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Les correspondances

Confuses paroles et regards familiers : Correspondances - et tout particulièrement son premier quatrain - m'a fasciné dès le jour où je l'ai lu pour la première fois, j'avais quatorze ou quinze ans. Près de cinquante ans plus tard, force est d'avouer que cette fascination est restée intacte. Il doit bien y avoir là-dessous quelque sorcellerie, quelque philtre distillé par un alchimiste du verbe, quelques poisons tels ceux qu'on supposait enclos dans les tombeaux des pharaons, et qui, après des millénaires, tuent encore ou rendent fou les archéologues qui profanent les sépultures. À moins que son aspect ésotérique ne m'évoque un de ces meubles appelés « secrétaires », un bureau où l'on écrit en plein jour en toute innocence, mais dont le coffre recèle des tiroirs invisibles que l'on ouvre en faisant jouer des ressorts dissimulés dans la marqueterie. Certains jours, Correspondances prend pour moi l'aspect d'un théorème mathématique, un premier quatrain en forme de postulat, un second quatrain qui vient, en écho, mezzo-voce, expliciter ce postulat, et deux tercets en forme de démonstration de récurrence - si le postulat est vérifié pour les cinq sens, les sons, les couleurs, les odeurs, les goûts, les sensations tactiles, c'est qu'il est exact. Il n'empêche que je reste sur ma faim, que je suis un peu déçu par la banalité de cette démonstration qui me renvoie à la synesthésie, phénomène neurologique involontaire et mécanique sans grand intérêt poétique. Après l'énigme formidable suggérée par le premier quatrain, confirmée par le second, je m’estimais en droit d'attendre des révélations autrement profondes, une preuve irréfutable, qui sait, de l'existence de Dieu, d'un autre monde, d'une autre dimension, d'une de ces déchirures de l'espace-temps si prisées par la science-fiction qui me permettrait de passer au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau (dernier vers des Fleurs du mal). Baudelaire aurait-il dû mettre un point final à son poème à la fin du 2ème quatrain, et rester sur un postulat non vérifié, c'est-à-dire un axiome ?

Le maître mot du poème n’apparaît qu’à la fin du 2ème vers du second quatrain : c’est le mot « Unité ». Les correspondances baudeleriennes ne sont pas dues au hasard, ou à aux involontaires mécanismes neurologiques de la synestésie. Leur existence démontre que, sous ses aspects multiples, l’univers, (œuvre d’un grand architecte ?), est organisé, qu’il est Un. C’est d’ailleurs l’étymologie du mot. Malgré son caractère infini, son apparente dispersion, l’univers est uni vers… Le monde spirituel et le monde sensible ne sont que les facettes d’un même organisme. Les couleurs, les sons, les goûts, ne sont que les manifestations sensorielles diverses et vivantes d’une même réalité. Celui qui saura déchiffrer les correspondances (le poète), appréhendera le monde dans son essence. Correspondances veut unifier le monde spirituel et le monde naturel de Swedenborg. C’est la raison pour laquelle il se « sensualise » au fil des vers. Froidement philosophique, hermétique, ésotérique dans le premier quatrain, il nous plonge dans un univers sensoriel à la fin du second, par l’évocation des parfums, des couleurs et des sons, puis dans un univers sensuel et charnel, des chairs d’enfants, un hautbois, une prairie. La synthèse se fera au tout dernier vers, dans les tout derniers mots, dans les transports de l’esprit et des sens. Le monde spirituel – le monde de l’esprit - est enfin en harmonie avec le monde matériel – le monde des sens -, ce ne sont plus deux univers hermétiques, imperméables, qui ne communiquent pas entre entre eux comme dans les visions de Swedenborg, mais les composantes d’une même entité que le poète a réussi à faire vibrer en harmonie.

Dans le vertige de ces correspondances, de ces hiéroglyphes, de ces symboles, je dois passer par les premiers, par les lettres alignées sur la feuille de papier. Le premier symbole est d'abord la lettre elle-même, que je dois combiner avec d'autres lettres pour former un mot qui symbolise un objet ou une idée, qui est la correspondance d'un objet ou d'une idée. Je suis bien conscient que le mot PIPE, - soit que mes yeux le déchiffrent sur la page d'un livre, soit que mon oreille en perçoive et en interprète les sonorités, soit que mon cerveau le fasse naître, avec une image de bois précieux et une odeur de tabac lourd -, n'est pas davantage une pipe que la pipe de Magritte (1898-1967), et que je ne pourrai jamais la fumer.

René Magritte

La Trahison des images (1929) Art Institute of Chicago

J'ai compilé quelques clés dans la page précédente, malheureusement elles ne suffiront pas pour ouvrir les portes du poème. Et d'ailleurs, est-il bien utile de chercher à ouvrir le coffre ? N'y a-t-il pas chez Baudelaire davantage à ressentir qu'à comprendre ? Comme l'écrivait Ernest Raynaud dans son ouvrage : Baudelaire et la religion du dandysme (Mercure de France, 1943) : Son domaine s'étendant jusqu'au monde invisible, il lui est moins utile de peindre que de suggérer. La signification des mots, ici, ne suffit plus. Il faut utiliser leur son, leur forme, leur couleur, pour créer une atmosphère favorable à l'impression que l'on veut produire. Ainsi l'on violente l'âme plus sûrement, en y accédant par le chemin des sens à la façon de la musique ou d'un parfum.

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

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Le temple d'Angkor, au Cambodge

Vous aurez relevé, bien entendu, la majuscule qui déifie, qui allégorise la nature, et vous aurez soigneusement noté la dimension religieuse induite par le mot temple. C'est très bien. Aujourd'hui, nous parlons de la nature dans le sens de campagne pour l'opposer à la ville. La nature, c'est l'ensemble des éléments qui n'ont pas été modifiés par l'homme. Pour ma part, je vois une opposition entre la Nature, (les fleurs, les arbres, les insectes et les tits zoziaux) et le temple, construction humaine. La nature, et tout particulièrement la nature romantique, est sauvage, anarchique, foisonnante, indisciplinée. Pour Baudelaire, elle est imparfaite. Quoique le principe universel soit un, la nature ne donne rien d'absolu, ni même de complet (Salon de 1846 - De L'idéal et du modèle). Elle a besoin d'être corrigée, embellie, refondue par l'Art (Le Spleen de Paris - L'Invitation au voyage). Baudelaire ne conçoit pas une beauté désordonnée, naturelle (Là, tout n'est qu'ordre et beauté - Les Fleurs du mal - L'Invitation au voyage). À l'opposé de la nature anarchique et sauvage, de la nature romantique, le temple - l'antique temple grec, le temple classique auquel nous font penser les piliers -, est un lieu strictement géométrique où les rapports entre la hauteur, la largeur et la profondeur ne sont pas l’oeuvre du hasard. Le mot temple fait plus que déifier la nature, il l'ordonne, il la corrige, il la géométrise. Que nul n'entre ici, s'il n'est géomètre, avait fait inscrire Platon au fronton de son Académie. Pour Platon, la géométrie et les mathématiques sont les outils qui permettent au philosophe de se libérer du monde visible, du monde sensible, celui qui est perçu par les sens (le monde des préjugés), pour accéder au monde intelligible, au monde des idées (le monde de la vérité). Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est un nombre. écrivait Baudelaire dans Fusées, un de ses journaux intimes.

Les vivants piliers ne manqueront pas de vous évoquer les arbres, ce qui vous semble induit par le mot Nature et renforcé deux vers plus loin par les forêts de symboles. Nature, forêts... les vivants piliers ne peuvent donc être que des arbres. Les plus lyriques évoqueront la voûte formée par la cime des arbres qui transforme cette forêt en cathédrale. C'est ce qu'attend le professeur, et ce qui vaudra une bonne note au potache. Que les bons élèves s'arrêtent donc ici, et citent l'article Temple du chevalier de Joncours dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert : Les arbres furent les premiers autels, et les champs les premiers temples. C'était sur des pierres brutes ou des mottes de gazon, que se firent les premieres offrandes à la Divinité. Dans des temps où l'on ne connaissait ni l'architecture ni la sculpture, on choisit pour le culte religieux des bois plantés sur des hauteurs, et ces bois devinrent sacrés ; on les éclaira de lumières, parce qu'on y passait une partie de la nuit ; on les orna de guirlandes et de bouquets de fleurs ; on suspendit dans les chapelles de treillage les dons et les offrandes. L'on y fit des repas publics, accompagnés dans les années fertiles, de chants, de danses, et de toutes les autres marques de la joie et de la reconnaissance. Les temples de pierre et de marbre naquirent avec les progrès de l'architecture. Il arriva même alors, que pour conserver l'ancien usage, on continua de planter des bois autour des temples, de les environner de murailles ou de haies, et ces bois passaient pour sacrés.

Mais je ne m'adresse pas spécialement aux bons élèves. Je m'adresse plutôt aux autres, aux curieux, aux passionnés, aux fous de mots, de textes et d'idées. À ceux-là, je dis : Soyez sans pitié et mettez en doute cette interprétation un peu simpliste, tellement simpliste qu'elle est puérile, en citant la lettre que Baudelaire adressa à Fernand Desnoyers en 1855 : Vous me demandez des vers pour votre petit volume, des vers sur la nature n'est-ce pas ? sur les bois, les grands chênes, la verdure, les insectes, — le soleil, sans doute ? Mais vous savez bien que je suis incapable de m'attendrir sur les végétaux, et que mon âme est rebelle à cette singulière religion nouvelle qui aura toujours, ce me semble, pour tout être spirituel, je ne sais quoi de shocking [claire allusion aux Philosophes de la Nature]. Je ne croirai jamais que l'âme des Dieux habite dans les plantes et, quand même elle y habiterait, je m'en soucierais médiocrement et considérerais la mienne comme d'un bien plus haut prix que celle des légumes sanctifiés. J'ai même toujours pensé qu'il y avait dans la nature florissante et rajeunie quelque chose d'affligeant, de dur, de cruel, — un je ne sais quoi qui frise l'impudence.

Faut-il voir dans cette lettre une simple boutade, la manifestation d'un agacement ironique de l’aristocratique dandy envers un éditeur qui lui demandait d'écrire des poèmes bien conventionnels et bourgeois destinés à émouvoir les épiciers ou les âmes chastes et pures qui soupiraient dans les pensionnats de jeunes filles ? Et si la Nature ne revêtait pas ici pour Baudelaire le sens que nous lui attribuons (les petites fleurs, les arbres, les insectes et les tits zoziaux), mais quelque chose de plus philosophique, de plus proche du Monde naturel de Swedenborg, c'est-à-dire le monde matériel, le monde palpable, sensible, par opposition au monde spirituel, au monde des idées ? Mais alors, que seraient ces vivants piliers ? Un pilier, au sens propre, c'est une colonne qui soutient un édifice. Au sens figuré, c'est un fondement, une loi, une règle. La Sagesse s'est construite une maison et a élevé sept piliers, peut-on lire dans la Bible (Livre des Proverbes). On parle des Cinq piliers de l'Islam pour désigner les cinq obligations qui s'imposent à tous les croyants. Décidément, il est plus confortable d'en rester aux arbres qui parlent, à leurs cimes qui se rejoignent pour former une voûte, et de n'aller pas plus avant dans les spéculations.

Reste une intuition, même pour le non-initié que je suis : le 1er quatrain contient des références franc-maçonniques. Chut ! Nous voilà sur un terrain délicat : la franc-maçonnerie étant, par définition, une société secrète, tout ce qui peut y faire allusion reste secret. Baudelaire était franc-maçon, il en fut même grand maître, un grade assez élevé dans la hiérarchie. Si l'on s'aventure dans cette voie, qui ne peut mener qu'à une impasse, on peut imaginer le temple évoqué dans le premier quatrain. Il s'agit du temple de Salomon, édifié à Jérusalem vers le Xe siècle avant Jésus-Christ. C'est en effet ce temple (ou ce qu'on en imaginait et qu'on en connaissait par les récits bibliques, car il fut détruit par les Babyloniens quatre siècles après son édification) qui servit de modèle pour la construction des temples maçonniques. L'entrée est encadrée par deux piliers, nommés Jakin et Boaz.

Ces piliers vivants parlent, mais ils ne sont guère bavards et lorsqu'ils daignent s'exprimer, ou lorsque (volontairement, ou par inadvertance ?) ils laissent échapper quelques messages, c'est dans un langage obscur, confus, qu'il faut déchiffrer. Les dieux ne s'adressent jamais aux humains dans un langage clair. Pour parler au peuple, Jésus utilise des paraboles. Toutes les religions ont leur volet ésotérique, voir la Kabbale des juifs ou les soufis des musulmans. Ces paroles confuses me font irrésistiblement penser au Voile d'Orphée, oeuvre électro-acoustique du compositeur Pierre Henry (né en 1927), dont voici un extrait :

Le Voile d'Orphée

Parabole / Fable : Ces deux genres, qui appartiennent au champ de l'apologue, procèdent d'une technique identique, en proposant un court récit qui possède un deuxième sens, une signification caché. La parabole, souvent (mais pas toujours) de caractère religieux, met en scène des situations familières, réalistes, où les personnages et les actions symbolisent des idées ou des vérités. Matthieu dans son Évangile transmet de nombreuses paraboles, ainsi celle du semeur, dont je donne la version originale et, entre parenthèses, l'explication symbolique fournie par Jésus : Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin : les oiseaux vinrent, et la mangèrent (Lorsqu'un homme écoute la parole du royaume et ne la comprend pas, le malin vient et enlève ce qui a été semé dans son coeur: cet homme est celui qui a reçu la semence le long du chemin.) Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n'avait pas beaucoup de terre : elle leva aussitôt, parce qu'elle ne trouva pas un sol profond ; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines (Celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n'a pas de racines en lui-même, il manque de persistance, et, dès que survient une tribulation ou une persécution à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute). Une autre partie tomba parmi les épines : les épines montèrent, et l'étouffèrent (Celui qui a reçu la semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole, mais en qui les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent cette parole, et la rendent infructueuse). Une autre partie tomba dans la bonne terre : elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente (Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c'est celui qui entend la parole et la comprend ; il porte du fruit, et un grain en donne cent, un autre soixante, un autre trente).

La fable, de caractère profane, est également un récit allégorique qui possède un sens caché et qui nous propose l'énigme d'une morale, immédiatement pratique ou universelle. Mais contrairement à la parabole, elle est le plus souvent irréaliste, imaginaire, elle fait parler les animaux ou les arbres, le chêne un jour dit au roseau... et met en scène des corbeaux friands de fromage. La parabole prend ses racines dans le réalisme et le quotidien, la fable dans la fantaisie et l'imaginaire.

L'Homme, comme la Nature dont il fait partie, mais qu'il dénature en la transformant, est également doté d'une majuscule. Cette majuscule nous place sur le terrain de la philosophie. La Nature et l'Homme ne sont pas des réalités, mais des concepts, des abstractions.

L'Homme y passe à travers des forêts de symboles

Vassily Kandinsky (1866-1944) Komposition 8, 1923, Solomon R. Guggenheim Museum, New York

Nous passons quotidiennement à travers des forêts de symboles. Nous savons déchiffrer la plupart d'entre eux. Certains pourtant restent un peu mystérieux.

Qui l'observent avec des regards familiers

Qui observe qui ? Dans le dernier vers du premier quatrain, le mot avec est indispensable, et il ne pourrait être remplacé que par un autre mot commençant, lui aussi, par une voyelle. Il est en effet impératif, pour la compréhension du texte, qu'on entende la liaison entre "observent" et le mot qui suit, la question étant : Qui observe qui ? Il serait impossible à l'oreille de faire la distinction entre L'Homme y passe à travers des forêts de symboles qui l'observent...et L'Homme y passe à travers des forêts de symboles qu'il observe... Dans le second cas, c'est l'homme qui observe les symboles. Dans le poème, ce sont les symboles qui observent l'homme.

Pas très logique, penseront certains. Sauf si l'on considère que ces symboles sont des signes semés par les esprits du monde spirituel, qui est le monde vivant, le monde actif, dans la philosophie de Swedenborg. Ce sont des portes, des passages, des déchirures dans le mur qui sépare les deux mondes. Si les regards des symboles sont familiers, c’est qu’ils vieux comme le monde, ils sont là depuis la nuit des temps. Ils ont l’habitude de voir l’Homme, ils ont appris à le connaître, ils ont appris à ne pas le craindre. L'homme passe, fugitivement, les symboles demeurent. Mais il n’y a pas d’Homme, il n’y a que des hommes, désemparés, ignorants, qui, générations après générations, regardent ces symboles avec la même curiosité et n’entendent que de confuses paroles.

Mais ces regards familiers qui hantent le poète ne sont-ils pas des projections nées de son propre cerveau ? Qui regarde qui ? demandais-je. Peut-être tout simplement Baudelaire qui regarde Baudelaire, lui qui,  disait : J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans... et qui avait même rêvé une Vie antérieure, dans des temples encadrés par d'autres grands piliers. On notera que si les vivants piliers de Correspondances transforment la nature en temple, les grands piliers droits et majestueux de la Vie antérieure accomplissent l'opération inverse et transforment le temple en nature :

J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

À qui donc appartiennent ces regards familiers ? Trouvera-t-on une intuition de réponse dans le poème Obsession ?

Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles
Où vivent, jaillissant de mon oeil par milliers,
Des êtres disparus aux regards familiers.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !