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C'est parti

L'extrait commenté

M. de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu’il fut dans ce jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était madame de Clèves ; il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté, qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et M. de Nemours remarqua que c’étaient des mêmes couleurs qu’il avait portées au tournoi. Il vit qu’elle en faisait des nœuds à une canne des Indes fort extraordinaire, qu’il avait portée quelque temps, et qu’il avait donnée à sa sœur, à qui madame de Clèves l’avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à M. de Nemours. Après qu’elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s’en alla proche d’une grande table, vis-à-vis du tableau du siége de Metz, où était le portrait de M. de Nemours ; elle s’assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.

On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir, au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait ; la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait ; et la voir toute occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait ; c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

La Princesse de Clèves, Quatrième partie, Madame de La Fayette, 1678

Qui a écrit La Princesse de Clèves ?
Gravure de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, devenue Madame de La Fayette • Crédits : Geille - Getty

Méthode de l'explication linéaire

On rappellera ici la méthode de l'explication linéaire vue en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans l'ouvrage
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (il faut suivre les étapes du récit lui-même)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte ligne par ligne
- Argumenter pour justifier ses interprétations (l'explication linéaire est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Ne pas lier la forme et le fond
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

L'explication linéaire

Introduction

La Princesse de Clèves est un roman écrit par Madame de la Fayette, publié en 1678, de manière anonyme. L’histoire s’intéresse à mademoiselle de Chartres, jeune femme d’une grande beauté qui fera face aux dangers de la cour du Roi au XVIIème siècle. Tiraillée entre son amour pour son amant et ses devoirs conjugaux, elle finira sa vie exilée de tous, contrite de ses fautes morales.

Le passage qui nous occupe ici a justement vocation à illustrer ce tiraillement de la princesse : alors qu'elle se trouve seule dans sa maison de campagne, le duc de Nemours l'épie et la voit rêvasser manifestement à son propos. Mais ces deux personnages, au moment où ils agissent chacun de leur côté, ne savent pas qu'un espion envoyé par le prince de Clèves les observe lui-même...

Annonce de la problématique

Dès lors, en quoi cette scène souligne-t-elle l'intensité de la passion qui réunit les deux amants ?

Annonce du plan

Nous verrons d'abord comment Nemours s'approche de la fenêtre de la princesse (de « Les palissades étaient fortes » à « ... pour voir ce que faisait Madame de Clèves »), puis nous commenterons toute la passion manifestée par Clèves et observée par le duc (de « Il vit qu'elle était seule » à « ... la passion seule peut donner »), et, enfin, nous nous arrêterons sur celle ressentie par celui-ci (de « On ne peut exprimer » à « nul autre amant »).

Développement

L'infiltration de Nemours (« Les palissades étaient fortes ... » à « ... pour voir ce que faisait Madame de Clèves »)

Le début de l'extrait veut montrer au lecteur combien il est difficile pour l'amant d'arriver jusqu'à la princesse, un peu à la manière d'un chevalier de roman courtois, ou de conte de fées, qui voudrait atteindre sa promise perchée en haut d'une tour.

Ainsi, la première phrase contient un adjectif superlatif qui souligne une première difficulté : « Les palissades étaient fort hautes. » Avec le mot « fort », on peut s'imaginer des palissades pareilles à des murs de château fort. Le narrateur insiste même, avec une conjonction de coordination suivant une virgule qui prolonge cette difficulté :

et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu’on ne pût entrer ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage.

La conclusion, c'est qu'il est « assez difficile de se faire un passage » : c'est le premier symbole d'un amour inaccessible. Pourtant, la phrase suivante annonce la réussite du duc, avec l'adverbe « néanmoins » qui souligne sa prouesse ; malgré cette difficulté, il y est parvenu, tel un preux chevalier capable d'exploits pour toucher à l'amour.

Qu'est ce que l'amour courtois ?
Yvain le chevalier au lion secourant une damoiselle, dans Lancelot du Lac (manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale de France)

Cette avidité vis-à-vis de l'amour, cette promptitude à voir son amante qui lui donne la force nécessaire, elles sont soulignées par l'adverbe « sitôt » : le duc n'a pas le temps, et dès qu'il a les pieds dans le jardin, sa seule inquiétude est de trouver son aimée. Par l'utilisation du verbe « démêler », la narration revient sur l'idée de difficulté et d'efforts à faire - mais là encore, l'amant n'a « pas de peine », ce qui souligne sa force comme sa passion.

Surtout que madame de Clèves est associée à la lumière dans la phrase : « il vit beaucoup de lumières dans le cabinet » ; autant dire que la princesse est sa lumière. On remarque ensuite une allitération en [t] dans la proposition suivante : « toutes les fenêtres en étaient ouvertes » ; elle pourrait largement faire penser aux battements du cœur du duc, qui s'intensifient au fur et à mesure qu'il se rapproche de la femme aimée, d'autant plus que le narrateur utilise explicitement les mots de « trouble » et de « passion ».

Enfin, le fait que « toutes les fenêtres [du cabinet] étaient ouvertes » signifie qu'il est parvenu à son but et qu'en dernier lieu, la princesse lui est rendue accessible.

Transition

La phrase « Il se rangea derrière une des fenêtres qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. » annonce qu'on change de scène : le duc s'arrête d'avancer et va rester immobile pour « voir ». Le lecteur lui-même pourra observer l'activité de l'amante.

La passion qui s'observe (« Il vit qu'elle était seule » à « ... la passion seule peut donner »)

Ce deuxième temps commence avec une anaphore sur « vit » :

  • « Il vit qu’elle était seule »,
  • « mais il la vit d’une si admirable beauté »,

... doublée d'une polyptote (« figure de style consistant à employer dans une phrase plusieurs formes grammaticales d'un même mot ») avec le nom « vue ». La narration insiste donc sur le plaisir que prend le duc à voir la princesse, après tant d'efforts pour l'atteindre. En outre, celui-ci est une sorte d'espion, puisqu'il est là en cachette : ce vocabulaire met donc en valeur la seule activité qu'il est capable de réaliser au moment de cette scène. On note également que cette « vue » a des effets sur lui : il est « à peine » capable de maîtriser ses « transport[s] ».

On pourrait voir dans les quelques propositions suivantes une métaphore sexuelle, qui s'appuie sur d'autres figures de style :

  • « Il faisait chaud » peut être considéré comme un hypallage (figure de style qui consiste à qualifier un objet à la place d'un autre), c'est-à-dire que la chaleur se rapporte moins à l'atmosphère environnante qu'au duc lui-même, qui a tout à coup très chaud en voyant la femme aimée ;
  • « et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa gorge » renvoie à une certaine nudité de la princesse (« elle n'avait rien »), là où les références à sa tête et à sa gorge sont des références à des endroits qu'on embrasse volontiers ;
  • « que ses cheveux confusément rattachés. » rappelle le désordre sauvage que peut engendrer le rapport sexuel, avec l'adverbe « confusément » qui peut également faire référence aux pensées confuses qui assaillent le duc ;
  • « Elle était sur un lit de repos » évoque l'endroit préférentiel de l'amour, en même temps que l'iconographie de la princesse (comme la Belle au bois dormant ou Blanche-Neige).
Comment se finit la pièce Le Mariage de Figaro ?
Pierre Paul Rubens, La Fête de Vénus, 1636

La suite est un nouveau parallèle avec les romans courtois : Clèves sélectionne dans sa corbeille des couleurs qui correspondent à celles portées par le duc durant le précédent tournoi. C'est là faire comme les « gentes dames » qui portaient les couleurs du chevalier qu'elle défendait pendant une épreuve.

Enfin, la « canne des Indes » autour de laquelle la princesse enroule ces rubans peut correspondre à un symbole phallique (c'est-à-dire à une métaphore du sexe de l'homme). Elle est aussi plus sûrement le symbole d'un amour impossible : puisque Clèves ne peut pas posséder pour de vrai son amant, alors elle en possède des objets et des attributs. On note enfin que la princesse est rendue belle par l'amour qu'elle porte à Nemours :

Après qu’elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le cœur [...]

La narration insiste sur cette beauté avec les termes « grâce » et « douceur », qui rendent assurément l'image de la princesse plus angélique encore.

Cette scène de l'observation se conclut sur une autre observation, voire une contemplation : la princesse de Clèves rêvant devant le portrait du duc de Nemours. Il est singulier que le duc l'observe lui-même alors qu'elle l'observe aussi, ou tout au moins son portrait. Pour ce faire, Clèves utilise un « flambeau », qui symbolise la flamme de leur amour.

La narration insiste enfin sur cette scène :

elle s’assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.

« et se mit à regarder » rallonge et intensifie l'action du regard, qui est pourtant une action immobile ; il y a entre « attention » et « rêverie » une relation presque antithétique, qui renvoie à la contradiction contenue dans son sentiment amoureux, et dans sa difficulté à faire coexister sa passion et sa vertu. L'expression finale, « que la passion seule peut donner », oblige le lecteur, comme le duc, à se rendre à cette évidence : la princesse est follement amoureuse du duc.

Malheureusement, la gradation des objets à laquelle l'on a assisté, depuis les rubans jusqu'au portrait en passant par la canne, montre bien tous les obstacles entre eux, c'est-à-dire l'impossibilité de leur union.

Transition

Si leur union est impossible dans la réalité, la fin de l'extrait révèle néanmoins qu'ils s'unissent en pensée.

La passion qui se vit (« On ne peut exprimer » à « nul autre amant »)

La dernière étape de cette scène est marquée typographiquement : il s'agit d'un paragraphe complet, qui marque un changement de perspective. En effet, après une agitation sentimentale vue de l'extérieur à propos de madame de Clèves, on bascule sur l'agitation sentimentale vue de l'intérieur pour Nemours.

Mais ce que vit le duc est ineffable, c'est-à-dire que son sentiment ne peut pas être décrit, tant il est puissant, tant il est intense :

On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment.

De nouveau, la narration use d'une anaphore sur le verbe « voir », doublée d'une polyptote (avec « voyait) :

Voir, au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait ; la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait ; et la voir toute occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait [...]

Qu'est-ce qu'une expansion nominale ?
Nonchaloir (Repose), 1911, John Singer Sargent, Washington, National Gallery of Art. (aparences.net)

Cette anaphore vient précisément souligner l'intensité de la vision amoureuse.

En outre, cette phrase est particulièrement longue, particulièrement complexe. Il s'agit d'un enchâssement de propositions qui renvoie de fait à la complexité du dispositif lié au regard : chacun s'observe, chacun se contemple, sans que jamais un regard ne se croise. On pourrait s'arrêter sur cette phrase particulièrement puissante, du fait de l'allitération en [s] et en [v] et de la polyptote : « la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait ».

Enfin, pour insister sur cette puissance ineffable du sentiment qui agite le duc, le narrateur n'hésite pas utiliser des hyperboles :

  • « dans le plus beau lieu du monde », sachant que ce lieu est le plus beau du monde parce que s'y trouve la femme aimée ;
  • « une personne qu'il adorait » renvoie à l'adoration d'un dieu ;
  • « la passion » renvoie à l'adoration aveugle d'une personne ;
  • « c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant », qui vient souligner toute l'unicité (et donc, toute l'ineffabilité) de leur histoire ; dans sa félicité, dans son bonheur, le duc vit une chose unique.

Conclusion

En définitive, cette scène de l'espionnage est toute entière consacrée à l'observation. Et même, la vue est le support d'une profonde tension sexuelle qui joue avec les limites de la bienséance et la préciosité.

Pourtant, cette tension-là veut avant tout souligner une chose plus importante dans le cadre du roman : l'intense passion amoureuse (mais impossible) qui réunit les deux amants. Le maximum qu'ils puissent faire, c'est cette scène : ils se regardent de loin, se contemplent, et s'aiment dans le rêve l'un de l'autre.

Ouverture

Mais l'ironie et la fatalité de cette scène tiennent dans le fait que le duc croit voir sans être vu ; or, il est lui-même observé par l'espion du prince de Clèves, ce qui engendrera en partie les conséquences tragiques de la suite du roman...

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.