Chapitres
Les fusillés de Chateaubriant
De
Guy-René Cadou
Les fusillés de Chateaubriant
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel,
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandation à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.
René Guy Cadou
Vocabulaire
- Surréalisme : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale.
- Quintil : Strophe de 5 vers
- Strophe : Désigne un paragraphe en poésie
- Enjambement : Le fait qu'un vers se poursuive dans le vers suivant
Auteur
René Guy Cadou est un poète français, né le 15 février 1920 à Sainte-Reine-de-Bretagne en Loire-Atlantique (alors Loire-Inférieure) et décédé le 20 mars 1951 à 31 ans à Louisfert, également en Loire-Atlantique. Il s'est marié à Hélène Cadou, qui est également poète, en 1946. Son enfance fut bouleversée par la mort de Sa mère le 30 mai 1932. Il a fait ses études secondaires à Nantes, et il y fréquenta les poètes Max Jacob, Pierre Reverdy et Michel Manoll.
Présentation
Les fusillés de Chateaubriant est un des poèmes les plus connus du recueil « Pleine poitrine » parut en 1946. Les fusillés de Chateaubriant est un poème Pleine poitrine traite principalement des exactions commises pendant la seconde guerre mondiale.
Contexte
Le 20 octobre 1941, l'officier allemand Karl Hotz a été abattu à Nantes, rue François Albert par Gilbert Brustlein par un commando communiste. Ce militaire, ingénieur de formation, né à Wertheim en 1877. En représailles, le 22 octobre 1941, Hitler fait fusiller 48 otages du Camp de prisonniers de Choisel. Ils sont exécutés à Châteaubriant (27 d'entre eux), Paris et Nantes. La stèle de la Place des 50 Otages a été érigée en leur mémoire.
Le 22 octobre 1941, trois camions bâchés roulent vers la Sablière de Châteaubriant, transportant les 27 otages qui seront fusillés quelques instants plus tard : l’instituteur Cadou rejoint alors en vélo l’école du village où il enseigne et croise le chemin des otages. Les poèmes de « Pleine Poitrine » s’ancreront sur cet épisode terrible de la barbarie nazie, pour revendiquer dans ce ton si personnel de la poésie de Cadou, la liberté, l’amour, la fraternité des hommes…
Description
Forme
Ce poème est composé de 25 vers libres. Il n'est pas ponctué
Évocation de l'exécution ou reconstitution de l'exécution
Répétition de "ils" : les fusillés ne sont pas nommés, "une trentaine" : groupe indéfini d'hommes anonymes.
"Ils sont appuyés contre le ciel": le ciel représente ici la mort qui est proche, ils sont près à basculer dans l'autre monde : la mort. Il y a sûrement une vie après la mort.
"Ils ne se quitteront jamais plus" : fraternité, solidarité face à la mort. Le futur représente la certitude.
Les exécutés du poème de Cadou représentent toutes les personnes exécutées parce qu'elles combattaient pour leurs idées. L'auteur veut rendre hommage à tous les exécutés innocents. Il est leur porte-parole.
"Toute la vie derrière eux" : image, périphrase.
Partir : euphémisme qui signifie mourir. Vers 12 : "tout est fini", vers 14 : "mourir", vers 13 et 14 : enjambement.
"Vont les tuer" : futur proche, la mort est face à eux.
L'auteur n'a pas peur de cette mort mais est indigné par cette façon de mourir.
Présence de la vie
Vers 4 : "épaule" : soutien, fraternité, elle est faite pour donner de l'amour aux autres, pour s'appuyer. Ces êtres sont pleins de vie, d’amour,"épaule" : valeur symbolique.
Leur univers est simple, ancré dans le réel.
"Exact au rendez-vous" : rendez-vous avec la mort. Cela représente le côté tragique du destin.
Paradoxe de la vie car le thème du poème est la mort. Il n'y a plus de lyrisme individuel, mais un sentiment collectif.
Un poème engagé
Vers 13 : cette mort leur donne une certaine supériorité.
Vers 15 : ils meurent pour leurs idées.
Vers 19 : ils chantent la liberté, le poème fait revivre leurs chants.
Valeurs principales : liberté, solidarité, fraternité, égalité.
Le poème fait revivre leur mémoire.
Interprétation
René Guy Cadou, grâce au poème, fait passer des idées et valeurs humanistes fondamentales. La représentation de la mort montre la supériorité des martyres qui ont combattu pour la liberté, pour que leurs idées soient reconnues. Le poète rapporte la mémoire de ces innocents exécutés pour leurs idées d'égalité et de liberté. Le poète veut d’abord nous faire ressentir l’intensité émotionnelle de cette scène. Il nous montre sa proximité avec les jeunes résistants. Il veut que vivent la mémoire de ces hommes et surtout les divers messages que porte leur sacrifice.
Exemple d'un paragraphe argumentatif qui reprend le poème de René-Guy Cadou
La seconde guerre mondiale vient d'être perdue par les français. Les français signent l'armistice en juin 1940. Le général de Gaulle appelle les français à résister contre l'occupant allemand. En juin 1941, l'Allemagne attaque l'URSS ; le parti communisme commence à entrer en résistance dans toute l'Europe. En août 1941, c'est le premier attentat français contre un officier allemand (par le Colonel Fabien). L'Allemagne réagit en mettant tous les prisonniers comme des otages. Le 2 octobre 1941, un autre attentat est commis. Les Allemands en représailles décident de tuer 50 otages. L’Allemagne décide de tuer 50 personnes de plus si ils ne retrouvent pas les assassins avant le 22 octobre 1941. Il n'y aura que 48 morts dont 27 du camp de Chateaubriant. Ils sont tués dans la Sablière, dont un jeune de 17 ans ; Guy Moquet. L’auteur René-Guy Cadou voit 3 corps mis dans le cimetière de son village.
Les fusillés de Chateaubriant est un poème du recueil « Pleine poitrine ». Il a été publié en 1946, et c'est un poème en vers libres. Le poème raconte un court moment avant, pendant ou après la fusillade ou la salve. On décrit des hommes alignés, debout, chantant, pensant et décrivant leur ultime message. C'est donc un poème narratif. René-Guy Cadou nous change de lecteur en spectateur du crime. Il utilise pour cela un présent intemporel. Les pensées de personnes sont individualises, une rupture avec le reste du poème qui est collectif. Le lecteur-spectateur peut imaginer leurs pensées. C'est une dimension pathétique, un souvenir d'enfance ou un moment entre amis. Un message est dégagée de ce poème par les fusillés. Ce message est de portée universelle, grâce au présent de vérité générale avec des déterminants à valeur générale, eux aussi (tout, toute la mort). Un autre message est paradoxal avec « pourtant », avec une pointe de modestie, de singularité de l'action de la mort. C'est pourtant un éloge des fusillés. Ils sont des super-humains, des humains célestes (il n'y a pas d'attache terrestre, on ne perçoit pas d'image du lieu). Cette supériorité est crée par une solidarité collective ; par leur meurtre, avec une absence de haine envers les bourreaux ; par leur modestie.
On perçoit dans ce poème une vision des meurtres de personnes innocentes, des vies envolées dans le ciel pour tout jamais. Ils sont morts et ils n’ont pas d'haine et n'ont pas peur de la mort. Ils ne sont pas seuls, il y a les Allemands. Ils n'ont pas peur de la mort, de tuer. Le spectateur est plus attentif à leur mort qu’eux même. Ce sont des martyrs, des innocents, mais ils subissent en chantant. Les fusillés sont sur le mont « Golgotha ».
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