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C'est parti

 Le règne de Clovis

La chronologie du règne de Clovis est très mal connue. L'essentiel de ce que nous en savons peut se lire à travers la longue description qu'en fait à la fin du VIe siècle l'évêque gallo-romain Grégoire de Tours, né près de trente ans après la mort de Clovis, dans quinze court chapitres[Note 1] du Livre II de ses Dix livres d'histoire, renommée ensuite Histoire des Francs.

On a longtemps pensé que ce texte à visée édifiante relevait plus de l'hagiographie que d'une conception rigoureuse de l'histoire. Ainsi, il narre les évènements en suivant un découpage en tranches de cinq années (réminiscence des quinquennalia ou des lustra romaines ?) : guerre contre Syagrius après cinq années de règne, quinze pour la guerre contre les Alamans, guerre contre les Wisigoths cinq années avant sa mort ; le tout formant un règne de trente ans après un avènement à l'âge de quinze ans. On pourrait rejeter ces informations comme légendaires ou purement hagiographiques; or il s'avère qu'aucune étude n'a jamais remis fondamentalement en cause ces indications, qui sont selon toute vraisemblance légèrement simplifiées mais valables « à peu de choses près ». Il a résisté à des décennies d'histoire critique.

La seule date fixée par d'autres sources que Grégoire est celle de sa mort, en 511, ce qui daterait son avènement de 481 environ, peut-être 482. Depuis peu, selon l'historien Bruno Dumézil certains éclairages ont été apportés par le croisement d'autres sources documentaires et ont permis de préciser quelques éléments, sans toutefois contredire les principaux éléments de cette histoire transmise par Grégoire[1].

La Gaule au Ve siècle

Trois sources antérieures à celle de Grégoire de Tours décrivent la situation politique du nord de la Gaule[2] à cette époque. Il s'agit de la Chronique d'Hydace, évêque de Chaves en Gallaecia[3], d'une chronique gallo-romaine du Ve siècle dite Chronique de 511 et la Chronique de Marius, évêque d'Avenches[4].

Naissance et formation

La Gaule à la fin du Ve siècle

La Gaule à l'avènement de Clovis en 481.

À la fin du Ve siècle, la Gaule est morcelée en plusieurs royaumes barbares, constamment en guerre les uns contre les autres, cherchant à étendre leurs influences et leurs possessions. Trois ensembles principaux se détachent :

- Les Francs, établis au nord-est, ayant longtemps servi l'Empire romain comme troupes auxiliaires sur la frontière rhénane, encore païens à l'avènement de Clovis, eux-mêmes dispersés dans de nombreux royaumes différents ;
- Les Burgondes, établis par Rome en Savoie (en Sapaudie) et dans le Lyonnais, chrétiens ariens et relativement tolérants ;
- Les Wisigoths, peuple puissant établi au sud de la Loire, en Languedoc, surtout dans la vallée de la Garonne, et en Espagne, également ariens, bien moins tolérants envers les catholiques gallo-romains qu'ils dominent.

Les Ostrogoths ne sont pas présents en Gaule, mais leur roi Théodoric le Grand, depuis l'Italie, cherche à maintenir l'équilibre entre les différents royaumes. Enfin, au loin, l'Empire romain d'Orient exerce une autorité largement théorique, mais qui s'efforce de contenir les Ostrogoths.

Enfin, une multitude de « pouvoirs » locaux ou régionaux d'origine militaire (des « royaumes » ou regna) occupent ainsi le vide laissé par la déposition du dernier empereur romain d'Occident en 476. Parmi ceux-ci se trouve le royaume d'un général romain établi dans la région de Soissons, Syagrius. Le « pouvoir » dont il est question ici n'a rien à voir avec les notions modernes de pouvoir législatif, exécutif ou judiciaire, mais couvre une relation dominant-dominé plus proche de celle d'un chef de tribu.

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L'enfance

Clovis est né dans les années 464 - 467[5], dans la famille des rois mérovingiens. Il est le fils de Childéric Ier, roi des Francs saliens de Tournai, et de la reine Basine de Thuringe[6].

Grégoire de Tours fait apparaître Childéric Ier dans son récit en 457[6], lorsque Childéric, qui déshonorait les femmes de ses sujets, provoque la colère de son peuple qui le chasse. Il se réfugie alors en Thuringe pendant huit ans, probablement à partir de 451[7]. Vivant auprès du roi Basin, il séduit la femme de son hôte, Basine, qu'il ramene avec lui lorsque les Francs saliens le réclament sur le trône. Le roi épouse Basine. De ce mariage nait Clovis.

Trois autres enfant naissent de cette union :

  • Alboflède ou Albofledis, baptisée en même temps que son frère, qui devient religieuse mais meurt peu après[Note 2].
  • Lantilde ou Landechildis, mentionnée brièvement par Grégoire de Tours quand elle-aussi est baptisée en même temps que son frère[Note 3].
  • Audoflède ou Audofledis, que Clovis mariera en 492 à Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths d'Italie[8].

Childéric exerçant des fonctions administratives, celui-ci doit résider dans une ou plusieurs cités de Belgique seconde et occuper le palais attribué à l’attention des gouverneurs romains. Son fils a dû naître à Tournai et recevoir, selon les coutumes germaniques, un baptême païen. Son parrain le nomme Chlodweg et le plonge dans l’eau huit jours après sa naissance. Son éducation a dû se faire dans la partie de la résidence réservée aux femmes, le gynécée. Vers six ou sept ans, son père dut prendre en charge son éducation[9] en lui offrant un casque de fer, un bouclier et un scramasaxe utilisé pour la parade. Même si sa majorité est fixé à douze ans, il ne lui est cependant pas possible de combattre avant l'âge de quinze ans[10]. Il reçoit une instruction basée sur la guerre, des activités sportives, l’équitation et la chasse. Il parle le francique, et devant succéder à son père à la tête d’une province romaine, il apprend le latin. Néanmoins, il n’est pas possible de prouver qu’il ait su lire et écrire. Il dut aussi se voir raconter l’histoire de son peuple[11].

Etymologie

Comme tous les Francs du début de l'ère chrétienne, Clovis parlait une ou des langue(s) germanique(s) du sous-groupe linguistique dit bas francique. Le nom de Clovis vient de Chlodowig, composé des racines hlod (« renommée », « illustre », « gloire ») et wig (« bataille » , « combat »), c'est-à-dire « illustre dans la bataille » ou « combat de gloire[12] ». Fréquemment utilisée par les Mérovingiens, la racine hlod est aussi à l'origine de noms tels que Clotaire (et Lothaire), Clodomir, Clodoald, Clodéric ou encore, Clotilde.

L'appellation du roi franc dérive ensuite de « Hlodovic » puis « Clodovic », latinisé en Chlodovechus, Chlodweg, donne Hlodovicus, Lodoys, Ludovic, « Clovis »[13] et « Clouis », dont est né en français moderne le prénom Louis, porté par dix-sept rois de France. Il donnera aussi en allemand Ludwig.

On notera au passage que le « Claudius » latin conduit aussi bien au « Louis » français qu'au « Ludwig » germanique (Clodweg, Cludwig)[14].

Avènement de Clovis

A la mort de son père en 481 ou 482 Clovis hérite d'un royaume qui correspond à la Belgique seconde (à peu près la région de Tournai en actuelle Belgique), petite province située entre la Mer du Nord, l'Escaut et le Cambrésis, soit un territoire allant de Reims jusqu'à Amiens et Boulogne, à l'exception de la région de Soissons, qui était contrôlée par Syagrius.

Le royaume des Francs saliens

Clovis prend la tête du royaume franc salien. Le titre de « roi » (en latin rex) n'est pas nouveau : il est notamment dévolu aux chefs de guerre des nations barbares au service de Rome. Ainsi, les Francs, anciens fidèles serviteurs de Rome, n'en demeurent pas moins des Germains, des barbares païens, et bien éloignés par leur mode de vie des Gaulois romanisés par près de cinq siècles de domination et d'influence romaine.

Clovis n'est alors âgé que de quinze ans et rien ne prédispose ce petit chef barbare parmi tant d'autres à supplanter ses rivaux, plus puissants. Les historiens se sont longtemps disputé sur la nature de la prise du pouvoir par Clovis. Au XVIIIe siècle, ils s'affrontent sur l'interprétation d'une lettre de Remi de Reims. Montesquieu dans l'Esprit des lois penche pour une conquête du Royaume par les armes, alors que l'Abbé Dubos[Note 4] prône la dévolution par l'Empire romain finissant de la Belgique seconde, à la famille mérovingienne[15]. Aujourd'hui cette dernière thèse l'emporte.

À la lumière des événements postérieurs, sa réussite incontestable sur le plan militaire doit évidemment à ses qualités personnelles du chef très rusé astutissimus[16] mais au moins autant à l'expérience romaine de la guerre que les siens ont depuis longtemps acquise – la discipline exigée de ses soldats lors de l'épisode de Soissons en témoigne, tout comme la tombe de son père, Childéric – qu'à sa conversion au catholicisme, et à travers celle-ci, son alliance avec les élites gallo-romaines.

Aussi, le règne de Clovis s'inscrit plutôt dans la continuité de l'Antiquité tardive que dans le haut Moyen Âge pour de nombreux historiens. Il contribue cependant à forger le caractère original de cette dernière période en donnant naissance à une première dynastie de rois chrétiens et, en raison de son acceptation par les élites gallo-romaines, en créant un pouvoir original en Gaule.

Alliance avec les Francs rhénans

Les Francs saliens (en jaune) et rhénans (orangé) dans la première moitié du Ve siècle.

Peu à peu, Clovis conquiert la moitié nord de la France actuelle : en 484, il s'allie d'abord aux Francs rhénans et avec les Francs de Cambrai (Ragnacaire, roi des Francs de Cambrai, était probablement un des parents de Clovis)[17].

Vers 485, il se marie avec une princesse rhénane, avec laquelle il a un fils, Thierry[18]. Cette union a souvent été interprétée comme l'épisode d'une alliance tactique avec ses voisins orientaux, lui permettant de tourner ses ambitions vers le sud. Cette union avec une épouse dite de « second rang », vue comme étant « gages de paix » (friedelehen), assurait la paix entre francs rhénans et saliens.

Elle a souvent été interprétée à tort comme un concubinage par les historiens romains chrétiens qui ne connaissaient pas les mœurs des structures familiales polygames germaniques, sans mariage public. Les mariages officiels (de premier rang) permettaient à l'épouse de jouir du « don du matin » (la morgengabe[Note 5]), qui était constitué de biens mobiliers donnés par le mari, ainsi que de commander à ses descendants légitimes.

L'extension du royaume de Clovis vers l'Est et le Centre

Toute sa vie, Clovis s'efforce d'agrandir le territoire de son royaume, avant, selon la tradition germanique, que ses enfants se le partagent.

La politique d'agrandissement territorial

Pour cela, il n'hésite pas à éliminer tous les obstacles : il fait assassiner tous les chefs saliens et rhénans voisins, certains de ses anciens compagnons, et même certains membres de sa famille, même éloignés, afin de s'assurer que seuls ses fils vont hériter de son royaume. En 490, il entame des offensives contre la Germanie rhénane et transrhénane. En 491, Clovis exécute ses cousins les rois Ragnacaire et Cararic et s'empare de leurs royaumes[19].

Il se lance d'autre part dans une grande série d'alliances et de conquêtes militaires, au début à la tête de seulement quelques milliers d'hommes. Plus que les armes, certes efficaces, des Francs, c'est semble-t-il le savoir-faire au combat acquis au service de l'Empire et contre les autres barbares qui rend possibles les succès militaires des guerriers de Clovis.

À travers lui, un peuple germanique ne s'impose pas aux gallo-romains : la fusion des éléments germains et latins se poursuit. Au temps de Clovis, alors que Syagrius, pourtant qualifié de « Romain » par les sources, porte un nom barbare, et ne bénéficie visiblement pas de l'appui de son peuple, le roi « barbare » ostrogoth Théodoric le Grand, dans sa prestigieuse cour de Ravenne, perpétue tous les caractères de la civilisation romaine tardive, tout en restant un Ostrogoth arien, un barbare hérétique aux yeux de l'Église.

Clovis sait s'imposer assez rapidement, malgré de durs combats, parce qu'en définitive il paraît un moins mauvais maître que la plupart des prétendants : au moins, auraient dit les Gallo-romains, est-il catholique, et déjà passablement romanisé. À l'inverse, les Wisigoths, chrétiens mais ariens, tiennent l'Aquitaine d'une main de fer, et ne font aucun effort pour tenter un rapprochement avec les Gallo-Romains catholiques qu'ils dominent.

La conquête du royaume de Syagrius

A partir de 486, Clovis mène l'offensive vers le sud .

En 486, il emporte les villes de Senlis, Beauvais, Soissons et Paris dont il pille les alentours. Il livre la bataille de Soissons contre Syagrius. Syagrius, fils de Ægidius, s'intitulait « Roi des Romains » et contrôlait une enclave gallo-romaine entre Meuse et Loire, dernier fragment de l'Empire d'Occident. La victoire de Soissons permet au royaume de Clovis de contrôler tout le nord de la Gaule. Syagrius se réfugie chez les Wisigoths qui le livrent à Clovis l'année suivante. Le chef gallo-romain est discrètement égorgé.

Le vase de Soissons

Clovis Ier et le vase de Soissons. Grandes Chroniques de France, XIVe siècle.

C'est lors de cette bataille, qu'eut lieu – selon Grégoire de Tours – l'épisode du vase de Soissons, où, contre la loi militaire du partage, le roi demanda de soustraire du butin un vase liturgique précieux pour le rendre à l'église de Reims, à la demande de Remi, évêque de cette dernière cité. Clovis répondit aux émissaires de Remi : « Suivez-moi jusqu'à Soissons, parce que c'est là que doit se faire le partage de tout le butin. Si le sort me donne ce vase, je satisferai à la demande du Père. ».

Une fois sur place, après avoir réuni le butin, Clovis dit : « Je vous prie, mes braves guerriers, de vouloir bien m’accorder, outre ma part, ce vase que voici. ». Les hommes acquiescèrent, lui répondant : « Tout ce que nous voyons ici, glorieux Roi, est à toi et nous-mêmes sommes soumis à ta domination. Fais donc maintenant ce qui convient à ton bon plaisir. ». Mais un guerrier, surprenant tout le monde, frappa le vase de sa hache en disant : « Tu n'auras rien ici que ce que le sort t'attribuera vraiment. ». Clovis ne laissa pas transparaître ses émotions et en garda ressentiment. Il réussit malgré tout à rendre l'urne à l'envoyé de Remi.

L'épilogue de l'histoire se produisit le 1er mars 487. Clovis ordonna à son armée de se réunir au Champ-de-Mars pour, selon une pratique romaine, examiner si les armes étaient propres et en bon état. Inspectant les soldats, il s'approcha du guerrier qui avait frappé l'urne et lui dit : « Personne n’a apporté des armes aussi mal tenues que les tiennes, car ni ta lance, ni ton épée, ni ta hache ne sont en bon état. ». Il jeta alors la hache du soldat à terre. Au moment où celui-ci se baissa pour la ramasser, Clovis abattit sa hache sur la tête du malheureux en disant : « C'est ainsi que tu as fait à Soissons avec le vase. ». Le soldat tomba sans vie, et sur ordre de Clovis, l'armée dut se retirer en silence, laissant le corps exposé au public[17].

Cette superbe histoire a longtemps été jugée de pure invention. Cependant, le testament de Saint Remi fait bien mention d'un vase d'argent que lui aurait donné Clovis. Mais ce serait Remi qui l'aurait fondu pour fabriquer un encensoir et un calice[20]...

La soumission de la Thuringe

En 491, il déclare la guerre aux Thuringiens, dont le royaume se situe probablement dans la région de Trèves ou sur les bouches du Rhin[21], et finit par les soumettre[17].

La conversion et le baptême

Clovis Ier baptisé par l'évêque Remi de Reims, statue du XIXe siècle devant la Basilique Saint-Remi de Reims.

L'évêque de Reims, le futur saint Remi, cherche alors probablement la protection d'une autorité forte pour son peuple, et écrit à Clovis dès son avènement. Les contacts sont nombreux entre le roi et l'évêque, ce dernier incitant d'abord Clovis à protéger les Chrétiens présents sur son territoire. Grâce à son charisme et peut-être en raison de l'autorité dont lui-même jouit, Remi sait se faire respecter de Clovis et lui sert même de conseiller.

Il l'incite notamment à demander en mariage Clotilde, une princesse catholique de haut lignage, fille d'un roi des Burgondes (ce peuple voisin des Francs était établi dans les actuels Dauphiné et Savoie)[18]. Clotilde est la fille du roi Chilpéric II et la nièce du roi Gondebaud.

Le mariage qui a lieu en 493 à Soissons[22] concrétise le pacte de non-agression avec les rois burgondes.

Dès lors, selon Grégoire de Tours, Clotilde fait tout pour convaincre son époux de se convertir au catholicisme. Mais Clovis est réticent : il doute de l'existence d'un Dieu unique ; la mort en bas âge de son premier fils baptisé, Ingomer, ne fait d'ailleurs qu'accentuer cette méfiance[23]. D'autre part, en acceptant de se convertir, il craint de perdre le soutien de son peuple, encore païen : comme la plupart des Germains, ceux-ci considèrent que le roi, chef de guerre, ne vaut que par la faveur que les dieux lui accordent au combat. S'ils se convertissent, les Germains deviennent plutôt ariens, le rejet du dogme de la Trinité favorisant en quelque sorte le maintien du roi élu de Dieu et chef de l'Église.

Néanmoins, Clovis a plus que tout besoin du soutien du clergé gallo-romain, car ce dernier représente la population gauloise. Les évêques, à qui échoit le premier rôle dans les cités depuis que se sont effacées les autorités civiles, demeurent les réels maîtres des cadres du pouvoir antique en Gaule. C'est-à-dire également des zones où se concentrait encore la richesse. Cependant, même l'Église a du mal à maintenir sa cohérence : évêques exilés ou non remplacés en territoires wisigoths, successions papales difficiles à Rome, mésentente entre catholiques pro-wisigoths (par réalisme) et pro-francs (Remi de Reims, Geneviève de Paris...), etc.

La conversion et la bataille de Tolbiac

« Bataille de Tolbiac 496 » peint par Ary Scheffer (1795 - 1858). Versailles, musée national du Château et des Trianons.

C'est finalement vers 496, au cours de la bataille de Tolbiac (Zülpich près de Cologne) contre les Alamans, que le destin efface les doutes de Clovis : son armée est sur le point d'être vaincue. Toujours d'après Grégoire de Tours, ne sachant plus à quel dieu païen se vouer, Clovis prie alors le Christ et lui promet de se convertir si « Jésus que sa femme Clotilde proclame fils de Dieu vivant » lui accordait la victoire[Note 6]. Il s'agit de la même promesse que fit l'empereur romain Constantin en 312 lors de la Bataille du pont Milvius.

Au cœur de la bataille, alors que Clovis est encerclé et va être pris, le chef alaman est tué d'une flèche ou d'un coup de hache, ce qui met son armée en déroute. La victoire est à Clovis et au dieu des chrétiens[24]. Cette victoire permet au royaume de Clovis de s'étendre jusqu'à la Haute-Rhénanie.

Le baptême de Clovis. Toile du XVe siècle du Maître de Saint Gilles.

Selon d'autres sources, Tolbiac n'aurait été qu'une étape et l'illumination finale de Clovis aurait en fait eu lieu lors de la visite au tombeau de Martin de Tours.

Toujours est-il que lors de Noël d'une année comprise entre 496 et 499[Note 7], Clovis reçoit alors le baptême avec 3 000 guerriers[25] – les baptêmes collectifs étant alors une pratique courante – des mains de saint Remi, l'évêque de Reims, le 25 Décembre . Ce baptême est demeuré un évènement significatif dans l'histoire de France : à partir d'Henri Ier tous les rois de France, sauf Louis VI, Henri IV et Louis XVIII, furent par la suite, sacrés dans la cathédrale de Reims jusqu'au roi Charles X, en 1825. Mais le sacre de Charles X en 1825 apparaît comme un retour symbolique et réactionnaire à l'ancien ordre des choses, à une époque où peu de gens croient encore aux vertus du rite.

Le baptême de Clovis accroît sans doute sa légitimité au sein de la population gallo-romaine, mais représente un pari dangereux : les Francs, comme les Germains, considèrent qu'un chef vaut par la protection que lui inspirent les dieux ; la conversion va à l'encontre de cela ; les Germains christianisés (Goths...) sont souvent ariens, car le roi y reste chef de l'Église.

Ainsi, le baptême de Clovis marque le début du lien entre le clergé et la monarchie franque. Pour les monarchistes français, cette continuité se fait française et dure jusqu'au début du XIXe siècle. Dorénavant, le souverain doit régner au nom de Dieu. Ce baptême permet également à Clovis d'asseoir durablement son autorité sur les populations, essentiellement gallo-romaines et catholiques, qu'il domine : avec ce baptême, il pouvait compter sur l'appui du clergé, et vice-versa.

Le baptême de Clovis raconté par Grégoire de Tours

Baptême de Clovis. Il est baptisé par l'évêque Remi de Reims. Le Saint-Esprit apporte la sainte ampoule contenant le saint chrême qui servira par la suite à l'onction des rois de France. Grandes Chroniques de France de Charles V, XIVe siècle. Paris, BnF.

« La reine fait alors venir en secret Remi, évêque de la ville de Reims, en le priant d’insinuer chez le roi la parole du salut. L’évêque l’ayant fait venir en secret commença à lui insinuer qu’il devait croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et abandonner les idoles qui ne peuvent lui être utiles, ni à lui, ni aux autres. Mais ce dernier lui répliquait : « Je t’ai écouté très volontiers, très saint Père, toutefois il reste une chose ; c’est que le peuple qui est sous mes ordres, ne veut pas délaisser ses dieux ; mais je vais l’entretenir conformément à ta parole. »

Il se rendit donc au milieu des siens et avant même qu’il eût pris la parole, la puissance de Dieu l’ayant devancé, tout le peuple s’écria en même temps : « Les dieux mortels, nous les rejetons, pieux roi, et c’est le Dieu immortel que prêche Remi que nous sommes prêts à suivre ». Cette nouvelle est portée au prélat qui, rempli d’une grande joie, fit préparer la piscine. […] Ce fut le roi qui le premier demanda à être baptisé par le pontife. Il s’avance, nouveau Constantin, vers la piscine pour se guérir de la maladie d’une vieille lèpre et pour effacer avec une eau fraîche de sales taches faites anciennement.

Lorsqu’il fut entré pour le baptême, le saint de Dieu l’interpella d’une voix éloquente en ces termes : « Courbe doucement la tête, ô Sicambre[Note 8] ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ». Remi était un évêque d’une science remarquable et qui s’était tout d’abord imprégné de l’étude de la rhétorique, mais il était aussi tellement distingué par sa sainteté qu’il égalait Silvestre par ses miracles. Il existe de nos jours un livre de sa vie qui raconte qu’il a ressuscité un mort. Ainsi donc le roi, ayant confessé le Dieu tout puissant dans sa Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit et oint du saint chrême avec le signe de la croix du Christ. Plus de trois mille hommes de son armée furent également baptisés. […] »

— Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre II, chapitre XXXI.

L'extension du royaume vers le sud

Agrandissements successifs du Royaume de Clovis.

Trois puissances exercent leur domination au Sud du royaume de Clovis, les Wisigoths au Sud-Ouest, les Burgondes au Sud-Est et plus loin, en Italie, les Ostrogoths. Clovis va dans une politique rusée nouer des alliances successives pour continuer l'expansion de son Royaume sans avoir à affronter une coalition hostile face à lui.

Renversements d'alliances entre Burgondes et Wisigoths

En 495, Théodoric, roi d'Italie, épouse Audofleda, sœur de Clovis Ier, dont il essaie de contenir l'ambition croissante. L'année suivante, il s'accorde avec Clovis pour que celui-ci ne poursuive pas au delà du Danube les Alamans. Théodoric va d'ailleurs protéger les rescapés en les installant dans la première Rhétie. Il a ainsi l'avantage de repeupler une contrée et d'acquérir de braves et fidèles vassaux.

En 499, Clovis s'allie au roi burgonde de Genève, Godégisile, qui veut s'emparer des territoires de son frère Gondebaud[26]. Afin de sécuriser ses territoires à l'Ouest, en 500, Clovis signe un pacte d'alliance avec les Armoricains (peuplades gauloises de la péninsule bretonne et du rivage de la Manche)[réf. nécessaire].

Après la bataille de Dijon et sa victoire contre les Burgondes de Gondebaud, Clovis contraint ce dernier à abandonner son royaume et à se réfugier à Avignon[26]. Cependant, le roi wisigoth Alaric II se porte au secours de Gondebaud et persuade ainsi Clovis d'abandonner Godégisèle. Clovis et Gondebaud se réconcilient et signent un pacte d'alliance pour lutter contre les Wisigoths.

Pour manifester l'équilibre de ses alliances, en 502, son fils Thierry épouse en premières noces une princesse Rhénane, dont il a Thibert Ier, roi de Reims (+548), puis en secondes noces Suavegothe, fille de Sigismond roi des Burgondes dont il a une fille Theodechilde.

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !