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C'est parti

La scène étudiée

Scène I
FIGARO, SUZANNE.

Figaro.
Dix-neuf pieds sur vingt-six.
Suzanne.
Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau : le trouves-tu mieux ainsi ?
Figaro lui prend les mains.
Sans comparaison, ma charmante. Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’œil amoureux d’un époux !…
Suzanne se retire.
Que mesures-tu donc là, mon fils ?
Figaro.
Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que monseigneur nous donne aura bonne grâce ici.
Suzanne.
Dans cette chambre ?
Figaro.
Il nous la cède.
Suzanne.
Et moi je n’en veux point.
Figaro.
Pourquoi ?
Suzanne.
Je n’en veux point.
Figaro.
Mais encore ?
Suzanne.
Elle me déplaît.
Figaro.
On dit une raison.
Suzanne.
Si je n’en veux pas dire ?
Figaro.
Oh ! quand elles sont sûres de nous !
Suzanne.
Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ?
Figaro.
Tu prends de l’humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si madame est incommodée, elle sonnera de son côté : zeste, en deux pas tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? il n’a qu’à tinter du sien : crac, en trois sauts me voilà rendu.
Suzanne.
Fort bien ! Mais quand il aura tinté, le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission : zeste, en deux pas il est à ma porte, et crac, en trois sauts…
Figaro.
Qu’entendez-vous par ces paroles ?
Suzanne.
Il faudrait m’écouter tranquillement.
Figaro.
Eh ! qu’est-ce qu’il y a, bon Dieu ?
Suzanne.
Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme : c’est sur la tienne, entends-tu ? qu’il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c’est ce que le loyal Basile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour en me donnant leçon.
Figaro.
Basile ! ô mon mignon, si jamais volée de bois vert, appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu’un…
Suzanne.
Tu croyais, bon garçon, que cette dot qu’on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ?
Figaro.
J’avais assez fait pour l’espérer.
Suzanne.
Que les gens d’esprit sont bêtes !
Figaro.
On le dit.
Suzanne.
Mais c’est qu’on ne veut pas le croire !
Figaro.
On a tort.
Suzanne.
Apprends qu’il la destine à obtenir de moi, secrètement, certain quart d’heure, seul à seule, qu’un ancien droit du seigneur… Tu sais s’il était triste !
Figaro.
Je le sais tellement, que si monsieur le comte, en se mariant, n’eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t’eusse épousée dans ses domaines.
Suzanne.
Eh bien ! s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de la fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui.
Figarose frottant la tête.
Ma tête s’amollit de surprise, et mon front fertilisé…
Suzanne.
Ne le frotte donc pas !
Figaro.
Quel danger ?
Suzanneriant.
S’il y venait un petit bouton, des gens superstitieux…
Figaro.
Tu ris, friponne ! Ah ! s’il y avait moyen d’attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or !
Suzanne.
De l’intrigue et de l’argent : te voilà dans ta sphère.
Figaro.
Ce n’est pas la honte qui me retient.
Suzanne.
La crainte ?
Figaro.
Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse, mais d’échapper au péril en la menant à bien : car d’entrer chez quelqu’un la nuit, de lui souffler sa femme, et d’y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n’est rien plus aisé ; mille sots coquins l’ont fait. Mais…
(On sonne de l’intérieur.)
Suzanne.
Voilà madame éveillée ; elle m’a bien recommandé d’être la première à lui parler le matin de mes noces.
Figaro.
Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ?
Suzanne.
Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit fi, fi, Figaro ; rêve à notre affaire.
Figaro.
Pour m’ouvrir l’esprit, donne un petit baiser.
Suzanne.
À mon amant aujourd’hui ? Je t’en souhaite ! Et qu’en dirait demain mon mari ?
(Figaro l’embrasse.)
Suzanne.
Eh bien ! eh bien !
Figaro.
C’est que tu n’as pas d’idée de mon amour.
Suzannese défripant.
Quand cesserez-vous, importun, de m’en parler du matin au soir ?
Figaromystérieusement.
Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu’au matin.
(On sonne une seconde fois.)
Suzannede loin, les doigts unis sur sa bouche.
Voilà votre baiser, monsieur ; je n’ai plus rien à vous.
Figaro court après elle.
Oh ! mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez reçu.

   Le Mariage de Figaro - Beaumarchais - Acte I, scène 1

Qui était Beaumarchais ?
D'après Jean-Marc Nattier, Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Bibliothèque-musée de la Comédie Française)

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Le commentaire composé de l'extrait

Introduction

Nous sommes face à un décor à la fois typique et symbolique. C'est celui de l'Espagne andalouse, l'action se déroule à Séville. L'espace scénique joue ici un rôle primordial : c'est la chambre des futurs mariés, mais une chambre sur laquelle plane la menace du maître ,jaloux. Le début in medias res plonge le lecteur dans un mariage imminent qui donne dès les premières répliques dynamisme et enjeux à cette scène d'exposition.

En effet, on perçoit les prémisses de la « folle journée », car cette scène fonctionne avec une extrême rapidité dans la présentation des personnages, de leurs relations et des enjeux. Le Comte, allié d'hier de Figaro, apparaît par la voix de Suzanne le rival d'aujourd'hui : l'ordre ancien hérité du Barbier de Séville est remis en question dès ce début de pièce. C'est aussi la remise en cause de l'aristocratie qui pointe dès le début de cette pièce.

Annonce de la problématique

Dès lors, en quoi cette scène d'exposition présente-elle tous les enjeux de la pièce à venir ?

Annonce du plan

Nous mettrons d'abord à jour les informations banales et attendues offertes par la scène d'ouverture. Il faudra ensuite voir en quoi cette pièce est de nature comique, et en quoi Beaumarchais transcende ce comique pour conduire une critique sociale de son temps.

Développement

Une scène d’exposition banale

Beaumarchais donne à voir dans la première scène du premier acte les informations attendues dans une scène d’exposition : on y découvre le décor qui accueille l’intrigue à venir, les personnages centraux ainsi que ladite intrigue.

Un décor noble

Si l’unité de lieu n’est pas vraiment respectée, puisque le palais du seigneur ne sera pas l’endroit exclusif de la pièce, celle-ci se déroule au moins toute entière à Aquas Frescas, près de Séville.

Pour autant, les didascalies autant que les dialogues nous apprennent que l’action se déploie d’abord dans la chambre nuptiale de Suzanne et de Figaro :« Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. »

Figaro, dès sa première réplique, indique en outre que la chambre mesure « Dix-neuf pieds sur vingt-six », soit la taille d’une scène de théâtre.

Surtout, comme un symbole, le lit est absent, puisque le couple réfléchit à sa future place : « Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que monseigneur nous donne aura bonne grâce ici. » Il représente plusieurs choses :

  • Le mariage à venir
  • Le lieu de l’amour
  • La cristallisation du droit de cuissage, qui est la base de l’intrigue

Cette chambre se trouve entre celles du seigneur et de sa femme : « Tu prends de l’humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. » Cela aussi annonce l’intrigue à venir, puisque les valets que sont Suzanne et Figaro sont pris entre les désirs de leurs maîtres.

Enfin, le miroir nous apprend que Suzanne est coquette, puisqu’elle s’y regarde. Le bouquet de fleur d’oranger est également le symbole de la chasteté et du mariage : « Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de la mariée. » On sait alors que le temps de la pièce correspond au matin des noces.

Ce premier lieu reçoit ces deux personnages, auxquels ils sont directement liés, puisqu’il s’agit de leur chambre nuptiale. Mais le spectateur du XVIIIème siècle les connaît.

Suzanne et Figaro

Hormis Suzanne, les personnages de la pièce sont tous issus du Barbier de Séville, premier opus de la trilogie de Beaumarchais.

Ainsi, Bazile est toujours l’acheté, celui qui viendra détruire le bonheur des autres. Par ailleurs, on sait qu’il déteste Figaro.

Trois ans ont passé, et Almaviva, le comte, n’est plus vraiment amoureux de Rosine. Il cherche à assouvir son désir en la personne de Suzanne.

Mais cette scène d’introduction nous présente surtout une scène typique du badinage amoureux. Suzanne et Figaro incarnent un amour tendre et respectueux.

De quoi parle le Mariage de Figaro ?
Illustration du "Mariage de Figaro" de Beaumarchais• Crédits : API / Contributeur - Getty

Ainsi, on relève nombre d’adjectifs possessifs, soulignant l’intimité du couple : « ma charmante »  « belle fille», «mon fils», « ma petite Suzanne», «mon ami», «bon garçon», «mon petit fi, fi, Figaro». De même, ils se tutoient, et le vouvoiement est utilisé pour figurer un jeu de badinage courtois, cristallisé autour de la question du baiser : « Quand cesserez-vous, importun, de m’en parler du matin au soir ? » Figaro devient alors un courtisan jouant selon les codes de l’amour courtois, tout entier dévoué à sa dame (elle lui pose d’ailleurs cette question, sur le mode de la dérision : « Es-tu mon serviteur, ou non ? »).

On remarque enfin deux choses, qui vont se révéler décisives pour la suite :

  • L’union des deux époux à venir, motivée par un amour débordant : « noces » «époux», «sa femme», «dot», «mariant», «épousée», «ta fiancée», «amant», «mon mari»
  • Des allusions sexuelles : « il est à ma porte et, crac, en trois sauts », « quand je pourrai te le prouver du soir au matin », ou encore « le bouquet virginal » ; c’est que le mariage, qui rend opportun le droit de cuissage, catalyse le désir du seigneur pour sa servante

C’est ainsi que l’amour unifiant Suzanne et Figaro est le point de départ de l’intrigue, que le spectateur devine à partir de remarques explicites.

Une intrigue entre maîtres et valets

La pièce commence in media res : le rideau s’ouvre en plein cœur d’une action, où Figaro mesure sa chambre.

Normalement, le mariage termine la pièce : ici, la pièce commence sur le mariage. Mariage concernant qui plus est des valets, et non des maîtres.

Mais il y a un obstacle à cette union, que le spectateur découvre en même temps que Figaro, par les mots de sa fiancée : elle ne veut pas du lit que Figaro projette (« Et moi, je n’en veux point. »). C’est que ce lit symbolise le droit de cuissage (droit féodal du seigneur qui l’autorise à déflorer la femme de l’un de ses serfs, lors de la nuit de noce), alors même que le comte est censé l’avoir aboli :

Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme : c’est sur la tienne, entends-tu ? qu’il a jeté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas.

Bazile, maître à musique de la comtesse, se fait l’entremetteur du comte, et devient ainsi le maître à chanter.

L’intrigue va donc se fonder sur la réaction de Figaro et les moyens entrepris pour contrer les projets du comte. Il l’annonce lui-même : « Tu ris, friponne ! Ah ! s’il y avait moyen d’attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or ! ». D’ailleurs, Beaumarchais en joue lui-même, faisant dire à Suzanne : « De l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère. »

Se dessinent donc les forces en présence : Figaro, Suzanne et la comtesse (pareillement lésée, puisque le comte se lasse d’elle) ensemble contre le comte et Bazile.

Transition

Mais les répliques échangées entre les deux amoureux renseignent aussi sur la tonalité de la pièce : il s’agit d’une comédie évidente.

Les ressorts comiques de la pièce

Deux types de comiques sont perceptibles immédiatement : le comique de geste d’une part, et le comique de mots d’autre part.

Qui sont les personnages de la pièce Le Mariage de Figaro ?
Alexandre Fragonard, La Romance de Chérubin, 1827
Comique de geste

Les acteurs sur la scène, dans la chambre à demi-vide, sont très mobiles. En même temps que cela donne un rythme dynamique, le spectateur peut y voir des motifs de rire.

Figaro est ainsi toujours en mouvement, rappelant les personnages de bouffon issus de la commedia dell’arte : « lui prend les mains », « se frottant la tête », « Figaro l’embrasse », « court après elle », etc. Suzanne, quant à elle, peut prêter au rire par la légèreté dont elle témoigne, notamment à travers sa coquetterie.

Malgré la difficulté qui se présente à eux, les deux amoureux restent gais et vifs. Loin de la tonalité tragique qui appellerait la lamentation et le désespoir, Suzanne rit de voir Figaro prendre conscience de la situation :

Suzanne, riant.

S’il y venait un petit bouton, des gens superstitieux…

C’est le propre de la comédie de tourner en dérision des sujets supposés graves par la tragédie.

En outre, le fait qu’il s’agisse là de valets, et non pas de personnages nobles, assure le spectateur sur la nature du spectacle qu’il s’apprête à voir.

Mais le comique s’incarne aussi dans les mots échangés par Suzanne et Figaro.

Comique de mots

Plusieurs procédés verbaux sont utilisés pour faire rire le spectateur :

  • Un langage familier : « mon mignon », volée de bois vert appliquée sur une échine », « zeste », « crac », « friponne »
  • Des allusions grivoises : « «Apprends qu’il la destine à obtenir de moi secrètement certain quart d’heure, seul à seule», «Quand je pourrai te le prouver du soir jusqu’au matin».
  • L’ironie de Suzanne, maniée dans les sous-entendus : « en deux pas, il est à ma porte, et crac, en trois sauts… », qui reprend l’expression de Figaro en lui donnant un nouveau sens, et qui provoque l’incompréhension chez Figaro, quand le spectateur, lui, comprend tout (« Qu’entendez-vous par ces paroles ? »)
  • Les figures de style comme la litote (dire le moins pour signifier le plus, avec la négation), utilisée par Suzanne dans la même veine sexuelle : « il espère que ce logement ne nuira pas », ou l’ironie sarcastique, utilisée pour décrire Bazile : « loyal », « noble », « honnête » disent l’inverse (le spectateur, en outre, doit connaître le personnage de Bazile, issu d’une pièce précédente)

Ainsi, Beaumarchais se plaît à rendre une discussion qui dit le strict minimum, et contribue par-là à la vivacité du dialogue.

Il innove aussi en donnant à ses valets de l’esprit, qui se moquent gentiment l’un de l’autre, toujours avec beaucoup de subtilité, comme lorsque Suzanne dit à Figaro : « Que les gens d’esprit son bêtes » et que lui ne dément pas : « On le dit ».

Mais le dialogue entre Figaro et Suzanne fait aussi apparaître la perspicacité des personnages par le dynamisme du style : questions/réponses, parallélismes et répliques sur le mot.

« Que les gens d'esprit sont bêtes! »: cette réplique est moqueuse à l’égard de Figaro, mais relève aussi du compliment, car elle le sort de sa condition de valet traditionnellement coupé de la maîtrise du langage pour le faire entrer dans la catégorie des « gens d'esprit » ainsi apte à rivaliser avec l'aristocratie.

Transition

Mais ce comique-là sert un dessein plus large encore : Beaumarchais, dans sa pièce, veut conduire une critique sociale, sur le mode satirique (la satire est une manière d’attaquer les vices de ses contemporains).

Une pièce qui critique la société

Un décor loin d’être anodin

Le décor, malgré son apparente frugalité, est en réalité très travaillée.

La didascalie annonce d’emblée :  « Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. » Cela signifie avant tout que la pièce est assez pauvre ; mais, bien vite, Figaro se montre ravi d’avoir eu « la chambre du château la plus commode », tant il l’avait lui-même « espéré ».

C’est qu’en réalité, elle est commode pour le comte : Suzanne révèle en effet qu’ainsi, il sera au plus près d’elle pour la posséder sexuellement.

La chambre du couple se situe au centre des appartements du château, tout comme le couple se trouve au centre de la pièce.

Donner la chambre à ses valets, c’est également prouver qu’il peut faire ce qu’il veut de ceux-ci : il dispose du droit à décider de leur lieu de vie, tout comme il dispose du corps de Suzanne, pour son bon plaisir. Ainsi, pour Suzanne, refuser le cadeau de la chambre, c’est une manière de s’émanciper des volontés de son maître.

Au contraire (dans un premier temps en tout cas), Figaro accepte sans suspicion aucune le cadeau de son maître : c’est dire qu’il souscrit à l’ordre social maître/valet.

Mais de même que l'ex-allié d'hier devient le rival, la chambre donnée est à la fois un endroit menacé et menaçant, cadeau empoisonné du maître auquel Figaro s'est librement lié : la pièce devient le lieu où l'inversion de l'ordre social est possible justement parce que les valets sortent, par leur caractère, de leur condition.

Lorsque Suzanne demande à Figaro s'il croyait vraiment que le don de la chambre était lié à la qualité de ses services, elle emploie le mot de « mérite » qui incarne la nouvelle valeur travail de la société des Lumières, valeur nouvelle par laquelle l'individu doit accéder à une forme de pouvoir et de reconnaissance sociale.

Dans cette dissension se dévoile également un rapport homme/femme novateur, qui participe du progressisme de Beaumarchais, touché par les valeurs révolutionnaires.

Suzanne, maîtresse de Figaro

Suzanne connaît les intentions du comte : cela lui donne un avantage sur son amant.

Si au début, elle se tait par honte, elle finit par tout lui avouer. Mais, toujours, elle mène le débat, ce qui se prouve par certaines formules : « Il faudrait m’écouter tranquillement », « Apprends qu’il… ».

Enfin, elle se moque allègrement de Figaro : elle reprend certains de ses mots pour leur donner un sens nouveau, authentique depuis les informations dont elle dispose ; et elle le traite de « bon garçon », qui a le sens de naïf.

On peut ajouter que cette dynamique relationnelle se dévoile également à la fin de la scène, qui mime l’amour courtois : elle ne lui rend pas son baiser comme il l’aurait voulu. Ainsi, après un « je n’ai plus rien à vous », tout sauf anodin, Figaro, qui court après elle (et là non plus, le jeu de scène n’est pas anodin) déplore (frivolement) :

Figaro court après elle.

Oh ! mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez reçu.

Qu'est-ce que le droit de cuissage, qui est au centre de la pièce de Figaro ?
Vasiliy Polenov, Le droit du Seigneur, 1874
Un maître sans vertu et tout-puissant

Le maître possède les valets : Beaumarchais dénonce ce fait en l’inscrivant dans une intrigue d’ordre sexuel, puisque le comte voudrait posséder Suzanne lors de sa nuit de noce.

S’opposent alors l’image du liberté, incarnée par le comte, et l’amour sincère et riant de Suzanne et de Figaro.

Le maître devient le manipulateur coupable, comme le montre cette phrase de Suzanne : « Apprends qu’il la destine à obtenir de moi secrètement certain quart d’heure, seul à seule »

Surtout, le pire réside dans ce qu’il a lui-même aboli un droit féodal qu’il compte pourtant faire valoir : « s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui ». Le comte est ainsi un menteur peu fiable, qui n’a aucun scrupule, et cherche à assouvir son plaisir avant tout.

Enfin, en lien avec la dynamique du couple prêt à se marier, Suzanne incarne une femme qui se révolte contre la condition féminine de son époque.

Se font doucement jour deux critiques sociales, deux faits contre lequel il semble digne de se révolter :

  • la condition féminine
  • l’asservissement des serviteurs à leurs maîtres 

Conclusion

Le Mariage de Figaro commence avec une scène classique d’exposition, qui renseigne sur l’intrigue aussi bien que sur les personnages principaux.

Pour autant, si la nature comique de la pièce est claire, elle semble être novatrice à plusieurs égards :

  • Le rapport Suzanne/Figaro a l’avantage de la première
  • La condition féminine mise au jour
  • Le couple de valets soudés contre le libertinage du comte
  • La dénonciation de droits imbus, comme le droit de cuissage

Cette scène d'exposition propose ainsi un véritable renouveau de la comédie : les valets ne se contentent plus des jurons et du comique de geste, ils s'affirment dans leur capacité à raisonner et à anticiper les dangers.

Ce sont eux qui posent l'intrigue, et particulièrement la figure féminine qui s'impose par son intuition comme celle qui comprend avant les autres. Cette figure rejoint celle des femmes du théâtre de Marivaux, dont le badinage a priori léger révèle en fait la souffrance et la psychologie d'une catégorie de la société que Beaumarchais va mettre en avant, balayant le privilège de naissance pour affirmer la valeur de l'individu qui agit et refuse le carcan de sa condition.

Désormais, la comédie peut et dans un certain sens, « se doit » d'être sérieuse, au regard des enjeux politiques et de société, mais doit aussi montrer tout le raffinement possible et partagé de l'esprit, pourvu qu'il soit éduqué.

La pièce s’apprête ainsi à montrer la supériorité du valet sur le maître, pour mieux mettre en valeur les injustices sociales de l’Ancien régime. Par ces critiques, qui visent à réclamer une société plus égalitaire, Beaumarchais se fait dramaturge des Lumières.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.