C'est l'une des grandes particularités de la Convention EDH que d'organiser la protection des droits fondamentaux d'une façon profondément originale qui modifie complètement l'appréhension que l'on peut avoir dans le droit des libertés fondamentales des relations entre les individus d'un côté et le Pouvoir susceptible de porter atteinte à l'exercice de ces droits.

Tout repose sur ces point  de départ qu'est le principe de subsidiarité.

Très tôt la Cour EDH l'a indiqué Handyside (CEDh,1976) : le mécanisme de garantie de la Convention EDH revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de contrôle.

Conséquences:

  • au plan procédural : le juge de la Convention avant toute autre chose, c'est le juge national. L'intervention du mécanisme de contrôle ne saurait être qu'un palliatif. Cela explique que + de 9 recours sur 10 sont irrecevables. Le droit de la Convention EDH n'est pas un 3ème niveau, il est seulement censé récupérer les erreurs; l'immense majorité étant réglé par le droit interne
  • au plan matériel : par définition, le droit de la Convention ne constitue qu'un minimum. Il permet d'instaurer des règles + favorables ou de les conserver ce qui démontre bien que le droit de la Convention EDH n'a pas vocation à uniformiser les droits nationaux.

Cela veut donc dire que l'autonomie des États-membres demeure la règle.

La Cour EDH vérifie le résultat mais laisse libres les États de choisir les moyens

→ Subsidiarité en ce qui concerne la prise en compte des intérêts de la collectivité.

Il appartient aux Etats d'aménager comme ils l'entendent le régime juridique des droits contenus dans la Convention.

Le droit de la CEDH a modifié le regard que nous posons sur cette éternel rapport de force qui existe envers et contre tout entre le Pouvoir et l'individu car 2 idées vont incontestablement s'imposer à l'esprit.
Cela veut dire que chaque société demeure libre (au moins en apparence) des grands équilibres qu'elle entend établir entre l'individu et le corps social.

Il faudra que l'intervention de la personne publique (= cette ingérence) dans l'exercice du droit soit proportionnée.

Limite: dans un certain nombre de cas, la Convention va proclamer des droits dont le caractère est intangible, absolu ce qui veut donc dire qu'aucune violation de ces droits n'est admissible.

→ Droits très importants:

  • 2: droit à la vie
  • 3: torture, traitements inhumains et dégradants
  • 4: interdiction de l'esclavage et des travaux forcés
  • 7: non rétroactivité de la loi pénale
  • 4 protocole 7: impossibilité d'être jugé 2 fois pour les mêmes faits

A l'opposé, la Convention EDH  garantie tous les autres droits en acceptant et en organisant d'éventuelles restrictions à l'exercice de ces droits.

→ Mérite de la Convention EDH : nous ramener à l'essentiel, ce que l'on avait surement perdu de vue.

Jurisprudences : quand on expulse un étranger (= arrêté d'expulsion), le juge administratif dit qu'il ne peut invoquer le droit à mener une vie familiale normale car c'est l'OP qui prévaut. C'est pour le moins curieux car c'est le même juge administratif qui a découvert le PGD du droit à mener une vie familiale normale dans l'arrêt Gisti.

Il faut attendre 10 ans: CEDH, 1992, Beldjoudi: le REP n'est pas une voie de droit permettant d'être un recours effectif.

Le juge administratif pèse d'un côté l'intérêt de la société, l'OP et de l'autre l'intérêt de la personne à vivre avec sa femme et ses enfants, de ne pas être déraciner. Le juge administratif a très souvent procédé à l'annulation d'arrêté d'expulsion depuis qu'il a changé sa jurisprudence.

Par nature, le juge administratif était fermé. Ce n'est pas seulement un accident jurisprudentiel, c'est la représentation du monde que se fait le juge administratif. Pour lui, la société primait sur l'individu.

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C'est parti

Contournement de la logique nombriliste de droit interne

Le droit de la Convention EDH est venue réveiller le juge et le droit interne, enfermé dans sa logique nombriliste de droit interne.

A compter de l'instant où on met en perspective les droits de la collectivité et les droits de l'étranger, il faut raisonner de manière très concrète, rendre des solutions au cas par cas.

On ne peut plus se permettre de raisonner de façon abstraite: LES étrangers; il s'agit d'un étranger, un Monsieur avec une situation concrète...

La jurisprudence européenne est quelque chose de vivant car systématiquement, la balance ne s'articule pas de la même manière, la règle de droit change.

Ce droit de la Convention EDH est abonné au revirement de jurisprudence.

Dynamitée également sur le terrain matériel: des évolutions majeures de la protection des droits fondamentaux sont directement imputables à ce texte (abolition peine capitale, protection de la vie privée et familiale mais aussi et surtout enrichissement extraordinaires du fond même du droit).
Sur la question homosexuelle, à droit constant, les décisions rendues en 1980 sont fondamentalement différentes de celles rendues aujourd'hui.

→ Ce qui a changé c'est la grille d'évaluation. Cela est spécifique au droit de la Convention EDH.

Royaume-Uni condamné par la CEDH pour ses dispositions érigeant l'homosexualité masculine en infraction.

Il faudra attendre une 20aine d'années pour que des Etats sous influence britannique se voit appliquer les mêmes solutions en Europe du Sud (ex: Chypre).

La société qui est autour n'a absolument pas le même type de réprobation.

Le rapport entre l'intérêt de chacun et l'intérêt du corps social est l'élément le + intéressant et le + déterminant

L'organisation des ingérences au droits garantis: grille de lecture à peu près identique dans tous les cas.

Dès lors que l'art. en jeu n'est pas protégé de façon absolue, c'est la même chose.

→ L'ingérence doit être prévue par la loi → la prévisibilité. Cela nous renvoie à toute une série d'arguments:

  • principe: liberté et quand on l'est moins c'est parce qu'une règle de droit le prévoit. Tout droit être organisé par le droit → principe fondamental

La Cour ne s'arrête pas là, il faut que la loi présente un certain nombres d'exigences:

  • la loi doit exister → lecture très simpliste de la loi par la Cour EDH → cela fait voler en éclat tous les moyens de défense qui seront opposés mais qui ne sont pas en vérité des lois. La base légale implique 2 conditions: être prévisible et être accessible aux citoyens. C'est un élément qui est à la fois critiquable et à la fois magnifique de simplicité.

Critiquable : on ne peut essayer d'établir un même cadre de mesure s'appliquant pour toutes les lois et pour tous les domaines car c'est domaines par domaines qu'il faut juge.

La Cour sera + ou – exigeante selon le domaine en cause mais parfois la Cour est pragmatique car même si la loi est complexe, le client a un avocat donc il bénéficie de conseils éclairés. Aussi, la jurisprudence fait partie de la loi mais elle en marque aussi les limites.

La jurisprudence Kruslin et Uvig de la CEDH en 1990 engendre la rédaction d'un texte de loi donc si elle sanctionne sur la 1ère décision, elle refuse sur la 2nde

  • l'ingérence doit avoir un but légitime: exigence à la fois classique et à la fois presque révolutionnaire.

Classique car c'est ce que l'on appelle la clause d'OP càd que dans toutes sociétés, depuis toujours, un certain nombres de motifs transcendent la protection des libertés fondamentales, l'organisation de la vie sociale.

Parfois viennent s'ajouter des considérations spécifiques à la matière.

Il y a là toutes une batterie d'arguments.

Seule précaution prise par la CEDH: art. 18: elle interdit l'abus de droit càd l'interdiction de l'utilisation de la Convention et une clause de la Convention pour en détourner le sens de manière à obtenir un résultat qui, autrement, n'aurait pas pu être atteint.

Rapport classique: ingérence d'un côté et nécessité d'un motif de l'autre

  • tout se joue sur ce 3ème élément: la mesure contestée doit être « nécessaire dans une société démocratique ». Il faut d'abord arriver à identifier la signification de chacun des termes puis, il n'est pas possible d'automatiser la réponse donc apparaît ici la marge nationale d'appréciation.

La mesure doit être nécessaire dans une société démocratique: c'est la jurisprudence qui affirme les composantes de ce qu'est une société démocratique.

Pour la Cour, une société démocratique c'est une société où règne le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture.

On s'aperçoit bien longtemps après que c'est en s'appuyant sur ces termes là que la Cour EDH développe des jurisprudences anodines à priori mais fondées sur ces 3 champs.

La Cour s'éloigne donc de la morale, la religion, valeurs qui structuraient la vie sociale du droit interne des pays occidentaux.

Mais jusqu'où vont la tolérance et le pluralisme?

Doit-on accepter l'expression d'idées qui clairement se veulent incitant à la violence ou meurtre?

Non c'est d'ailleurs pour cela que certains partis ou groupes politiques ont pu être interdits dans certains pays; interdictions avalisées par la Cour EDH.

Il peut y avoir des interdictions dans une société démocratique ou des affirmations.

La question est de savoir si on doit laisser à l'Etat une marge nationale d'appréciation? Cette question est délicate et controversée:

  • délicate parce qu'elle donne le sentiment que le caractère contraignant de la Convention EDH pourrait apparaître comme étant à géométrie variable. Cela peut apparaître comme contradictoire (obéir puis ensuite tolérance) de prétendre contraindre les Etats et en même temps de leur restituer une capacité d'appréciation dans le champ des droits couverts par la Convention. Cela n'est pas évident techniquement
  • controversée car restituer ou consentir ou accepter que les Etats disposent d'une telle marche d'appréciation c'est introduire une comparaison des Etats les uns par rapport aux autres. C'est tourner le dos à l'uniformisation que l'on pouvait espérer. Cela peut même créer des tensions.

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La marge nationale d'appréciation

Il faut définir le degré, l'étendue de la compatibilité qui doit exister entre la Convention EDH et les mesures nationales.

Autrement dit, peut-on, faut-il, jusqu'où faut-il restreindre le pouvoir discrétionnaire des Etats lorsqu'ils évaluent eux-mêmes dans une société démocratique l'ingérence dans le droit de la Convention EDH.

Jusqu'à quel degré cette nécessité réclame que l'on entame le pouvoir discrétionnaire.

Cela signifie que la vision de la Cour EDH de la marge d'appréciation a un fondement.

Pour quelle raison faut-il reconnaître aux Etats une marge d'appréciation?

La Cour EDH est caractérisée par la subsidiarité: c'est avant tout aux Etats-membres de garantir les droits fondamentaux.

A l'instant où l'on reconnaît aux Etats la possibilité d'apprécier, on exprime le principe de subsidiarité.

C'est d'abord aux états et à eux seuls qu'il importe d'apporter la réponse la plus adéquate qu'il soit et ceci avant même que la Cour le fasse ou soit tentée de le faire.

Ce sont les autorités nationales qui sont le mieux à même car elles ont la meilleure connaissance des circonstances de fait ou de droit de se prononcer sur les besoins du corps social et donc sur les éventuelles restrictions qui peuvent être apportés à des droits garantis.

Ce sont les dispositions du droit interne et les appréciations des autorités nationales qui vont pouvoir déterminer la nature et l'intensité de la mesure à prendre pour concilier les droits de l'individu et ceux du corps social.

C'est ce qui explique l'auto-limitation de la part de la CEDH considérant qu'à priori, c'est d'abord à l'Etat de s'assurer que les droits garantis par la Convention sont bien respectés. Mais, même s'il existe, ce pouvoir discrétionnaire reconnu à l'Etat au nom de la subsidiarité fait évidemment l'objet d'un contrôle.

Plus la marge d'appréciation est grande, plus le contrôle est grand.

La jurisprudence européenne va soit souligner un certain nombre de réalités, de particularismes locaux pour arrêter son contrôle ou pour l'établir.

  • CEDH, 2003, Murphy c/ Irlande: peut-on interdire les publicités pour l'Église? En Irlande, les relations Eglise/Etat sont fortes.
  • CEDH, 1982, Campbell: châtiment corporel dans les écoles écossaises.

Parfois le juge est bien obligé de reconnaître qu'il n'y a pas de consensus, pas de notion uniforme de la morale, de la place de la religion dans la société...

→ Application variable de la règle donc approche pas uniforme du problème appréhendé par la Cour EDH donc les Etats-membres gardent les commandes.

Le jour où la Cour EDH saura, elle reprendra la main. Il ne s'agit pas du tout de fixer la limite, c'est à longueur de temps en train de bouger: homosexualité: mariage, enfants...

Tout le monde sent très bien qu'en réalité, on a besoin des solutions du juge européen pour progresser.

Les sociétés nationales sont souvent incapables de dépasser leur blocage historique, culturel, religieux... et la CEDH les aide à faire cela.

→ Jurisprudence très complexe qui doit sans cesse composer entre le frein et l'accélérateur. Même à l'intérieur de certaines questions, elle est amenée à effectuer des distinctions que seules des spécialistes pourront comprendre.

C'est quelque chose de tellement pointu que le même droit ne sera pas évalué de la même manière en fonction de la menace qui pèse.

La théorie de la marge nationale d'appréciation est un outil de régulation qui est amené à évoluer en permanence quitte à subir des critiques càd quitte à ce que l'on dise que la jurisprudence va toujours dans la même direction: restreindre progressivement la marge nationale d'appréciation.

/! le juge n'est pas le législateur donc à vouloir systématiquement s'occuper des affaires des autres, il devient acteur. Ce n'est pas au juge européen de devenir l'acteur principal de l'uniformisation du droit en Europe.

/! la marge nationale d'appréciation demeure la limite incompressible que le juge européen ne doit pas franchir sous peine de porter atteinte à la subsidiarité.

Bien évidemment, la Convention EDH contient une clause de dérogation aux droits de l'Homme.

Indépendamment, de l'existence de ces catégories de droits, l'art. 15 CEDH dispose qu'en cas de guerre, de danger menaçant la vie de la Nation, l'Etat peut déroger aux droits garantis sous couvert de respecter un certain nombre d'obligations procédurales, de ne jamais porter atteinte aux art. 2 (droit à la vie sauf décès résultant d'actes de guerre), art. 3 (torture ou traitements inhumains ou dégradants), art. 4 (esclavage et travail forcé), art. 7 (non rétroactivité de la loi pénale).

La CEDH va s'assurer que les droits ainsi touchés le sont dans des conditions acceptables càd vérifier les motifs de la mesure dérogatoire, le caractère nécessaire ou pas de ces mesures dérogatoires, l'objet de ces mesures dérogatoires.

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !