Faire un portrait, en littérature, c'est faire la description d'un personnage.

Cette description, pour être complète, doit être de deux sortes :

  • une description physique
  • une description morale

Un bon écrivain sait en outre enrichir les portraits qu'il fait avec des procédés stylistiques de toutes sortes.

Découvrons ensemble la méthode d'un portraitiste... et les plus beaux exemples qu'en donne la littérature !

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C'est parti

La description physique

Forcément, pour décrire au mieux un personnage, il faut d'abord s'attarder sur son apparence. En somme, l'auteur répond à la simple question : « À quoi ressemble-t-il ? »

Il y a donc d'abord la question de l'aspect général. Est-il vieux ? Est-il grand ? Est-il maigre ?

Interrogez-vous donc sur l'effet directement puissant produit par cette seule phrase de Balzac, qui ouvre la description de l'antiquaire dans La Peau de chagrin (1831):

Figurez-vous un petit vieillard sec et maigre, vêtu d'une robe en velours noir, serrée autour de ses reins par un gros cordon de soie.

Comment écrit-on un portrait ?
Rembrandt (1606-1669), Le changeur de monnaie, 1627, musée des beaux-arts de Berlin (wahooart.com)

Hormis l'aspect général, la description physique bascule bien vite sur des éléments particuliers du corps.

Décrire le visage

Le visage peut à lui seul constituer un monde et remplir des pages entières.

L'écrivain peut, selon son envie, nous parler :

  • des cheveux
  • du front
  • des yeux
  • des joues
  • des lèvres
  • de la bouche

Voici par exemple la description faciale que fait Fiodor Dostoievski de son personnage Chatov, dans son roman Les Démons (1872) :

L’extérieur rébarbatif de Chatov répondait tout à fait à ses convictions : c’était un homme de vingt-sept ou vingt-huit ans, petit, blond, velu, avec des épaules larges, de grosses lèvres, un front ridé, des sourcils blancs et très touffus. Ses yeux avaient une expression farouche, et il les tenait toujours baissés comme si un sentiment de honte l’eût empêché de les lever. Sur sa tête se dressait un épi de cheveux rebelle à tous les efforts du peigne.

Décrire le corps

Au-dessous du visage se trouve le corps. Lui aussi peut être l'objet d'une description, globale ou minutieuse :

  • les épaules
  • les mains
  • les jambes
  • le buste
  • le cou
  • ...

Quoi de mieux pour illustrer cette possibilité descriptive que de soumettre ici le portrait de Quasimodo, le bossu de Notre-Dame de Paris, par Victor Hugo (1831) ?

Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par-devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie.

La description morale

Une fois passée la description physique, l'écrivain peut se concentrer sur la description morale (ou psychologique) de son personnage.

Il faut noter que cette description morale peut venir compléter la description physique. La mode de la physiognomonie, par exemple, à l'époque d'Honoré de Balzac, voulait lier aspect physique et aspect moral : c'est dire que, dans l'exemple précédent de Quasimodo, ce bossu ne pouvait qu'être méchant - ce qui n'est absolument pas le cas dans le roman de Hugo, bien au contraire !

Comment décrire un visage ?
Quasimodo, tel qu'il fut représenté dans le film d'animation Disney, Le Bossu de Notre-Dame (source : https://disney.fandom.com/)

Le caractère du personnage

Un roman met très souvent en scène les caractères de ses personnages. En effet, les actes et les discours de chacun servent amplement au lecteur pour définir la moralité des acteurs de l'intrigue. Néanmoins, l'auteur a tout les droits ; et s'il veut passer du temps à présenter à part le caractère d'un homme ou d'une femme, il peut le faire. Cela sert à prévenir son lectorat, ou bien à mieux mettre en place son intrigue.

Dans un portrait moral, on pourra donc trouver :

  • les qualités intellectuelles du personnage : est-il instruit, cultivé, intelligent ? ou bien bête et candide ?
  • les qualités morales : est-il généreux ou avare ? franc ou vicieux ? aimable ou détestable ?

Voici par exemple un extrait du portrait de Vautrin, écrit par Honoré de Balzac dans Le Père Goriot (1835), l'un des maîtres incontestés en la matière :

Il était obligeant et rieur. Si quelque serrure allait mal, il l'avait bientôt démontée, rafistolée, huilée, limée, remontée, en disant : « Ça me connaît. » Il connaissait tout d'ailleurs, les vaisseaux, la mer, la France, l'étranger, les affaires, les hommes, les événements, les lois, les hôtels et les prisons. Si quelqu'un se plaignait par trop, il lui offrait aussitôt ses services. Il avait prêté plusieurs fois de l'argent à madame Vauquer et à quelques pensionnaires ; mais ses obligés seraient morts plutôt que de ne pas le lui rendre, tant, malgré son air bonhomme, il imprimait de crainte par un certain regard profond et plein de résolution. A la manière dont il lançait un jet de salive, il annonçait un sang-froid imperturbable qui ne devait pas le faire reculer devant un crime pour sortir d'une position équivoque. Comme un juge sévère, son oeil semblait aller au fond de toutes les questions, de toutes les consciences, de tous les sentiments. Ses moeurs consistaient à sortir après le déjeuner, à revenir pour dîner, à décamper pour toute la soirée, et à rentrer vers minuit, à l'aide d'un passe-partout que lui avait confié madame Vauquer.

Le métier, les habitudes de vie

Décrire la psychologie d'un personnage, cela peut aussi signifier que l'on s'arrête sur ses habitudes de vie et sur son métier - en bref, raconter la manière dont il occupe son temps. Car les passions, comme la profession, ne sont-ce pas là des sujets sur lesquels on juge quelqu'un ?

C'est ainsi que la nouvelle d'Albert Camus Jonas ou l'artiste au travail (1957) s'ouvre par une phrase faisant état de la profession de Jonas :

Gilbert Jonas, artiste peintre, croyait en son étoile. Il ne croyait d'ailleurs qu'en elle, bien qu'il se sentît du respect, et même une sorte d'admiration devant la religion des autres. Sa propre foi, pourtant, n'était pas sans vertus, puisqu'elle consistait à admettre, de façon obscure, qu'il obtiendrait beaucoup sans jamais rien mériter. Aussi, lorsque, aux environs de sa trentecinquième année, une dizaine de critiques se disputèrent soudain la gloire d'avoir découvert son talent, il n'en montra point de surprise.

Car tout l'enjeu de cette nouvelle sera précisément d'étudier la nécessité induite par le caractère de son personnage vers son métier...

Le passé

Un portrait moral peut aussi s'intéresser au passé. L'auteur revient alors sur des événements particuliers de la vie de son personnage qui viennent expliquer, ou justifier, tel ou tel trait de caractère. Cela lui offre une profondeur biographique qui épaissit sa réalité.

Citons à nouveau Jonas ou l'artiste au travail, nouvelle dans laquelle Camus expose le caractère de son personnage à travers l'histoire de sa vie :

Pour la première fois, il se découvrit une ardeur imprévue, mais inlassable, consacra bientôt ses journées à peindre et, toujours sans effort, excella dans cet exercice. Rien d'autre ne semblait l'intéresser et c'est à peine s'il put se marier à l'âge convenable : la peinture le dévorait tout entier. Aux êtres et aux circonstances ordinaires de la vie, il ne réservait qu'un sourire bienveillant qui le dispensait d'en prendre souci. Il fallut un accident de la motocyclette que Rateau conduisait trop vigoureusement, son ami en croupe, pour que Jonas, la main droite enfin immobilisée dans un bandage, et s'ennuyant, pût s'intéresser à l'amour. Là encore, il fut porté à voir dans ce grave accident les bons effets de son étoile. Sans lui, il n'eût pas pris le temps de regarder Louise Poulin comme elle le méritait.

Comment organiser un portrait ?
Johannes Gumpp, Autoportrait, 1646 (artifexinopere.com)

Les procédés stylistiques

L'intérêt d'une description, c'est avant tout de donner corps à son personnage. En étirant (parfois indéfiniment) tel ou tel portrait, l'écrivain veut rendre réel la personne dont il parle, et que le lecteur soit en mesure de se l'imaginer comme présent devant lui.

Pour ce faire, et parce qu'il est maître des mots, l'auteur a également à sa disposition différents procédés stylistiques, qui viennent embellir ou renforcer le portrait.

Comparaisons et métaphores

Une comparaison, en littérature, consiste à comparer un comparant et un comparé, à l'aide d'un outil de comparaison (« comme », « tel », « pareil à », ...).

Une métaphore, c'est une comparaison qui s'impose sans outil de comparaison (« des yeux de biche », « un cœur de pierre », ...)

Les utiliser, c'est rendre ses descriptions plus imagées et plus efficaces qu'une simple description littérale. En effet, quelle description est la plus puissante entre « Elle avait les yeux très bleus. » et « Elle avait les yeux bleus comme un ciel d'été. » ?

Victor Hugo ne s'y trompe pas ; il termine sa terrible description de Quasimodo par plusieurs métaphores (en rouge ci-après) et comparaisons (en vert ci-après) qui viennent renforcer l'aspect monstrueux de son personnage :

[...] Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.
Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut ; carré par la base, comme dit un grand homme ; à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ et s’écria d’une voix :
« C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! C’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancale ! »

Comment décrire quelqu'un ?
The Poet Max Herrmann-Neisse, George Grosz, 1927

L'opposition

Dans un portrait, l'opposition est une figure de style souvent présente. Il s'agit d'une phrase qui regroupe deux idées contraires, reliées à l'aide d'une conjonction comme « or » ou « mais ».

L'opposition permet de mettre en avant des frustrations, des échecs ou encore des contradictions - bref, tout ce qui fait l'humain !

Un vieillard vint à monter l'escalier. À la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat de dentelle, à la prépondérante sécurité de la démarche, le jeune homme devina dans ce personnage ou le protecteur ou l'ami du peintre ; il se recula sur le palier pour lui faire place, et l'examina curieusement, espérant trouver en lui la bonne nature d'un artiste ou le caractère serviable des gens qui aiment les arts ; mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure, et surtout ce je ne sais quoi qui affriande les artistes.

Il y a encore beaucoup d'autres figures de style propices au portrait : la gradation, l'énumération, les superlatifs, l'emphase, l'euphémisme, ... À vous de les trouver comme lecteur, d'en jouer comme auteur !

Un portrait exemplaire

Pour conclure, émerveillez-vous donc devant l'un des plus grands et des plus complets portraits de la littérature française : celle du méchant Javert, le tourmenteur infatigable de Jean Valjean, héros au grand cœur des Misérables !

Pourrez-vous y retrouver les différentes phases du portrait et en identifier les effets ?

Javert était né dans une prison d’une tireuse de cartes dont le mari était aux galères. En grandissant, il pensa qu’il était en dehors de la société et désespéra d’y rentrer jamais. Il remarqua que la société maintient irrémissiblement en dehors d’elle deux classes d’hommes, ceux qui l’attaquent et ceux qui la gardent ; il n’avait le choix qu’entre ces deux classes ; en même temps il se sentait je ne sais quel fond de rigidité, de régularité et de probité, compliqué d’une inexprimable haine pour cette race de bohèmes dont il était. Il entra dans la police. Il y réussit. À quarante ans il était inspecteur. Il avait dans sa jeunesse été employé dans les chiourmes du midi. Avant d’aller plus loin, entendons-nous sur ce mot face humaine que nous appliquions tout à l’heure à Javert. La face humaine de Javert consistait en un nez camard, avec deux profondes narines vers lesquelles montaient sur ses deux joues d’énormes favoris. On se sentait mal à l’aise la première fois qu’on voyait ces deux forêts et ces deux cavernes. Quand Javert riait, ce qui était rare et terrible, ses lèvres minces s’écartaient, et laissaient voir, non seulement ses dents, mais ses gencives, et il se faisait autour de son nez un plissement épaté et sauvage comme sur un mufle de bête fauve. Javert sérieux était un dogue ; lorsqu’il riait, c’était un tigre. Du reste, peu de crâne, beaucoup de mâchoire, les cheveux cachant le front et tombant sur les sourcils, entre les deux yeux un froncement central permanent comme une étoile de colère, le regard obscur, la bouche pincée et redoutable, l’air du commandement féroce. Cet homme était composé de deux sentiments très simples, et relativement très bons, mais qu’il faisait presque mauvais à force de les exagérer : le respect de l’autorité, la haine de la rébellion ; et à ses yeux le vol, le meurtre, tous les crimes, n’étaient que des formes de la rébellion. Il enveloppait dans une sorte de foi aveugle et profonde tout ce qui a une fonction dans l’état, depuis le premier ministre jusqu’au garde champêtre. Il couvrait de mépris, d’aversion et de dégoût tout ce qui avait franchi une fois le seuil légal du mal. Il était absolu et n’admettait pas d’exceptions. D’une part il disait : – Le fonctionnaire ne peut se tromper ; le magistrat n’a jamais tort. – D’autre part il disait: – Ceux-ci sont irrémédiablement perdus. Rien de bon n’en peut sortir. – Il partageait pleinement l’opinion de ces esprits extrêmes qui attribuent à la loi humaine je ne sais quel pouvoir de faire ou, si l’on veut, de constater des damnés, et qui mettent un Styx au bas de la société. Il était stoïque, sérieux, austère ; rêveur triste ; humble et hautain comme les fanatiques. Son regard était une vrille. Cela était froid et cela perçait. Toute sa vie tenait dans ces deux mots : veiller et surveiller.

Les Misérables, Victor Hugo, 1862

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.