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Présentation de la nouvelle

Contexte de parution

« L'Enfant » est une nouvelle initialement parue dans la revue Gil Blas, du 18 septembre 1883. Guy de Maupassant la signe de son pseudonyme, Maufrigneuse.

Il est à noter que Maupassant avait déjà écrit une nouvelle du même titre en 1882, parue dans la revue Le Gaulois, en signant de son vrai nom, et au sujet tout à fait différent.

Résumé de la nouvelle

Le médecin d'un village de campagne se trouve à diner chez une baronne ; la conversation dérive alors sur un avortement survenu quelques temps auparavant. La baronne s'indigne d'un tel acte, commis a fortiori dans des conditions tout à fait scandaleuses. A contrario, le docteur témoigne à son hôte toute l'admiration qu'il a pour cette femme, eu égard à son courage manifeste vis-à-vis de ces mêmes conditions.

La baronne s'offusquant d'un tel discours, le docteur lui rétorque qu'elle ne peut pas comprendre la détresse d'une femme soumise à des passions furieuses, victime de la nature avant d'être coupable de son acte.

Pour appuyer son propos, il lui raconte ainsi l'histoire de l'une de ses anciennes patientes.

A douze ans, celle-ci était déjà une femme « harcelée sans repos par des désirs d'amour ». Mariée à quinze ans, son mari meurt deux ans plus tard, trop épuisé par sa vigueur. Les deux autres fois sont autant d'échec. Elle décide alors de rester seule, pour épargner toute potentielle victime.

Mais, encore trop faible face à ses tourments, elle finit par coucher avec son jardinier, plusieurs fois, et tombe enceinte. Alors, effrayé par le scandale à venir, la honte sur sa famille, elle tente par tous les moyens d'avorter.

Un soir, perturbée par une plaisanterie de sa mère au sujet de son poids grandissant, elle se décide au plus extrême. Munie d'un couteau, elle se fend le ventre, saisit l'embryon par la jambe, et le lance dans la cendre de son foyer. Cependant, le foetus toujours accroché par le cordon, elle n'y parvient pas et, avant de pouvoir même s'en rendre compte, elle tombe inerte dans la marre de leur sang.

Quelles sont les œuvres de Guy de Maupassant ?
Les genres favoris de Guy de Maupassant étaient le réalisme et le fantastique !

La nouvelle

L'Enfant

On parlait, après le dîner, d’un avortement qui venait d’avoir lieu dans la commune. La baronne s’indignait : Était-ce possible, une chose pareille ! La fille, séduite par un garçon boucher, avait jeté son enfant dans une marnière ! Quelle horreur ! On avait même prouvé que le pauvre petit être n’était pas mort sur le coup.
Le médecin, qui dînait au château ce soir-là, donnait des détails horribles d’un air tranquille ; et il paraissait émerveillé du courage de la misérable mère, qui avait fait deux kilomètres à pied, ayant accouché toute seule, pour assassiner son enfant. Il répétait : « Elle est en fer, cette femme ! Et quelle énergie sauvage il lui a fallu pour traverser le bois, la nuit, avec son petit qui gémissait dans ses bras ! Je demeure éperdu devant de pareilles souffrances morales. Songez donc à l’épouvante de cette âme, au déchirement de ce cœur ! Comme la vie est odieuse et misérable ! D’infâmes préjugés, oui, madame, d’infâmes préjugés, un faux honneur, plus abominable que le crime, toute une accumulation de sentiments factices, d’honorabilité odieuse, de révoltante honnêteté poussent à l’assassinat, à l’infanticide de pauvres filles qui ont obéi sans résistance à la loi impérieuse de la vie. Quelle honte pour l’humanité d’avoir établi une pareille morale et fait un crime de l’embrassement libre de deux êtres ! »
La baronne était devenue pâle d’indignation.
Elle répliqua : « Alors, docteur, vous mettez le vice au-dessus de la vertu, la prostituée avant l’honnête femme ! Celle qui s’abandonne à ses instincts honteux vous paraît l’égale de l’épouse irréprochable qui accomplit son devoir dans l’intégrité de sa conscience ! »
Le médecin, un vieux homme qui avait touché à bien des plaies, se leva, et, d’une voix forte : « Vous parlez, madame, de choses que vous ignorez, n’ayant point connu les invincibles passions. Laissez-moi vous dire une aventure récente dont je fus témoin. »

*

Oh ! madame, soyez toujours indulgente, et bonne, et miséricordieuse ; vous ne savez pas !
Malheur à ceux à qui la perfide nature a donné des sens inapaisables ! Les gens calmes, nés sans instincts violents, vivent honnêtes, par nécessité. Le devoir est facile à ceux que ne torturent jamais les désirs enragés.
Je vois des petites bourgeoises au sang froid, aux mœurs rigides, d’un esprit moyen et d’un cœur modéré, pousser des cris d’indignation quand elles apprennent les fautes des femmes tombées.
Ah ! vous dormez tranquille dans un lit pacifique que ne hantent point les rêves éperdus. Ceux qui vous entourent sont comme vous, font comme vous, préservés par la sagesse instinctive de leurs sens. Vous luttez à peine contre des apparences d’entraînement. Seul, votre esprit suit parfois des pensées malsaines, sans que tout votre corps se soulève rien qu’à l’effleurement de l’idée tentatrice.
Mais chez ceux-là que le hasard a faits passionnés, madame, les sens sont invincibles. Pouvez-vous arrêter le vent, pouvez-vous arrêter la mer démontée ? Pouvez-vous entraver les forces de la nature ? Non. Les sens aussi sont des forces de la nature, invincibles comme la mer et le vent. Ils soulèvent et entraînent l’homme et le jettent à la volupté sans qu’il puisse résister à la véhémence de son désir. Les femmes irréprochables sont les femmes sans tempérament. Elles sont nombreuses. Je ne leur sais pas gré de leur vertu, car elles n’ont pas à lutter. Mais jamais, entendez-vous, jamais une Messaline, une Catherine ne sera sage. Elle ne le peut pas. Elle est créée pour la caresse furieuse ! Ses organes ne ressemblent point aux vôtres, sa chair est différente, plus vibrante, plus affolée au moindre contact d’une autre chair ; et ses nerfs travaillent, la bouleversent et la domptent alors que les vôtres n’ont rien ressenti. Essayez donc de nourrir un épervier avec les petits grains ronds que vous donnez au perroquet ! Ce sont deux oiseaux pourtant qui ont un gros bec crochu. Mais leurs instincts sont différents.
Oh ! les sens ! Si vous saviez quelle puissance ils ont. Les sens qui vous tiennent haletants pendant des nuits entières, la peau chaude, le cœur précipité, l’esprit harcelé de visions affolantes ! Voyez-vous, madame, les gens à principes inflexibles sont tout simplement des gens froids, désespérément jaloux des autres, sans le savoir.
Écoutez-moi.
Celle que j’appellerai Mme Hélène avait des sens. Elle les avait eus dès sa petite enfance. Chez elle ils s’étaient éveillés alors que la parole commence. Vous me direz que c’était une malade. Pourquoi ? N’êtes-vous pas plutôt des affaiblis ? On me consulta lorsqu’elle avait douze ans. Je constatai qu’elle était femme déjà et harcelée sans repos par des désirs d’amour. Rien qu’à la voir on le sentait. Elle avait des lèvres grasses, retournées, ouvertes comme des fleurs, un cou fort, une peau chaude, un nez large, un peu ouvert et palpitant, de grands yeux clairs dont le regard allumait les hommes.
Qui donc aurait pu calmer le sang de cette bête ardente ? Elle passait des nuits à pleurer sans cause. Elle souffrait à mourir de rester sans mâle.
À quinze ans, enfin, on la maria.
Deux ans plus tard, son mari mourait poitrinaire. Elle l’avait épuisé.
Un autre en dix-huit mois eut le même sort. Le troisième résista quatre ans, puis la quitta. Il était temps. Demeurée seule, elle voulut rester sage. Elle avait tous vos préjugés. Un jour enfin elle m’appela, ayant des crises nerveuses qui l’inquiétaient. Je reconnus immédiatement qu’elle allait mourir de son veuvage.
Je le lui dis. C’était une honnête femme, madame ; malgré les tortures qu’elle endurait, elle ne voulut pas suivre mon conseil de prendre un amant.
Dans le pays on la disait folle. Elle sortait la nuit et faisait des courses désordonnées pour affaiblir son corps révolté. Puis elle tombait en des syncopes que suivaient des spasmes effrayants.
Elle vivait seule en son château proche du château de sa mère et de ceux de ses parents. Je l’allais voir de temps en temps, ne sachant que faire contre cette volonté acharnée de la nature ou contre sa volonté à elle.
Or, un soir, vers huit heures, elle entra chez moi comme je finissais de dîner. À peine fûmes-nous seuls, elle me dit :
— Je suis perdue. Je suis enceinte !
Je fis un soubresaut sur ma chaise.
— Vous dites ?
— Je suis enceinte.
— Vous ?
— Oui, moi.
Et brusquement, d’une voix saccadée, en me regardant bien en face : « Enceinte de mon jardinier, docteur. J’ai eu un commencement d’évanouissement en me promenant dans le parc. L’homme, m’ayant vue tomber, est accouru et m’a prise en ses bras pour m’emporter. Qu’ai-je fait ? Je ne sais plus ! L’ai-je étreint, embrassé ? Peut-être. Vous connaissez ma misère et ma honte. Enfin il m’a possédée ! Je suis coupable, car je me suis encore donnée le lendemain de la même façon, et d’autres fois encore. C’était fini. Je ne savais plus résister !... »
Elle eut dans la gorge un sanglot, puis reprit d’une voix fière : « Je le payais, je préférais cela à l’amant que vous me conseilliez de prendre. Il m’a rendue grosse.
Oh ! je me confesse à vous sans réserve et sans hésitations. J’ai essayé de me faire avorter. J’ai pris des bains brûlants ; j’ai monté des chevaux difficiles, j’ai fait du trapèze, j’ai bu des drogues, de l’absinthe, du safran, d’autres encore. Mais je n’ai point réussi.
Vous connaissez mon père, mes frères ! Je suis perdue. Ma sœur est mariée à un honnête homme. Ma honte aussi rejaillira sur eux. Et songez à tous nos amis, à tous nos voisins, à notre nom..., à ma mère... »
Elle se mit à sangloter. Je lui pris les mains et je l’interrogeai. Puis je lui donnai le conseil de faire un long voyage et d’aller accoucher au loin.
Elle répondait : « Oui... oui... oui... c’est cela... », sans avoir l’air d’écouter. Puis elle partit.
J’allai la voir plusieurs fois. Elle devenait folle.
L’idée de cet enfant grandissant dans son ventre, de cette honte vivante lui était entrée dans l’âme comme une flèche aiguë. Elle y pensait sans repos, n’osait plus sortir le jour, ni voir personne de peur qu’on ne découvrît son abominable secret. Chaque soir elle se dévêtait devant son armoire à glace et regardait son flanc déformé ; puis elle se jetait par terre, une serviette dans la bouche pour étouffer ses cris. Vingt fois par nuit elle se relevait, allumait sa bougie et retournait devant le large miroir qui lui renvoyait l’image bosselée de son corps nu. Alors, éperdue, elle se frappait le ventre à coups de poing pour le tuer, cet être qui la perdait. C’était entre eux une lutte terrible. Mais il ne mourait pas ; et, sans cesse, il s’agitait comme s’il se fût défendu. Elle se roulait sur le parquet pour l’écraser contre terre ; elle essaya de dormir avec un poids sur le corps pour l’étouffer. Elle le haïssait comme on hait l’ennemi acharné qui menace votre vie.
Après ces luttes inutiles, ces impuissants efforts pour se débarrasser de lui, elle se sauvait par les champs, courant éperdument folle de malheur et d’épouvante. On la ramassa un matin, les pieds dans un ruisseau, les yeux égarés ; on crut qu’elle avait un accès de délire, mais on ne s’aperçut de rien.
Une idée fixe la tenait. Ôter de son corps cet enfant maudit.
Or sa mère, un soir, lui dit en riant : « Comme tu engraisses, Hélène ; si tu étais mariée, je te croirais enceinte. »
Elle dut recevoir un coup mortel de ces paroles. Elle partit presque aussitôt et rentra chez elle.
Que fit-elle ? Sans doute encore elle regarda longtemps son ventre enflé ; sans doute, elle le frappa, le meurtrit, le heurta aux angles des meubles comme elle faisait chaque soir. Puis elle descendit, nu-pieds, à la cuisine, ouvrit l’armoire et prit le grand couteau qui sert à couper les viandes. Elle remonta, alluma quatre bougies et s’assit, sur une chaise d’osier tressé, devant sa glace. Alors, exaspérée de haine contre cet embryon inconnu et redoutable, le voulant arracher, et tuer enfin, le voulant tenir en ses mains, étrangler et jeter au loin, elle pressa la place où remuait cette larve et d’un seul coup de la lame aiguë elle se fendit le ventre. Oh ! elle opéra, certes, très vite et très bien, car elle le saisit, cet ennemi qu’elle n’avait pu encore atteindre. Elle le prit par une jambe, l’arracha d’elle et le voulut lancer dans la cendre du foyer. Mais il tenait par des liens qu’elle n’avait pu trancher, et, avant qu’elle eût compris peut-être ce qui lui restait à faire pour se séparer de lui, elle tomba inanimée sur l’enfant noyé dans un flot de sang.
Fut-elle bien coupable, madame ?

*

Le médecin se tut et attendit. La baronne ne répondit pas.
18 septembre 1883
Jacob Jordaens, Allégorie de la Fertilité de la terre, XVIIème siècle

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Pistes d'analyse

Un récit en trois parties

Les trois parties de la nouvelle, inégalement longues, sont facilement reconnaissables puisqu'elles sont séparées par des astérisques.

Ainsi, le récit débute par une présentation de la scène, par un point de vue extérieur (narration à la troisième personne). Le caractère commun d'une telle discussion est signifié par le pronom « On », qui commence la nouvelle.

On trouve deux représentants de la classe supérieure : une baronne et un médecin. Cependant, la première profite d'une noblesse héritée ; son statut est plutôt passif et sa contribution à la société apparemment nulle. Cela sera perceptible notamment dans les reproches d'ignorance que lui adressera le médecin. Celui-ci, au contraire, par sa profession, profite d'un savoir expert, et peut s'appuyer sur son expérience pour parler des gens et de la société.

Dans la deuxième partie du récit, on passe à une narration à la première personne : le docteur devient le conteur. Il exhorte son interlocutrice à la tolérance et à l'ouverture d'esprit en lui racontant une histoire dont il a été lui-même le témoin.

Enfin, la troisième et dernière partie de la nouvelle tient en deux phrases laconiques : « Le médecin se tut et attendit. La baronne ne répondit pas. » et qui illustre la « victoire » du docteur sur la baronne, résolvant le conflit sur lequel s'ouvrait la nouvelle.

Nous pouvons également noter que la deuxième partie elle-même se compose de plusieurs moments :

  1. de « Oh ! madame » à « Écoutez-moi. » durant lequel le docteur expose ses conceptions biologiques à la baronne, et la met en garde contre son ignorance et ses préjugés (on pourra relever l'omniprésence du pronom « vous » dans ce passage)
  2. de « Celle que j’appellerai Mme Hélène avait des sens. » à « l’enfant noyé dans un flot de sang. », où le docteur raconte l'« aventure récente » proprement dite et qui illustre sa mise en garde
  3. et enfin, la dernière phrase du discours du docteur, qui est une question à la baronne : « Fut-elle bien coupable, madame ? »
Tony Robert-Fleury, Pinel, médecin en chef de la Salpêtrière, délivrant les aliénés de leurs chaînes, XIXème siècle

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Un plaidoyer pour l'avortement

La nouvelle s'attache, par l'intermédiaire du personnage du docteur, à défendre le droit à l'avortement de certaines femmes.

La baronne incarne un point de vue réactionnaire, bourgeois, qui juge sans savoir, sur la base de considérations morales absolues et inconditionnelles.

Au contraire, le docteur témoigne d'une ouverture d'esprit résultant de ses connaissances médicales autant que sociales. Il appelle à la tolérance et, ainsi, investit le rôle de l'écrivain : c'est lui, par son histoire, qui donne un contexte et fait prendre conscience de la diversité des situations. La littérature et le littérateur doivent permettre un monde fait de plus de solidarité, plus de compréhension, plus de tolérance.

Ainsi, il rappelle à la baronne une donnée essentielle de son savoir : les Hommes - ici, les femmes - ne naissent pas tous égaux ; les constitutions biologiques varient d'une personne à l'autre, et c'est pourquoi il faut faire preuve de tolérance ou, à tout le moins, de prudence, au moment d'émettre un jugement sur les actes d'une personne :

Malheur à ceux à qui la perfide nature a donné des sens inapaisables ! Les gens calmes, nés sans instincts violents, vivent honnêtes, par nécessité. Le devoir est facile à ceux que ne torturent jamais les désirs enragés.

On notera que le discours du médecin s'inscrit parfaitement dans la mouvance réaliste, dont Maupassant était un représentant. Pour les écrivains de ce courant littéraire-là, l'artiste doit exposer, entre autres choses, la vie telle qu'elle se présente aux gens, sans émettre de jugement moral sur leurs actes. 

Aussi Maupassant renverse-t-il la conception habituelle : ce sont les femmes comme Madame Jeanne qui sont les plus fortes, car elles sont sans cesse en lutte contre elles-mêmes, et ne profitent pas de la facilité d'être vertueuses par nature.

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Une inspiration personnelle

Maupassant lui-même est de « sang chaud », absolument terrorisé par la possibilité héréditaire de devenir fou. Il n'y a qu'à voir sa biographie. Il parle à partir de son expérience personnelle lorsqu'il fait dire à son docteur :

Oh ! les sens ! Si vous saviez quelle puissance ils ont. Les sens qui vous tiennent haletants pendant des nuits entières, la peau chaude, le cœur précipité, l’esprit harcelé de visions affolantes ! Voyez-vous, madame, les gens à principes inflexibles sont tout simplement des gens froids, désespérément jaloux des autres, sans le savoir.
Quelles sont les œuvres de Guy de Maupassant ?
Guy de Maupassant a connu des troubles psychiatriques sévères durant sa vie, mais cela l'a aidé à écrire ses nouvelles !

La question qui sous-tend le récit est ainsi la suivante : peut-on lutter contre sa nature ? Toute l'ambiguïté de l'action du docteur se résume dans la phrase qui vient :

Je l’allais voir de temps en temps, ne sachant que faire contre cette volonté acharnée de la nature ou contre sa volonté à elle.

La dénommée Madame Hélène lutte, avec toute sa volonté, contre le sort auquel la nature l'a soumise. Enfin, et parce que ce sont les images qui font la littérature, ce combat d'elle contre elle-même s'incarne dans son désir d'avortement, et notamment dans le passage suivant :

L’idée de cet enfant grandissant dans son ventre, de cette honte vivante lui était entrée dans l’âme comme une flèche aiguë. Elle y pensait sans repos, n’osait plus sortir le jour, ni voir personne de peur qu’on ne découvrît son abominable secret. Chaque soir elle se dévêtait devant son armoire à glace et regardait son flanc déformé ; puis elle se jetait par terre, une serviette dans la bouche pour étouffer ses cris. Vingt fois par nuit elle se relevait, allumait sa bougie et retournait devant le large miroir qui lui renvoyait l’image bosselée de son corps nu. Alors, éperdue, elle se frappait le ventre à coups de poing pour le tuer, cet être qui la perdait. C’était entre eux une lutte terrible. Mais il ne mourait pas ; et, sans cesse, il s’agitait comme s’il se fût défendu. Elle se roulait sur le parquet pour l’écraser contre terre ; elle essaya de dormir avec un poids sur le corps pour l’étouffer. Elle le haïssait comme on hait l’ennemi acharné qui menace votre vie.
C'est d'ailleurs ici que le lecteur est le plus à même de ressentir de la pitié pour Madame Hélène. Maupassant rend perceptible son désespoir et la haine qu'elle a contre elle-même, par l'intermédiaire de cet enfant qui grandit en elle.
Enfin, le récit du docteur se termine dans le sang et dans la mort (supposée), achevant de convaincre toute l'horreur d'une situation que l'on n'a pas choisie. Et le lecteur se retrouve ainsi comme la baronne : sans mot, et débordant de pitié pour l'infanticide.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.