Chapitres
Si les relations diplomatiques entre l'Union européenne, d'un côté, et la Russie de l'autre, ne sont pas au beau fixe, les francophones étudiant la langue de Tolstoï sont de plus en plus nombreux. Saint-Pétersbourg est devenue une destination culturelle prisée, tandis que les mariages franco-russes se multiplient. La langue russe (Русский) est très différente du français et des langues latines (ou romanes) en général. Ce qui marque généralement l'oreille occidentale, c'est la douceur, la chaleur et le caractère chantant de l'idiome des Russes. Il s'associe d'ailleurs à un accent qui, en français comme en anglais, reste particulièrement touchant et charmant, voyez plutôt en cours de russe lyon. Quand il est féminin du moins, car des cinéastes se sont ingéniés à en faire rire !
Mais le russe a-t-il toujours été aussi enjoué et agréable à écouter, doublé de cet alphabet qui nous déroute – à l'instar de l'arabe – mais qui fait office d'œuvre d'art ? C'est ce que nous allons voir, en remontant le cours des siècles afin de suivre pas à pas les évolutions de la linguistique russe… Et de découvrir la Russie comme il se doit !
L'origine ethnique des Russes
Dans la célèbre collection « Que sais-je ? » (PUF), l'Histoire de la langue russe de Charles-Jacques Veyrenc demeure une référence. Les Slaves formaient un vaste groupe ethnoculturel et linguistique constitué de diverses peuplades. À titre d'exemple, Homère évoquait les Énètes, que le linguiste Raymond Delattre identifie à de possibles Slaves dans son essai Langues et origines des peuples de l'Europe antique: influences sur les langues actuelles. Ce même historien place l'origine des ethnies slaves dans la haute vallée du Dniepr, dans le nord de l'Ukraine et en Biélorussie.
C'est à partir de ces bases que se forma peu à peu la langue russe moderne, comme cela est analysé par Jean Breuillard et Stéphane Viellard dans leur Histoire de la langue russe des origines au XVIIIe siècle. Cet ouvrage, sans cours de russe en ligne, est à conseiller aux étudiants de russe à l'Université : en plus de très belles illustrations de documents authentiques, il présente l'intérêt de parler de la syntaxe, de la constitution du lexique (ou vocabulaire), etc.
Le creuset des langues slaves et l'essor du vieux russe
Le langage appelé « vieux-slave » serait peu ou prou la source commune de toutes les langues slaves d'aujourd'hui. Le sous-groupe slave puis balto-slave en général est lui-même issu du groupe central des langues indo-européennes, ce qui le fait cousiner avec le grec et le thrace. Le vieux russe est issu du vieux-slave, à l'instar du slavon dont il est d'ailleurs une sorte d'excroissance ou, du moins, un dialecte parallèle qui en subit de puissantes influences, c'est les bases d'un cours de russe débutant en tout cas. Les linguistes placent son apparition au Xe siècle, et son usage jusqu'au XIVe siècle, époque où il débouche peu à peu sur un russe plus moderne.
Le vieux russe est classifié dans le sous-groupe des langues slaves orientales : c'est un ensemble dialectal parlé en Ukraine, en Biélorussie et en Russie d'Europe.
L'alphabet cyrillique… puis russe
Les deux saints moines et frères Cyrille et Méthode partirent de l'Empire byzantin et pénétrèrent dans les contrées slaves en tant que missionnaires. Naturellement, pour mener à bien leur projet, il leur fallait interagir et communiquer avec les autochtones. Ces derniers n'ayant guère d'écriture codifiée, les deux religieux retranscrivirent les sons qu'ils entendaient (en l'occurrence, un dialecte macédonien) par des lettres dérivant du système grec. L'orthographe cyrillique est avant tout phonétique, avec des déclinaisons selon le genre, le cas et le nombre. Leur entreprise fut couronnée de succès de manière posthume, avec le baptême du prince Vladimir Ier († 1015), régnant sur Kiev depuis 980 environ. Le professeur Roberto de Mattei, vice-président honoraire de l'équivalent du CNRS en Italie, explique dans L'Église dans la tourmente que le terme « rus' » (Russkaya Zemlye) servait à désigner tous les territoires soumis aux souverains de Kiev, et qui se convertirent à leur suite. Les Chroniques de l'origine de la Russie (ou des temps passés) composées par des moines au XIIe siècle nous content l'histoire de la genèse de la nation russe, et de la linguistique afférente. L'alphabet cyrillique (33 lettre) d'origine a bien entendu subi de nombreuses modifications d'usage au gré des siècles.
Ces transformations ont été telles que son nom a changé : il faut désormais parler d'alphabet russe. Avec Internet, il est facile de se familiariser avec les principales sonorités du russe. En fait, une fois l'écriture cyrillique fixée, le langage parlé a continué d'évoluer, au point de différer de plus en plus de la façon de l'écrire. Il a fallu réadapter toutes les morphologies et les phonologies d'un idiome qui s'était grandement épuré au cours du temps. Maintenant, l'alphabet russe ne s'écrit généralement pas de la même façon qu'il se prononce en cours russe.
Les langues russes religieuses
Si les langues slaves ont préexisté à la méthode cyrillique, celle-ci a permis de traduire et de fixer les textes religieux chrétiens en langue locale. Cette langue de jadis est aujourd'hui demeurée la langue sacrée du patriarcat de Moscou, mais aussi de la – petite – Église catholique russe. C'est le slavon, parfois dit « d'Église » ou encore appelé « vieux-slave liturgique ». Fixé par les textes saints, il n'a presque pas varié depuis la christianisation de ces contrées il y a un millénaire ! Le slavon a été créé au IXe siècle pour une Église encore rattachée à la Rome catholique et à la foi orthodoxe. Ce n'est cependant qu'au Xe siècle bien entamé que l'usage de l'écriture se répand vraiment chez les Russes. Le russe ecclésiastique est plus léché et prisé que les langages vernaculaires couramment parlés par des personnes moins lettrées. Le slavon a gardé sa prééminence littéraire et intellectuelle jusqu'au XVIIe siècle : de même que le latin avait perdu du terrain en Europe de l'Ouest après le Moyen Âge, la langue ecclésiastique russe abandonna son prestige au russe moderne.
La littérature russe classique
C'est au moment de l'apogée culturel de la langue française que le russe littéraire est né : au XVIIIe siècle. Le tsar Pierre le Grand († 1725) en est le principal maître d'œuvre, dans sa volonté d'occidentaliser son empire. Non seulement il cantonna le slavon à la seule liturgie, mais il présida aussi à la modernisation de la langue russe administrative alors en vigueur, tout droit héritée du vieux russe. Le russe moderne est une alchimie entre la grammaire de Lomonossov (1711-1765) et le slavon. Il est parlé par les grands de l'époque. Divers auteurs de génie lui donnèrent ses lettres de noblesse, à l'image de Pouchkine (1799-1837), Gogol (1809-1852), Dostoïevski (1821-1881), qui fait d'ailleurs partie de nos 10 célébrités russes, Tchekhov (1860-1904)…
Dans la Revue des études slaves (1965, vol. 44, n° 1, p. 19-28), Boris O. Unbegaun nous rappelle que la littérature russe moderne ne trouve son origine qu'au XVIIIe siècle, et n'a que peu à voir avec les productions moscovites antérieures. Mais il ajoute aussitôt que cette prétendue « rupture » a été plus qu'exagérée, de même que les mutations qu'auraient subies la langue. Les facteurs de continuité ont été infiniment plus nombreux que les éléments de révolution : sans cela, le vieux-russe n'aurait pas donné du russe… mais un système linguistique totalement différent – CQFD. La spécificité du russe classique, c'est qu'il ne s'est pas formé à partir d'un dialecte particulier devenu universel au fil du temps (ce qui fut le cas des autres langues slaves, mais aussi du castillan devenu l'espagnol ou du florentin devenu l'italien), mais qu'il est une créature hybride de vieux russe et de slavon. Ce même XIXe siècle correspond à une période de grandes conquêtes territoriales par les tsars qui courent vers l'orient, jusqu'en Alaska ! Dans les faits, cette diffusion de la langue classique russe eut son acmé avec l'URSS : le russe servit de langue internationale avec les différents États satellites ou alliés, mais aussi bien sûr avec les républiques soviétiques à l'intérieur.
Le monde russophone au XXIe siècle
Aujourd'hui, le russe est parlé par 145 millions de locuteurs en tant que langue maternelle et par 135 millions de personnes comme langue seconde. Le russe est l'une des langues autochtones les plus parlées en Europe. Il appartient au groupe slave de la famille des langues indo-européennes. Le groupe slave de langues est divisé en slaves occidentaux (tchèque, slovaque, polonais et sorabe), slaves du sud (bulgare, croate, macédonien, serbe et slovène) et slaves de l'est (russe, ukrainien et biélorusse).
Le russe est l'une des cinq langues officielles des Nations Unies et se classe comme la principale langue mondiale avec le chinois, l'anglais, l'espagnol et l'hindi. C'est la langue maternelle de 142 millions de citoyens de la Fédération de Russie, le plus grand pays du monde. Les pays russophones sont nombreux et se concentrent dans la moitié nord de l'Asie et l'extrémité orientale de l'Europe. Ce sont notamment l'Abkhazie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Transnistrie, la Gagaouzie, l'Ossétie du Sud, la Fédération de Russie et la CEI qui ont fait du russe leur langue officielle. S'il y a bel et bien un russe académique (régi par l'Académie des sciences de Russie), il existe parallèlement plusieurs dialectes russes, divisibles en trois grands groupes :
- le russe septentrional, avec une culture russe différente du o, du g et du t ;
- le russe central, bâtard des deux autres ;
- le russe méridional, plus mouillé, fricatif et moins accentué.
Voilà ce que vous pouvez réviser pour vous perfectionner avant un voyage en Russie ! Avec ces bases historiques, vous n'avez plus qu'à trouver un professeur de russe avant votre séjour linguistique ! (cours de russe paris). Découvrez d'ailleurs les formalités pour obtenir un visa pour la Russie...
Quand j’ai appris que Staline voulait dire homme d’acier, puisque stal veut dire acier en russe, je n’ai pu faire que d’associer ce mot à steel, qui signifie la même chose en anglais. Ma question est, sont-ils tous deux originaires de Scandinavie et transmis par les Vikings?
Merci d’éclairer ma lanterne. JP
Bonjour,
Steel viendrait du proto-germanique « stahliją » qui signifie « quelque chose en acier ». Les deux mot auraient donc bien une origine scandinave commune.
Bien à vous