Avec le Léviathan de Hobbes, on a un monument de la pensée politique. S’agissant du contexte de cet ouvrage, il s’agit des guerres civiles anglaises. Ainsi, l’œuvre de Hobbes, pas seulement ce livre mais véritablement sa pensée, montre un nouveau savoir politique de manière à éclairer les hommes non seulement sur le fonctionnement de la société, de la politique, mais aussi sur la nécessité de l‘Etat et sur sa structure interne.

On a souvent dit à propos de Hobbes que sa philosophie qui était marquée par la peur.

En effet, dans Le béhémoth, Hobbes dit que le moment historique dans lequel il se situe représente sans aucun doute le moment le plus noir, le plus violent, le plus terrible de l’histoire de l’humanité . Il écrit ce sentiment de vivre à un moment inouï de l’extrême violence.

→ Penseur matérialiste, il construit une théorie de l'homme qui correspond à cette nouvelle mécanique.
→ Hobbes est un auteur qui tire toutes les conséquences et les apports du développement de la science de son temps (Copernic, Galilée).
Ainsi, il s’agit d’élaborer sur le plan théorique un savoir qui aurait des effets ou une utilité, une efficacité pratique et de ce point de vue ce n’est pas sans rappeler la perspective de machiavel qui voulait faire œuvre utile en s'adressant directement au prince. Là aussi, avec Hobbes, il y a une ambition ou une conviction très comparable parce qu’à la fin de la 2e partie du Léviathan (la 1ère partie traite de l’homme, la 2e partie de la république), Hobbes écrit la chose suivante : «ni Platon ni jusqu’ici aucun philosophe n’ont mis en ordre ou prouvé d’une façon adéquate [...] et je me remet à espérer qu’a un moment ou un autre mon présent travail pourrait tomber entre les mains d’un souverain». L’ambition du savoir théorique de Hobbes est pratique et ça a été le cas par la suite d’un certain nombre d’auteurs modernes comme Durkheim qui nous disait (dans la préface de sa thèse de doctorat sur la division du travail social) que la sociologie ne mériterait pas grand chose si elle ne devait avoir qu’un seul intérêt spéculatif car c’est un savoir efficace, pratique et traductible, un savoir qui devient action ou qui se constitue en savoir d’agir. Dans la lecture du Léviathan de Hobbes, nous partirons d’une remarque incidente faite par Leo Strauss : «s’il nous est permis d’appeler libéralisme la doctrine politique pour laquelle le fait fondamental réside dans les droits naturels de l’ordre par opposition à ses devoirs et pour laquelle la mission de l’Etat consiste à protéger ou à sauvegarder ces mêmes droits, il nous faut dire que le fondateur du libéralisme fut Hobbes». comment penser en même temps un théoricien de l’Etat absolu et un fondateur du libéralisme ? C'est un défi intellectuel. Jean Terrel (philosophe fr) a écrit un petit livre intitulé Les théories du parti social dans lequel il affirme que Hobbes a inventé la doctrine moderne du contrat social. Ainsi, pour lui, Hobbes est le premier théoricien de l'état de nature qui réalise une révolution au sein du droit naturel moderne en montrant que l'existence même de la souveraineté dépend entièrement des volontés humaines, que son essence est dépendante de ces volontés.

Machiavel nous avait déjà incités à penser la catégorie politique comme une catégorie autonome en nous mettant sur la voie qu'une société, pour qu'elle existe et se maintienne, nécessite une unité politique qui soit préservée par un pouvoir stable. C'est d'ailleurs à cela que Jean Bodin a ajouté, peu après, les prémisses d'une théorie de souveraineté.

Avec Hobbes, on a affaire à une théorie politique de plus grande ampleur, une théorie anthropologique au sens propre qu'il traite dans la 2e partie du Léviathan. Mais, de manière plus significative c’est dans la 3e partie qu’il est question de «république chrétienne» (royaume des ténèbres, mort, audelà) ce qui veut dire qu’au fond Hobbes écrit 380 pages sans jamais se soucier des questions religieuses.

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C'est parti

L'anthropologie hobbésienne

Pour comprendre, il faut s’imaginer quelqu'un qui (un peu comme les enfants qui veulent démonter leur jouer) met tout à plat.

Le Leviathan et les lois naturelles de Hobbes.
Ainsi, Hobbes considère que le mouvement de la pensée et de l’intelligence, doivent fonctionner de la même façon c’est à dire essayer de penser l’ordre politique, l’ordre humain, l’ordre social (anachronique) en mettant tous ces éléments à plat.
Finalement, les atomes qu’il aura à disposition seront les individus et il va tout remonter pour nous renseigner sur les rouages de l’ensemble et sur «ce qu’il faut savoir pour s’unir», autrement dit la préoccupation centrale est vraiment la désunion des hommes et la guerre. Comment procéder donc pour pouvoir coexister, pour pouvoir faire fonctionner l’ensemble de la machine qui est finalement la cité ? Il considère que c’est à travers cette opération de mise à plat et de reconstruction qu’il va nous enseigner les principes de «l'être ensemble», autrement dit de la politique. Ainsi, au départ, il va considérer les êtres humains à travers leur mouvement c’est à dire qu'il considère que c'est du mouvement que va naître la sensation d'appétit, de désir (bien) ou au contraire de haine, d'aversion, de répulsion (mal). Dans ce monde des corps physiques, rien n'est donc véritablement bien ou mal, bon en soi ou mauvais en soi car Hobbes va caractériser l'homme par son désir, luimême caractérisé par l'illimitation autrement dit rien n'interdit aux hommes de désirer à l'infini. Dans le chapitre 11 du Léviathan, il déclare : «je mets au premier rang à titre d’inclination générale de toute l’humanité, un désir perpétuel et sans trêve d’acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à la mort». Là, au fond, on voit que chaque individu se caractérise par un désir qui ne cesse jamais, qui vise évidemment un pouvoir de plus en plus grand, et ce désir porte sur la recherche de ce pouvoir accru. Cela veut dire que le désir vise le pouvoir et l’accroissement de ce pouvoir pour s'assurer de la capacité de posséder plus tard, dans l'avenir.

Autrement dit, c'est la recherche d'une garantie et Hobbes décrit ce désir avec une sorte d'inquiétude pour la jouissance non seulement du présent mais aussi de l'avenir.

Dans ce même chapitre 11, Hobbes parle de la félicité, du bonheur et déclare qu'elle est «une continuelle marche en avant du désir d’un objet à l’autre, la saisie du premier n’étant encore que la route qui mène au second». Autrement dit, il s’agit, pour les être humains, de s’assurer en permanence la route de leurs désirs futurs et on peut penser que ce désir hobbésien a quelque chose d'angoissant par rapport aux temps à venir, devant l'avenir. Ainsi, on peut imaginer que ce penchant universel du genre humain, ce désir d'acquérir, découle le plus souvent d'une très grande rivalité pour la richesse, l'honneur, le commandement ou bien d'autres puissances encore. Cela conduit alors à des formes de lutte, d'hostilité puis incidemment à la guerre et à partir de cette caractérisation Hobbes décrit une situation en relation avec l'anxiété de l'avenir, situation extrêmement instable faite de désirs et de rivalités incessants. Hobbes nous dit simplement qu'il faut caractériser les hommes par une anthropologie élémentaire, sur laquelle il s’étend un peu plus dans le chapitre 13 (tout à fait fondamental), intitulé «de la condition naturelle des hommes en ce qui concerne leur félicité et leur misère». Dans ce chapitre, il dit qu’en réalité il ne s’agit absolument pas, dans cette description assez cruel des hommes à l’état de nature, de considérer que les désirs et les autres passions de l’homme sont en tant que tels et pour eux-mêmes des péchés. Hobbes se rendait compte qu’une telle caractérisation de l’homme, supposé créé à l’image de dieu, ne pouvait pas passer facilement sans susciter de réactions fortes, et il disait que ces hommes incrédules n’avaient qu’à méditer leur propre expérience, réfléchir à ce qu’ils font eux mêmes. =>En bref, dans la fiction de l’état de nature, dans cette mise à plat de la cité, pour l’instant rien ne saurait être juste ou moral car nous sommes en deçà du bien et du mal. Aucune loi ne peut être faite tant que les hommes ne se sont pas entendu sur la personne qui doit les faire.

«La nature a fait des hommes si égaux quant aux facultés du corps et de l’esprit [...], néanmoins tout bien considéré la différence d’un homme à un autre n’est pas si différente»

L'égalité fondamentale

«Pour ce qui est de la force corporelle, l’homme le plus faible en a assez pour tuer l’homme le plus fort».

Hobbes introduit cette anthropologie égalitaire de manière négative c’est à dire qu'il y a égalité dans le risque qui surgit. Ainsi, le plus faible a toujours suffisamment de force pour tuer le plus fort dans l’état de nature c’est à dire l'éventualité face au risque perpétuel de mourir subitement Cette question de l’égalité fondamentale, Hobbes y revient plus tard dans le chap15 sur les lois de nature, à propos de l'orgueil, où il se demande quel est le sens de parler de la valeur des hommes à l’état de nature. Celui qui vaut le plus n’a rien à faire dans l’état de nature.

Un véritable monument de la pensée politique.
Dans l’état de nature, tous les hommes sont égaux, donc Hobbes se réfère à ce qu’il a écrit précédemment et argumente de manière plus fondamentale en critiquant Aristote.
En effet, chez les modernes, on a toujours ou souvent une polémique avec les anciens qui concevaient la théorie politique de manière inégalitaire.

=>Chapitre 15 : «je sais bien qu’Aristote, au livre 1er de sa Politique, pose comme fondement de sa doctrine que les hommes sont par nature les uns plus dignes de commander (il entendait les plus sages parmi lesquels il se rangeait dans sa qualité de philosophe), les autres de servir (il entendait de ceux qui avaient des corps vigoureux mais qui n’étaient pas comme lui des philosophes), comme si maitres et serviteurs ne tiraient pas leur origine du consentement des hommes mais bien d’une différence d’esprit, ce qui n’est pas seulement contraire à la raison mais aussi à l’expérience, car bien peut sont assez [....]. Si la nature a fait les hommes égaux, cette égalité doit tout simplement être reconnue, et si elle les a fait inégaux, étant donné que les hommes se jugeant égaux refuseront de conclure la paix si ce n’est sur un pied d’égalité, cette égalité doit néanmoins être admise».

Ici, Hobbes dit que si la nature a fait les hommes égaux alors il faut le reconnaître. Inversement, si la nature a fait les hommes inégaux alors il faut tenir compte d'une autre réalité, à savoir que les hommes se jugent égaux et refuseront donc de faire la paix autrement c’est à dire que pour passer des conventions ils vont se considérer comme égaux parce qu'ils savent que le plus faible des 2 a toujours les moyens de tuer l'autre.

Ainsi, soit c'est un fait, soit c'est une exigence de la construction de l'ordre politique que de les considérer comme égaux.

Ensuite, à partir de ce constat, Hobbes va considérer qu’il est raisonnable et rationnel que chacun reconnaisse autrui comme étant son égal par nature car on ne peut pas faire autrement et l'infraction à se précepte fondamental, pour lui, c'est l'orgueil (9e loi de nature). Ainsi, Hobbes nous situe dans une anthropologie égalitaire dans laquelle on risque de mourir à chaque instant et d'après lui il y a 3 principales sources de conflit :

  • La rivalité c’est à dire le fait de vouloir posséder matériellement davantage que l'autre. Effectivement, les hommes sont enclins à user de la violence pour se rendre maître de la personne d'autres hommes, femmes, enfants et de leurs biens.
  • La méfiance c’est à dire le fait de vouloir se sentir en sécurité. Les hommes usent de violence pour se défendre et défendre ses biens.
  • La fierté c’est à dire le fait de vouloir avoir la meilleure réputation. L'homme devient violent pour des bagatelles (un mot, un sourire, une opinion dissidente) qui le mésestime.

Autrement dit, avec ces trois sources de conflit, on comprend que la vie dans l’état de nature est une vie extraordinairement pénible, dangereuse à chaque instant. Dans cet état de nature, la situation se caractérise par ce que Hobbes désigne comme étant «le pire de tout» à savoir la crainte et le risque continuel d'une mort violente et dans ce contexte là «la vie de l'homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale et brève». Hobbes ajoute que «la nature de l’état de la guerre ne consiste pas dans un combat effectif mais dans une disposition avérée allant dans ce sens aussi longtemps qu’il n’y a pas l’assurance du contraire». Les hommes vivent sans un pouvoir qui les tienne tous en respect c’est à dire un état pré-politique. Ainsi, pour sortir de l’état de guerre il faut sortir de l’état de nature et construire rationnellement quelque chose qui empêche les hommes de se faire la guerre. =>Cf. La Boétie : la chaîne de la servitude = figement temporaire + détemporalisation.

L'état de nature

Chez tous les grands philosophes, il y a toujours une dimension politique, même lorsque cette dimension prend relativement peu de place. Par exemple, chez Kant, la dimension politique semble plus que secondaire parce qu’on a essentielle la critique de la raison pure, la critique de la faculté de juger, la critique de la raison pratique, etc. Ainsi, ces textes proprement politiques sont des opuscules tout à fait cruciaux pour la philosophie politique et Hobbes est un auteur majeur, le Léviathan étant un monument dans l’histoire des idées politiques.

La fiction de l'état de nature

Nous avions dit que l’état de nature est une fiction, un instrument de pensée que Hobbes se donnait pour mettre à plat le fonctionnement de la cité. Ainsi, il renforçait l'idée que la pensée ne peut rien comprendre si ce n'est ce qu'elle est capable de faire surgir devant elle comme un objet propre, c’est à dire constituer cette cité en objet en la mettant devant soit.

La fiction de l'état de nature de l'homme.
Hobbes est un auteur réaliste en politique mais ce n’est pas une manière réaliste de procéder, puisque ces hommes de l’état de nature, personne ne les a jamais vu vivant ou sortant comme d'une génération spontanée.
Cependant, certains auteurs exclut la fiction en soutenant que quand Hobbes parle des hommes dans leur état naturel il a en tête un certain nombre de situations réelles et d'ailleurs il prend dans le Léviathan 3 exemples réels :

  • Les indiens d’Amérique
  • La guerre civile
  • Les relations entre Etats souverains

Autrement dit, il prend un exemple dans l’ordre de ce que l’on appellerait aujourd'hui l'ordre international, et des auteurs justement se réclament d’une pensée réaliste et considèrent que dans l’ordre international règne entre les Etats une situation qui est comme un état de nature, caractérisé par le fait que la guerre est toujours possible. =>La réflexion de Hobbes sur la guerre civile surgit du contexte d'hyperviolence de guerres théologicopolitiques anglaises (décapitation du roi) dans lequel il conçoit son Léviathan. Ces situations dans lesquelles, au sein même de l’Etat civilisé ou au sein même de l‘histoire, surgit l’état de nature sont tout à fait intéressantes à analyser en ce qu’elles signifient selon Hobbes la rupture de ce que l’on peut appeler le pacte hobbésien, sur lequel nous reviendrons. En effet, en anticipant sur le propos, le pacte hobbésien peut s’expliquer d‘une manière simple c’est à dire que pour éviter une vie solitaire, quasi animale et brève, les hommes vont accepter d'aliéner une partie de leur liberté en échange d'une sécurité. En sens inverse, si on veut rendre les perspectives hobbésiennes pertinentes pour notre analyse des situations politique et notamment de celles où se manifestent la violence dans l’ordre intérieur (et non entre les Etats), on peut se demander dans quelle mesure la violence n’exprime pas à chaque fois ou tendanciellement une certaine rupture du pacte hobbésien. Encore une fois, il faut prendre des exemples historiques : parfois les individus n’acceptent plus de renoncer à leur liberté parce qu’il peut arriver à un certain moment qu’ils n’aient plus la sécurité qui doit en principe leur être conférée aux termes du pacte hobbésien. Autrement dit, le pacte répond à la situation de violence de l’état de nature, mais le retour de la violence dans l’état politique, dans l’état civil, dans l’histoire, peut également exprimer ou signifier que quelque chose ne se passe plus correctement, dans le pacte hobbésien. Ainsi, je me révolte lorsque l’Etat n’est plus capable d’assurer ma sécurité, ou j’agis de manière violente lorsque l’État ne me confère plus la sécurité.

Ce pacte hobbésien est donc un instrument d’analyse ou de réflexion qui considère qu’il y a une certaine rationalité dans le fait d'accepter l'aliénation d'une part de sa liberté pour se protéger.

Au chapitre 8 du Léviathan, Hobbes dit que les passions qui causent des différences d’esprit sont principalement le désir de pouvoir, la passion du pouvoir mais il n’en reste pas moins qu’au chapitre 13, Hobbes les décompose et ne la laisse en rien se réduire à l’idée que toutes les sources de conflit dans la cité sont à ramener au jeu des intérêts économiques.

La métaphore du « bois tordu » de l'humanité chez Kant

Kant, dans la 4e proposition de Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, parle de «l’insociable sociabilité» des êtres humains, du «bois tordu de l’humanité». En effet, il prend comme métaphore l'exemple d'un arbre qui pousse tout seul au milieu d'un pré, il peut se déployer librement ou être tordu cela n'a pas d'importance car il trouvera toujours la lumière. Au contraire, si on prend une forêt toute entière, les arbres sont obligés de pousser droits s'ils veulent avoir une chance d'atteindre la lumière sinon il sont recouverts et ne peuvent survivre.

La critique de la philosophie de Hobbes.
Ainsi, de la même façon, l'homme reçoit la société comme une contrainte absolument affligeante et la seule manière de survivre est de pousser droit en quelque sorte.

Cela signifie que les hommes sont contraints (terme important) de vivre ensemble, et du coup ils sont tenus d'instituer entre eux des relations pacifiques.

Pourtant, et nous l’avons vu, leurs passions naturelles font obstacles à cette institution politique, et la détruisent même parfois. Cela est en désaccord avec la fameuse phrase «l'homme est un animal politique» (Aristote) qui sousentend que l'homme est naturellement porté à vivre en société ou plus exactement qu'il est indissociable de la politique, sa nature étant directement liée à sa capacité de communiquer pour s'organiser en société. Cependant, pour Hobbes (et déjà pour Machiavel), l'homme n'est certainement pas un animal politique car il est naturellement en proie à des passions qui sont fondamentalement antipolitique, qui font obstacle à la politique.

Critique de la philosophie des anciens par Hobbes

Hobbes considère que la grande tradition philosophique des anciens s'est trompée sur des choses absolument fondamentales notamment sur la condition naturelle des hommes car pour lui, l'état de nature de l'homme est acheté par toutes sortes de passions terriblement dangereuses, sources de conflit et de guerres.

Sa conception de la condition naturelle de l'homme s'éloigne ainsi des vertus de l'homme qui serait tendues vers l'excellence.

Hobbes reproche donc aux anciens de proposer une image trompeuse de l'homme qui ne permet pas du tout de pensée la réalité humaine (contexte de guerre civile à l'époque) c’est à dire de comprendre pourquoi les hommes se déchirent en permanence. =>Ainsi, l’une de ses ambitions est précisément d’essayer de mener à bien la tradition socratique et de réussir là où elle avait échouée. La philosophie politique traditionnelle postulait, nous dit Léo Strauss, que l’homme est par nature un animal politique et social mais Hobbes va rejeter ce postulat car il est non seulement faux mais peut être totalement pernicieux (nuisible) sur le plan politique. Autrement dit, Hobbes se donne pour projet d’inventer une science politique nouvelle pour résoudre ce problème politique c’est à dire que, pour lui, les hommes doivent vivre correctement et se rassembler même si tout les les pousses à vivre en sens inverse. A cet égard, la seule chose que Hobbes reprend aux anciens, est qu’il «acceptait en toute confiance l’idée que la philosophie ou la science politique est possible ou nécessaire» (Strauss). Ainsi, il conserve des anciens l’idée que la philosophie peut nous aider à résoudre concrètement les problèmes de la cité, qu’elle a une efficacité politique. En réalité, ce qu’il reprend des anciens, de manière plus précise, c’est la nécessité de la philosophie et il va se proposer, tout en restant philosophique, de remettre sur pied l’entreprise des anciens sans réitérer leurs erreurs. =>Hobbes va alors se doter d’instruments de travail efficaces parmi lesquels cette fameuse fiction de l’état de nature.

La dangerosité de l'état de nature

Hobbes constate que dans l’état de nature on vit dans une situation qui équivaut à un état de guerre, puisque la guerre est toujours possible et pour résoudre le problème politique sans tomber dans les pièges ou les erreurs des anciens, il va poursuivre la perspective réaliste de Machiavel en considérant qu'il faut quitter l'ordre normatif (partir de ce qui est et non pas de ce qui doit être) c’est à dire quitter l'idéal pour le réel =>L'objectif est de restaurer les principes moraux de la politique notamment la loi naturelle mais à partir, non plus du point de départ des anciens mais du réalisme machiavélien. Donc, il y a une rupture totale avec les anciens puisque la tradition dominante des anciens définissait la loi naturelle par rapport à la perfection de l’homme, en tant qu’animal politique et rationnel alors que Hobbes va faire sienne les objections antiutopiques de Machiavel en conservant l'idée de la loi naturelle mais en la dissociant de la perfection humaine. Il va déduire cette loi naturelle non pas d'une vertu, car ce serait partir de l'idéal, mais d'une passion déterminant le comportement de fait des hommes, mobile puissant de leurs actes. Ainsi, pour lui, «les passions qui inclinent les hommes à la paix sont la crainte de la mort, le désir des choses nécessaires à une vie agréable et l'espoir de les obtenir par leur industrie».

La supériorité de l'emprise de la passion sur la raison

Ce qui a le plus d’emprise sur les hommes la plupart du temps, pour Hobbes, ce n’est peut être pas la raison comme on aimerait le croire, mais c’est la passion.

Parmi les passions, il faut donc trouver la plus puissante parce que c’est d'elle qu’il faudra déduire la loi naturelle et cette passion doit évidemment être un fait naturel, en l'occurence dans le texte hobbésien, la peur d'une mort violente, inspiration naturelle du désir de sa propre conservation. Ainsi, Hobbes va construire sa réflexion politique non pas sur l'homme tel qu'il devrait être mais tel qu'il est, tel qu'on ne l'a jamais vu ou trop rarement. L’homme voulant réaliser ses désirs ne peut pas vivre dans la crainte perpétuelle de la mort violente, il ne peut pas vivre dans le combat incessant et c'est de cette contradiction que va surgir l’état civil, l’état de société.

Et logiquement, Hobbes constate que finalement les hommes ont en quelque sorte un ennemi commun, à savoir la mort et peuvent s’accorder là dessus.

Mais, que faire de la nécrophilie, non pas comme perversion sexuelle mais comme passion de la mort.

Erich Fromm (psychanalyste humaniste nord américain d'origine allemande) disait que la nécrophilie n'est pas quelque chose de premier, contrairement à Sigmund Freud (psychanalyste autrichien) qui faisait de l'instinct de mort quelque chose de constitutif, car, selon lui, il y a des conditions sociales, culturelles et politiques dans lesquelles le goût de la mort se développe donc il faut s'interroger sur les conditions mêmes dans lesquelles elle naît.

Au chap. 14, Hobbes va se livrer à une réflexion sur les premières lois naturelles en opérant une distinction entre la loi en tant qu'elle renvoie à l'obligation et le droit en tant qu'il renvoie à la liberté c’est à dire le droit de nature qu'à chacun d'user comme il le veut de son pouvoir propre.
Ainsi, on comprend que si l'on définit le droit comme une liberté alors le droit naturel n'est plus spécifiquement humain car, comme Hobbes le disait dans Le citoyen, «les bêtes tuent les hommes par droit naturel» et donc la peur de la mort violente n'a rien d'uniquement humain. =>N’importe quel animal a envie de se conserver et a peur de la mort violente mais à ce moment là on peut se demander si les animaux se suicident comme les hommes. Le chapitre 14 commence par une réflexion sur la loi et le droit. Ainsi, la reconstruction rationnelle de la cité va passer par l’institution juridique chez Hobbes car cette loi n’apparait jamais comme dérivée d’un principe religieux ou d’un principe métaphysique. Il s’agit, pour lui, dans le contexte des guerres religieuses anglaises, de penser la coexistence des hommes et de la penser de manière rationnelle sans jamais passer par des postulats ou des dogmes religieux. Ainsi, au chapitre 14, il va définir la loi naturelle comme «un précepte, une règle générale découverte par la raison par laquelle il est interdit au gens de faire ce qui mène à la destruction de leur vie ou leur enlève le moyen de la préserver». =>Autrement dit, c'est une pure liberté.

Le jus in omnia

A partir du moment où on considère que tous les êtres humains ont peur de la mort violente et ont besoin de se conserver eux-mêmes alors on peut en déduire, de manière rationnelle, tout un ensemble de lois dites naturelles. Il s’agit d’éviter tout point d’appui normatif, toute idée utopique de ce qui est et tout de suite, dès le début du chapitre 14, Hobbes nous dit que, par nature, l’homme a droit sur toute chose. Ainsi, il y a dans l’état de nature quelque chose que l’on peut appeler le jus in omnia c’est à dire le droit sur tout et précisément si l’on veut sortir de cet état invivable qu'est l’état de guerre, il faut en finir avec ce jus in omnia, parce que ce n’est pas vivable, ce n’est pas possible. C’est pourquoi, aussi longtemps (paragraphe 4, chapitre 14), «que dure ce droit naturel de tout homme sur toutes choses, nul aussi fort ou sage futil, ne peut être assuré de parvenir au terme du temps de vie que la nature accorde ordinairement aux hommes».

Ainsi, tout le raisonnement de Hobbes va consister précisément à limiter ce droit de nature.

Les hommes doivent, selon Hobbes, renoncer pour une part à ce qui fait leur liberté naturelle et c'est là qu'il fait intervenir l'idée du dessaisissement. Or, il apparaît assez logiquement qu'aucun homme, connaissant l'état de nature, n'acceptera de se dessaisir d'une partie de son droit naturel si les autres hommes n'acceptent pas en même temps de s'en dessaisir car cela leur semblera aberrant de se désarmé si l'autre ne se désarme pas

Les lois de nature chez Hobbes

Il y a chez Hobbes une manière de penser rationnellement la politique qui l’inscrit dans une perspective s’éloignant de celle d’Aristote car pour lui l’homme n'est pas un animal politique. Hobbes fait ainsi naitre l’ordre politique de l’impuissance humaine car il y a des effets rationnels de la peur et les hommes vivant dans l’état de nature, cette vie quasi animale, laborieuse, solitaire, très brève, vont prendre conscience du fait qu’une telle vie n’est pas possible, qu’il faut trouver une solution. Autrement dit, le passage de l’état de nature à l’état civil nait d’une prise de conscience qui est une prise de conscience rationnelle c’est à dire que tout se passe comme si ces hommes dans un état de nature se découvraient un ennemi commun, à savoir la mort violente, brutale. L’état de nature est caractérisé par le fait que les hommes disposent d’un droit naturel sur tout, et on avait vu que, conçu comme une pure liberté, ce droit naturel n’était pas spécifiquement humain puisque les animaux aussi pouvaient tuer pour survivre. Ainsi, ce peut être quelque chose qui caractérise tous les êtres vivants et du coup, d’une manière de nouveau très rationnelle, Hobbes ne fait que constater que tant que tous les individus de cet état de nature jouiront de ce droit naturel infini sur tout, il s’en suivra que chacun continuera de vivre dans la peur permanente que l’autre face fasse usage de son droit naturel de le tuer.

La première loi naturelle

Hobbes va considérer que la 1ère loi naturelle est que tout homme doit s'efforcer à tendre vers la paix aussi longtemps qu'il a un espoir de l'obtenir. Ainsi, quand il ne peut pas l'obtenir, il lui est loisible d'utiliser et de rechercher tous les secours de l'avantage de la guerre. Hobbes affirme donc par la raison que tout homme s'efforce à se préserver physiquement pour conserver la félicité et par conséquent s'efforce à la paix aussi longtemps qu'il peut rationnellement penser que l'autre ne va pas l'agresser ou le tuer. A partir de cette 1ère loi de nature, on peut se demander si cela signifie que Hobbes accorde une valeur suprême à la vie humaine. En effet, au chapitre 11, Hobbes décrivait la vie comme une course sans fin, incessante, vers la recherche de la félicité, du bonheur, de la satisfaction.

Autrement dit, il n’y a pas seulement une perspective vitaliste dans cette construction hobbésienne qui repose sur la sécurité physique des individus.

=>Hobbes énonce immédiatement la seconde loi naturelle.

La deuxième loi naturelle

La 2e loi naturelle concerne l’ensemble du droit de nature c’est à dire le droit de se défendre par tous les moyens dont on dispose. Autrement dit, si on a trop peu de chance d'obtenir la paix par un calcul rationnel alors il doit chercher à l'obtenir par d'autres moyens. Logique du pacte hobbésien : je renonce à une partie de ma liberté, c’est à dire à une partie de mon droit naturel, ce fameux jus in omnia, si en échange on me donne la garantie de ma sécurité. Ainsi, ce que Hobbes dit, c'est que si vous donner la sécurité vous aurez peu de chance de subir une révolte mais si vous leur retirer cette sécurité il y aura plus de probabilité qu'ils prennent les armes de nouveau par manque de garantie de sécurité. =>La question de la sécurité n’est pas une question secondaire dans l’ordre du politique, c’est LA question fondamentale et toute la construction de l’état civil chez Hobbes répond à ce problème de violence, d’insécurité ou de guerre civile.

Ce que dit Hobbes c'est que «que l’on consente, quand d’autres y consentent aussi, à se dessaisir dans toute la mesure où l’on pensera que cela est nécessaire à la paix et à sa propre défense, du droit que l’on a sur toute chose, et qu’on se contente d’autant de liberté à l’égard des autres qu’on en concèderait aux autres à l’égard de soi-même».

Autrement dit, on ne renonce jamais à tout mais seulement à la partie aliénable de son droit naturel et cela signifie que chaque fois, et Hobbes insiste beaucoup, «qu’un homme transmet ou renonce à une partie de son droit naturel, c’est soit en considération de quelque droit qui lui est réciproquement transmis, soit à cause de quelque autre bien qu’il espère pour ce motif [...] il existe certains droits tels que l'on ne peut concevoir qu'aucun homme les ait abandonné ou transmis par quelque parole que ce soit ou par d'autre signes».

Hobbes ajoute cependant que «un homme ne peut pas se dessaisir du droit de résister à ceux qui l'attaquent de vive force pour lui enlever la vie» et cela pour la raison élémentaire qu'on ne saurait concevoir que cet homme vise quelque bien pour lui-même. Ainsi, on ne peut pas y renoncer par contrat car on ne peut pas renoncer à ce qui fait l'intérêt même du contrat à savoir la sécurité physique et donc renoncer à se défendre si on se fait attaquer. Hobbes va encore plus loin en disant que «on peut en dire autant à propos des blessures, des chaines et de l‘emprisonnement, pour l’essentiel parce qu’il n’est pas possible de dire si les gens qui usent de violence à votre égard s’ils recherchent votre mort ou non». Par exemple, si un homme, par la parole ou par d’autres signes, parvient à se déposséder lui-même de la fin à laquelle ceux-ci sont destinés, autrement dit si un homme parvient à passer un contrat en oubliant le pourquoi fondamental de tous les signes et de tous les contrats, on ne doit pas le comprendre comme si c’était bien ce qu’il voulait dire et que telle fut sa volonté mais conclure qu’il ignorait comment ses paroles et ses actions devaient être interprétés. =>Il ne s’agit donc plus de penser la résistance par référence à la légitimité du pouvoir parce que la seule chose que Hobbes fasse intervenir est seulement c'est l’individu et son droit de vivre ou de survivre pour poursuivre sa félicité. A aucun moment, dans la construction rationnelle de Hobbes, il n’est question d’un dessaisissement total qui ferait que les individus, les citoyens, tomberaient dans la servitude. Ils ont renoncé à une série de droits fondamentaux mais ne renoncent jamais à tout. Les êtres humains, tant qu’ils resteront des êtres métaphysiques, continueront d’avoir des conceptions du bien et du mal, de penser qu’il y a des choses qui ont beaucoup de valeur et d’autres un peu moins et on peut appeler cela le sacré, l’absolu. Par conséquent, les hommes continueront de se déchirer au nom de ces conceptions. C’est ce que Max Weber, au 20e siècle, appelle la guerre des dieux : «c’est la guerre que les hommes ne se font pas seulement au nom de leur Dieu mais essentiellement au nom de leur conception axiologique c’est à dire de ce qu’ils considèrent comme relevant du bien absolu».

Hobbes n'est pas aussi pessimiste puisqu’il apporte une solution, à savoir le Léviathan c’est à dire l’Etat.

=>Les lois de nature sont donc les théorèmes déclenchés par la raison et qui concerne tout ce qui permet la conservation des hommes c’est à dire qui permet l'être ensemble dans une société

La troisième loi naturelle

La troisième loi de nature, c'est la justice et elle découle logiquement de la deuxième sur laquelle Hobbes écrit : «de cette loi de nature par laquelle on est obligé de transmettre à autrui les droits qui lorsqu'on les conserve nuisent à la paix du genre humain, il en découle une troisième qui est que les hommes s'acquittent de leurs conventions». Ainsi, sans cette idée de justice, les conventions n'auraient aucune valeur et ne seraient que des paroles vaines, cela nous poussant à vivre à l'état de nature : «c'est une loi selon laquelle les hommes s'acquittent de leurs conventions une fois qu'ils les ont passées». Cependant, Hobbes rappelle que lorsque aucune convention n'a été passée, chacun continue d'exercer son droit naturel dans sa dimension illimitée car sans convention rien n'est injuste.

Donc, la définition de l'injustice n'est rien d'autre que la non exécution des conventions.

La quatrième loi naturelle

Hobbes introduit la quatrième loi de nature, à savoir la gratitude : «de même que la justice dépend d’une convention antérieure, la gratitude dépend d’une faveur antérieure, autrement dit d’un don gracieux antérieur». Ainsi, un homme qui reçoit d’un autre un bienfait gracieux va s’efforcer à ce qu'il n'y est pas de motif raisonnable lui faisant regretter cette bienveillance. Hobbes énonce ensuite une proposition qui semble assez contestable : « nul ne donne, en effet, si ce n’est en vue de se procurer un bien à lui-même car le don est chose volontaire et l'objet que poursuit chaque homme en tout acte volontaire est son bien propre ». Est-ce à dire que l’on donne par égoïsme et de quelle façon penser l’altruisme si c’était le cas ? =>Cf. l'article de Michel Terestchenko intitulé «Egoïsme ou altruiste : laquelle de ces deux hypothèses rend-t-elle le mieux compte des conduites humaines». Nous sommes dans une problématique qui, au 20e siècle, appelée la problématique du don et du contre-don (cf. Marcel Mauss et sa revue Mouvement antimilitariste dans les science sociale).

La cinquième loi naturelle

Il faudrait faire un séminaire entier sur la complaisance donc pour résumer Hobbes définit la complaisance comme étant «la tâche de se rendre accommodant aux autres».

La sixième loi naturelle

Sur cette loi, Hobbes écrit que «une fois que les garanties pour l’avenir ont été données, on doit pardonner les offenses passées de ceux qui les regrettent et demandent le pardon». Hobbes ne parle pas ici du pardon chrétien mais d'un pardon en vue d'accorder la paix et rompre avec le cycle infernal de la vengeance. Il faut certes pardonner mais à deux conditions, à savoir des garanties pour l'avenir et un regret sincère du geste passé.

Ainsi, la magie symbolique du pardon consiste à dénouer ou à libérer quelqu'un à l'égard de la surcharge du passé, d'un fardeau encombrant.

La septième loi naturelle

La 7eme loi de nature porte sur la vengeance. En effet, Hobbes écrit dans une situation qui lui parait extrême et dans les vengeances, c’est à dire quand on rend le mal pour le mal «on ne considère pas la grandeur du mal passé mais la grandeur du bien qui doit s’en suivre». Ainsi, comme Machiavel, Hobbes procède sous l'influence d’une forme de réalisme, c’est à dire qu’il part de ce qu’est l’homme et non de ce qui devrait être en tenant compte des passions : tout son système repose d’ailleurs sur la peur de la mort et la volonté de survivre. Il y a des affects ou des passions qui ont une puissance absolument extraordinaire dans l’histoire tels que l’humiliation et le ressentiment. En effet, le sentiment est un état qui dure et il y a une conscience malheureuse qui ne permet pas de sortir du malheur et parfois quand on observe des explosions dans le ressentiment elles n’ont aucun rapport avec ce qu’elles étaient. Au fond il s'agit d'une rumination vangeresque qui s’étale dans le temps.

La huitième loi naturelle

Hobbes constate que les signes de haine, de mépris sont souvent des provocations au combat pour autant que «la plupart des hommes préfèrent finalement mettre leur vie en péril que de ne pas en tirer vengeance». Ainsi, il pose comme huitième loi de nature que « nul par ses actions, ses paroles, sa mine ou ses gestes n'exprime sa haine ou son mépris d'un autre, et l'infraction à cette loi est communément appelée outrage ».

La neuvième loi naturelle

La 9e loi contre l’orgueil est liée au problème de l’égalité. C’est «la question de savoir celui qui vaut le plus n’a rien à faire dans l’état de simple nature ou tous sont égaux, l’égalité présente a été introduite par les lois civiles». La conclusion que Hobbes en tire est intéressante, puisque sur la question de l’égalité :

  • Si la nature a fait des hommes égaux alors il faut reconnaitre cette égalité.
  • Si la nature a fait les hommes inégaux alors il faut partir du fait que les hommes n’accepteront jamais de passer des conventions les uns avec les autres autrement que sur un pied d’égalité. Par conséquent, cette égalité doit être admise.

Dans le premier cas elle doit être admise comme un fait, dans le second cas elle doit être reconnue comme l’une des conditions de possibilité des conventions. Ainsi, il s'agit «que chacun reconnaisse autrui comme étant son égal par nature», ce précepte c'est l'orgueil.

La métaphore du dieu mortel

Cette métaphore du dieu mortel est assez curieuse et là on trouve toute sorte de commentaire. Hobbes caractérise ce pouvoir, ce Léviathan, comme le plus grand pouvoir que les hommes puissent imaginer. Tout d’abord, sur le plan logique, on comprend tout à fait qu’à une situation de crise radicale qui est tout simplement la guerre civile, ou bien l’état de nature (ce qui est la même chose), corresponde une solution radicale : c’est le Léviathan. Pour les croyants ou pour les non croyants, lorsque l’on pense au concept de Dieu, on est obligé d’y penser comme à un être tel qu’on ne puisse pas en imaginer de plus grand. Jusqu’à présent on est d’accord avec ça : si on pense Dieu, on le pense comme le plus absolu. Mais en même temps ce dont rien n’est plus grand ne saurait exister seulement dans notre intelligence. Parce que si cela n’existait que dans l’intelligence, alors cela ne serait pas le plus grand de tout, cela ne serait pas absolu. Donc cet être dont on ne peut rien imaginer de plus grand ne peut pas ne pas exister.

Le libéralisme politique

Il y a de l’État, il y a de l’individu, et les auteurs qui ont mis l’accent sur le libéralisme de Hobbes se sont efforcés de montrer plusieurs choses, par exemple, qu’il y a chez lui une sorte de théorie de la socialisation civile, c’est à dire une société qui est purement volontaire, dont l’existence repose à la fois sur la volonté et sur la raison des hommes, sur leur rationalité, une société à la fois individualiste et rationnelle qui ne présuppose aucune allégeance religieuse, aucune loyauté religieuse, une société qui fonctionne autour de règles qui n’ont pas besoin de théologie pour s’énoncer.

On voit que tout le système, jusqu’à présent sans évoquer dieu, est une construction politique qui est comme une association d’individus rationnels. Dans le même ordre d’idée, il faut bien voir que la loi, qui est promulguée par le souverain, est un pure artifice (de la même façon que le Léviathan) qui ne va pas plus loin, c’est à dire qui n’a pas pour finalité d’aller plus loin que de permettre à ces atomes individuels de pouvoir circuler sans s’entrechoquer, sans entrer dans des collisions, des conflits. Autrement dit, c’est une loi qui se contente de permettre un fonctionnement de la société sans faire intervenir d’autres finalités, d’autres perspectives éthiques, religieuses, morales. La solution politique rationnelle consiste simplement à trouver un ordre politique ou un pouvoir politique qui permette la libre circulation de ses individus atomes. Autrement dit il s’agit d’une conception libérale de la loi c’est à dire dans laquelle on ne fait pas intervenir les valeurs chrétiennes.

Dans cette perspective, Hobbes est bien un théoricien du libéralisme.

Léo Strauss disait «s’il nous est permis d’appeler libéralisme la doctrine politique pour laquelle le fait fondamental réside dans les droits naturels de l’homme [par opposition à ses devoirs] et pour laquelle la mission de l’Etat consiste à protéger ou à sauvegarder ces mêmes droits, il nous faut dire que le fondateur du libéralisme fut Hobbes». Ainsi, ce n’est pas la morale ou les valeurs substantielles qui sont engagées dans cette réflexion politique car tout repose sur une seule chose, à savoir le droit inconditionnel à la vie. Il y a une différence fondamentale qui fait que le problème politique des sociétés animales n’est pas du tout le même que le problème politique des sociétés humaines. Pour Hobbes, dans les sociétés humaines il y a des guerres qui ont pour origine l’honneur et la dignité. L’être humain met en mémoire l’humiliation, et elle surgit quelques temps après, quelques générations après même. Les hommes se déchirent également pour des raisons qui relèvent de l’envie et de la haine. Ils se comparent toujours aux autres.

Or la modernité, et notamment l’expérience de ce que Tocqueville un peu plus tard appellera l’égalisation des conditions, fera précisément naitre la similitude et la comparabilité.

Hobbes ajoute que « cet art des mots par lequel certains savent présenter aux autres ce qui est bon sous les apparences du mal, et ce qui est mauvais sous les apparences du bien» et cette perversion, à la fois ce jeu sur les mots (la rhétorique) et les apparences, est quelque chose qui rend les hommes insatisfaits et qui trouble leur paix. Il y a là une source de conflit qui nait de l’usage pervers de la parole et que les animaux ne connaissent pas.

Le droit de résistance

Il y a quelque chose de très intéressant chez Hobbes qui est une reformulation moderne de problématiques qui sont plus anciennes. Cf. un article d’Yves Charles Zarka.

Le droit de résistance hobbésien selon Yves Charles Zarka

L’auteur, grand spécialiste de Hobbes, remarque que la question du droit de résistance connait un tournant tout à fait important chez Hobbes car l’on assiste à une mutation entre la problématique traditionnelle et une thématique moderne déployée chez Grotius.

  • on pouvait résister au pouvoir lorsque le pouvoir était illégitime, autrement dit on avait une théorie de la résistance qui passait par un questionnement portant sur la légitimité du pouvoir. On peut résister à un pouvoir si celuici n’est pas légitime.
  • on pouvait résister à un pouvoir qui pouvait être légitime au point de départ, au sens où il n’avait pas été usurpé, mais qui pourtant ne s’exerçait pas en vue du bien public mais simplement en vue du bien privé.

On a au Moyen-Âge deux manières de penser la résistance au tyran : il y avait les tyrans qui étaient définis comme les tyrans d’usurpation, c’est à dire définis par un défaut de titre, et puis on avait des tyrans qui finalement n’exerçaient le pouvoir qu’en vue d'intérêts particuliers. Ces deux conceptions de la résistance se maintiennent jusqu’à la fin du Moyen-Âge et même jusqu’au début du 17e siècle donc ce n’est que plus tard, avec notamment Grotius puis avec Hobbes, que l’on assiste à une reformulation dite «moderne»de la chose Hobbes utilise assez souvent l’expression de right of resistance c’est à dire «droit de résistance» et ce qu’explique très bien Yves Charles Zarka c'est que cette expression n’a plus chez Hobbes pour corrélat le couple injustice/illégitimité. A vrai dire, Hobbes élimine complètement cette problématique de la légitimité, notamment par exemple au chapitre 19, «les différentes espèces de république et de la succession au pouvoir souverain» concernant la tyrannie et l’oligarchie, et Hobbes se rappelle que dans tous les ouvrages historiques qui ont précédé, on trouve différentes manières de désigner le gouvernement mais il ajoute, au 2e paragraphe, «ce ne sont pas là d’autres formes de gouvernement, ce sont les mêmes que l’on appelle ainsi quand on ne les aime pas. Ainsi, ceux qui ne sont pas satisfait sous la monarchie l’appellent tyrannie, et ceux qui sont mécontents de l’aristocratie l’appellent oligarchie, de même aussi ceux qui ont à se plaindre sous une démocratie l’appellent anarchie».

La doctrine hobbésienne de la représentation implique que le seul représentant de l’Etat est le souverain et en un certain sens on pourrait penser que toute possibilité de résistance est ainsi annulée, éradiquée, effacée mais en fait elle réapparaît sous une forme moderne qui relève désormais de la nouvelle doctrine du droit naturel c’est à dire le droit subjectif que possède chaque individu, quel que soit le contexte de son existence et de son relationnel.

Ainsi, on ne peut pas se défaire de ce droit. Il n’y a pas d’aliénation possible du droit qui est par conséquent attaché irrémédiablement à la personne naturelle de l’homme, et qui se trouve fondé sur un principe éthique fondamental, à savoir que tout homme non seulement par droit de nature mais aussi par nécessité de nature est réputé s’efforcer autant qu’il le peut d’obtenir ce qui est nécessaire à sa conservation. (chapitre 15, cf. supra).

Ce droit de résistance concerne ou s’exerce face à tout ce qui peut mettre en danger notre vie de manière directe mais aussi de manière indirecte.

Par exemple, ce droit de résistance peut s’exercer lorsque notre sécurité ou notre intégrité sont mises en cause de manière indirecte, par exemple dit Hobbes, face à ceux qui voudraient nous empêcher de «jouir de l’air, de l’eau, du mouvement, du libre passage d’un lieu à un autre». Ainsi, pour Hobbes, une convention dans laquelle un homme s’engage d’abandonner son droit de résistance à un autre est toujours nulle car aliéner son droit de résistance c’est fondamentalement se mettre en contradiction avec la raison d’être des conventions, la raison d’être des contrats. L’acte serait en quelque sorte contradictoire, donc il ne peut résulter que d’une erreur ou d’une ignorance. =>La contribution de Hobbes à la construction du jus naturalis moderne est importante

L'enquête de Jeanne Hersch (UNESCO, 1968)

Jeanne Hersch présidait la section de philosophie de l’Unesco dans les années 1960, se retrouve en 1968 à s’occuper de l’anniversaire des 20 ans de la DDHC. A cette occasion là, comme le débat sur l’universalité des débats faisait rage et que les droits de l’homme étaient plus ou moins soupçonnés d'être l’expression symbolique du colonialisme occidental, Hersch s'était lancé dans une enquête mondiale sur les droits de l’homme en élaborant un questionnaire pour recueillir des textes de toute nature qui avaient été produit avant 1948, et qui comportait une référence directe ou indirecte à la notion de droit de l’homme. Elle a eu des réponses venant du monde entier, publiées dans un livre appelé Le droit d’être un homme, et qui montre que les droits de l’homme tels qu’on les exprime dans leur particularité ne sont pas nécessairement universels, mais ceux que l’on trouve partout et qui semblent être universel est qu’un homme ne peut être traité comme une chose, comme un animal, c’est à dire ne peut être traité sans égal. Autrement dit, quelque chose surgit de tous ces textes de toute nature, de toute époque, quelque chose semble se dégager et va dans le sens de l’idée qu’en tant qu’être humain quelque chose nous revient et qu’on ne peut être traité autrement que comme un être humain.

L’ontologie de Hersch montre l’universalité de l’exigence d’être traité comme un être humain.

Cela est ensuite interprétée différemment d’une société à l’autre, càd qu’à travers le temps, les cultures, les époques, la géographie, le temps et l’espace, on a pu définir cette manière spécifique de traiter un être humain différent. Donc le contenu est variable. La structure, elle, semble universelle car on a jamais vu semble-t-il des sociétés dans lesquelles il semblait naturel de traiter un être humain comme un chose ou de le traiter autrement que comme un être humain et en ce sens, Jeanne Hersch concluait à l’universalité des droits de l’homme, pas nécessairement dans leur forme occidental, mais elle concluait à l’universalité de cette exigence humaine qui peut aller jusqu’à l’abolition de soi plutôt qu'à la déshumanisation. Donc ce qui nous apparait souvent mais peut-être finalement à tord comme l’expression d’une pensée hyper moderne au 20e semble en réalité (il faut rester prudent, on ne peut pas ne pas l’être) exprimer quelque chose de beaucoup plus profond et universel même si ces formes d’expression ont des modes d’expression variables suivant le temps et l’espace.

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !