Boris Vian (1920-1959) est un artiste pluridisciplinaire : à la fois chanteur, musicien, poète ou encore écrivain, cet homme touche-à-tout expose dans ses livres un monde fantastique qui lui est propre. L'Arrache-cœur ne déroge pas à la règle. Le roman est imprégné de la culture de l'époque, de surréalisme et d'invention. À la fois innocent, enfantin mais aussi touchant et cruel, cet ouvrage dévoile au mieux l'univers complexe de l'auteur que nous allons tâcher de comprendre.

Quelles sont les caractéristiques de L'Arrache-coeur par Boris Vian ?
© Patrick Roger / Gallimard, Archives Cohérie Boris Vian

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C'est parti

Résumé de l'oeuvre

Jacquemort, un psychiatre venu de nulle part, arrive dans la maison d'Angel et Clémentine. Cette dernière est sur le point d'accoucher de trumeaux (des jumeaux et un "isolé" dans le langage de Vian), aidée par le psychiatre. Angel, le mari délaissé, n'a pas le droit de voir ni d'assister à cet accouchement. Ce n'est qu'après que Clémentine lui redonnera sa liberté paternelle. Jacquemort s'installe ensuite chez eux et explique son projet à Angel : il veut psychanalyser les gens et se remplir de leurs pensées car il se sent "vide" intérieurement. Il se rend ensuite au village afin de commander des lits pour les trumeaux. Il tombe alors sur la "foire aux vieux", une sorte de marché qui met en vente des personnes âgées tels des objets. Jacquemort assiste impuissant à cet acte qui lui semble barbare et dépassé. Il se rend ensuite à la menuiserie où il fait la rencontre d'un jeune apprenti chétif et exploité par son patron. Ce n'est que quelques jours plus tard qu'il rencontre La Gloïre, un homme âgé et usé qui s'occupe de repêcher à l'aide de ses dents des éléments morts ou pourris tombés dans la rivière rouge du village. Il est là pour racheter la honte des villageois. Ces derniers lui donnent beaucoup d'or - qu'il ne peut pas dépenser car personne ne veut lui vendre quoi que ce soit - afin de se débarrasser de leurs péchés. À côté de cela, Clémentine ne supporte plus l'affection que lui donne son mari, Angel. Il est donc amené, par les conseils de Jacquemort, à construire un bateau. Une fois ce dernier fini, il part, au grand désarroi de Jacquemort. Le psychiatre se tourne alors vers la bonne de la maison, qu'il souhaiterait psychanalyser. Elle ne comprend cependant pas le sens du mot et pense à des avances, qu'elle accepte. Jaquemort se met alors à "psychanalyser" régulièrement la bonne. Clémentine se lie petit à petit d'affection pour ses enfants, qu'elle ne supportait pas à leur naissance, et se met à les surprotéger. Ils sont mis en cage, protégés des éléments extérieurs - elle abat l'arbre du jardin car elle a peur pour leur sécurité - et se met à avoir un comportement primitif avec eux : elle se prive de nourriture et n'hésite pas à manger de la viande avariée pour leur laisser les bons morceaux. Mais grâce aux pouvoirs magiques de limaces bleues, les trumeaux se libèrent de leur cage et parviennent à voler, faisant fi de l'autorité maternelle. De son côté, Jacquemort parvient à se faire une place au sein du village et psychanalyse un chat puis La Gloïre. Il prendra d'ailleurs sa place, suite à sa mort, et deviendra à son tour la honte du village pour toujours.

Comment peut-être représenté le village de L'Arrache-coeur ?
Un village typique semblable à celui imaginé par Vian

Contextualisation de l'oeuvre

L'Arrache-cœur, publié pour la première fois en 1953 aux Éditions Vrille, est très certainement le roman le plus personnel et le plus caractéristique de l'oeuvre surréaliste de Boris Vian. L'auteur y fait référence à la mère de famille - figure imposante qui le coupera de la société dans son enfance à cause de sa maladie respiratoire - mais aussi à l'enfance - le trumeau isolé, Citroën, semble être le double littéraire de Vian. Tout cet univers pittoresque et coloré s'inscrit dans un contexte littéraire précis du XXe siècle : le surréalisme. Ce courant, théorisé en 1924 par André Breton dans le Manifeste du surréalisme exprime le souhait de sortir du réel grâce à l'invention. L'auteur est capable, par la création de mots, d'univers fictifs ou de personnages fantastiques, d'écrire une nouvelle réalité, celle qui peut exister grâce à l'imaginaire du lecteur. Ce dernier doit donc faire appel à son inventivité afin de comprendre ce qui est écrit.

“Ce qu'il y a d'admirable dans le fantastique, c'est qu'il n'y a plus de fantastique : il n'y a que le réel.”

Manifeste du surréalisme, André Breton

C'est donc dans ce contexte artistique particulier que l'Arrache-cœur voit le jour. Boris Vian y fait apparaître des êtres doués de pouvoirs exceptionnels (les trumeaux peuvent voler et les animaux savent parler) qui ont le contrôle sur la situation en cours. L'auteur n'hésite pas à faire sortir du réel des éléments aux apparences banales : il injecte aux êtres vivants des facultés qui dépassent les frontières du possible. Ainsi, les chèvres (éléments réels) se retrouvent à faire du stop au bord de la route (élément imaginaire). Ou encore, les chevaux (éléments réels) sont crucifiés sur la place publique (élément imaginaire). Les exemples de la sorte sont nombreux et courent tout au long du roman. Mais il faut surtout retenir que ce roman, le dernier d'une création littéraire riche, s'ancre dans un univers et un contexte artistique cher à l'auteur. Grâce à l'imaginaire, aux métaphores et à la féerie du roman, Vian passe un message symbolique fort que le lecteur doit décrypter. Au travers d'éléments surréalistes, l'auteur nous propulse au cœur d'une poétique à la fois douce et cruelle.

Le surréalisme au profil de l'imaginaire

Comment l'imaginaire s'inscrit-il dans le récit de Vian ?
L'imaginaire de Boris Vian : un modèle de pensée

La poétisation du réel...

Comme nous l'avons exposé plus haut, l'univers de Boris Vian est à la fois complexe et surréel, et laisse une place primordiale à l'imaginaire. Le récit en lui-même est rempli de fantastique ("ce qui n'existe que dans l'imagination, ce qui relève de l'inexplicable") et de féerique (au sens de "merveilleux et fantastique") car chaque élément trouve une dimension nouvelle et inventée : les animaux parlent, sont crucifiés ou psychanalysés par Jacquemort, les enfants volent et le temps semble distordu. Pour ce faire, Vian use d'un outil essentiel en littérature : le langage. En transformant celui-ci à souhait, il peut se permettre de faire advenir de nouveaux mots mais aussi de nouveaux éléments de la vie quotidienne. Il est capable de créer des mots, de leur donner un nouveau sens afin de modifier en profondeur l'histoire. Ainsi, Vian utilise plusieurs procédés littéraires connus :

    • l'emploi du "mot-valise" qui consiste à combiner deux voire plusieurs mots en un seul - comme avec le "calaïos" qui semble être un dérivé du mot "calao" (oiseau au plumage blanc et noir) et "ail" ou "alios" (roche typique des Landes). On le retrouve dans l'extrait suivant :

    Il y avait des calaïos, dont le feuillage bleu-violet par-dessous, est vert tendre et nervuré de blanc à l'extérieur [...]

    • Autre exemple de mot-valise, lors de l'évocation des mois de l'année : "juinet" est la contraction de "juin" et "juillet", tandis que "juinout" est la contraction de "juin" et "août". Le plus notable est certainement celui qui désigne les triplés de Clémentine, les "trumeaux". Cette alliance entre "jumeaux" et "triplés" vient expliquer la séparation qui peut exister entre les trois frères : l'un est exclu tandis que les deux autres évoluent ensemble.
    • l'emploi du néologisme qui consiste à créer entièrement un mot nouveau. C'est le cas des "maliettes" que les enfants s'amusent à pourchasser dans le ciel et qui semblent être des animaux volants - semblables à des oiseaux imaginaires.

    Dans chaque cas précédemment cité, Vian injecte une part d'irréel dans un contexte plutôt banal et surtout très réaliste. Par exemple, les mois de l'année sont modifiés tout en s'inscrivant dans un contexte saisonnier connu du lecteur : il fait beau et chaud lorsque Jacquemort arrive dans la maison de Clémentine. Le lecteur est donc capable de prendre en compte cet élément tout en associant un mot qu'il ne connaît pas encore : juinet. Toutes ces inventions ont pour but de modifier le réel, de lui ajouter une touche de surnaturel afin de le transporter dans un univers fantastique et féerique - comme nous l'avons énoncé plus haut. Cet aspect onirique et presque enfantin (puisque inventé par l'imaginaire, relié par définition à l'enfance) confère au roman une parenthèse enchantée qu'il convient cependant de nuancer.

    ... À des fins cruelles

    Bien que le roman soit imprégné d'instants féeriques et imaginaires, il ne faut pas oublier que L'Arrache-cœur développe un côté sombre et cruel du monde qui nous entoure réellement. En s'appuyant constamment sur le surnaturel, Boris Vian développe des créations littéraires pessimistes voire mélancoliques.

    • Les animaux ont une place primordiale dans le déroulé du roman. Comme nous l'avons déjà vu, les animaux parlent, font du stop et se font psychanalyser par Jacquemort. Jusque-là, Vian nous développe un aspect qui nous est désormais familier : la création d'un univers complètement réinventé. Mais il se permet de montrer des aspects beaucoup moins féeriques au lecteur. Les chevaux sont crucifiés sur la place publique, aux yeux de tout le village, sans que cela semble poser problème. Les codes normés de notre société sont donc redistribués afin de montrer la cruauté des personnages, et donc des êtres humains. Cette scène sert de morale au lecteur, qui doit comprendre que le mal peut être pratiqué en toute impunité. Ainsi, l'imaginaire trouve une fonction plus sombre : la dénonciation des actes humains.
    • La cruauté ne touche pas seulement les animaux. Les humains en sont également victime. Les trumeaux de Clémentine sont enfermés dans des cages car elle trouve la maison trop grande et trop dangereuse pour eux. Ils évoluent donc dans un univers inadapté - bien que pouvant exister au premier abord. Afin de se libérer de leurs chaînes, les trumeaux rivalisent d'imagination en faisant appel aux limaces bleues ayant le pouvoir de les faire voler. L'injection d'un élément fantastique vient aider les protagonistes maltraités et privés de liberté. Vian veut en cela développer le thème de la mère protectrice (faisant écho à sa propre histoire) qui refrène les actions de ses propres enfants.

    Conclusion

    Boris Vian est passé par plusieurs phases d'écriture : la science-fiction avec Et on tuera tous les affreux, la réécriture des romans policier américains avec J'irai cracher sur vos tombes et le surréalisme avec L’Écume des jours et, bien entendu, L'Arrache-cœur. Ce dernier roman marque la fin de sa carrière littéraire - et de sa mort prématurée - avec l'aboutissement d'une écriture tirée de l'imagination. Tous les aspects inventés par l'auteur sont révélateurs d'une idéologie du moment : changer le monde grâce à la littérature, lui donner un nouveau souffle. Cet élan aura ses précepteurs (Breton, Aragon, Eluard etc.) et permettra de modifier en profondeur la littérature du XXe siècle. L'Arrache-cœur en sera le témoin perpétuel puisqu'il tente d'ouvrir les frontières du possible, grâce au pouvoir de l'écriture.

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !