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C'est parti

L'extrait commenté

Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d'assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s'est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l'air chaudement fétide sans en être écoeurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d'automne, ses yeux ridés, dont l'expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l'amer renfrognement de l'escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l'argousin, vous n'imagineriez pas l'un sans l'autre. L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s'échappe par les fentes de l'étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Agée d'environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l'oeil vitreux, l'air innocent d'une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d'ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l'entendant geindre et tousser comme eux. Qu'avait été monsieur Vauquer? Elle ne s'expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s'était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu'il est possible de souffrir.

Le père Goriot, Honorée de Balzac, chapitre I, 1835

Comment lire la nouvelle Sarrasine de Balzac ?
Honoré de Balzac est un monument de la littérature française ! (source : France Culture)

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Commentaire composé de l'extrait

Introduction

Balzac, avec sa Comédie humaine, a pour ambition de faire concurrence à l’état civil. En conséquence, ses personnages sont toujours très bien décrits, inscrits dans une biographie vraisemblable en même temps qu’un cadre connu du lecteur.

Ici, nous avons droit à la description conjointe de Madame Vauquer et de sa pension parisienne, en 1819. La prenant au saut du lit, Balzac entreprend de présenter le lieu principal de son roman, intimement lié à sa propriétaire. L’une agit sur l’autre, et inversement. Partisan de la physiognomonie, l’auteur veut montrer comment un caractère se crée, et se fait voir.

Annonce de la problématique

Dès lors, comment s’articule la relation de Madame Vauquer à son lieu de vie, qui sera le lieu de l’intrigue romanesque ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps la manière dont Balzac présente son personnage. Il faudra ensuite montrer comment cette description se répercute sur le lieu de vie lui-même.

Développement

Le caractère et le portrait physique : réalisme et ironie

Balzac présente Madame Vauquer à l’aide d’une écriture ironique, qui n’en perd pas moins en exhaustivité et réalisme.

Une femme au caractère marqué

Vauquer témoigne d’une certaine coquetterie, malgré son vieil âge, et malgré le manque de soin qu’elle y accorde.

Ainsi, elle a de faux cheveux (« un tour de faux cheveux mal mis »), elle est « attifée », mais n’a pas pris le temps de placer correctement cette perruque. De même, elle a « un bonnet de tulle », qui est une dentelle peu chère. Elle s'inscrit donc entre attention et négligence.

Ce qui semble alors prédominer, c’est son laisser-aller, caractéristique d’un certain état socio-économique, entre précarité et confort relatif.

Elle marche en traînant des pieds (« elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. ») et témoigne, dans une certaine mesure, de son avarice, par le fait que ses pantoufles soient « grimacées ». Il en est de même lorsqu’elle dit aux autres pensionnaires qu’elle n’a « plus que les yeux pour pleurer ».

Mais cette avarice ne lui sert qu’à conserver jalousement sa petite richesse, qu’elle fait engraisser comme elle. Car, en effet, on remarque un champ lexical relatif à l’embonpoint, pour la décrire : « les mains potelées », « sa personne dodue », « son corsage trop plein », « l'embonpoint », « grassouillette ». Balzac cherche ainsi à montrer que Vauquer profite de ses pensionnaires pour mener une petite vie sédentaire et relativement confortable.

Où se déroule Le Père Goriot de Balzac ?
Une vue de Paris au XIXème siècle

Enfin, en lien avec cette avidité pour l’argent, on remarque ses tendances à l’hypocrisie à travers plusieurs formules :

  • « l’œil vitreux », qui fait croire à une tendance à la manipulation, comme une sorcière
  • « l’air innocent d’une entremetteuse », qui est un trait d’ironie, par l’utilisation d’une antithèse, car un entremetteur est souvent intéressé, plutôt qu’« innocent »
  • « à livrer Georges ou Pichegru » est aussi une référence explicite, dans le contexte contemporain, puisque ces deux personnages historiques ont été impliqué dans un complot contre Napoléon 1er. Balzac signifie par là que Vauquer est prête à dénoncer quiconque pour un peu d’argent.

L’auteur met ainsi en place, par l’intermédiaire de cette propriétaire de pension, un décor parisien guidé par le principe de l’argent et la duplicité.

Des propos rapportés qui aident la description

Pour mettre au jour la duplicité de Vauquer, Balzac convoque aussi des paroles indirectes, soit des discours rapportés, pour la présenter à travers les yeux des autres :

  • « les pensionnaires qui la croit sans fortune », ce qui signifie qu’elle veut se faire passer pour une femme pauvre
  • « les femmes qui ont eu des malheurs », qui est écrit en italique dans le texte original, et qui montre que Vauquer profite de son apparence pour se construire un personnage provoquant la pitié. Cette idée est renforcée par l’expression : « elle est bonne femme au fond », qui témoigne de la réussite de sa mise en scène. Les pensionnaires, pauvres eux aussi, la croit plus pauvre encore, et mettent ses défauts sur le compte d’une existence difficile.
  • « en entendant trottiner sa maîtresse, la grosse Sylvie, s'empressait de servir » : cette anecdote montre également qu’elle dirige sa pension d’une main de fer, et qu’elle est redoutée.

Enfin, la fin de l’extrait est entièrement rédigée au style indirect libre, pour mieux laisser voir la façon dont elle s’exprime, et la représenter dans ses interactions sociales. L’imparfait autant que le présent (« disent », « croient ») montrent qu’elle réagit toujours de la même manière aux questions qui interviennent, et que sa comédie fonctionne :

« Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l'entendant geindre et tousser comme eux. Qu'avait été monsieur Vauquer ? Elle ne s'expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune ? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s'était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu'il est possible de souffrir. »

Vauquer se construit ainsi l’image d’une femme qui souffre, pauvre, et son existence matérielle autant que son aspect physique semblent confirmer, aux yeux des autres, la vérité de cette condition.

Et à la vie blafarde

Balzac insiste ainsi sur la mauvaise graisse et l’aspect maladif de la propriétaire de la pension, résumé dans la formule « embonpoint blafard ».

Les comparaisons animales qu’il utilise sont également porteuses de sens :

  • « un nez à bec de perroquet », qui renvoie d’une part à l’aspect agressif de son nez, qu’on imagine pointu, et sa tendance à parler, tel un perroquet qui répète des choses inintéressantes
  • « un rat d’église », qui fait référence à un nuisible et qui est peu flatteur pour la femme

Transition

L’utilisation de l’image du rat, dans cette comparaison, renvoie fatalement à son lieu d’existence, car un rat vit dans un endroit généralement insalubre. C’est que Balzac s’efforce de faire correspondre environnement de vie et caractéristiques identitaires.

Un décor comme son personnage

Balzac annonce explicitement la correspondance entre la pièce et la personne :

« sa personne dodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s'est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l'air chaudement fétide sans en être écœurée. »

L’air qu’elle respire lui correspond tout à fait, malgré l’odeur désagréable.

Liens explicites

Il y a donc des liens explicites qui invitent à rapprocher Vauquer de son lieu de vie, fait à son image. Par exemple :

« Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s'échappe par les fentes de l'étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. »

Vauquer est donc présentée comme un salon vivant : chaque partie de son corps, chaque partie de ses vêtements correspond à une partie de la pièce. Elle est une explication vivante du matériel présent. Balzac lui donne donc une valeur exemplaire : elle incarne le milieu social, elle est au centre de la pension.

On retrouve dans la phrase même de Balzac ce lien : Madame Vauquer -> le verbe -> la pension. Par exemples :

  • Sa face vieillotte, ses petites mains -> sont en harmonie -> avec cette salle
  • Madame Vauquer -> Respire-> L'air chaudement fétide
  • Sa figure, ses yeux enfin toute sa personne -> Expliquent -> La pension

L’utilisation au présent insiste sur le caractère éternellement vrai de ces correspondances.

Sur quelle dynamique fonctionne Le Père Goriot ?
Georges de La Tour : L'Argent versé (Règlement des comptes), XIXème siècle

Liens implicites

L’auteur joue avec les champs lexicaux, décrivant Vauquer avec des mots relatifs à l’agencement d’une pièce, et la pièce avec des mots relatifs à l’humain :

  • « cette salle où suinte le malheur »
  • « où s'est blotti la spéculation »
  • « l'étoffe lézardée », qui fait voir Vauquer comme une ruine

La pièce, tout comme Vauquer, fait voir la souffrance, fait sentir une ambiance désagréable :

  • « la gelée d'automne »
  • « les yeux ridés »
  • « l'amer renfrognement de l'escompteur »

Implicitement, Balzac crée donc un brouillage entre Vauquer et la pièce, de sorte que le lecteur s’imagine de manière identique l’une et l’autre, qui finissent, par la magie des mots, par se confondre.

Convocation de la science

Balzac fait partie de ses écrivains qui ambitionnent de faire de l’œuvre littéraire un document scientifique, préfigurant par-là les naturalistes.

Aussi n’est-il pas étonnant que Madame Vauquer, son personnage, soit en harmonie avec son environnement. Il faut y voir une correspondance avec les thèses scientifiques sur l’évolution, notamment celles de Darwin, qui a étudié l’influence des milieux sur les espèces.

Ici, plutôt qu’un milieu naturel, Balzac cherche à représenter un milieu social. Rappelons cette phrase de Balzac, dans son Avant-propos à la Comédie humaine :

« La Société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat, un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’état, un commerçant, un marin, un poëte, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau, le requin, le veau marin, la brebis, etc. Il a donc existé, il existera donc de tout temps des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques. »

Que raconte Balzac dans son Père Goriot ?
Jean Béraud, Le Boulevard St. Denis, Paris, XXème siècle

Ainsi, on remarque des liens logiques dignes du discours scientifique :

« L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d'un hôpital. »

Le mot « produit », comme « conséquence », proviennent d’un vocabulaire positiviste, qui voit dans les interactions sociales des données scientifiques, et des expériences humaines. Avec l’outil de comparaison « comme », Balzac met sur un même plan la dynamique sociale (l’embonpoint de Vauquer) et la dynamique biologique (le typhus).

Conclusion

Balzac mène donc une description précise et réaliste de Madame Vauquer, en introduisant directement son caractère double. Il s’appuie pour ce faire sur des détails physiques et des paroles rapportées, pour la présenter au mieux dans son lieu de vie.

Néanmoins, il y a une portée symbolique. Les détails ne sont jamais anodins, ils veulent toujours dire plus : si Vauquer a de l’embonpoint, cela témoigne de son avarice. Le réel est transfiguré.

Balzac fait ainsi de Vauquer une figure de la médiocrité morale, de la force et du cynisme. On peut comparer ce portrait à celui de Vautrin, autre personnage double du Père Goriot.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.