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C'est parti

Présentation de l’auteur

Blaise Cendrars est né en Suisse en 1887, sous le nom de Frédéric-Louis Sauser. De nationalité suisse et française, il est connu pour ses poèmes autant que ses reportages et ses romans, dont L’Or, paru en 1925.

Il fugue durant l’adolescence, et entreprend de grands voyages, notamment en Russie. Ses déambulations servent son écriture, dont il se sert pour imposer une vision moderniste. A ce titre, il est proche d’artistes comme Guillaume Apollinaire ou Marc Chagall, eux-mêmes chantres de la modernité.

Il perdra son bras droit durant la guerre de 14-18 mais les tragédies de sa vie ne l’empêcheront pas de découvrir le monde et d’en témoigner, bien au contraire. Son pseudonyme évoque cette résilience poétique : on y entend le phénix qui renaît de ses cendres (Blaise pour braises, et Cendrars pour cendres).

Il meurt à Paris en 1961, après avoir écrit ses mémoires en plusieurs tomes : L'Homme foudroyé (1945), La Main coupée (1946), Bourlinguer (1948) et Le Lotissement du ciel (1949).

Qui est l'auteur de La prose du transsibérien ?
Blaise Cendrars, avec un bras (source : lepetitlittéraire.fr)

Présentation du poème

La Prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France est un poème en vers libre publié en 1914 par Blaise Cendrars.

Par ce très long poème, l’écrivain évoque son souvenir d’un voyage en train qui lui a fait voir les paysages et les villes situés entre Moscou et la Mongolie, en 1905, au moment de la Révolution russe et de la guerre russo-japonaise. Il fait également de nombreuses références à Jeanne, une jeune prostituée qui l’accompagne.

Cette œuvre marque l’entrée dans la modernité poétique. Blaise Cendrars déstructure en effet la poésie classique, en usant de vers libres et saccadés, qui ont vocation à rendre le mouvement du train lui-même. Dans le fond, le prosaïsme de ses anecdotes et les références historiques rompt également avec la tradition classique des sujets nobles.

Il s’amuse en outre à juxtaposer les images apocalyptiques et mélancoliques, ce qui crée une impression de simultanéité très caractéristique de la modernité, d’un monde qui change rapidement sous l’impulsion des révolutions industrielles et sociales.

Il fut illustré à sa publication par l’artiste-peintre Sonia Delaunay et participe de la renommée de Blaise Cendrars.

Résumé de La Prose du Transsibérien

Un poète adolescent

En ce temps-là j'étais en mon adolescence

J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance

J'étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance

J'étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clo- chers et des sept gares

Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours

Car mon adolescence était si ardente et si folle

Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.

Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.

C’est ainsi que s’ouvre le poème de Blaise Cendrars. Il se raconte à 16 ans, assoiffé, et encore incomplet (« J’avais faim »).

Moscou elle-même n’est pas à la hauteur de ses envies de découvertes et il prend donc le train, un vendredi matin, en compagnie d’un marchand (« Et je partis moi aussi accompagner le voyageur en bijouterie »).

Commence alors le voyage d’un jeune Suisse à bord du Transsibérien, qui le fera aller jusqu’à la Mongolie, ayant traversé les immensités sibériennes.

La grande Histoire dans la petite histoire

Son voyage est l’occasion d’évoquer les événements de son époque, relatifs aux lieux qu’il visite.

En 1905 éclate en effet la Révolution russe anti-tsariste ; Blaise Cendrars l’évoque en termes poétiques : « Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe… » ou encore :

Oui, nous le sommes, nous le sommes

Tous les boucs émissaires ont crevé dans ce désert

Entends les sonnailles de ce troupeau galeux Tomsk Tcheliabinsk Kainsk Obi Taïchet Verkné Oudinsk Kourgane Samara Pensa-Touloune

La mort en Mandchourie

Est notre débarcadère est notre dernier repaire

Il parle également de la guerre russo-japonaise, perdue par la Russie, qu’il mêle à l’évocation des paysages de plus en plus désolés à mesure que le train – et le poème – avancent :

En Sibérie tonnait le canon, c'était la guerre

La faim le froid la peste et le choléra

Et les eaux limoneuses de l'Amour charriaient des millions de charognes

Dans toutes les gares je voyais partir tous les derniers trains

Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets

Et les soldats qui s'en allaient auraient bien voulu rester...

Qui est Sonia Delaunay ?
Couverture du catalogue de l'exposition de Stockholm de Sonia Delaunay, Autoportrait, 1916 (Photo Pracusa 2013057)

Intériorité et extériorité

Blaise Cendrars se sert également des paysages à l’extérieur pour décrire ses sentiments intimes. Il y a un parallèle fréquent entre extériorité et intériorité, comme dans ce passage évocateur :

Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel

Les vitres sont givrées

Pas de nature !

Et derrière, les plaines sibériennes le ciel bas et les grands ombres des taciturnes qui montent et qui descendent

Je suis couché dans un plaid

Bariolé

Comme ma vie

Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais

Et l'Europe toute entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur

N'est pas plus riche que ma vie

Ma pauvre vie

Ce châle

Effiloché sur des coffres remplis d'or

Avec lesquels je roule

Que je rêve

Que je fume

Et la seule flamme de l'univers

Est une pauvre pensée...

Du fond de mon coeur des larmes me viennent

Du fond de mon coeur des larmes me viennent

Blaise Cendrars mêle ainsi habilement les genres, entre reportage de guerre et poésie lyrique.

Où prendre un cour de francais ?

Jeanne ou l’amour

Mais le Transsibérien est aussi l’occasion pour le poète de découvrir l’amour. Il rencontre en effet dans le train une prostituée du nom de Jeanne, dont il fait sa muse.

Si je pense, Amour, à ma maîtresse ;

Elle n'est qu'une enfant que je trouvai ainsi Pâle, immaculée au fond d'un bordel

Mais là aussi alternent des sentiments contradictoires, entre tendresse (« Car elle est mon amour ») et agacement (« tu m’énerves »).

Elle est aussi tantôt idéalisée, comme une muse traditionnelle (« immaculée », « la fleur du poète », « une fleur candide »), et tantôt bassement matérielle, pour faire écho à la dureté du paysage qui défile devant ses yeux : « ton ventre est aigre et tu as la chaude-pisse ».

Un poète mélancolique

Finalement, Jeanne renvoie à Blaise Cendrars le souvenir de Paris et, partant, son enfance. Le poème est rythmé par un refrain, qui revient fréquemment couper court aux envolées poétiques :

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre ?

Le Transsibérien l’emporte inexorablement loin de Paris et à mesure qu’il avance, il a conscience de son éloignement qui pourrait être définitif. Cendrars fait du train une métaphore du temps qui passe, et le fait s’éloigner sans retour de son enfance :

« Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre ? »

Non mais... fiche-moi la paix... laisse-moi tranquille Tu as les hanches angulaires

Ton ventre est aigre et tu as la chaude-pisse

C'est tout ce que Paris a mis dans ton giron

C'est aussi un peu d'âme... car tu es malheureuse J'ai pitié j'ai pitié viens vers moi sur mon coeur

Les roues sont les moulins à vent d'un pays de Cocagne

Et les moulins à vent sont les béquilles qu'un mendiant fait tournoyer

Nous sommes les culs-de-jatte de l'espace

Nous roulons sur nos quatre plaies

On nous a rogné les ailes

Les ailes de nos sept péchés

Et tous les trains sont les bilboquets du diable Basse-cour

Le monde moderne

La vitesse n'y peut mais

Le monde moderne

Les lointains sont par trop loin

Et au bout du voyage c'est terrible d'être un homme avec une femme...

Le poème s’achèvera ainsi sur la mélancolie du poète figurée par une longue apostrophe à Paris, par laquelle il évoque sa jeunesse perdue autant que sa solitude :

Grand foyer chaleureux avec les tisons entrecroisés de tes rues et les vieilles maisons qui se penchent au-dessus et se réchauffent comme des aïeules

Et voici, des affiches, du rouge du vert multicolores comme mon passé bref du jaune

Jaune la fière couleur des romans de France à l'étranger.

J'aime me frotter dans les grandes villes aux autobus en marche

Ceux de la ligne Saint-Germain-Montmartre m'em- portent à l'assaut de la Butte.

Les moteurs beuglent comme les taureaux d'or

Les vaches du crépuscules broutent le Sacré-Coeur Ô Paris

Gare centrale débarcadère des volontés, carrefour des inquiétudes

Seuls les marchands de journaux ont encore un peu de lumière sur leur porte

La Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens m'a envoyé son prospec- tus

C'est la plus belle église du monde

J'ai des amis qui m'entourent comme des garde-fous Ils ont peur quand je m'en vais que je ne revienne plus

Toutes les femmes que j'ai rencontrées se dressent aux horizons

Avec les gestes piteux et les regards tristes des sé- maphores sous la pluie

Bella, Agnès, Catherine et la mère de mon fils en Italie

Et celle, la mère de mon amour en Amérique

Il y a des cris de Sirène qui me déchirent l'âme Là-bas en Mandchourie un ventre tressaille encore comme dans un accouchement

Je voudrais

Je voudrais n'avoir jamais fait mes voyages

Ce soir un grand amour me tourmente

Et malgré moi je pense à la petite Jehanne de France.

C'est par un soir de tristesse que j'ai écrit ce poème en son honneur

Jeanne

La petite prostituée

Je suis triste je suis triste

J'irai au Lapin Agile me ressouvenir de ma jeunesse perdue

Et boire des petits verres

Puis je rentrerai seul

Paris

Ville de la Tour Unique du grand Gibet et de la Roue

Caractéristiques formelles du poème

Vers libres

Chantre de la modernité poétique, Blaise Cendrars raconte son histoire en s’affranchissant complètement de la versification traditionnelle. Il utilise ainsi le vers libre, un vers sans aucune contrainte formelle : pas de longueur systématique, pas de rimes, etc. Il contribuera a imposer ce vers dans la poésie française, aux côtés de Guillaume Apollinaire.

Le vers libre est surtout à même de rendre compte des nouveaux rythmes imposés par la modernité : la phrase tressaute comme le train, elle accélère et décélère comme lui. De même, la suppression partielle de la ponctuation rend compte de la rapidité des temps contemporains.

Comment allier fond et forme dans un commentaire ?
Dans les Calligrammes d'Apollinaire, la forme prend une importance manifeste : il contribue à l'instauration de la modernité poétique, comme le fait Cendrars

Simultanéité

Le simultanéisme est un mouvement artistique porté par les peintres Sonia et Robert Delaunay entre 1912 et 1913, dont Blaise Cendrars était proche. Il prône le principe du contraste simultanés de couleurs.

Le poète transpose ces idées en littérature : il juxtapose images, impressions et souvenirs, aux tonalités différentes voire même contradictoires.

On trouve des figures de style permettant cette simultanéité :

  • L’anacoluthe : qui est une « rupture de la construction syntaxique intervenant en cours de phrase, de telle manière que, sans qu'il y ait rupture du lien logique, la fin de la phrase n'est plus grammaticalement en harmonie avec son début » (définition du CNRTL)
  • L’énumération, qui accumule les images, les objets

Tout se mélange dans les vers de Cendrars, avec un vocabulaire à la fois lyrique, épique, réaliste et vulgaire.

Mouvement

C’est un long poème qui a des allures d’épopée : le lecteur suit les étapes du poète depuis Moscou jusqu’à Mandchourie.

Le rythme veut rendre compte du mouvement du voyage. En même temps, on retrouve des refrains mélancoliques qui contrecarrent l’avancée du train et du poète : « En ce temps-là j’étais dans mon adolescence » ou encore « Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre ? ».

Ces retours fréquents, comme les répétitions et les anaphores, viennent figurer les idées mélancoliques qui briment l’esprit du poète et dont il ne peut s’arracher. Son voyage, entrepris pour s’évader, est finalement un échec, tant le poète reste frappé par la persistance de ses souvenirs.

Pistes d’analyse

L’ardeur et la vitalité de l’adolescence

Blaise Cendrars, en se mettant en scène à 16 ans et dans un train partant pour le bout du monde, figure l’ardeur de l’adolescence, la vitalité qui agit la jeunesse.

Le jeune poète est ainsi animé par un sentiment de révolte, qui fait écho à la Révolution russe de 1905.

Dès les premiers vers, il rejette son enfance passive et se projette au contraire vers l’immensité du monde avec une faim sans fin :

J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance

J'étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance

J'étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares

Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours

Car mon adolescence était si ardente et si folle

Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.

Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.

Et j'étais déjà si mauvais poète

Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.

Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d'or,

Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches

Et l'or mielleux des cloches...

Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode J'avais soif

Et je déchiffrais des caractères cunéiformes

Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s'envolaient sur la place

Et mes mains s'envolaient aussi avec des bruissements d'albatros

Et ceci, c'était les dernières réminiscences

Du dernier jour

Du tout dernier voyage

Et de la mer.

On trouve, conformément à ces images, les champs lexicaux de la nourriture (« j’avais soif ») et du feu : « je voulais me nourrir de flammes ».

Il évoque également de nombreux lieux relatifs à la littérature de voyage : le poète est un lecteur qui rêve, mu par ses imaginations provoquées par ses lectures. Ainsi, on trouve « Alibaba », « Aux Fidji règne l’éternel printemps » ou encore « Viens au Mexique ».

Fragilité & Mélancolie

En même temps, cette ardeur toute adolescente se mêle à la conscience d’une certaine fragilité. La phrase « J’étais triste comme un enfant » revient incessamment, et évoque l’espèce de peur qui prend le jeune homme au moment de découvrir un monde immense.

En lien avec cette peur se dessine la mélancolie du jeune homme, lorsqu’il se souvient de son passé suisse et français :

Tout ce qui concerne la guerre on peut le lire dans les mémoires de Kouropatkine

Ou dans les journaux japonais qui sont aussi cruellement illustrés

À quoi bon me documenter

Je m'abandonne aux sursauts de ma mémoire...

Cette adolescence passée à voyager semble également être passée très vite, sans lui laisser le temps d’éprouver le sentiment du bonheur :

L'heure de Paris l'heure de Berlin l'heure de Saint- Pétersbourg et l'heure de toutes les gares

Et à Oufa le visage ensanglanté du canonnier

Et le cadrant bêtement lumineux de Grodno

Et l'avance perpétuelle du train

Tous les matins on met les montres à l'heure

Le train avance et le soleil retarde

Rien n'y fait, j'entends les cloches sonores

Le gros bourdon de Notre-Dame

La cloche aigrelette du Louvre qui sonna la Saint- Barthélémy

Les carillons rouillés de Bruges-La-Morte

Les sonneries électriques de la bibliothèque de New-York

Les campagnes de Venise

Et les cloches de Moscou, l'horloge de la Porte- Rouge qui me comptait les heures quand j'étais dans un bureau

Et mes souvenirs

Le train tonne sur les plaques tournantes

Le train roule

Enfin, le poète doute de lui-même et de ses talents. Il répète de nombreuses fois la formule « mauvais poète » pour se désigner. Le train se fait alors métaphore de la création poétique, qui remplit d’angoisse l’écrivain :

Car mon adolescence était si ardente et si folle

Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.

Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.

Et j'étais déjà si mauvais poète

Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.

Le train comme modernité

Le train est également un symbole de la modernité, en lien avec l’établissement d’une nouvelle esthétique moderniste que veut imposer le poète (« et le sifflement de la vapeur »).

Où se passe la nouvelle « En Voyage » de Guy de Maupassant ?
Claude Monet, La gare Saint-Lazare, arrivée d’un train, 1877

C’est un monstre industriel qui fascine et qui provoque, dans le même temps, l’effroi :

Dans les déchirures du ciel les locomotives en folie s'enfuient

et dans les trous

les roues vertigineuses les bouches les voies

Et les chiens du malheur qui aboient à nos trousses Les démons sont déchaînés

Ferrailles

Tout est un faux accord

Le broun-roun-roun des roues

Chocs

Rebondissements

Nous sommes un orage sous le crâne d'un sourd

Une mythologie personnelle

En écrivant ses souvenirs, en utilisant le pronom « je », Cendrars réécrit une histoire pour en faire un manifeste. Cela est d’autant plus vrai qu’il n’existe aucune preuve de Cendrars ayant pris le transsibérien. Lorsqu’un journaliste lui posa la question, il répondit ainsi :

« Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque je vous l’ai fait prendre à tous ! »

Il se forge ainsi une image de poète-voyageur, qui est partagé entre l’exaltation et l’effroi, figuré par quelques formules : « Ce voyage est terrible », « J’ai toujours été en route ».

Enfin, Cendrars s’inscrit explicitement dans un courant littéraire, en évoquant des noms d’artiste rattachés à des volontés clairs de modernité : « Comme dit Guillaume Apollinaire », « Comme mon ami Chagall », etc.

Cela le légitime pour affirmer des vérités existentielles, ou des bonnes manières de faire, comme lorsqu’il écrit : « Le monde s’étire s’allonge et se retire comme un accordéon qu’une main sadique tourmente »

L’amour

En convoquant la figure de Jeanne, jeune prostituée qu’il dit avoir rencontrée dans le train, il introduit la figure mythique de la muse, et s’affirme par-là un peu plus poète.

Elle est à la fois pure (Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire/Tremble un doux Lys d'argent, la fleur du poète.) et souillée (« la putain »). Dans les derniers vers, figurant l’espèce de désillusion mélancolique vécue par le poète, elle finit par n’être plus que cette « petite prostituée ». Les aspirations à l’absolu, à l’élévation épurée, sont ainsi condamnées par la dure réalité matérielle du monde.

Enfin, son prénom n’est pas sans rappeler Jeanne d’Arc, d’autant que l’écrivain la nomme volontiers par une graphie médiévale (Jéhanne) : Cendrars sous-entend ainsi son identité française, et fait référence à son enfance perdue.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.