Chapitres

  1. 01. Problématique
  2. 02. Développement

Zone est le dernier poème composé par Apollinaire avant la publication du recueil "Alcools". C'est un poème composé en 1912. Pourtant, il est placé en tête du recueil : ceci témoigne de son importance aux yeux du poète .

Si on part de l’étymologie, "zôné" en grec signifie "ceinture". Le sens du titre suggère donc la "composition circulaire" du recueil .

Nous étudierons ici les vers 1 à 41 ; le gout du modernisme y est très présent, à travers la vision de la société contemporaine et se mêle à une profonde spiritualité .

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Problématique

Nous verrons comment Apollinaire met en scène de façon paradoxale le monde de la ville comme à la fois lieu de changement et de permanence .

I : LA VILLE COMME LIEU DU MULTIPLE.

1 : La ville comme motif du modernisme.

2 : la ville sous un jour quotidien.

3 : La revendication d'une esthétique nouvelle.

II : LA VILLE COMME LIEU DU SPIRITUEL.

1 : La coexistence paradoxale : modernisme et religion.

2 : Un lyrisme de l’expérience.

3 : La ville, changeante mais peuplée de symboles.

Développement

Le goût d’Apollinaire pour le vivant qui l'entoure se manifeste ici par un sentiment de beau qui naît de la perception du caractère moderne de la ville. Elle est le lieu de la pluralité, du multiple, du changement, du vivant : c'est de la vie quotidienne elle même que peut naître le sentiment du Beau.

Dès le premier vers, le poète exprime clairement une des raisons de son choix esthétique : il se dit las des formes d'art qui lui semblent dépassées (académisme, et même symbolisme et impressionnisme). Dans ses Méditations esthétiques (1913) il affirme aussi " on s'achemine vers un art entièrement nouveau". Ces formes d'art sont le cubisme (Braque, Picasso), le futurisme (Marinetti), le fauvisme (Derain, Vlaminck), en ce début de XXe siècle.

L'architecture en particulier passionne Apollinaire : la simplicité épurée des lignes de certaines constructions industrielles ("les hangars de Port-Aviation" V.6), la ferraille, la tour Eiffel peinte par Chagall et Delaunay ( "Bergère ô tour Eiffel le troupeau des pont bêle ce matin")

Cette tour Eiffel est la bergère debout, forme isolée sur les quais, verticale. Les arches des ponts de la Seine sont eux évoqués sous leur caractère horizontal, tels des moutons car les courbes des ponts dessinent comme les dos des moutons réunis en troupeau. Les sirènes des péniches participent de cette image par leur bêlement .

Plus que la description de la ville, on a ici une vision de la ville selon Apollinaire, basée avant tout sur le ressenti. Apollinaire est un amoureux de Paris, mais aussi de la ville moderne en général. Il va s’intéresser à la rue "industrielle" (V.23), une rue "neuve", plus qu'aux monuments classiques.

C'est une rue "oubliée", animée par des personnages de la vie simple, quotidienne : (V.17/18) "Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes / Du lundi au samedi soir quatre fois par jour y passent."

La vie moderne est évoquée aussi par son aspect sonore : 'clairon","gémit","aboie","criaillent'. Ce sont les éléments concrets qui assurent le beauté de la rue : "les inscriptions des enseignes et des murailles / Les plaques les avis a la façon des perroquets craillent"... On retrouve l'allusion au développement de la publicité "réclame", qui s’accompagne de recherches esthétiques chez les affichistes (Delaunay, Dufy). C'est une sorte de poétisation de l'urbanisme (V.11/12) : "Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut / Voilà la poésie ce matin..."

La révolution esthétique voulue par Apollinaire est tout entière contenue dans ce vers 23 : "J'aime la grâce de cette rue industrielle". Le rapprochement des mots "grâce" et "industrielle" inscrit le sentiment du Beau dans un cadre nouveau, celui de la vie moderne de tous les jours .

Cette poétisation de l'urbain fonde une pratique poétique nouvelle : l'usage du vers libre, l'absence de ponctuation, la mélange sur le plan de l'énonciation des personnes verbales .

Le "je" désigne le poète dans ses activités et ses sentiments lorsqu'il écrit (V.15/V.23). Le "tu" désigne le poète et ses sentiments actuels (V.9/V.11), mais aussi l'auteur à l'époque où il est enfant (V.25/27). L'énonciation de l'enfance se fait d'ailleurs au présent, dans une sorte de continuité chronologique assez déroutante. Ce changement de personnes, à l'image du modernisme de la ville évoqué sous le signe du changement dans la continuité, fonde une nouvelle perception du poétique : dire l'unicité de l'être mais sous tout ses divers visages, changeants, parfois contradictoires, mais qui de façon paradoxale, appartiennent à une même chose. Le poète est donc lui aussi la communion de ces "je" et "tu", traversé par le divers et la multiplicité. Porte parole du vivant dans sa diversité.

Le poète utilise même le "vous" (V.28/30) qui désigne l'enfant accompagné de son camarade Dalize. C'est une mise à distance du passé mais rendu proche par l'usage du présent. Ce choix du "vous" rend à nouveau la scène de la chapelle objective, neutre, le poète, étant finalement un homme comme les autres, capable d'être l’interprète de la diversité des vécus. Il est tous les hommes à la fois.

La ville est le lieu de l'horizontalité, de la diversité, mais aussi le lieu de la verticalité et du spirituel. Apollinaire ne peut être considéré comme un écrivain chrétien. Ce qui ressort de l'ensemble de son œuvre, ce serait plutôt l'athéisme. Mais le sentiment du divin et du spirituel sont présents dans le recueil. L'image de l'enfant pratiquant renvoie au jeune Apollinaire, et dans la représentation de Christ, on trouve un élan à la fois lyrique et religieux.

Le début du poème semble présenter une contradiction : il proclame à la fois lassitude de l'Antiquité et le caractère presque moderne du christianisme (V.5/8/9)

On pourrait à première vue croire que le vers 9 se veut ironique, mais ce n'est pas le cas. Le poète se veut lucide : il sait que ce qui est actuel est transitoire, alors que le spirituel est dans la permanence, l'atemporel. La religion serait alors ce qui est perpétuellement moderne.

Cette collision entre le Beau né du transitoire, et la permanence du sentiment religieux provoque le désarroi du poète : (V9/10) "Et toi que les fenêtres observent la honte te retient / D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin". On retrouve ici l'élan naturel de la "confession" et la honte de l'adulte en qui prédomine les convictions athées. Ce début de "zone" témoigne du doute à l'égard de ce monde futur, à l'aube du XXe siècle, et de la guerre 14-18.

C'est dans les vers 31 à 40 que le poème adopte un ton singulier. Apollinaire y célèbre le Christ par un style marqué par de nombreuses images et par le procédé de l'anaphore.

L'anaphore (reprise d'un mot ou groupe de mots en début de vers) repose ici sur le présentatif "c'est", répété huit fois. Procédé d'insistance, il prend une dimension particulière en poésie : cela crée une répétition de sons à valeur "incantatoire". L'incantation appartient à des pratiques primitives religieuses, qui visaient à changer l'ordre du monde. Le christianisme l'a utilisée sous la forme de la litanie, longue prière à caractère monotone et répétitif. La poésie s'est largement inspirée de ce procédé, en particulier à partir des romantiques allemands. L'anaphore est donc dans ce passage au service de la poésie et du sentiment religieux.

Enfin, le présentatif "c'est" renvoie à a nouveau à une double dimension, celle de l’expérience du vivant et celle de la permanence du symbole à l’intérieur du vivant .

Déjà la figure de l'enfant est chargée de symboles. Le jeune Apollinaire a vécu la piété au collège Saint-Charles et la naissance de son amitié avec Dalize qui mourra à la guerre en 1917. Mais alors que l'adolescence est en général marquée par le goût de l'interdit, on a ici l'évocation du zèle religieux. Dans le vers " Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc " , on retrouve la religiosité du bleu, couleur de la vierge, et du blanc pour la pureté.

C'est également l'allusion à l'adoration du Christ : le lys, comme symbole biblique et du royaume de France ; La torche, dont la flamme est implicitement comparée à la couleur rousse des cheveux du Christ ; l'arbre, à feuilles persistantes qui représentent toutes les prières qui s'élèvent de l'humanité ; c'est la croix dont les branches sont abstraites ( "honneur" et "éternité" ); c'est l'étoile a six branches, étoile de David, roi biblique et symbole judaïque; c'est l'aviateur, symbole étonnant de résurrection évoquée au vers 39 .

Ces images ont en commun la verticalité des lignes et la luminosité des teintes.

L'image de l'aviateur est assez cocasse car elle mêle réalisme et humour. La croix, avec ses deux branches rappelant les ailes, figure l'ascension de l'avion, qui elle-même est en parallèle avec celle du Christ. On perçoit ici le ton surréaliste du poète, avec l'image d'un Christ " recordman d'altitude". Après cette litanie sur le monde moderne et cette poétisation de l'urbain, on a l'affirmation, non sans humour de la permanence du spirituel.

CONCLUSION : Ce poème, remarquable par sa modernité et l'unicité de la vision d’Apollinaire qui nous fait percevoir la ville sous un nouveau jour, est un savant mélange de paradoxes apparemment inconciliables : il mêle réflexion sur le monde actuel, lassitude du monde ancien mais affirmation d'une imagerie pieuse en rapport avec l'origine et le sacré. La ville s’affirme comme un caméléon changeant, source de lyrisme par ses éléments les plus communs (ouvriers, sténo-dactylographes...)

Le poète se fait l’interprète du divers, sorte de phare éclairé des expériences humaines plurielles c'est un peu tous les hommes à la fois.

C'est l'affirmation d'un nouveau sentiment de Beau ancré dans le présent, l'expression la plus juste du ressenti qui se livre dans une spontanéité portée par le vers libre .

RdM...

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !