Chapitres
Elle fut l’un des plus grands écrivains du XXe siècle et la première femme à être reçue à l’Académie française. Son œuvre portait pourtant toutes les révolutions : adepte d’une spiritualité ouverte, elle fut aussi une écologiste avant l’heure et affichait son homosexualité féminine. Portrait d’un être d’exception.
L'enfance de Yourcenar
Marguerite de Crayencour (Yourcenar est l’anagramme de ce nom) naît le 8 juin 1903 à Bruxelles. Quelques jours plus tard, sa mère meurt en souhaitant que sa fille entre au couvent. Pieux désir qui, heureusement, n’a pas été suivi : on voit mal une mère-abbesse en train d’écrire Les Mémoires d’Hadrien... Monsieur de Crayencour décide de confier sa petite fille à des gouvernantes. Elle passe une première enfance dans la propriété du Mont-Noir, une colline que la guerre de 1914-1918 ravage. Cette guerre force le père et la fille à se réfugier à Londres, puis à Paris. Latiniste distingué et amateur d’antiquités, Monsieur de Crayencour voit, avec plaisir, que sa fille partage ses goûts. Elle est élevée à l’ancienne, n’allant pas au collège et ne recevant que des leçons particulières. À dix-sept ans, elle passe brillamment son baccalauréat à Aix-en-Provence. À dix-huit ans, elle écrit son premier livre sur Pindare.
Les années sagement folles
Marguerite Yourcenar passe les années folles à visiter l’Europe et ses musées. En 1930, elle cède à sa passion pour la Grèce où elle vit pendant un an, écrivant presque coup sur coup : La Nouvelle Eurydice (1931), Denier du rêve (1934) et La Mort conduit l’attelage (1934). En 1934, elle commence des recherches autour de ce personnage qui l’attire irrésistiblement et qui sera le grand homme de sa vie : l’empereur Hadrien. La drôle de guerre surprend Marguerite Yourcenar aux États-Unis. Pendant quelques temps, elle donne des cours de littérature comparée au collège Sarah Lawrence, près de New York. Mais en 1947, elle renonce au professorat et se retire dans une île de l’État du Maine, l’île des Monts-Déserts avec sa compagne, et traductrice, Grace Fricks. À quarante-quatre ans, Marguerite Yourcenar fait retraite. Une retraite active qu’elle consacre à cet Hadrien qui ne cesse de la hanter.
La question de l'homosexualité
Les Mémoires d'Hadrien
Quand les Mémoires d’Hadrien paraissent en 1951, le succès est immédiat et immense. En ce début des années cinquante, une France coincée se décoince un peu en lisant le récit de la passion d’Hadrien pour le jeune Antoninus, et des phrases comme « ce beau lévrier avide de caresses et d’ordre se coucha sur ma vie », montrèrent, ou plutôt démontrèrent que l’on pouvait être à la fois un grand empereur et un grand amoureux puisant sa force dans un amour qui osait enfin dire son nom. Si à la fin du 20ème siècle, l’homosexualité n’est plus vilipendée et punie comme elle l’était encore en France dans les années cinquante, c’est en partie à Yourcenar et à son Hadrien qu’on le doit.
L'Oeuvre au noir
L’Œuvre au noir a poursuivi ce lent travail de libération des esprits. Zénon est, avant tout, un homme libre et même l’homme de toutes les libertés. Zénon peut faire sienne la phrase qui va fleurir sur les murs de Paris : « Il est interdit d’interdire », puisque sa parution coïncide exactement avec les événements de mai 68. Le 11 mai 1968, quand elle arriva chez Nathalie Barney qui donnait une fête en l’honneur de cet Œuvre au noir, Marguerite Yourcenar ne cacha pas son contentement d’avoir lu sur les murs : « Soyez réalistes, demandez l’impossible », ou encore « Les réserves imposées au plaisir excitent le plaisir de vivre sans réserve ». Phrases dont les germes sont déjà contenus dans Feux, paru en 1936, ou dans Nouvelles orientales, publié en 1938. Dans L’Œuvre au noir, Yourcenar n’enseignait pas seulement la liberté, mais ouvrait la porte à l’ésotérisme et aux sciences occultes qui, depuis, ont connu la vogue que l’on sait. La phrase de Zénon : « Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait le tour de sa prison ? », a donné naissance à bien des voyages intérieurs.
La conscience écologiste
Yourcenar se révèle un maître en écologie, et cela à une époque où l’écologie provoquait plus de moquerie que d’approbation. Elle a inlassablement combattu pour que chacun prenne conscience des dangers qui menaçaient notre monde, et particulièrement son insupportable déforestation. Le 1er mai 1980, Yourcenar écrivait :
Ce que je fais pour les arbres ? Essayer de les faire aimer aux gens quand j’en parle dans mes livres, en voir le plus possible et en planter aussi souvent que je puis. Mais l’idée que nos livres sont faits de pulpe d’arbres me fait mal.
Le Labyrinthe du monde
Elue à l'Académie française le 6 mars 1980, Marguerite Yourcenar devient la première femme à intégrer cette institution. Dans un poignant discours, elle dénonce ce manque de parité et rend hommage à toutes ces femmes de l'homme. En 1981, elle poursuit son parcours initiatique avec Mishima ou la vision du vide. Et ses mémoires en trois volumes : Souvenirs pieux, Archives du Nord, et Quoi ? l’éternité, réunis sous le titre explicite de Le Labyrinthe du monde, peuvent être considérés comme une quête d’un Graal très personnel qui, dans les années quatre-vingt, aura provoqué bien d’autres quêtes. Vous cherchez des cours de français ?
Yourcenar, au fil de conversations...
Marguerite Yourcenar s'est exprimée sur de nombreux sujets. Auteure prolifique, elle s'intéressait tant à l'Histoire qu'aux religions, à la musique et à la philosophie.
Bouddha
Peu de gens ont vu que les expériences de Zénon dans le chapitre central de L’Œuvre au noir,“L’abîme”, étaient des expériences bouddhiques. Ce sont les Grecs qui ont inventé l’image du Bouddha. Avant la venue d’Alexandre aux Indes, on représentait le Bouddha par un parasol d’honneur, et il y avait quelque chose de beau dans une aussi complète démission. Dans les bouddhas gréco-hindous, il y a de l’intellectualisme, la grave sensualité des Grecs, et, en plus, cette sérénité d’un autre monde qui dépasse les émotions personnelles.
Beethoven
Il y a une très belle phrase d’une personne que l’on connaît peu, Jenny de Vasson, une Berrichonne morte à quarante ans et qui a écrit dans ses cahiers intimes : “Comme il devait être seul, Beethoven, n’ayant pour le comprendre que nous, qui n’étions pas encore nés.” Cette phrase m’émeut jusqu’aux larmes.
La vieillesse
Cette érosion par la vie et cette lente condensation qu’est la vieillesse me fascinent. La vie est un phénomène très lent. Plus je vais, plus j’ai l’impression que, sans tomber en enfance, je retrouve une réalité de base, celle de mes cinq ans.
La liberté
Une partie de la vie se passe à acquérir, sou par sou, cette liberté dont on croyait, à vingt ans, posséder d’emblée le total. À soixante ans, on a encore tout à apprendre. À quatre-vingt-dix ans aussi, je suppose.
Les majuscules
Les majuscules sur des mots abstraits sont souvent des panaches sur le vide.
Conseils de lecture
1990 | Marguerite Yourcenar : l'invention d'une vie, Josyane Savigneau (Gallimard) |
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1995 | Vous, Marguerite Yourcenar : la passion et ses masques, Michèle Sarde (Laffont) |
1998 | Yourcenar, Qu'il eût été fade d'être heureux, Michèle Goslar (Bruxelles, Racine) |
Si nous n’avez jamais rien lu de Yourcenar, commencez par Mémoires d’Hadrien.
Puis continuez avec L’Œuvre au noir. Poursuivez avec les trois volumes composant Le Labyrinthe du monde. Terminez avec Mishima ou la Vision du vide.
On peut trouver ces six livres en Folio-Gallimard ainsi que Lettres à ses amis et quelques autres, premier volume d’une correspondance qui se révèle riche en enseignements divers et en pensées profondes. Si vous voulez en savoir plus, lisez l’excellente biographie de Josyane Savigneau, Marguerite Yourcenar (Folio-Gallimard).
Voyez tout cela en cours de français.
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Avec quel autre texte de la section spleen & idéal pouvons-nous faire un parallèle?
Avec quoi voulez vous faire un parallèle ? Avec la vie de Marguerite Yourcenar ?
Bonne journée
cse sitte et vrémen tro bien, je suis sure d’avoire mon BAC meintenent 🙂
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