ce que l’on retrouve, dans les systèmes juridiques étrangers, quelque chose qui ressemble à la conception française du contrat administratif ?

Système unitaire

Les contrats que passe l’administration sont soumis à la loi commune. C’est le système anglais, américain ou canadien de la common law. Même en droit anglais, les contrats des personnes publiques obéissent à des règles spécifiques :

  • Il a été jugé que la Couronne ne peut pas lier, par contrat, l’exercice d’une compétence quelle détient de la loi.
  • Il existe des clauses-types au RU qui sont applicables à des contrats passés par l’Etat. Ces clauses consacrent, au profit de l’Etat, ou un pouvoir de modification ou un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat avec indemnité.
  • Le juge anglais n’est que rarement appelé pour statuer sur les litiges contractuels qui sont réglés par la loi de l’arbitrage. L’Etat choisit son juge.

Système dualiste

Il a des contrats d’une nature particulière qui sont passés par les administrations publiques. C’est en France que ce système a reçu son expression la plus absolue. En Allemagne, la notion de contrat administratif existe mais ne correspond pas tout à fait à la conception du droit français. Le droit des marchés publics : En France : ce sont des  contrats administratifs. En Allemagne : ce sont des contrats de droit privé. Il y a une forte convergence avec le droit français sous l’influence du droit communautaire en ce qui concerne la formation et la conclusion de ces marchés publics. Toutefois, il en existe de droit public. Cela correspond à l’hypothèse où l’administration préfère passer un contrat plutôt que de recourir à un acte unilatéral. Pour les allemands, ce sont des contrats décisoires. Cette notion a été consacrée par une loi de 1976 sur la procédure administrative qui soumet ces contrats à la compétence des tribunaux administratifs. En Italie, en Belgique, le contentieux des droits subjectifs relève, pour ces deux pays, du juge judiciaire. Cependant, les tribunaux belges retiennent la notion de contrat administratif et traitent différemment les contrats passés par l’administration. Ils lui appliquent les règles du droit civil à titre subsidiaire. Pour l’Italie, la matière contractuelle relève du JJ mais la juridiction administrative connaît de plus en plus le contentieux des contrats de l’administrative essentiellement à deux titres :

  • le contentieux des actes détachables : le JA italien peut connaître des délibérations d’un conseil qui permet à une autorité à passer un contrat.
  • les litiges qui touchent à l’attribution des marchés publics

> La notion de contrat administratif se retrouve partout mais les conséquences ne sont pas aussi absolues qu’en France. > Cette spécificité des contrats administratifs n’est que partielle car avant d’être des actes administratifs, ce sont des contrats.

Éléments de rattachement du contrat administratif à la théorie civiliste des contrats

Le droit administratif n’ignore pas le droit civil.

In fine, la théorie des contrats administratifs s’est construite par rapport au droit civil.

Il existe de nombreuses interférences car la théorie générale des contrats administratifs ne déroge au droit civil que dans la mesure où les règles du code civil ne peuvent pas protéger les règles défendues par l’administration. Cela soulève des difficultés. Encore aujourd’hui, des auteurs plaident pour une autonomisation du droit des contrats administratif. Ce courant de la doctrine,  qui est né avec Jèze, met en avant deux objections :

  • Les personnes publiques ne sont pas titulaires de droits subjectifs car leur volonté est enserrée dans un réseau de contraintes dictées par l’IG. Ce qui fait le fond même de la théorie contractuelle ne leur est pas applicable. Elles n’auraient pas de volonté.
  • Les contrats administratifs ne sont pas assimilables aux contrats de droit civil au regard des pouvoirs que détient l’administration.

Réponses à ces objections :

  • Première objection 

La question de savoir si le contrat administratif est un accord de volonté se résout assez bien car :

  • Le droit civil a évolué depuis la rédaction du Code Civil.
  • L’approche absolutiste de l’autonomie de la volonté s’est assouplie.
  • Seconde objection

Le JA a fait du contrat administratif un régime mixte et le JA recourt aux constructions du droit civil assez systématiquement.

La composition du concept d’autonomie de la volonté en droit administratif

La valeur juridique des contrats a été expliquée par l’autonomie de la volonté qui postule que le libre jeu des volontés individuelles est le fondement de l’ordre social.

Selon cette construction, les sujets de droit peuvent se lier car ils sont en situation d’exprimer une volonté. Le contrat est obligatoire parce qu’il est un accord de volonté : chacune des parties s’étant engagée vis-à-vis de l’autre (engagement synallagmatique). En découlent :

  • la liberté contractuelle
  • la force obligatoire du contrat
  • l’effet relatif des contrats

Si on retient cette conception de l’autonomie de la volonté, elle est difficilement conciliable avec le droit administratif. Les personnes publiques n’ont pas posé, par avance, une liberté de décision. Tout le droit public consiste à se méfier de l’arbitraire administratif et l’administration ne peut agir que si elle est habilitée à le faire : c’est la théorie de la compétence. En effet, en droit administratif, l’incompétence est la règle et la compétence est l’exception car elle doit être posée par la loi qui autorise l’administration à agir. En réalité, les choses sont plus compliquées :

  • La présentation de l’autonomie de la volonté n’est plus reçue comme telle par la doctrine.
  • Cette nouvelle manière de concevoir cette autonomie est acceptable en droit administratif.

 La remise en cause de l’autonomie de la volonté en droit civil

La volonté individuelle se comprend comme un pouvoir souverain, « parallèle et concurrent à la loi ». C’est cette concurrence à la loi qui va être critiquée par les publicistes, notamment par les normativismes dont Hans Kelsen. Pour lui, il faut distinguer deux choses dans le contrat de droit privé :

  • l’accord de volonté: aspect procédural du contrat
  • la norme qui est créée par la convention

Kelsen explique qu’en tant que procédure, le contrat est effectivement un accord de volonté, un échange de consentement. Mais cet accord de volonté n’a de portée normative que dans la mesure où la loi en a décidé ainsi. En d’autres termes, le contrat tire sa force juridique non de l’accord de volonté mais d’une délégation donnée par la loi.

La capacité de contracter n’est qu’une compétence attribuée par la loi pour Laurent Richet.

En conséquence, le contrat s’inscrit dans un environnement juridique de nature objective. Si la loi délègue aux personnes privées le pouvoir de créer des normes, elle peut aussi limiter ce pouvoir en fonction de considérations qui sont liées à l’intérêt général et qui devront primer sur la volonté des particuliers. On peut transposer ce raisonnement à l’administration. Cette critique des normativistes s’est imposée chez les auteurs modernes. Aujourd’hui, il prévaut une conception intermédiaire qui consiste à dire que les parties ne sont pas liées uniquement parce qu’elles l’ont voulu mais cela résulte du but que les  parties ont cherché lors de la conclusion du contrat. Les obligations contractuelles ne résultent pas seulement de la volonté des parties mais doivent faire place à d’autres finalités comme :

  • la bonne foi
  • l’équité, l’équilibre contractuel
  • la justice

Ces finalités seront autant d’éléments qui permettront au juge d’interpréter les clauses du contrat dans un certain sens.

Les mêmes auteurs admettent l’autonomie de la volonté que dans le cadre défini par la loi. Les lois d’ordre public sont de plus en plus nombreuses.

Le Conseil constitutionnel n’a jamais reconnu à l’autonomie de la volonté une valeur constitutionnelle.

Il consacre la liberté contractuelle telle qu’elle est définie par la loi.

L’adaptation du concept d’autonomie de la volonté au droit administratif

L’objection est d’estimer que cette autonomie n’a pas sa place en droit administratif car ce dernier repose sur des concepts finalistes comme l’intérêt général et le service public qui excluent que les personnes publiques disposent de droits subjectifs. C’est écrit par Hauriou ou encore par Picard.

  • Que penser de cette objection ?

Elle peut être écartée car les personnes privées ne disposent pas d’une autonomie absolue. D’une certaine manière, les droits subjectifs des personnes privées s’inscrivent dans un cadre légal. A l’inverse, les personnes publiques, dès lors qu’elles agissent dans le cadre de leur compétence disposent souvent d’une certaine autonomie car la loi ne peut tout régler. Souvent, l’administration est libre de contracter ou pas. Pour Christine Bréchon-Moulènes, la différence entre la liberté contractuelle des personnes publiques et des personnes privées est plus une différence de degré que de nature. Ce type de réfutation aux objections ne fait pas l’unanimité dans la doctrine contemporaine Pour Sophie Nicinski, les exceptions apportées par le droit administratif aux règles de droit civil sont d’une telle ampleur qu’il est complétement artificiel de se référer à l’autonomie de la volonté. Par exemple :

  • La liberté contractuelle n’est pas la même pour les personnes publiques et privées. En effet, la possibilité de passer des avenants est très limitée en droit administratif.
  • L’effet relatif des contrats (contrat normatif : il crée des droits à l’égard des tiers) diffère.
  • La force obligatoire du contrat est affaiblie en droit administratif.

→ On ne peut pas faire des règles du droit civil le fond du droit administratif des contrats. Le problème est que le JA ne s’embarrasse pas de ces considérations. Il a construit des solutions jurisprudentielles qui ont pour point de départ le fait que le contrat est un accord de volonté générateur d’obligations juridiques. Il y a là la matrice commune entre ces deux théories. Le contrat administratif est un accord de volonté : est-ce le cas de tous les contrats administratifs ?

La place de l’autonomie de la volonté en droit administratif

Certains auteurs ont accepté l’idée d’accord de volonté mais ont estimé que cette dernière était artificielle. On est sur l’idée que le contrat administratif est un contrat d’adhésion. Il y a manifestement des contrats administratifs qui posent problème : ce sont des accords de volonté mais on peut douter de leur nature contractuelle comme en ce qui concerne les concessions de SP.

Le rejet de la thèse selon laquelle le contrat administratif serait la manifestation de la volonté unilatérale de l’administration

Ceux qui ont plaidé pour cette thèse sont presque les pères fondateurs du droit administratif : Duguit et Hauriou.

Le contrat administratif était un contrat d’adhésion d’une telle ampleur que l’on ne pouvait y voir un véritable contrat.

Dans un contrat administratif, l’essentiel des stipulations du contrat sont rédigés par l’administration et l’autre partie, qui répond à la sollicitation de l’administration, y adhère en bloc.

  • Hauriou

Il applique sa démonstration via l’exemple du contrat d’abonnement téléphonique. Il élargissait sa démonstration au cas des marchés de travaux (contrat rédigé par l’administration et le cahier des charges est un document type auquel le marché renvoie).

  • Thèse de Péquignot

Pour cet auteur, les contrats administratifs sont des contrats d’adhésion mais ils ne sont en rien comparables avec les contrats d’adhésion de droit privé. Ils sont d’une nature et d’une ampleur différente. L’adhésion ne se limite pas à l’absence de libre discussion mais elle se prolonge tout au long de la vie du contrat. Le contrat est plus proche de l’acte unilatéral que du contrat de droit civil et il en résulte un certain nombre de conséquences :

  • Pour interpréter les clauses du contrat, le juge ne devrait pas chercher quelle est l’intention commune des parties mais il devra, car il s’agit d’un acte unilatéral, appliquer les méthodes d’interprétation qui sont celles de la loi et chercher l’intérêt général. Cette thèse n’a pas été retenue. La jurisprudence administrative s’est ralliée aux solutions du droit civil, notamment pour vérifier la validité du consentement des parties.
  • Le jour où le juge aurait pu franchir le pas, il a inventé autre chose :

CE 2007 STÉ TROPIC TRAVAUX SIGNALISATION qui offre aux tiers la possibilité de former un recours de pleine juridiction Les privatistes ont montré qu’un contrat d’adhésion reste un contrat.

Pour aller dans le sens de la thèse de Péquignot, on peut citer le contrat d’agent non titulaire dans le SP.
Les parties conservent la liberté de ne pas conclure.
 

  • CE 1998 VILLE DE LISIEUX

Ce sont des contrats de recrutement d’agents non titulaires dont le régime est dicté par un décret. Le CE considérait que les agents contractuels étaient placés dans une situation légale et réglementaire à l’égard de l’administration qui les emploie. Le CE a admis que l’on pouvait former un REP contre ce type de contrat. C’est la seule entorse.

  • Tout accord de volonté est-il un contrat ?

La question s’est focalisée sur les concessions de SP. Pour Duguit, dans la mesure où cet accord de volonté produit des effets juridiques à l’égard des tiers, il a l’apparence d’un acte contractuel mais le fond ne l’est pas.

La controverse autour de la nature juridique des concessions de SP

Dans un premier temps, Laferrière écrivait que la concession était un contrat qui créait des effets à l’égard des usagers (stipulation pour autrui). En d’autres termes, l’autorité concédant était censée stipuler au profit des usagers. Cette thèse va tourner court car certains auteurs ne supportent pas que l’on puisse avoir une institution de droit public commandée par des mécanismes de droit privé. Pour Duguit, Hauriou et Jèze, la concession contient un véritable règlement. Elle contient le règlement du service public car un certain nombre de clauses fixent les règles d’organisation du service. Duguit a été à l’origine de cette idée que la concession était le règlement du service et il va développer cette thèse à l’occasion d’un arrêt :

  • CE 1906 SYNDICAT DES PROPRIÉTAIRES ET CONTRIBUABLES DU QUARTIER CROIX DE SEGUEY ET TIVOLI

Faits : cette association (présidée par Duguit) se plaignait que le concessionnaire du service des tramways de Bordeaux ait changé brutalement l’itinéraire, contrairement au règlement de la concession. Cette association fait un recours devant le CE.

Solution : le CE admet la recevabilité du recours alors même que les tiers sont à l’origine de ce contentieux. Ces derniers avaient un intérêt au respect du contrat de concession.

Comment l’association a pu exercer un REP ? L’association a agi contre le refus du concédant c’est-à-dire du préfet de la Gironde d’imposer à son cocontractant le respect de la clause du contrat. Le recours est recevable puisqu’une association d’usagers à intérêt à agir. Certaines de ces clauses ont un effet réglementaire. C’est ce qu’avait expliqué Duguit. En plus, il ajoute que la concession ne saurait être un contrat non seulement en raison de ses clauses mais aussi de son objet. > Rejet définitif de la thèse contractuelle.

  • La concession de SP est un acte mixte

A la suite de l’affaire de 1906 et de Duguit, va prévaloir l’idée exprimée par Léon Blum, dans ses conclusions sur l’arrêt « Compagnie Générale des Tramways », que l’acte de concession est un acte de double nature :

  • C’est un contrat dans les relations entre l’administration et le concessionnaire.
  • C’est un règlement dans les relations entre l’administration et les usagers.

La jurisprudence administrative retient une autre conception selon laquelle la concession est un acte mixte qui contient :

  • des clauses réglementaires
  • des clauses contractuelles

On ne peut pas attaquer, via le REP, une clause contractuelle mais on peut attaquer une clause réglementaire car elle a un effet sur les tiers :

  • CE 1993 CAYZELLE 

Un usager est admis à contester une clause tarifaire. La thèse de l’acte mixte doit beaucoup à Raymond Odent qui postule que le cahier des charges de la concession est un acte mixte.

Il est à la fois contractuel et réglementaire.

Il explique qu’il est réglementaire dans tous les rapports qui existent entre les usagers dont la satisfaction des besoins est l’objet même du SP. A la suite d’Odent, la jurisprudence administrative tient compte de cette nature mixte de la concession de SP :

  • Pour les clauses réglementaires, le REP est ouvert
  • Pour les clauses contractuelles, le CE traite le contrat de concession comme un contrat administratif.

En cas de discussion sur le contenu des clauses, même en matière de concession, le juge s’en tient à la commune intention des parties. Par exemple : cas où les tiers ont obtenu l’annulation d’une clause réglementaire. La question était double :

  • Quels effets l’annulation de la clause réglementaire pouvait provoquer sur le contrat ?
  • Dans quelle mesure le tiers pouvait attaquer une clause réglementaire dès lors que l’annulation de la clause provoquerait l’annulation ou l’invalidité du contrat ?

La CAA de Marseille avait retenue une interprétation restrictive de l’arrêt « cayselle ». En effet, le REP est ouvert contre les clauses règlementaire à condition que cette annulation de la clause réglementaire n’ait pas d’effet sur l’ensemble du contrat : la clause devait être divisible.

  • CAA 2006 COMPAGNIE MARITIME D’EXPLOITATION

La CAA juge que l’on ne pouvait pas attaquer une clause tarifaire, bien que réglementaire, parce que l’annulation de la clause aurait fait tomber le contrat en entier.

Les conditions de validité des contrats des personnes publiques .
Cette jurisprudence était restrictive ce pourquoi elle a été cassée par le CE dans l’arrêt de 2009.

  • CE 2009 ASSOCIATION ALCALY

Les clauses réglementaires d’un contrat sont par nature divisibles de l’ensemble du contrat. On n’a pas à se poser la question des effets de la clause réglementaire sur le contrat. Elles peuvent faire l’objet d’un REP sans que cela entraîne l’invalidité du contrat. C’est l’équilibre financier du contrat qui dépend de cette clause tarifaire. Dans cette affaire, le CE considère que le contrat doit survivre à la clause, quitte à ce que les parties renégocient le contrat ou que le juge puisse sauvegarder le contrat.

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !