/!\\ Il ne s'agit pas ici de lire un commentaire composé (car le travail personnel est toujours le plus fructueux) mais une sorte de « mini cours » résumant les notions essentielles de ce poème, permettant de faciliter la lecture des fleurs du mal. N'hésitez pas à le compléter !

Il est toujours un peu angoissant d'aborder Les fleurs du mal de Charles Baudelaire, à cause de sa poésie assez particulière et complexe. C'est pourquoi il est très utile d'étudier le tout premier poème, une adresse au lecteur, afin de s'imprégner dès le début de l'atmosphère baudelairienne. Ce poème est un véritable préambule, il permet réellement d'exposer une grande partie des thèmes qui seront abordés dans la suite de l'oeuvre et de s'initier plus ou moins progressivement à la poésie et à la vision du monde de l'auteur.

D'abord, il est nécessaire de s'intéresser brièvement à l'auteur lui même et à « l'histoire » de l'oeuvre. Baudelaire est un poète français, qui publia en 1857 Les fleurs du mal, recueil de poèmes qui se vit censuré plusieurs fois, à cause du choix épineux de ses sujets (le mal, la violence, la volupté, le diable...). C'est un homme lettré, cultivé, passionné par l'Art et est un critique reconnu de peinture. Il fut envoyé par son beau père en voyage vers les Indes (voyage qui l'inspirera énormément), afin de le « rééduquer », jugeant ses comportements de jeune homme désinvolte et « anti-bourgeois » proprement scandaleux. Les fleurs du mal sont écrites au XIXème siècle, en pleine période symbolique et romantique. Baudelaire et son éditeur Poulet-Malassis ont du mal à faire accepter ce recueil sulfureux, qui sera censuré de nombreuses fois et leur vaudra un procès en moralité.

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent.
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de démons,
Et quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes, ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde.

C'est l'Ennui!- L'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère!

Dans ce premier poème, le lecteur est confronté à la plume acide de Baudelaire, qui dépeindra toutes les tares de son lectorat. On retrouve dans Au lecteur, une sorte de condensé de ce qui a pu naître de la plume Baudelairienne dans ce recueil... On peut affirmer que ce poème est une cristallisation des thèmes des Fleurs du mal, mais qu'il fait aussi passer un message clé de Baudelaire.

Tout d'abord, il convient d'analyser les différents champs lexicaux de ce poème. La Mort, l'Enfer, Satan, les forces du mal, le péché, le vice, la bêtise humaine sont des éléments qui constituent véritablement les Fleurs du mal. Le vocabulaire de ce premier poème est primordial et introduit incontestablement les sujets qui seront abordés dans la suite de l'oeuvre, préparant le lecteur à la suite. Ainsi, vous pourrez rapidement diviser Au lecteur en plusieurs thèmes et faciliter votre lecture et découverte de l'oeuvre. Vous pouvez noter un champ lexical infernal (Satan, Diable, l'Enfer, démons etc) et bestiaire (les chacals, les panthères, les lices, les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, ménagerie infâme), accompagné du champ lexical du vice (erreur, péché, lésine), omniprésent, car c'est cela que dénonce Baudelaire à travers son choix du vocabulaire : le caractère impur et les sombres ambitions de l'être humain. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il y a une cause principale à tout cela : l'Ennui.

/!\\ Notez aussi les registres de langue divers utilisés par l'auteur, tantôt familiers tantôt soutenus, tantôt crus tantôt raffinés, qui ne cessent, par leurs contrastes, de mettre en exergue les côtés obscurs de son poème. A cela s'ajoute aussi une mise en relief de mots clés comme Satan et Enfer, grâce aux majuscules donnant un aspect noble à l'exercice du mal.

Ensuite, le vocabulaire axiologique (qui se rapporte à la morale) est omniprésent dans le poème Au lecteur. Il permet à la fois de faire une critique de ce qui constitue l'âme de l'être humain, quel qu'il soit, mais vise surtout à faire prendre conscience au lecteur de ce qu'il y a au fond de lui. Baudelaire ne fait pas l'apologie du mal, ni la critique de son lecteur, mais de l'humanité tout entière, en commençant par lui-même.

Le vocabulaire axiologique (sottise, erreur, péché, lésine, remords, lâches, têtus, plaisir clandestin) annonce la vision de l'homme et du monde de l'auteur, le jugement de Baudelaire étant ici entièrement explicite. Il montre que le pouvoir destructeur de l'homme et ses vices nombreux, sont ralentis par sa lâcheté qui l'empêche d'aller jusqu'au bout de ses fantasmes morbides « Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, / N'ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins / Le canevas banal de nos piteux destins / C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie. » Cependant Baudelaire ne se contente pas de critiquer le lecteur. D'abord, c'est l'Ennui qui pousse au vice, ensuite, le lecteur est son semblable, son frère ; il n'est pas question pour lui de critiquer son lecteur mais de lui faire prendre conscience de l'animalité et des vices qui unissent l'humanité toute entière.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !