Chapitres
- 01. Une jeunesse franco-russe
- 02. Ses études
- 03. Une première publication qui passe inaperçue
- 04. Aux prises avec les lois antisémites de l’époque
- 05. Une carrière d’écrivain finalement reconnue
- 06. Nathalie Sarraute, dramaturge
- 07. Une fin de carrière en apothéose
- 08. Récapitulatif de ses romans et essais majeurs :
- 09. Arrêt sur son œuvre qui a le plus touché le public : Enfance
Une jeunesse franco-russe
À l’origine, Nathalie Sarraute s’appelle Nathalie Tcherniak. Elle est née le 18 juillet 1900, près de Moscou, dans une famille d'intellectuels juifs. Son père, Ilyanova Tcherniak, est docteur ès sciences et ingénieur en chimie. Sa mère, Pauline Chatounovski, est une écrivaine qui publia nouvelles et romans sous le pseudonyme de Vichrovski. Cependant l’enfance de Nathalie Sarraute ne se déroulera pas principalement en Russie puisque dès ses deux ans, divorcée de son père, sa mère l’emmène vivre sur Paris. Elles habitent dans le cinquième arrondissement. Elle va à l'école maternelle de la rue des Feuillantines. Le français est donc sa première langue. Toutefois, chaque année elle passe un mois avec son père, soit en Russie, soit en Suisse, entretenant ainsi des liens avec son pays d’origine. Lorsqu’elle a six ans, Nathalie Tcherniak retourne en Russie, à Saint-Pétersbourg, avec sa mère et son nouveau mari Nicolas Boretzki. À l’inverse, Ilyanova Tcherniak, le père de Nathalie, connaît des difficultés en Russie du fait de ses opinions politiques et est alors contraint d'émigrer à Paris. Il va créer une usine de matières colorantes à Vanves. À neuf ans, Nathalie quitte Saint-Pétersbourg pour retourner vivre à Paris chez son père, qui entre-temps s'est remarié et qui donna à Nathalie une demi-sœur : Hélène. Son demi-frère Jacques naîtra lui en 1917. Nathalie restera à Paris chez son père et ne retournera plus en Russie avant 1936.
Ses études
Puis elle rentre au lycée Fénelon et y restera jusqu'en 1918. Son parcours dans les études supérieures est très riche :
- Elle s'inscrit d’abord en anglais à la Sorbonne et y obtient sa licence d'anglais.
- Puis elle s'inscrit à Oxford, en histoire de l'art.
- Elle part ensuite six mois à Berlin, suivre les cours de sociologie de Werner Sombart.
- Elle ne s’arrête pas là, et s'inscrit en Licence à la faculté de droit à Paris. Elle y rencontre Raymond Sarraute juriste comme elle. Il partage ses goûts littéraires et artistiques et l'encourage à écrire. Ce dernier deviendra son mari en 1925. Ils auront trois filles : Claude, Anne et Dominique.
- Elle travaille un an et s'inscrit en doctorat de droit.
- Elle s'inscrit au Barreau de Paris comme stagiaire. Elle sera avocate jusqu'en 1941 et plaidera plusieurs affaires en correctionnelle. Sa carrière est internationale.
Une première publication qui passe inaperçue
Elle réussit à publier Tropismes en 1939. Ce premier recueil de textes, dont elle avait entamé l’écriture en 1932, passe inaperçu. Il avait d’ailleurs été refusé par Gallimard et Grasset, et avait finalement été publié chez Denoël. Pourtant salué par Jean-Paul Sartre et Max Jacob, Tropismes contient, en quelques courts textes, l'essentiel de sa vision du monde et de son entreprise littéraire. Les tropismes, explique-t-elle, sont ces " mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir ". L'art de Nathalie Sarraute consiste à inventer un langage qui puisse exprimer cet infiniment petit, en perpétuelle migration, et qui est la source secrète de notre existence. Son souhait est de révéler les mouvements fugaces de notre conscience, tous les « drames microscopiques » qui forgent secrètement les relations humaines. Même si le langage a du mal à en rendre compte, c’est le seul moyen de les exprimer.
Aux prises avec les lois antisémites de l’époque
La seconde guerre mondiale va durement impacter son quotidien. Le régime de Vichy va mettre en place de nombreuses lois antisémites. En application de celles-ci, Nathalie Sarraute est radiée du barreau. Les juifs avaient en effet l’interdiction d’occuper de tels postes. Elle décide alors de se consacrer entièrement à l’écriture, et commence à travailler son premier roman Portrait d'un inconnu, qu’elle publiera en 1948. En attendant, elle part se réfugier avec ses filles à Janvry (dans la vallée de Chevreuse). Elle fait preuve de courage en refusant de porter l'étoile jaune, ce qui lui vaut d’être dénoncée par un commerçant du village. Elle échappe de peu à l'arrestation, et retourne quelques temps à Paris. Mais elle doit à nouveau se réfugier à la campagne (à Parmain dans la Seine-et-Oise) sous le nom de Nicole Sauvage (choisissant des initiales identiques à celles de son identité réelle). Pour ne pas se faire remarquer, elle se fait passer pour l'institutrice de ses filles. Une fois la guerre terminée, elle rentre à Paris. Elle achète une maison de campagne à Chérence (Seine-et-Oise). C'est là qu'elle écrira durant les week-ends et les vacances.
Une carrière d’écrivain finalement reconnue
Ayant été conquis par son recueil Tropismes, Jean-Paul Sartre signa la préface du premier roman de Nathalie Sarraute : Portrait d’un inconnu. Refusé par Gallimard, ce roman est publié chez un petit éditeur : Robert Marin. Il eut peu de succès. Cependant, la maison Gallimard accepta de publier son roman suivant : Martereau (1953). Entre temps, Nathalie Sarraute publie un ensemble d’essais contre le roman traditionnel : l'Ere du soupçon (il s’agit de quatre articles publiés entre 1947 et 1956 dans la revue Temps Modernes et la NRF). Cet ensemble de textes sert de fondement au Nouveau Roman, et assoit ainsi son influence, qui reste néanmoins fragile. Son premier roman, Portrait d'un inconnu, est réédité chez Gallimard, ainsi que Tropismes, aux éditions de Minuit. Mais ce qui lui assure enfin une grande notoriété est la publication de son roman Planétarium, en 1959, qui remporte un grand succès. Dans celui-ci, Nathalie Sarraute dissèque minutieusement les conversations de ses personnages pour en saisir les non-dits. Elle joue également beaucoup avec la ponctuation. Ce n’est pas un roman facile à lire mais il pose les véritables fondations de ce que sera le grand mouvement littéraire de l’époque : le Nouveau Roman. La consécration viendra ensuite en 1964 avec Les Fruits d'or, une œuvre qui lui vaudra le très prestigieux prix international de Littérature en 1964.
Nathalie Sarraute, dramaturge
En plus de ses romans et de ses essais, Nathalie Sarraute a aussi écrit pour le théâtre, l’une de ses passions. Sa première pièce, qui ne manque pas d’humour, s’intitule Le Silence. Le langage est toujours au cœur de son écriture, puisque l’histoire de cette pièce se base sur celle de six personnages, qui ne peuvent poursuivre un dialogue normal à cause du silence d'un septième. Le Mensonge est sa deuxième pièce. Toutes deux, avec Le Silence, seront mises en scène par Jean-Louis Barrault au Petit-Odéon, et publiées par Gallimard, avec sa troisième pièce : Isma, ou Ce qui s’appelle rien. Suivront Elle est là et C’est beau, deux autres pièces. Sa plus célèbre restera néanmoins sa toute dernière : Pour un oui ou pour un non publiée en 1982. Le sujet de Pour un oui ou pour un non : sur scène, deux hommes s’affrontent pour des motifs futiles. Une grande tension émane des mots prononcés, pourtant très simples. Ce sont finalement les tensions du quotidien qui sont mises en lumière. Le succès de cette pièce est tel qu’elle sera jouée à New-York. Ces six pièces ont été publiées en un volume : Théâtre.
Une fin de carrière en apothéose
Nathalie Sarraute fut distinguée par deux prix :
- En 1982, le Ministère de la Culture lui décerne le Grand Prix national des Lettres.
- En 1996, elle reçoit le Grand Prix de théâtre de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.
1996 fut aussi une année marquante car elle fit don de tous ses manuscrits à la Bibliothèque Nationale de France, et son œuvre entre dans La Pléiade, la plus prestigieuse des collections de Gallimard. L’année précédente, elle avait déjà été distinguée par une exposition qui lui était consacrée : « portrait d’un écrivain », à la Bibliothèque nationale de France. Son œuvre est sans équivalent dans la littérature, œuvre singulière et difficile en ce qu'elle est née du souci d'exprimer ce qui ne l'avait jamais été, de mettre à jour, par et contre le langage, ce qui ne semblait pas en relever - ces infimes mouvements de l'intériorité qu'elle nomma tropismes - et de définir pour cela une forme nouvelle qui dépasse les limites traditionnelles du roman. Mais c'est une œuvre révélatrice, aussi, des interrogations et des recherches de son temps, et dont le succès et la diffusion en plus de trente langues disent assez combien de lecteurs elle a su toucher. Le nom de Nathalie Sarraute reste étroitement lié au courant du 'Nouveau Roman' qu'elle a initié. C'est aussi l'un des auteurs français les plus appréciés à l'étranger.
Récapitulatif de ses romans et essais majeurs :
- Tropismes
- Portrait d'un inconnu (préfacé par Jean-Paul Sartre)
- Martereau
- L'Ère du soupçon
- Planétarium
- Les Fruits d'or
- Entre la vie et la mort (qui exprime la difficile recherche d'équilibre entre le besoin de solitude et le besoin de l'adhésion d'autrui)
- Vous les entendez ?
- Disent les imbéciles
- L'usage de la parole
- Enfance
- Tu ne t'aimes pas
- Ici
Arrêt sur son œuvre qui a le plus touché le public : Enfance
Dès sa publication en 1983, Enfance a conquis le grand public. Il s’agit d’une étonnante et émouvante autobiographie où Nathalie Sarraute regroupe ses souvenirs de ses onze premières années, passées entre la France, la Suisse et la Russie, jusqu’à son entrée en sixième. Or si cette autobiographie étonne, c’est qu’elle est unique du point de vue de sa forme. Nathalie Sarraute a en effet décidé de sortir des schémas traditionnels : au lieu de simplement tout relater à la première personne du singulier, elle se dédouble. La narration est ainsi tenue par le dialogue de deux voix, représentant toutes deux l'auteur, mais qui incarnent des postures différentes à l’égard du travail de mémoire. L’une de ces voix conduit le récit, délivre les souvenirs, tandis que l’autre joue le rôle du critique, en la mettant en garde sur les possibles excès d’interprétation, ou au contraire, l’encourage à approfondir certains passages. Une méthode qui pousse notamment à réfléchir sur les difficultés qui se posent à l’élaboration d’une autobiographie. La démarche de Nathalie Sarraute est ainsi inscrite sur la quatrième de couverture :
Ce livre est écrit sous la forme d'un dialogue entre Nathalie Sarraute et son double qui, par ses mises en garde, ses scrupules, ses interrogations, son insistance, l'aide à faire surgir « quelques moments, quelques mouvements encore intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs (...) ouatées qui se défont et disparaissent avec l'enfance ».
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