Au théâtre, la tragédie fut le genre le plus à mode et le plus noble durant tout l'âge classique, entre le XVIème et le XVIIIème siècle.

Pour répondre à une certaine exigence élitiste, elle obéissait à un certain nombre de codes et de règles que les dramaturges devaient absolument respecter, sous peine de subir l'ire des conservateurs, voire la censure du pouvoir. Demandez donc à Pierre Corneille, qui fut responsable de « la querelle du Cid » provoquée par sa pièce du même nom !

En prenant pour exemple l'une des pièces les plus célèbres du répertoire classique, Phèdre de Jean Racine (1676), nous allons explorer ensemble les règles et les structures spécifiques à la tragédie classique.

Présentation de Phèdre

Phèdre est une tragédie en cinq actes et en vers écrite par Jean Racine et représentée pour la première fois le 1er janvier 1677 à Paris.

La pièce s'inspire de la mythologie grecque : elle met en scène l'amour ressenti par Phèdre, la femme de Thésée, pour Hippolyte, le fils de Thésée et d'une Amazone, tandis qu'Hippolyte est lui épris d'Aricie, fille du clan ennemi.

Quels sont les personnages de la tragédie Phèdre de Racine ?
Phèdre est un personnage purement tragique, puisque fatalement amoureuse de son beau-fils. (source : lewebpedagogique.com)
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Les règles du théâtre classique

En redécouvrant la Poétique du philosophe grec Aristote, les classiques réinterprètent avec beaucoup de zèle ses écrits et imposent aux dramaturges deux règles à suivre pour la structure de leur pièce - et donc pour le déroulement de l'intrigue : la règle des trois unités et celle du respect de la vraisemblance et des bienséances.

La règle des trois unités

L'intrigue de la pièce doit respecter les trois unités fondamentales : l'unité d'action, l'unité de temps et l'unité de lieu.

Unité d'action

L'unité d'action consiste dans le fait de ne développer qu'une seule action principale, qui peut certes être soutenue par des actions secondaires.

Dans Phèdre, l'action principal se résume à l'amour que porte Phèdre à son gendre, le fils de son mari. C'est dans la scène 3 de l'acte I qu'elle avoue à sa servante ce sentiment coupable :

ŒNONE
Aimez-vous ?

PHÈDRE
De l’amour j’ai toutes les fureurs.

ŒNONE
Pour qui ?

PHÈDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J’aime… à ce nom fatal je tremble, je frissonne.
J’aime…

ŒNONE
Qui ?

PHÈDRE
Tu connais ce Fils de l’Amazone,
Ce Prince si longtemps par moi-même opprimé.

ŒNONE
Hippolyte ? Grands Dieux !

PHÈDRE
C’est toi qui l’as nommé.

Unité de temps

L'unité de temps exige que l'action d'une pièce ne dépasse par les 24 heures, et cela afin de renforcer l'intérêt dramatique.

Dans Phèdre, le temps de la représentation correspond même au temps de la fiction : il y a concordance entre le temps du spectateur et celui de l'acteur. Quand la pièce se finit, Phèdre et Hippolyte ont vécu autant de temps que le public qui les a regardés.

Unité de lieu

En cohérence avec les deux unités précédentes, la règle exige que l'action d'une tragédie ne se déroule qu'à un seul endroit. Pour une tragédie, elle préconise même le décor d'un palais.

Les premières didascalies de Phèdre précisent quant à elles :

La scène est à Trézène, ville du Péloponnèse.

Tous les personnages se trouvent dans le palais de Thésée, roi de Trézène.

Qui est Thésée ?
Thésée vainqueur du Minotaure, Charles-Édouard Chaise, 1791

Vraisemblance et bienséances

La vraisemblance

Une pièce doit également respecter un critère de vraisemblance. Ce terme de « vraisemblance » ne signifie pas pour autant « réalisme ». Il s'agit plutôt d'idéalisation : l'intrigue doit se présenter sous un jour vraisemblable et les réactions des uns et des autres doivent être considérées comme « possibles » (fût-ce dans un monde idéal) par les spectateurs.

Dans Phèdre, tout prend forme autour de l'amour incestueux de Phèdre. Elle cherche à le cacher d'abord, puis à séduire ensuite. L'autre la refuse et elle doit alors provoquer son départ. Le fait que Racine prenne un sujet mythologique l'autorise à des largesses, comme le dragon qui tue Hippolyte, mais les interactions entre les personnages sont tout à fait plausibles. Il s'agit d'amour, de jalousie, d'orgueil, de honte et de souffrance.

Les bienséances

Les bienséances imposent de ménager la sensibilité du spectateur.

Représenter la violence sur la scène est interdit, tout comme le langage vulgaire et polémique. C'est l'alexandrin qui prime, et qui fait entendre le récit des batailles, plutôt que les yeux qui servent à les voir. Car, comme le dit Nicolas Boileau :

Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose :
Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir aux oreilles et reculer des yeux

Ainsi, Phèdre est écrit en alexandrins et la terrible mort d'Hippolyte, écrasé par ses propres chevaux, est rapportée par Théramène :

Il lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage et de douleur le Monstre bondissant
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,
Se roule, et leur présente une gueule enflammée,
Qui les couvre de feu, de sang, et de fumée.
La frayeur les emporte, et sourds à cette fois,
Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix.
En efforts impuissants leur maître se consume.
Ils rougissent le mors d’une sanglante écume.
On dit qu’on a vu même en ce désordre affreux
Un Dieu, qui d’aiguillons pressait leur flanc poudreux5.
À travers les rochers la peur les précipite.
L’essieu crie, et se rompt. L’intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé.
Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.
Excusez ma douleur. Cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une source éternelle.
J’ai vu, Seigneur, j’ai vu votre malheureux Fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraye.
Ils courent. Tout son corps n’est bientôt qu’une plaie.

Le découpage en actes

Même si la tragédie grecque ne connaissait pas la division en actes, la Renaissance impose d'abord trois actes à ses tragédies, puis cinq dès le XVIIème siècle.

Chaque acte doit avoir ses intérêts spécifiques pour le développement de l'intrigue :

  • Le premier acte correspond à l'exposition de la situation des personnages.
  • Le deuxième acte accueille l'élément perturbateur/déclencheur.
  • Dans le troisième acte, les protagonistes cherchent à résoudre le drame qui se noue, alors que tout reste possible.
  • Dans le quatrième acte, les personnages n'ont plus aucune chance d'échapper à leur destin.
  • Au cinquième acte, l'action se dénoue à la faveur de la mort d'un ou de plusieurs personnages.

Phèdre, pièce écrite en 1676, est donc divisée en cinq actes. Sa structure se présente comme suit :

  • Dans l'acte I, les confidents Théramène et Œnone recueillent les aveux respectifs d'Hippolyte et de Phèdre : les spectateurs découvrent la situation initiale.
  • Dans l'acte II, Hippolyte avoue à Aricie son amour et Phèdre se déclare à Hippolyte ; le ressort tragique est bandé.
  • Dans l'acte III, Thésée rentre et Phèdre, honteuse de son amour non-réciproque, accuse Hippolyte de viol.
  • Dans l'acte IV, alors qu'Hippolyte est accusé par son père, il ne dénonce pas Phèdre mais celle-ci, apprenant que l'autre aime Aricie, le charge un peu plus et le condamne définitivement aux yeux de son père : Hippolyte doit s'exiler, les destins sont scellés.
  • Dans l'acte V, les mensonges de Phèdre provoquent le suicide d'Œnone et, indirectement, la mort d'Hippolyte lors d'un combat contre un monstre marin ; elle-même se suicide en avouant sa faute à Thésée. L'action se termine sur la mort de trois protagonistes.

Les étapes de l'intrigue

Outre le découpage en actes, l'intrigue d'une pièce se caractérise par des moments particuliers et identifiables à la manière dont ils font avancer ladite intrigue : exposition, nœud, péripétie, coup de théâtre et dénouement sont autant de pierres posées sur le chemin d'un drame tragique.

L'exposition

L'exposition est circonscrite par la première, voire les deux ou trois premières scènes d'une pièce de théâtre. Elle doit servir, via le principe de la double énonciation, à exposer aux spectateurs les différents personnages, leurs liens et leurs situations initiales.

Dans Phèdre, l'exposition peut consister dans la seule scène 1. Même si Phèdre, qui donne son nom à la pièce toute entière, n'apparaît pas, la conversation entre Hippolyte et Théramène suffit à nous renseigner sur tous les tenants de la situation initiale.

Dans cette première scène, les spectateurs découvrent donc Hippolyte, le fils du roi Thésée, qui parle à son gouverneur Théramène. Ce faisant, le prince lui confie deux choses :

  • vouloir partir pour retrouver son père disparu :

HIPPOLYTE
Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
Et quitte le séjour de l’aimable Trézène.
Dans le doute mortel dont je suis agité
Je commence à rougir de mon oisiveté.
Depuis plus de six mois éloigné de mon Père
J’ignore le destin d’une tête si chère.
J’ignore jusqu’aux lieux qui le peuvent cacher.

  • son amour interdit pour Aricie, fille du clan ennemi :

THÉRAMÈNE

[...]

Vénus par votre orgueil si longtemps méprisée,
Voudrait-elle à la fin justifier Thésée ?
Et vous mettant au rang du reste des mortels,
Vous a-t-elle forcé d’encenser ses autels17 ?
Aimeriez-vous, Seigneur ?

HIPPOLYTE

Ami, qu’oses-tu dire ?
Toi qui connais mon cœur depuis que je respire,
Des sentiments d’un cœur si fier, si dédaigneux,
Peux-tu me demander le désaveu honteux ?
C’est peu qu’avec son lait une Mère Amazone
M’ait fait sucer encor cet orgueil qui t’étonne.

[...]

Quand même ma fierté pourrait s’être adoucie,
Aurais-je pour vainqueur dû choisir Aricie ?
Ne souviendrait-il plus à mes sens égarés
De l’obstacle éternel qui nous a séparés ?
Mon Père la réprouve, et par des lois sévères
Il défend de donner des Neveux à ses Frères.
D’une Tige coupable il craint un Rejeton.
Il veut avec leur Sœur ensevelir leur nom,
Et que jusqu’au tombeau soumise à sa tutelle
Jamais les feux d’Hymen ne s’allument pour elle.

La conversation entre Hippolyte et Théramène nous apprend une dernière chose : le prince est détesté par la femme de son père, Phèdre, qui est elle-même en proie à des envies suicidaires.

THÉRAMÈNE
J’entends. De vos douleurs la cause m’est connue,
Phèdre ici vous chagrine, et blesse votre vue.
Dangereuse marâtre, à peine elle vous vit,
Que votre exil d’abord signala son crédit.
Mais sa haine sur vous autrefois attachée,
Ou s’est évanouie, ou s’est bien relâchée.
Et d’ailleurs quels périls vous peut faire courir
Une femme mourante, et qui cherche à mourir ?
Phèdre atteinte d’un mal qu’elle s’obstine à taire,
Lasse enfin d’elle-même, et du jour qui l’éclaire,
Peut-elle contre vous former quelques desseins ?

HIPPOLYTE
Sa vaine inimitié n’est pas ce que je crains.
Hippolyte en partant fuit une autre Ennemie.
Je fuis, je l’avouerai, cette jeune Aricie,
Reste d’un sang fatal conjuré contre nous.

À la fin de cette scène 1 qui sert d'exposition, le spectateur attentif aura donc retenu plusieurs choses :

  • Hippolyte est le fils du roi Thésée et d'une Amazone
  • Phèdre est la femme de Thésée et elle déteste Hippolyte, mais elle est dépressive
  • Hippolyte aime la fille d'un clan ennemi et part pour cette raison à la recherche de son père

Le nœud

Le nœud consiste dans la formation du problème central de l'intrigue. Le spectateur décèle les contours d'une situation dans laquelle les personnages sont bloqués, et cette situation est synonyme de souffrance pour ceux-là. En outre, au moment de la formation du nœud, sa résolution est encore inenvisageable.

Dans Phèdre, le nœud se constitue dès la scène 3 de l'acte I. Dans celle-ci, Phèdre avoue à sa nourrice Œnone qu'elle est éprise d'Hippolyte, c'est-à-dire du fils de son mari, le roi Thésée. Cela la rend coupable d'inceste et la déshonore ; c'est la raison pour laquelle elle choisit jadis de détester Hippolyte et c'est la raison de ses pensées suicidaires désormais.

ŒNONE
Hippolyte ? Grands Dieux !

PHÈDRE
C’est toi qui l’as nommé.

ŒNONE
Juste Ciel ! Tout mon sang dans mes veines se glace.
Ô désespoir ! Ô crime ! Ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?

PHÈDRE

Mon mal vient de plus loin. À peine au Fils d’Égée,
Sous les lois de l’Hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe Ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue.
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Je sentis tout mon corps et transir, et brûler.
Je reconnus Vénus, et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner,
Je lui bâtis un Temple, et pris soin de l’orner.
De victimes moi-même à toute heure entourée

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les Autels ma main brûlait l’encens.
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
J’adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,
Même au pied des Autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce Dieu, que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son Père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter.
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’Ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste Marâtre,
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein, et des bras paternels.
Je respirais, Œnone. Et depuis son absence
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence.
Soumise à mon Epoux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon Époux lui-même à Trézène amenée
J’ai revu l’Ennemi que j’avais éloigné.
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée.
C’est Vénus toute entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur.
J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire.

Maintenant que l'intrigue est constituée, plusieurs questions se posent au spectateur :

  • Phèdre va-t-elle survivre à son amour pour Thésée ? Si oui, comment ?
  • Hippolyte va-t-il apprendre ce que ressent Phèdre pour lui ? Cela changera-t-il ses sentiments pour Aricie ?
  • Thésée reviendra-t-il ? Va-t-il apprendre l'amour incestueux de sa femme ?
Quelle est la structure d'une pièce classique ?
Phèdre et Hippolyte, Pierre Guérin, 1815 (www.musba-bordeaux.opacweb.fr)

Péripéties et coups de théâtre

Les péripéties sont tous les événements qui surviennent dans le cours de l'histoire et qui font avancer l'intrigue. Ils peuvent, selon le choix de l'autre, serrer ou desserrer le nœud qui contraint tous les personnages. Généralement, l'intrigue d'une tragédie s'intensifie de plus en plus, jusqu'à ce que la tension deviennent insupportable aux protagonistes...

Parmi ces péripéties, il peut y avoir des coups de théâtre : il s'agit d'événements particulièrement surprenants, pour les spectateurs comme pour les personnages, et qui débloquent la situation d'une manière radicale et décisive, ou la font avancer très rapidement.

Dans Phèdre, on peut relever plusieurs de ces péripéties, au sein desquelles on peut identifier au moins un coup de théâtre :

La mort de Thésée (scène 4, acte I)

Durant la scène 4 de l'acte I, on apprend la mort du roi Thésée, ce qui ouvre la succession à trois prétendants : Hippolyte, Phèdre et la princesse déchue Aricie.

En apparence, cet événement desserre un peu le nœud de l'intrigue. Œnone en profite en effet pour présenter à Phèdre les intérêts politiques salvateurs qui la lient désormais à Thésée (acte I, scène 5) :

ŒNONE
Madame, je cessais de vous presser de vivre.
Déjà même au tombeau je songeais à vous suivre.
Pour vous en détourner je n’avais plus de voix.
Mais ce nouveau malheur vous prescrit d’autres lois.
Votre fortune change et prend une autre face1.
Le Roi n’est plus, Madame, il faut prendre sa place.
Sa mort vous laisse un Fils à qui vous vous devez,
Esclave, s’il vous perd, et Roi, si vous vivez.
Sur qui dans son malheur voulez-vous qu’il s’appuie ?
Ses larmes n’auront plus de main qui les essuie.
Et ses cris innocents portés jusques aux Dieux,
Iront contre sa Mère irriter ses Aïeux.
Vivez, vous n’avez plus de reproche à vous faire.
Votre flamme devient une flamme ordinaire.
Thésée en expirant vient de rompre les nœuds,
Qui faisaient tout le crime et l’horreur de vos feux.
Hippolyte pour vous devient moins redoutable,
Et vous pouvez le voir sans vous rendre coupable.
Peut-être convaincu de votre aversion
Il va donner un Chef à la sédition.
Détrompez son erreur, fléchissez son courage.
Roi de ces bords heureux, Trézène est son partage.
Mais il sait que les lois donnent à votre Fils
Les superbes remparts que Minerve a bâtis.
Vous avez l’un et l’autre une juste5 Ennemie.
Unissez-vous tous deux pour combattre Aricie.

Les nouveaux amants (acte II, scènes 1 et 2)

Au début de l'acte II, Aricie et Hippolyte s'avouent mutuellement leur amour. Cette nouvelle donne resserre désormais le nœud, car cela empêche toute réciprocité amoureuse entre Phèdre et Hippolyte.

La douleur de Phèdre (acte II, scène 5)

Dans la scène 5 de l'acte II, Phèdre avoue finalement son amour à son gendre... qui lui oppose son refus. Détruite, elle cherche alors à se transpercer avec l'épée du prince, que lui prend in extremis Œnone.

PHÈDRE
Ah ! cruel, tu m’as trop entendue.
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Hé bien ! Connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J’aime. Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux je m’approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les Dieux m’en sont témoins, ces Dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang,
Ces Dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d’une faible Mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
C’est peu de t’avoir fui, Cruel, je t’ai chassé.
J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine.
Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.
De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?

Le retour de Thésée (acte III)

Coup de théâtre ! Thésée n'est pas mort et il revient. Son arrivée de la royaume va obliger Phèdre à prendre les devants pour protéger son honneur : elle insinue devant son mari que Thésée l'a souillée.

THÉSÉE
La fortune à mes vœux cesse d’être opposée,
Madame, et dans vos bras met…

PHÈDRE
... Arrêtez, Thésée,
Et ne profanez point des transports si charmants.
Je ne mérite plus ces doux empressements.
Vous êtes offensé. La fortune jalouse
N’a pas en votre absence épargné votre Épouse,
Indigne de vous plaire, et de vous approcher,
Je ne dois désormais songer qu’à me cacher.

En parallèle, Hippolyte, bien qu'il récuse toutes les accusations dont il fait l'objet, ne dévoile pas à son père la déclaration d'amour de Phèdre pour lui.

Les calomnies de Phèdre (acte IV)

Alors qu'elle vient défendre la cause d'Hippolyte devant Thésée, persuadée que son mari s'apprête à se venger violemment de son fils, elle apprend plutôt que son gendre aime Aricie. Elle refuse finalement de défendre l'homme qui la dédaigne pour une autre et le calomnie un peu plus.

Ses mensonges obligent finalement Thésée à s'exiler, tandis que Thésée cherche la vérité du côté d'Aricie et d'Œnone.

Le dénouement

Le dénouement, c'est la manière dont le nœud se dénoue, généralement dans la ou les dernière scènes : la situation problématique trouve finalement sa résolution et la tension retombe.

Dans une tragédie, le dénouement signifie presque systématiquement la mort d'un ou de plusieurs personnages.

Et, en effet, dans Phèdre, nous sommes servis. La posture intenable dans laquelle se trouve Phèdre se décante à partir d'une première mort : celle d'Œnone, qui se suicide, accablée par la fureur de sa maîtresse.

Thésée demande alors à voir Hippolyte, tout en convoquant une nouvelle fois le dieu Neptune pour qu'il ne mette pas à exécution son vœu de vengeance tantôt professé. Mais il est trop tard : dans la scène 6 de l'acte V, Théramène vient lui rapporter comment son fils est a été terrassé par un monstre marin échoué sur la terre.

Qu'est-ce qu'un dénouement ?
Lawrence Alma-Tadema, La Mort d'Hippolyte, 1860

La septième et dernière scène de la pièce offre à Phèdre sa libération : après avoir ingurgité du poison, elle avoue ses crimes à Thésée, et meurt maudite.

PHÈDRE
Non, Thésée, il faut rompre un injuste silence.
Il faut à votre Fils rendre son innocence.
Il n’était point coupable.

THÉSÉE
Ah Père infortuné !
Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné !
Cruelle, pensez-vous être assez excusée…

PHÈDRE
Les moments me sont chers, écoutez-moi, Thésée.
C’est moi qui sur ce Fils chaste et respectueux
Osai jeter un œil profane, incestueux.
Le Ciel mit dans mon sein une flamme funeste.
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu’Hippolyte instruit de ma fureur
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur.
La Perfide abusant de ma faiblesse extrême,
S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.
Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée.
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée.
J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les Morts.
J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu,
Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage
Et le Ciel, et l’Époux que ma présence outrage.
Et la Mort à mes yeux dérobant la clarté
Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.