Les fleurs du mal sont un recueil de poésie écrit par Charles Baudelaire, poète maudit du XIXème siècle, qui connurent une histoire éditoriale un peu mouvementée.

En effet, le livre est d’abord publié le 21 juin 1857 mais il scandalise aussitôt la société française. Baudelaire subit alors un procès retentissant et se trouve condamné à une forte amende ; surtout, le livre est amputé de six poèmes jugés immoraux. C’est la censure.

De 1861 à 1868, l’ouvrage sera réédité dans trois versions successives, fortes de nouveaux poèmes. Les poèmes censurés en France paraissent en Belgique.

Il faudra attendre mai 1949 pour voir Les fleurs du mal et son auteur complément réhabilités.

Qui était Charles Baudelaire ?
Charles Baudelaire est considéré comme l'un des plus grands poètes français. Il nous a laissé des œuvres célèbres telles que Les Fleurs du mal,
Les Paradis artificiels ou encore
Le Spleen de Paris.
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Courte biographie de l’auteur

Charles Pierre Baudelaire est né à Paris le 9 avril 1821 et mort dans cette même ville le 31 août 1867.

À 6 ans, il voit son père mourrir et réagit trés mal au remarriage de sa mère avec le Général Aupick. En 1841, il s'embarque dans un voyage vers l'océan Indien qui marquera pour toujours son imaginaire et sa poésie.

De retour à Paris, il dilapide rapidement son héritage ce qui force sa mère et son beau-père à le mettre sous tutelle financière.

Sa vie dissolue de jeunesse le poursuivra dans son futur : il y contracte la syphilis et en souffrira pour toujours. Malgré tout, il vit à Paris comme un dandy, mais subit les affres de la pauvreté.

Baudelaire se vit reprocher toute sa vie son écriture et le choix de ses sujets, pas assez classiques au goût de l’époque. Poète de la modernité, il ne fut compris que par quelques-uns de ses pairs.

Pour exemple, dans Le Figaro du 5 juillet 1857, Gustave Bourdin réagit par ces mots à la publication des Fleurs du mal :

« Il y a des moments où l'on doute de l'état mental de M. Baudelaire, il y en a où l'on n'en doute plus ; c'est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L'odieux y côtoie l'ignoble ; le repoussant s'y allie à l'infect... »

Aujourd'hui reconnu comme un écrivain majeur de l'histoire de la poésie française, Baudelaire est devenu un classique.

Il fait toujours matière de référence pour la traduction des Nouvelles extraordinaires d’Edgard Allan Poe, il imposa le genre de la prose poétique grâce à ses Petits poèmes en prose, et les Fleurs du mal inspireront toute une nouvelle génération de poètes, ayant contribué à faire rentrer la modernité en poésie. 

Structure du recueil

Baudelaire divise son recueil en six parties :

  • Spleen et Idéal (98 poèmes) ;
  • Tableaux parisiens (section initialement absente, faite de 16 poèmes) ;
  • Le Vin (5 poèmes) ;
  • Fleurs du Mal (12 poèmes) ;
  • Révolte (3 poèmes) ;
  • La Mort (6 poèmes).

Un poème liminaire, « Au Lecteur », sert de prologue. Contrairement aux suivants, il n’est pas numéroté mais donne assez clairement le ton de ce qui suivra :

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.
.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
.
Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;
.
C'est l'Ennui ! - l'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

L’ensemble de cette structure renseigne sur les intentions du poète. Il s’agit d’un désir d’ascèse (c’est-à-dire de privation) inscrit dans une quête d’absolu.

La première partie, Spleen et Idéal, fait d’abord le constat du monde réel : grande source de souffrance mêlée de mélancolie (ce qu’on appelle le spleen), il suscite chez le poète un repli sur soi. Mais c’est en même temps un sentiment qui oblige l’artiste à reconstruire au moins intérieurement un univers viable. C’est la tentative des trois sections suivantes :

  • dans Tableaux parisiens, le poète se mêle au Paris grouillant et populaire ;
  • dans Le Vin, il s’essaye aux paradis artificiels ;
  • dans Les Fleurs du mal, il s’abandonne aux plaisirs charnels qui enchantent mais provoquent le remords.

Ce sont là trois tentatives qui sont autant d’échecs. Dès lors, le poète rejette cette existence fatalement vaine (dans la partie Révolte) et qui se solde par la mort, figurée par la partie du même nom.

Qu'est-ce que la progression à thème constant ?
Séraphine de Senlis (France, 1864-1942), Corbeille de fleurs

Les thèmes du recueil

Au fil de son exploration poétique, plusieurs thèmes sont explorés par le poète. Ils exposent une vision systématique du poète par rapport à une existence généralement décevante et mortifère. Malgré tout, la poésie semble être un moyen de sublimation, une manière salutaire permettant d’extraire l’or de la boue existentielle.

Le spleen

Le spleen est peut-être le concept le plus décisif de tout le recueil. Voici la définition qu’en donne le dictionnaire Trésor de la langue française (voit le CNRTL.fr) :

État affectif, plus ou moins durable, de mélancolie sans cause apparente et pouvant aller de l'ennui, la tristesse vague au dégoût de l'existence.

On peut le comprendre comme le dégoût d’un monde réel toujours soumis au péché, inspirant dès lors la tristesse et le rejet. Par exemple, citons ce vers du poème « Mœsta et errabunda » :

Loin ! Loin ! Ici la boue est faite de nos pleurs !

La manière dont Baudelaire figure ce sentiment à l’intérieur de ses poèmes est souvent la même : il s’agit d’abord d’un mouvement ascensionnel, fondé sur un sentiment d’exaltation et d’espoir, avant la chute, provoquée la violente révélation des choses, ou par la perte d’espoir.

Baudelaire lui-même en fait la description suivante, dans le poème « Spleen » :

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
.
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
.
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
.
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Fréquemment, c’est l’ennui qui en est la cause, présenté dès le poème introductif comme le vice le « plus laid, plus méchant, plus immonde ». Le poète se débat, impuissant « au milieu/Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes » (« La Destruction »). Il le décrit encore, dans Spleen II :

L’ennui, fruit de la morne incuriosité

Prend les proportions de l’immortalité

L’ennui serait donc une condition éternelle pour l’Homme, une cage infernale dans laquelle il est enfermé sans possibilité de fuite, et qui l’emporte vers les pires affres sentimentales et intellectuelles.

Malgré tout, le poète, par la création poétique, tente de contrer les dangers de ce sentiment mortifère ; il construit en vers un univers idéal, fût-il suggéré par les laides choses de l’existence.

Qu'est-ce que le spleen de Baudelaire ?
Le Buveur, Toulouse-Lautrec, 1882

Le temps

L’inexorable fuite du temps est également un thème récurrent pour le poète, qui déplore les effets délétères du temps qui passe sur sa mémoire comme sur son corps.

« Les rides du temps et la peur de vieillir » (poème « Réversibilité ») tourmentent toute l’humanité ; c’est « L’Ennemi » ultime, comme le nomme l’un des titres de ses poèmes.

Au niveau plus personnel, l’écoulement du temps place le poète dans un rapport équivoque à ses souvenirs : ses impressions s’impriment en lui et l’emplissent de souvenirs  accumulés.

La mort

Le temps qui s’écoule emmène aussi fatalement vers la mort, qui constitue sans surprise un autre thème récurrent du recueil. Elle représente ainsi le thème d’au moins trente-trois poèmes.

Ce sujet apparaît néanmoins sous toutes ses formes : de la charogne (« Une charogne ») jusqu’à son propre statut (« Mon âme est un tombeau », dans le poème « Le Mauvais Moine »), Baudelaire travaille également toutes les étapes du processus, en évoquant le deuil, l’exécution, les funérailles, et, évidemment, la potentielle vie dans l’au-delà.

Les correspondances

Tout au long du recueil, le poète établit des correspondances, qui sont des ponts entre le réel (c’est-à-dire les choses matérielles, visibles) et l’irréel (l’univers spirituel et l’au-delà).

Il résume ce principe dans le sonnet éponyme (« Correspondances »), placé en début de recueil, comme un avertissement fait au lecteur qu’il y a plus à sentir et à voir que ce que lui-même présente à ses yeux :

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

.

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Ces correspondances peuvent avoir :

  • un mouvement horizontal, avec les cinq sens qui fusionnent en synesthésie : « Ô métamorphose mystique/De tous mes sens fondus en un !/Son haleine fait la musique,/Comme sa voix fait le parfum ! » (« Toute entière ») ;
  • un mouvement vertical, entre les sens physiques et un monde parallèle, comme les souvenirs, les Idées, les vies antérieures ou la vie après la mort.

L’Alchimie

Au milieu de toutes ces détresses, il y a cependant un espoir contenu dans l’activité poétique : il s’agit de l’alchimie, cette science mystique qui promet de changer la boue en or.

La boue, dans cette perspective, correspond à toute la laideur renfermée dans l’existence matérielle : les vices des Hommes, l’ennui, la trivialité sont autant de choses qui rendent l’existence détestable… mais qui sont une matière susceptible d’être magnifiée par l’exercice poétique.

Le poème « Le soleil », et notamment son dernier quatrain, expose bien tout le pouvoir transformateur que recèle cet art :

Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
Les persiennes, abri des secrètes luxures,
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
.
Ce père nourricier, ennemi des chloroses,
Eveille dans les champs les vers comme les roses ;
Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,
Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.
C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,
Et commande aux moissons de croître et de mûrir
Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !
.
Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.

Grâce à la mise en poésie du monde, celui-ci devient davantage supportable ; surtout, l’art poétique est en capacité de révéler l’or contenu dans la boue, ou le potentiel doré présent dans les éléments apparemment les plus vils de l’existence.

Focus sur cinq poèmes

Dans cette section, nous analyserons rapidement cinq poèmes fameux et représentatifs du recueil des Fleurs du mal.

Sur notre site, il existe cependant des commentaires complets de certains autres. N’hésitez pas à les lire !

« Correspondances » (Spleen et Idéal)

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

.

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Brève analyse du poème

Nous remarquons d'abord que ce sonnet est irrégulier : les rimes s’enchaînent selon un modèle « abba cddc efe fgg » au lieu de la forme convenue « abba abba ccd eed/ccd ede ». C’est que Charles Baudelaire révolutionne la forme classique pour y insuffler une dose de modernité, tout en gardant une régularité et une harmonie au niveau des rythmes.

Au début de ce poème, le poète donne une définition de la Nature. Il s’appuie également sur les sensations, pour présenter petit à petit sa théorie des correspondances entre les sens.

On peut lire aussi qu'il joue sur différentes figures réthoriques telles que :

  • la personnification : « vivants piliers » ;
  • l'antithèse « nuit/clarté » ;
  • l'harmonie imitative de l'échos au vers 5 ;

Pour Baudelaire, tout est donc lié et le poète se fait l'intermédiaire entre la Nature et l'Homme en rendant explicites ces liens.

Quelle est la méthode de dissertation en poésie ?
Jean Lecomte du Nouÿ, Le songe de l'eunuque, 1874

« L’albatros » (Spleen et Idéal)

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

.

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Brève analyse du poème

Dans ce poème apparaît le registre pathétique, c’est-à-dire le registre ressortissant au pathos, qui signifie la souffrance.

Le poème raconte littéralement l’histoire d'albatros maltraités par des hommes d'équipage. Mais il s’agit en fait d’une une allégorie, c’est-à-dire une figure de style où une image représente autre chose qu’elle-même.

Car Baudelaire s'identifie à ces oiseaux : le poète est, de même que le géant des mers, un homme maltraité par les autres. On le remarque notamment grâce au glissement du pluriel au singulier : « des albatros » devient « « l'Abatros », avec un « A » majuscule, ce qui figure l’idée du symbole.

Dès lors, les hommes d’équipage représenteraient ici la société, tandis que le Poète se sent incompris et bousculé par celle-ci... Mais, telles les grandes ailes de l’oiseau qui lui offrent de voler superbement, l’artiste est supérieur grâce à son don, qui lui permet de voir les choses d’en-haut.

« Parfum exotique » (Spleen et Idéal)

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d'un soleil monotone ;
.
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne.

.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encore tout fatigués par la vague marine,

.

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Brève analyse du poème

L’adjectif « exotique » signifie « qui vient d'ailleurs ».

Et, de fait, le poète nous décrit ici un paradis qui se fonde sur ses souvenirs de voyages de jeunesse.

On y trouve de nouveau beaucoup de sensations. Le sein de la femme y symbolise autant la sensualité mais aussi la maternité, comme un rappel à la Nature-mère protectrice.

« Spleen » (Spleen et Idéal)

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
.
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
.
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
.
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Brève analyse du poème

On trouve dans ce poème, conformément au concept de spleen, les champs lexicaux de l'insalubrité, de l'eau, de la souffrance, de la mort, de l'emprisonnement et du silence.

Pour renforcer cette déprime du poète, il se trouve également :

  • un oxymore (figure de style qui associe deux termes antonymes) : « jour noir », comme la trace d’une lumière impossible ;
  • les personnifications des cloches de l'Espoir ;
  • l'antithèse « vaincu/despotique » ;
  • une métaphore « mon crâne incliné », c’est-à-dire soumis, vaincu, impuissant ;
  • des allitérations en [m], [p] et assonance en [an] [on], qui sont des sons lourds, des synonymes de douleur.

L'horloge (Spleen et Idéal)

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

.

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

.

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

.

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  »

Brève analyse du poème

Dans ce poème, Baudelaire use du discours direct : l'Horloge parle. Ce poème est donc en forme de prosopopée, une figure de style qui fait parler une idée impalpable ; c’est ici le Temps qui est en fait personnifié.

Le poète veut nous montrer que le temps passe vite, très vite, trop vite ; autrement dit, que la mort est proche. Il veut alerter le lecteur sur ce fait, en utilisant le pronom personnel « nous ».

De faut, le temps nous domine tous, telle une divinité : « Horloge, Dieu sinistre ». La répétition de « souviens-toi » est là pour insister sur le fait que le temps nous file entre les doigts, et qu’il s’agit d’un fait universel : il y a en effet trois langues pour le dire.

Au vers 12, on relève enfin une harmonie imitative de la pompe avec l'allitération en [p]. Et comme « Spleen », ce poème se termine fatalement par la mort, où la périphrase métaphorique « dernière auberge » signifie la tombe.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !