« Le problème allemand est par excellence, le problème européen car depuis toujours, l’Allemagne ressent une angoisse, parfois une fureur, suscitée par sa propre inquiétude au sujet de ses limites, de son unité, de son régime politique, de son rôle international, et qui font que ce destin apparaît perpétuellement au continent tout entier comme d’autant plus inquiétant qu’il reste indéterminé ».

Cette citation du Général De Gaulle résume bien ce qu’il convient d’appeler « la question allemande » et qui est au cœur de l’étude de notre texte aujourd’hui.

Au lendemain de la capitulation du 8 mai 1945, c’est l’existence même d’un Etat national allemand qui est remise en question et le régime quadripartite est rapidement paralysé en raison des désaccords entre les Alliés. Ces désaccords sur l’Allemagne reflètent la tension croissante qui s’installe entre Occidentaux et Soviétiques. Les débuts de la guerre froide conduisent donc à la naissance de deux Etats allemands, l’un lié au bloc occidental, l’autre au bloc soviétique.

Comment cette situation, conçue au départ comme provisoire, s’est-elle cristallisée au point d’être considérée comme irrémédiable ?

C’est de cette véritable impasse politique que nous amène à traiter ce document. Il s’agit d’une déclaration du gouvernement des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de la RFA rédigée à Berlin le 29 juillet 1957.

Le texte révèle une proposition très ambitieuse et visionnaire pour l’époque : la réunification de l’Allemagne et la conclusion d’un traité de paix comme conditions sine qua non de la sécurité et de la paix en Europe. Ici on voit que cette déclaration commune de la part du bloc occidental s’adresse implicitement à Moscou avec beaucoup de prudence en lui assurant de nombreuses garanties en échange de l’unification de l’Allemagne et de sa possible entrée dans l’OTAN.

Nous verrons dans un premier temps que ce texte présente l’Allemagne divisée comme le facteur principal de tensions internationales en Europe.

Puis nous étudierons les conditions de cette réunification telles que fixées ici par les occidentaux.

Enfin, nous verrons les garanties accordées à l’URSS dans le processus de détente qui caractérise la période.

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C'est parti

L’Allemagne divisée, facteur principal de tensions internationales en Europe

La partition de l’Allemagne cristallise la désunion des vainqueurs

Tout d’abord, le texte se présente comme un document officiel, il s’agit d’une déclaration énumérative qui se décline en plusieurs « points de vue » comme le dit le texte mais il s’agit plutôt de 12 conditions émanant du bloc occidental à l’égard de la question allemande. Le fonctionnement du régime quadripartite s’est en effet vite trouvé paralysé par les oppositions entre les Alliés. Les divergences tiennent à des conceptions différentes sur le sort de l’Allemagne et aux politiques menées dans les zones d’occupation. Mais elles dépassent bien entendu le cadre de la question allemande et s’inscrivent dans le contexte plus général de la guerre froide qui a inévitablement conduit à la division de l’Allemagne en 2 Etats, l’un lié au bloc occidental, l’autre au bloc socialiste.

La partition n’est  pas un châtiment infligé à l’Allemagne pour la punir de l’agression nazie, elle résulte de la désunion des vainqueurs. Cette désunion dégénérant en « guerre froide », les deux Allemagnes s’éloignent l’une de l’autre. La RFA s’ancre solidement à l’Ouest et émerge progressivement comme une puissance avec laquelle il faut compter, tandis que la RDA n’apparaît que comme un satellite de l’URSS. Chacun d’eux ne dispose que d’une souveraineté très limitée et n’est reconnu que par une partie de la communauté internationale. En effet, pour les Occidentaux comme pour les Soviétiques, seule l’Allemagne accrochée à leur camp est légitime et représente l’ensemble du peuple allemand ; l’autre Allemagne est une création purement artificielle. L’URSS décrit la RFA comme une marionnette entre les mains des Américains, dominée par les forces militaristes et revanchardes. Les Occidentaux soulignent que, dans la RDA, les électeurs n’ont pu se prononcer librement, la population n’adhère pas à un régime entièrement entre les mains de l’URSS.

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Une menace pour la sécurité du continent à l’heure de la construction européenne

Le texte nous présente la division de l’Allemagne comme la source des tensions internationales en Europe comme on peut le voir dans l’introduction de la déclaration avec : « les espoirs des peuples du monde en une paix juste et durable ont été déçus »

« L’une des raisons fondamentales de l’échec de tout règlement est le maintien de la division de l’Allemagne », « cause principale de tension internationale en Europe ».

Votre prof d'histoire vous racontera que la question du réarmement est un des facteurs de tensions entre les deux blocs. Depuis l’automne 1948, le gouvernement américain juge en effet indispensable la participation de l’Allemagne à la défense occidentale ; les Britanniques partagent ce point de vue. La question avait d’ailleurs été ouvertement posée lors de la conférence tripartite de Paris en 1949. En France, la plupart des chefs militaires et le général De Gaulle sont convaincus depuis le printemps 1948 de cette nécessité, en raison du déséquilibre des forces en Europe entre l’Alliance atlantique et le bloc soviétique ; mais les gouvernements ne peuvent s’y résoudre, à cause de l’opposition de la majorité des milieux politiques et de l’opinion. Le texte évoque une « grave injustice pour  le peuple allemand » qui pâtit de cette situation inextricable. Le statu quo de 1957 présente un certain nombre de dangers. En effet, L'Allemagne constitue le lieu où s'affrontent les deux systèmes militaires — l'OTAN et le Pacte de Varsovie — et par là sa division constitue un danger permanent d'explosion. En effet on ne peut s'attendre à ce qu'un désarmement négocié entre les deux blocs mais qui ne toucherait pas au statu quo satisfasse les Allemands. Au cas où un soulèvement de type hongrois se produirait en Allemagne orientale, rien ne pourrait empêcher une intervention de l'Allemagne de l'Ouest, qui entraînerait dans le conflit l'OTAN et par contrecoup les pays du Pacte de Varsovie.

L’article 3 confirme cette menace avec : « la division contre nature de l’Allemagne et de sa capitale Berlin est une source permanente de tensions internationales » ; « aussi longtemps que l’Allemagne reste divisée, il ne peut y avoir ni traité de paix, ni garantie de stabilité en Europe ». Depuis le blocus de 1948, Berlin constitue en effet un symbole car c’est l’avant-poste du monde occidental affrontant la poussée communiste. La crise a eu d’importantes conséquences sur l’équilibre européen puisqu’elle étend à Berlin la division de l’Allemagne. Jusque là, l’ancienne capitale avait conservé une municipalité unique. Pendant le blocus, la majorité du conseil municipal, pro-occidentale, quitte le secteur soviétique où était l’hôtel de ville pour former un conseil municipal de Berlin-Ouest ; la minorité restée dans le secteur soviétique se transforme en conseil municipal de Berlin Est.

Le texte évoque également à l’article 4 des « engagements qui inspirent confiance aux autres pays »  achevant d’inscrire cette déclaration dans un contexte international de guerre froide où ce ne sont pas uniquement les Etats-Unis et l’URSS qui se combattent mais bien deux modèles idéologiques antagonistes qui entraînent derrière eux leurs alliés.

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L’article 12 mentionne les « liens entre la sécurité européenne et la réunification de l’Allemagne ». Les dirigeants sont en effet très attentifs à la situation en juillet 1957 car le Traité de Rome a été signé 4 mois plus tôt et ce dernier exige un cadre européen stabilisé. En effet, dans la « relance européenne » marquée à partir du printemps 1955 par des négociations entre les Six pour un traité instituant une Communauté économique européenne et un traité créant une Communauté européenne de l’énergie atomique, le « facteur allemand » tient une place importante. La RFA est surtout intéressée par le Marché commun qui lui permettra d’étendre ses exportations et d’affirmer sa prééminence économique dans l’Europe des Six.

Une réunification sous conditions pour le bloc occidental

La réunification sous l’égide de la RFA

Cette déclaration cadre occidentale, si elle réclame la réunification de l’Allemagne ne le fait pas néanmoins sans poser certaines conditions fermes à sa réalisation.

Elle conditionne la réunification selon le point de vue occidental, c'est-à-dire que c’est à la RFA qu’il appartient d’absorber la RDA comme le montre le texte avec :« le gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne en tant que seul gouvernement habilité à parler au nom du peuple allemand tout entier ».

En effet, dans son préambule, la loi fondamentale de la RFA présente l’unité nationale comme un objectif prioritaire. Mais en réaction contre la perversion de l’idée nationale par le nazisme, et en raison de l’opposition au totalitarisme communiste, les leaders politiques ouest-allemands placent la liberté, garantie par les droits fondamentaux que la loi fondamentale décrit comme inaliénables, avant l’unité. Pour surmonter la division, chrétiens-démocrates, libéraux, sociaux-démocrates s’accordent sur « la théorie de l’aimant » : la construction d’une démocratie libérale et parlementaire, l’édification d’un Etat de droit, le développement d’un ordre économique et social efficient en RFA constitueront une force d’attraction à laquelle le système totalitaire imposé aux Allemands de l’Est ne pourra pas résister durablement. L’opposition socialiste ne manque pas en effet de souligner la contradiction, présente dans le texte, entre intégration occidentale, qui approfondit la coupure entre les deux Allemagnes, et la volonté constamment réaffirmée de rechercher la réunification. Adenauer ne voit pas de contradiction car, pour lui la réunification doit se faire non par la synthèse entre les deux Allemagnes, mais par l’absorption de l’Allemagne de l’Est dans la RFA ; les Soviétiques ne l’accepteront jamais sinon sous la contrainte ; il faut donc une RFA forte dans un camp occidental fort, dont la pression obligera l’URSS à reculer et à laisser les Allemands de l’Est se déterminer librement ; ceux-ci seront attirés irrésistiblement vers la démocratie de Bonn, pays libre, prospère, appuyé par les grandes puissances occidentales.

Par ailleurs l’anticommunisme est un des ressorts majeurs du chancelier Adenauer qui prend ici part à la Déclaration au nom de la RFA. Il repousse catégoriquement toute solution transactionnelle qui ferait sa part à la RDA dont il nie l’existence : pour lui seule la RFA est l’héritière de l’ancien Reich, qualifiée pour parler au nom de tous les Allemands, y compris ceux de l’est, elle seule est légitime car elle s’appuie sur le consentement des citoyens, alors que les Allemands de l’Est, privés de liberté sont contraints par l’URSS à subir un régime contraire à leurs vœux.

C’est pourquoi pour les Occidentaux, la réunification passe avant tout par des élections libres, entraînant l’extension du régime de la RFA à la RDA qui disparaîtrait ; par son refus d’élections libres l’URSS empêche la réunification dans la liberté. C’est ce qu’on peut voir avec l’article 1 « un règlement doit être fondé sur la liberté et la justice », l’article 2 avec « la réunification allemande nécessite en même temps la coopération active du peuple allemand tout entier dans des conditions qui assurent la libre expression de sa volonté »

« chaque nation a le droit de choisir librement son mode de vie, son système politique, économique et social et de prendre les dispositions nécessaires à sa sécurité en tenant compte des intérêts légitimes des autres nations »

 « seul un gouvernement de l’ensemble de l’Allemagne librement élu peut prendre au nom d’une Allemagne réunifiée des engagements qui inspirent confiance aux autres pays » (art 4)

« Un tel gouvernement ne peut être constitué que par de libres élections à une assemblée nationale de toute l’Allemagne » (art 5)

La question du désarmement et de l’entrée dans l’OTAN

Par ailleurs, le texte fait la part belle à un autre enjeu qui structure la période. Il s’agit de la question du désarmement et de l’entrée dans l’OTAN. Cette question occupe presque la moitié du texte, à partir de l’article 6. On note en effet : « la liberté et la sécurité de l’Allemagne réunifiée ne sauraient être mises en cause par un statut imposé de neutralisation et de démilitarisation ». Les divergences entre les grands partis portent depuis longtemps sur la question d’une neutralisation éventuelle, rejetée catégoriquement par la CDU, prônée ou du moins pas exclue chez un certain nombre de socialistes ou de libéraux, et sur les effets positifs ou négatifs de l’intégration de la RFA dans le bloc occidental. Adenauer lui, a toujours placé la réunification après la sécurité ; une réunification entraînant une distension des liens avec l’Occident serait une catastrophe. C’est pourquoi, malgré les protestations du SPD, le chancelier avait déjà rejeté d’emblée, sans examen, les plans soviétiques successifs sur la constitution d’un gouvernement allemand issu des deux Allemagnes et sur un traité de paix neutralisant l’Allemagne réunifiée ; car il ne voyait dans ces plans que des manœuvres de propagande pour empêcher le réarmement de l’Allemagne dans le cadre de l’OTAN.

De toute façon, à ses yeux, neutralisation signifierait soviétisation : « une Allemagne neutralisée serait tôt ou tard absorbée par le courant communiste » dit-il.

La réunification est la priorité affichée de cette déclaration, ce que les signataires ne manquent pas de rappeler avec notamment l’article 11 « les puissances occidentales n’ont pas l’intention de souscrire à un accord général de désarmement quel qu’il soit, qui porterait préjudice à la réunification de l’Allemagne » même s’ils reconnaissent que« la réunification faciliterait l’établissement d’un accord général de désarmement » (art 11).

Sur la question de l’OTAN, les opinions sont partagées même si le document semble montrer 4 Etats s’exprimant d’une seule voix. En effet, Une partie des participants allemands préconisa que le retrait de la République fédérale de l'OTAN soit envisagé dès le début des négociations sur la réunification. Les Soviétiques, dirent-ils, ne peuvent accepter une réunification qui ferait entrer l'ensemble de l'Allemagne dans le système de défense occidental. Le statut militaire futur de l'Allemagne réunifiée doit être fixé à l'avance par un accord qui satisfasse à la fois Moscou et "Washington. Ce retrait de la République fédérale de l'OTAN ne représenterait pas un affaiblissement dans la mesure où une contrepartie russe obligatoire entraînerait un repliement des forces russes de l'Europe centrale et dans la mesure où une Allemagne réunifiée resterait moralement, politiquement et économiquement liée à l'Occident. L'évolution des conceptions stratégiques rendrait parfaitement viable une OTAN privée de l'Allemagne occidentale.

Ce dernier argument fut particulièrement combattu, L'OTAN sans l'Allemagne disparaîtra, dit-on du côté français. D'autre part on souligna qu'il serait impossible d'envisager le retrait de l'Allemagne de l'OTAN avant d'être sûr qu'un système de sécurité aussi efficace que l'OTAN puisse lui être substitué.

Les signataires sont en effet intransigeants sur la question de l’OTAN comme le montre l’article 10  « les puissances occidentales ne pourraient envisager que l’existence même de l’OTAN constituât l’objet de négociation »

Les garanties offertes à l’URSS s’inscrivent dans le processus de détente

Le rappel de « l’esprit de Genève »

Si cette déclaration impose un point de vue ferme et tranché sur les enjeux de réunification de l’Allemagne comme gage de sécurité européenne il n’en oublie pas moins les ressorts de la diplomatie qui caractérise la guerre froide et propose un certain nombre de garanties considérables à l’URSS. Cela s’inscrit dans une dynamique déjà enclenchée quelques années auparavant d’amorce de dialogue avec l’URSS. L’article 7 de la déclaration est particulièrement révélateur « le rétablissement de l’unité nationale ne saurait constituer en soi une menace pour les voisins de l’Allemagne pas plus qu’il ne mettrait en cause leur sécurité. Cependant, afin de répondre aux préoccupations que certains gouvernements pourraient avoir à cet égard, des arrangements appropriés, liés à la réunification allemande, devraient être conclus qui tiendraient compte du légitime souci de sécurité de tous les pays intéressés. C’est pour cette raison qu’à la conférence des ministres des Affaires étrangères à Genève, les puissances occidentales ont fait des propositions en vue de la conclusion d’un traité de paix comportant des garanties spéciales en fonction de la réunification de l’Allemagne »

Dans cet article, il est en effet fait référence à « la conférence des ministres des AE à Genève » qui s’était réunie 2 ans plus tôt, en 1955.  C’est un demi-échec. Pour les Américains, la réunification allemande est la condition de la sécurité européenne ; les Soviétiques au contraire font d’un pacte de sécurité le préalable à la réunification. Français et Britanniques cherchent un compromis et proposent des progrès simultanés dans les deux directions : inclusion de l’Allemagne unifiée dans une organisation générale de sécurité, limitation des armements dans les deux Allemagnes et les pays voisins, pacte à quatre de non-agression et d’assistance mutuelle. Les Soviétiques réaffirment que l’Allemagne réunifiée doit être neutralisée ; comme à l’Ouest on s’y refuse, il est inutile de négocier. Néanmoins, l’URSS signe le communiqué final qui lie réunifications et sécurité.

L’optimisme relatif crée par « l’esprit de Genève » conduit Adenauer à ne pas se dérober à une invitation de Khrouchtchev. Le voyage à Moscou présente à ses yeux deux avantages : d’une part régler la question des prisonniers allemands demeurés en URSS, question à laquelle l’opinion ouest-allemande attache une grande importance ; d’autre part, la décision soviétique de reconnaître officiellement la RFA, d’établir avec elle des relations diplomatiques et de développer des relations commerciales, devrait affaiblir la position de la RDA. Mais en ce qui concerne la question allemande, Adenauer, dans ses entretiens à Moscou, n’assouplit en rien sa position.

Si le dialogue est maintenu, sur le fonds des choses l’opposition des thèses reste entière. Pour l’URSS, la question de la réunification ne se pose plus dans l’immédiat ; deux Etats allemands existent, il s’agit de consolider la RDA, « sûr rempart des forces démocratiques et pacifiques du peuple allemand » ; une éventuelle solution sur l’Allemagne suppose qu’ait été résolue la question de la sécurité européenne en empêchant l’intégration de l’Allemagne réunifiée dans l’OTAN, but réel des gouvernements occidentaux. Ceux-ci estiment cependant qu’il faut faire des offres à l’URSS ; pour montrer aux opinions publiques qu’ils ne cherchent pas à étendre leur dispositif militaire en exigeant de l’URSS qu’elle abandonne l’Allemagne de l’Est sans contrepartie.

Des deux côtés on est mû avant tout par des considérations de propagande, ce qui rend assez dérisoires les débats de la conférence des ministres des AE, réunie à Genève du 31 octobre au 16 novembre 1955. A nouveau c’est un dialogue de sourds : les Occidentaux lient réunification allemande par élections libres à un système de sécurité, l’URSS conteste la valeur des garanties offertes et décrit la réunification comme un long processus de rapprochement entre les deux Allemagnes : pour le moment, les allemands sont dans les deux camps : « gardez les vôtres, nous gardons les nôtres », déclare Molotov.

Une volonté d’enclencher le processus de détente ?

Enfin, cette déclaration cadre occidentale sur la réunification ne peut se comprendre que par la volonté de la part du bloc occidental d’enclencher le processus de détente qui constitue une nouvelle phase de la guerre froide.

Au début de 1956, le nouveau gouvernement français dirigé par Guy Mollet cherche en effet à relancer le dialogue avec l’URSS, et à rallier ses partenaires à l’idée qu’un désarmement serait amorcé de façon symbolique par la mise en place de contrôles ; une réduction significative des effectifs et des matériels n’interviendrait qu’une fois obtenu un accord sur la réunification allemande. Foster Dulles (secrétaire d’Etat américain) ne se rallie à ce plan que parce qu’il n’a aucune chance d’aboutir, l’URSS se refusant à tout contrôle ; l’important est de montrer à l’opinion publique que l’impasse résulte du refus par l’URSS des propositions occidentales, et non l’inverse. Les occidentaux s’attachent ici à rassurer l’URSS sur leurs prétentions au sujet de l’OTAN et place toute responsabilité dans le peuple allemand réunifié comme le montre l’article 8 : « les puissances occidentales n’ont jamais considéré l’adhésion d’une Allemagne réunifiée à l’OTAN comme une condition de réunification de l’Allemagne. C’est à la population elle-même d’une Allemagne réunifiée qu’il appartiendra de déterminer, par le truchement d’un gouvernement librement élu, si elle souhaite jouir des droits et remplir les devoirs inscrits au traité ».

L’article 9 mentionne des assurances considérables pour l’URSS mais demeure évasif sur leur nature exacte : « les puissances occidentales, après consultation des autres membres de cette organisation (l’OTAN), seraient disposées à offrir, sur une base de réciprocité, au gouvernement soviétique et aux gouvernements d’autres pays de l’Europe orientale qui deviendraient partie à un arrangement européen de sécurité, des assurances d’une portée considérables. Les puissances occidentales consentiraient également, si un arrangement européen de sécurité acceptable pour tous était conclu, à y inclure l’assurance que, si une Allemagne réunifiée décidait d’adhérer à l’OTAN, ils ne tireraient aucun avantage militaire du retrait des forces soviétiques »

Cet apparent assouplissement des positions est sans doute du à l’affaiblissement des deux blocs suite aux événements de la fin 1956 (crise de l’Alliance atlantique à la suite de l’affaire de Suez, crise polonaise et hongroise notamment). L’URSS propose à Adenauer des négociations directes entre les deux Allemagnes pour aboutir à une confédération, au gouvernement français un dialogue franco-soviétique sur l’Allemagne. Ni Bonn ni Paris ne donnent suite à ces ouvertures, interprétées comme des manœuvres pour troubler les rapports franco-allemands et torpiller les traités de Rome sur le Marché commun et Euratom. La solidarité occidentale commande de ne pas faire cavalier seul et c’est ainsi que les gouvernements des Etats-Unis, de la France, du RU et de la RFA signent cette déclaration.

Côté soviétique, on y voit une tentative occidentale de saboter les efforts pour la détente internationale, en s’obstinant à lier réunification allemande et désarmement comme le montre l’article 11 : « la réunification de l’Allemagne, accompagnée de la conclusion d’arrangements sur la sécurité européenne faciliterait l’établissement d’un accord général de désarmement »

« des mesures préliminaires dans le domaine du désarmement devraient conduire à un accord général de désarmement, accord qui suppose au préalable qu’une solution ait été apportée au problème de la réunification allemande. »

 

Ainsi, cette déclaration occidentale nous fait part de toute la complexité de la question allemande au cœur de la guerre froide. L’Allemagne devient véritablement le lieu d’affrontement privilégié de deux camps ; deux idéologies  différentes. De 1955 à 1957, on a de part et d’autre surtout fait assaut de propagande puisque malgré l’apparente recherche d’un accord sur le problème allemand pour fonder la détente en Europe, les positions restent intangibles. A la suite de cette déclaration, Khrouchtchev affirme en effet que toute négociation sur l’Allemagne est exclue, qu’un accord est-ouest ne peut intervenir que sur la base d’une situation déjà existante et n’avoir pour objet que la reconnaissance du statu quo. Le projet de réunification mettra 33 ans à devenir réalité.

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !