Chapitres
A l'aube du XVII ème siècle, les lecteurs espagnols ne s'identifient plus au héros chevaleresque car les naïvetés et les incohérences que propose les romans de chevalerie ne séduisent plus. Ils préfèrent les rêveries des pastorales et les réalités du roman picaresque. Pris entre ces deux extrêmes (réalité et idéal), Don Quichotte propose un jeu sans fin, entre deux interprétations du monde : celle de la raison et celle de la folie. Dans cette œuvre, nous étudierons le chapitre 8 qui présente la première aventure de Don Quichotte lors de sa deuxième sortie. C'est d'ailleurs l'histoire la plus célèbre car c'est la plus représentative. Nous pouvons alors nous demander quels sont les registres ici utilisés ? [LECTURE] Dans un premier temps, nous verrons que l'auteur utilise le registre épique et dans un deuxième temps que nous pouvons observer le registre parodique.
Le registre épique
Le registre épique = registre qui met en scène des héros hors du commun, en prise à des situations extraordinaires.
Un épisode chevaleresque
_ structure du passage qui répète la structure des romans de chevalerie :
- une rencontre inopinée : l. 1
- un défi l. 27
- appel à la dame l. 34
- début du combat l. 36
- chute d'un des deux adversaires l. 40
_ présence d'un acte de bravoure :
- inégalité du combat : de part le nombre « trente ou quelques peu plus » (l. 5)
- inégalité par la taille : « démesurés géants » (l. 6)
- conscience du danger : il s'oppose à Sancho Pança qui a « peur » (l. 18) et aux géants qu'il dit « couardes » (l .285) = lâches.
_ simplification des personnages bien typés :
- « les méchants » : « mauvaise semence » (l. 9), « couardes et viles créatures » (l. 28)
- « les gentils » : Don Quichotte rend un « grand service à Dieu » (l. 9), c'est une « bonne guerre » (l. 8).
Une démesure épique
_ oxymore l. 8 « bonne guerre »
I valorise son combat
_ hyperbole l. 6 « démesurés géants »
I rend extraordinaire l'épisode
_ hyperbole l. 20 « furieuse et inégale bataille »
_ hyperbole l. 12 « douze lieues »
_ comparaison l. 31-32 « plus de bras que ceux du géants Briarée »
I il propose une représentation dramatique, sur-dimensionnée de la situation.
_ redondance l. 28 « couardes et viles créatures »
A une démesure épique dans le discours de Don Quichotte, répond une démesure parodique dans le discours du narrateur.
Le registre parodique
Le registre parodique = registre qui fait rire aux dépens d'une œuvre célèbre qu'on copie pour s'en moquer.
Une démesure parodique dans le discours du narrateur
_ abondance d'adjectifs qui indique l'intensité : « telle » (l. 38), « grands » (l. 36), « bonne espace » (l. 40).
I le narrateur montre la violence du combat, au moment où il s'arrête. C'est une amplification non pour montrer la bravoure du héros mais au contraire qu'il a trouvé beaucoup plus fort que lui.
_ abondance d'adjectifs dans le titre qui montrent l'importance de l'épisode : « beau », « valeureux », « épouvantable », « digne » et « heureux »
I humour du narrateur, décalage entre le titre et le contenu.
_ ordre des mots « cheval et chevalerie » (l. 40) : le cheval passe avant le chevalier.
I moquerie du narrateur.
La coexistence des deux interprétations
_ démonstration de Sancho Pança bien construite l. 12 à 16 s'opposant aux affirmations de Don Quichotte qui sont arbitraires : « je pense » (l. 6), « il paraît » (l. 16), « la fortune » (l. 3)
I Sancho incarne la raison , de même que le narrateur face à la folie.
_ couple de mots qui s'opposent :
- « géants » (l. 10) / « moulins à vent » (l. 14)
- « bras » (l. 11) / « ailes » (l 15)
I symbolise l'opposition entre folie et raison et entre récit et réalité, entre la bravoure et la couardise selon Don Quichotte et entre l'action et la parole.
_ interrogation de Sancho l. 10 : « quels géants ? »
I opposition entre la réalité et l'imagination.
Nous ne pouvons qu'admirer l'habileté de Cervantès qui réussit à utiliser le registre épique tout en faisant sourire le lecteur, puisqu'il joue aussi avec le registre parodique. L'interprétation de l'épisode est toujours ambivalente : faut-il se moquer ou avoir pitié de Don Quichotte ? Faut-il admirer l'idéal qu'il défend (c'est à dire que chacun est libre d'interpréter le monde comme il l'entend).
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