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C'est parti

L'extrait commenté

- Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d'enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »... il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.

- Oui, je n'y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi...

- C'est peut-être... est-ce que ce ne serait pas... on ne s'en rend parfois pas compte... c'est peut-être que tes forces déclinent...

- Non, je ne crois pas... du moins je ne le sens pas...

- Et pourtant ce que tu veux faire... « évoquer tes souvenirs »... est-ce que ce ne serait pas...

- Oh, je t'en prie...

- Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu'ici, tant bien que mal...

- Oui, comme tu dis, tant bien que mal.

- Peut-être, mais c'est le seul où tu aies jamais pu vivre... celui...

- Oh, à quoi bon ? je le connais.

- Est-ce vrai ? Tu n'as vraiment pas oublié comment c'était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s'échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu'est-ce que c'est ? ça ne ressemble à rien... personne n'en parle... ça se dérobe, tu l'agrippes comme tu peux, tu le pousses... où ? n'importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... Tiens, rien que d'y penser...

- Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n'est pas toujours cette même crainte... Souviens-toi comme elle revient chaque fois que quelque chose d'encore informe se propose... Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l'avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes...

- Mais justement, ce que je crains, cette fois, c'est que ça ne tremble pas... pas assez... que ce soit fixé une fois pour toutes, du « tout cuit », donné d'avance...

- Rassure-toi pour ce qui est d'être donné... c'est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole ne l'ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d'encore vivant... je voudrais, avant qu'ils disparaissent... laisse-moi...

Enfance, Nathalie Sarraute, 1983

Qu'a écrit Nathalie Sarraute ?
Portrait de Nathalie Sarraute. Source : France Culture.

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Commentaire composé de l'extrait

Introduction

Enfance est un dialogue autobiographique écrit par Nathalie Sarraute et publié en 1983.

L'auteure, affilié au courant du Nouveau Roman, reproduit certaines des caractéristiques qui ont fait sa renommée, en le transposant au modèle autobiographique. Elle interroge son acte d'écriture en même temps qu'elle expose ses souvenirs, par fragments.

Se joue alors une écriture hésitante, qui se met à nu et expose au lecteur les enjeux associés à la retranscription toujours problématique des souvenirs.

Le passage qui nous occupe ici est l'incipit du roman : il présente tout de suite les caractéristiques du récit qui suivra, entre informations sincères et hésitations sur ses motivations.

Annonce de la problématique

En quoi l'incipit d'Enfance annonce le renouvellement du genre autobiographique conduit par Nathalie Sarraute ?

Annonce des axes

Nous verrons dans un premier temps que cet incipit peut dérouter le lecteur. Pour autant, il remplit quand même son rôle en donnant des informations sur la situation d'énonciation, fût-elle incertaine.

Développement

Un incipit déroutant

Un dialogue théâtral

Enfance s’ouvre directement sur un dialogue. Le lecteur ne bénéficie d’aucune indication sur le statut de deux locuteurs. Tout juste comprend-t-il qu’ils sont deux, qu’ils se connaissent, puisqu’ils se tutoient.

Les répliques, annoncées par des tirets, sont faites de questions, qui appellent des réponses. La dynamique est similaire à un dialogue platonicien, puisque ce sont les questions qui font avancer le récit.

On remarque également de nombreux points de suspension, qui figurent l’hésitation et l’expectative, comme si le texte hésitait lui-même.

Les paroles sont familières (« tortiller », etc.), comme s’il s’agissait de deux amis qui se connaissent de longue date. « Alors », premier mot du récit, fait comprendre que le dialogue est déjà commencé, même si l’on n’a pas accès aux paroles précédentes. Les questions découlent d’une problématique déjà interrogée, déjà existante.

Une lecture attentive nous apprend cependant qu’il y a un « je » et un « tu ».

La première voix s’adresse à la seconde, sans jamais dire « je ». Elle interroge de manière précise et intime la seconde voix, et témoigne d’une connaissance approfondie de son interlocutrice, comme lorsqu’elle dit : « Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. »

Quels sont les plus grands succès de Nathalie Sarraute ?
Quatre exemples de romans et essais écrits par Nathalie Sarraute.

Au contraire, chez la deuxième voix, le « je » est omniprésent.

Qui met en garde contre les dangers de l’autobiographie

L’enjeu du récit qui va suivre est néanmoins explicité dès la deuxième phrase de la première réplique : « Evoquer tes souvenirs d’enfance ». Il s’agit des souvenirs du « je », donc de la deuxième voix.

Cela renvoie directement à l’idée d’autobiographie. Pour autant, l’entreprise diffère de l’habitude. P. Lejeune a défini le pacte autobiographique comme un contrat qui s’établit entre le lecteur et l’écrivain, où la sincérité du premier est assurée au second.

Mais ici, ce qui prime, c’est l’incertitude, le risque de la mystification : « comme là-bas tout fluctue, se transforme, s'échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant », « c'est encore tout vacillant, aucun mot écrit », etc.

C’est que le dialogue à deux voix cherche à mettre en garde autant le lecteur que l’écrivain contre l’entreprise autobiographique. On comprend que la première voix est une sorte de conscience réflexive de la seconde :

  • Première voix : met en garde, interroge : elle affirme qu’écrire une autobiographie, c’est banal : « tu vas vraiment faire ça ? ». Puis elle force l’écrivain à s’interroger sur les vraies motivations de son entreprise : la mort, d’abord (« c'est peut-être que tes forces déclinent... »), puis la retraite (« est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? »). Enfin, elle présente l’autobiographie comme un travail facile d’écriture : « tout cuit », « donné » d’avance, etc.
  • Deuxième voix : elle incarne le « je » de celle qui écrit. Elle apparaît d’abord assez empruntée, avec des formules incertaines (« je ne sais pas », « je ne crois pas »). Peu à peu, elle prend confiance. Surtout, en parlant avec l’autre voix, elle se rend compte que l’autobiographie provoque les mêmes doutes que n’importe quelle tentative d’écriture : en ce sens, elle dit « comme toujours », parce que ce qu’elle veut mettre en mots est toujours « vacillant ».
Et interroge l'acte d'écriture

En creux, l'entreprise autobiographique vient interroger l'acte d'écriture en lui-même. Nathalie Sarraute, par le truchement de la première voix, celle de la conscience, fait de l'autobiographie une mise en récit comme une autre :

Est-ce vrai ? Tu n'as vraiment pas oublié comment c'était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s'échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu'est-ce que c'est ? ça ne ressemble à rien... personne n'en parle... ça se dérobe, tu l'agrippes comme tu peux, tu le pousses... où ? n'importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... Tiens, rien que d'y penser...

Le fait de parler de soi et d'évoquer ses souvenirs n'assurent en rien de la véracité du propos. On remarque ainsi que le champ lexical du changement, de l'hésitation, est omniprésent : « oublié », « fluctue », « se transforme », « s'échappe », « à tâtons », « cherchant », « tendant », etc.

La multiplication des participes présents, comme les adverbes de temps (« toujours »), viennent confirmer le fait que l'auteure ne peut être sûre de rien, même s'il s'agit d'évoquer des souvenirs propres à sa personne. De même, la quantité élevée de questions, dans cette réplique, vient figurer l'incertitude, le fait que l'auteure elle-même ne sais pas où elle va.

La deuxième voix vient confirmer cet état de fait, et le prolonge jusqu'à l'idée que l'auteure pourrait se gargariser du mensonge qu'il présente comme une vérité, du seul fait qu'il a été écrit :

- Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n'est pas toujours cette même crainte... Souviens-toi comme elle revient chaque fois que quelque chose d'encore informe se propose... Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l'avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes...

« toujours cette même crainte » rapproche explicitement l'autobiographie de tous les genres d'écriture. Celle-ci émane toujours des « limbes », où le verbe encore informé « tremblote ». Dès lors, écrire pour figer serait une sécurité (« Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l'avantage... ») et la confiance qui en découle serait pareille à un mensonge.

En filigrane, Nathalie Sarraute affirme que ce qui menace d'être écrit, d'être dit, n'est en rien un gage de vérité, car au fond d'elle-même l'écrivain reste toujours aussi hésitante.

Transition

Mais si Sarraute met en garde son lecteur en explicitant les errements qui sont les siens, son incipit donne malgré tout des informations notables.

Qui sont les auteurs du Nouveau Roman ?
Le logo des Editions de Minuit, éditeur historique du Nouveau Roman

Qui remplit malgré tout sa fonction

Le projet

Le projet est explicité dès la première ligne : « Evoquer ses souvenirs d’enfance. ». Cette expression est reprise deux fois encore ensuite, mais il y avait également un « ça », qui déprécie l’autobiographie aux yeux de la première voix. Mais la dynamique du dialogue sera précisément de réintégrer l’autobiographie comme un genre tout aussi « vacillant » que les autres.

Les motivations

La première voix, que l’on peut assimiler à la « conscience », interroge frénétiquement la seconde, pour obliger l’auteure à préciser ses motivations :

  • « tu vas vraiment faire ça ? »
  • « est-ce que ce ne serait pas… »
  • « Est-ce vrai ? », etc.

Mais ces interrogations répétées engage la deuxième voix à choisir une forme : « il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d'encore vivant... je voudrais, avant qu'ils disparaissent... laisse-moi... ». Ce sera celle des fragments, ou des tropismes, genre inventé par Nathalie Sarraute, qui sont des évocations directes de souvenir à la suite d’une sollicitation. Précisément, cette sollicitation viendra de cette première voix.

Le pacte autobiographique

Le pacte autobiographique est implicite, puisque le lecteur n’est jamais évoqué.

Plutôt, c’est la première voix qui joue le rôle de témoin, ou de garant de l’authenticité. Mais cette authenticité est paradoxale : elle sera « vacillante ». Le nouveau pacte établit par Sarraute, c’est que l’autobiographie est elle-même soumise à des changements, au mensonge : « tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu'est-ce que c'est ? ça ne ressemble à rien... »

Quelle carrière a eu Nathalie Sarraute ?
Nathalie Sarraute en 1983. Source : Le Point.

L’auteur ne s’apprête ainsi pas à dévoiler la vérité, mais veut plutôt « donner forme à l’informe. »

L'enjeu

En dernier lieu, cet incipit donne des informations sur l’enjeu de l’entreprise autobiographique.

A partir du « comment », posé par la première voix, les répliques deviennent plus longues. Sarraute expose alors sa quête artistique : « là-bas » apparaît essentiellement comme un espace d’incertitude, figuré par des questions qui s’enchaînent. Avec le champ lexical de la prudence, elle va néanmoins tenter d’y pénétrer.

Loin de vouloir se justifier ou s’exposer de manière transparente, l’auteure veut saisir les choses sans mots avant qu’elles « disparaissent ».

Conclusion

Nathalie Sarraute, avec Enfance, réinvente le genre de l’autobiographie.

Elle souhaite faire ressurgir des fragments, en choisissant une forme nouvelle, assumée par le dialogue : le discontinu.

La double voix garantit une sorte de transparence dans le processus de remémoration. Plutôt que d’assurer la vérité des mots, l’auteur se montre dans l’instant où elle revit son souvenir, exposant ses doutes, ses manques, ses oublis. C’est dire que les souvenirs précis n’existent pas : ce qui intéresse Sarraute, c’est d’interroger son acte d’écriture.

Ainsi, comme dans Tropismes, elle va tenter de nommer l’innommable.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.