Chapitres
Résumé L'Avare
L'Avare est une comédie de Molière en 5 actes et présentée pour la première fois sur la scène du Palais-Royal le 9 septembre 1668.
L'action de cette pièce se déroule principalement entre les quatre murs du domicile d'Harpagon, un vieil avare un peu paranoïaque qui pense que tout le monde en a après son argent. Il est tellement soucieux de faire des économies qu'il a décidé d'organiser son mariage avec Mariane en même temps que ceux de ses deux enfants. Toutefois, Elise et Cléante, ses deux progénitures, ne comptent pas accepter le destin que leur père a choisi pour eux. S'en suit une série de plans et de stratagèmes pour organiser des mariages secrets et échapper aux unions initialement prévues.
Dans cette scène, Harpagon est sous le choc. Il vient de se rendre compte que sa chère cassette de dix mille écus d'or a été volée. Juste avant, nous avons appris que La Flèche, le valent de Cléante, a volé le précieux trésor d'Harpagon.
Comment cette scène parvient-elle à critiquer les moeurs par le rire ? Nous allons voir que, grâce à différents procédés comiques, Molière réussit à ridiculiser les valeurs légères d'Harpagon.
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Monologue d'Harpagon
(Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans
chapeau) Au voleur! au voleur! à l'assassin! au meurtrier!
Justice, juste Ciel! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a
coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce
être? Qu'est-il devenu? Où est-il? Où se cache-t-il? Que
ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir?
N'est-il point là? N'est-il point ici? Qui est-ce? Arrête.
Rends-moi mon argent, coquin. (Il se prend lui-même le bras.)
Ah! c'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je
suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas! mon pauvre
argent, mon pauvre argent, mon cher ami! on m'a privé de toi;
et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma
consolation, ma joie; tout est Fini pour moi, et je n'ai plus que
faire au monde: sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est
fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, je suis
enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me
rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? Euh? que
dites-vous? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait
fait le coup, qu'avec beaucoup de soin on ait épié l'heure;
et l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon
traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice,
et faire donner la question à toute la maison: à servantes,
à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de
gens assemblés! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me
donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh! de quoi
est-ce qu'on parle là? De celui qui m'a dérobé? Quel
bruit fait-on là-haut? Est-ce mon voleur qui y est? De
grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie
que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous? Ils
me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils
ont part sans doute au vol que l'on m'a fait. Allons vite, des
commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des
gênes, des potences et des bourreaux. Je veux faire pendre
tout le monde; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai
moi-même après.
I. Un passage comique
Dans cet extrait de L'Avare, Molière ne lésine pas sur le comique : comique de mots, de situation, de geste, de personnage... Tout est fait pour que le spectateur soit ébahi par tant de ridicule.
Le comique de mots
Molière s'illustre ici avec des fantaisies verbales et grammaticales. Il parvient à faire rire les spectateurs en mariant savamment les mots :
- La personnification de la cassette : elle est identifiée à un être aimé, un ami cher.
Hélas! mon pauvre
argent, mon pauvre argent, mon cher ami!
- La construction parallélique entre « riche ami » et « pauvre argent » qui renforce le lien entre entre Harpagon et sa cassette.
- La symétrie grammaticale qui accentue l'incidence d'un état sur un autre. Le pronom personnel réfléchi « m'» renforce l'impuissance d'Harpagon dans cette situation qui est victime du vol.
je suis perdu, je suis assassiné, on m'a
coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent.
- L'hyperbolisation constante : Harpagon ne cesse d'exagérer son propos, rendant l'information complètement absurde. Il joue sur l'intensité et amplifie son désarroi.
- La gradation dans le discours :
C'en est
fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, je suis
enterré.
Ici, Harpagon passe d'un état de fatigue à un état critique. Il est en plein délire de persécution et de paranoïa. Toutes ses idées sont noires, il vit son vol comme un crime dont il a été la victime.
- La multiplication des phrases exclamatives et interrogatives : Molière cherche à faire vivre le texte, à le rendre dynamique et intense. Pour ce faire, il joue énormément sur les répétitions exclamatives et interrogatives :
Au voleur! au voleur! à l'assassin! au meurtrier!
Justice, juste Ciel! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a
coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce
être? Qu'est-il devenu? Où est-il? Où se cache-t-il? Que
ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir?
N'est-il point là? N'est-il point ici? Qui est-ce? Arrête.
Ce jeu de redondance traduit la panique dans laquelle Harpagon se trouve. On l'imagine en train de faire les cent pas, de regarder partout autour de lui. Les locatifs « ici » (à proximité) et « là » (plus loin) indiquent l'espace de recherche qu'Harpagon délimite.
- Harpagon est dans une posture de plainte constante : il radote, il rumine, il rabâche sans cesse à quel point il est malheureux et désespéré.
- On finit par se perdre entre passé, présent et futur. Harpagon ne sait même plus, lui-même, où se situer.
Le comique de geste et de situation
Le comique de geste et de situation est principalement indiqué par les didascalies :
- « Il vient sans chapeau » : désorientation, négligence vestimentaire, preuve d'un effondrement mental...
- « Il se prend lui-même le bras » : il s'en veut à lui-même, peut-être n'a-t-il pas fait assez attention... Il peut aussi s'agir d'une simulation d'arrestation et d'un dédoublement de personnalité.
- « Il crie au voleur dès le jardin » : les déplacements sur la scène sont expliqués, Harpagon souhaite que tout le monde entende sa plainte.
Enfin, Harpagon invite les spectateurs à être témoins de son drame : « Que de gens assemblés » ; « que dites-vous », en espérant que quelqu'un lui vienne en aide ou le réconforte.
II. La folie d'Harpagon
Suite au vol, Harpagon devient complètement fou. Il ne parvient pas à se remettre de cette terrible tragédie... Mais les proportions que prend une telle mésaventure sont hors normes. Il est victime d'hallucinations, de perte d'identité, de dédoublement de personnalité...
Le comique de personnage
Molière cherche à rendre Harpagon ridicule et risible. On est mis face à un personnage complètement névrosé après avoir subi un choc émotionnel trop intense. Avant le vol, Harpagon était déjà paranoïaque, très angoissé à l'idée qu'on puisse lui voler sa cassette de dix mille écus d'or.
Mais Harpagon devient également persuadé qu'il est victime d'une persécution : tout le monde lui en veut, tout le monde lui en a toujours voulu ! Lui qui était obsédé par la possession, le voilà obsédé par la dépossession.
On remarque également son agitation abusive : les phrases sont juxtaposées avec une accélération du rythme tout au long du monologue. De même, les indications de déplacements démontrent qu'il ne sait pas tenir en place. La nervosité l'assaille !
La perte d’identité
Mais l'un des points les plus drôles (mais terrifiant !) du monologue est la perte d'identité que subit Harpagon :
mon esprit est troublé, et j’ignore, où je suis, qui je suis et ce que je fais.
Il ne sait plus qui il est, qui parle... On assiste à un jeu de questions-réponses troublant :
Qui est-ce? Arrête.
Rends-moi mon argent, coquin. (Il se prend lui-même le bras.)
Ah! c'est moi.
Le champ lexical de la mort
Harpagon est obsédé également par la mort. Il ne pense pas pouvoir survivre à un tel choc, il se dit même déjà enterré (comme sa cassette au demeurant...). Il évoque même le suicide par pendaison, ne pouvant pas supporter une telle épreuve.
III. « Castigat ridendo mores » : dénoncer les moeurs par le rire
Interpeller le public
Quel
bruit fait-on là-haut? Est-ce mon voleur qui y est? De
grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie
que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous? Ils
me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils
ont part sans doute au vol que l'on m'a fait.
Harpagon, symbole du riche bourgeois parisien
Cette pièce a pour personnage principal un riche bourgeois vivant dans la capitale et soucieux d'une seule chose : son confort matériel personnel. Son amour pour l'argent prend des proportions incroyables : il ne craint pas de se mettre à dos son entourage pour économiser le moindre sou.
L'Avare est un protagoniste détestable, seulement intéressé par ses intérêts privés et ne prenant jamais en compte les désirs de ses enfants. Sa passion pour l'argent l'a même éloigné de tous : d'où le sentiment de vide qu'il éprouve lorsqu'il perd sa cassette. Il n'a plus personne, il est seul au monde. Tel est l'immense problème d'Harpagon : sa fâcheuse tendance à préférer l'argent aux humains l'a enfermé dans un univers parallèle où le contact avec l'autre n'existe plus.
Enfin, Molière se livre à une satire sociale et économique générale. Sous Louis XIV, peu de gens - mis à part les bourgeois - possédaient des pièces en or. Il s'adresse directement à eux, ceux qui constituent la majeure partie du public venu assister à la pièce. Accumuler des louis d'or est un bon moyen de se mettre à dos l'ensemble de la société !
Conclusion
Cet extrait est donc l'occasion pour Molière de livrer son avis sur les bourgeois parisiens du XVIIème siècle. Harpagon est ce symbole de l'homme riche, détestable et avare : son argent est sa seule raison de vivre. Le vol de sa cassette donne un aperçu de ce que serait un homme dépossédé de ce qu'il aime le plus au monde : fou, paranoïaque, complètement perdu.
Grâce à une plume qui sait faire rire les gens, Molière espère également les faire réfléchir. Critiquer par le rire est un moyen de faire émerger une prise de conscience : si l'on risque de finir dans un tel état, vaut-il bien la peine de s'attacher autant à des biens matériels ? Pas si sûr...
On vous invite à lire l'ensemble de cette pièce ou à aller la voir dans les théâtres près de chez vous ! Vous aimerez détester Harpagon... Et soutenir les desseins de Cléante et d'Elise !
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C’est super ! 👍 Merci !
C’est bien j’adore
Merci beaucoup pour vos encouragements, nous sommes ravis d’avoir pu vous aider ! 🙂
Super. J’ai adoré votre article. Cela va grandement m’aider dans mes devoirs.
Ces interrogations justifie quoi
Bonjour ! Ravi d’avoir pu vous aider, merci pour votre fidélité !
Bonne journée !
Merci infiniment ces résumé m’aiderai a faire mon devoir 🙏🙏