Quelle fut la vie de Charlemagne ?

On le connaît comme le « premier Européen » de l'Histoire, mais cela est-il bien vrai ?

Nous découvrirons dans le cours d'aujourd'hui les origines de ce roi fondateur, son œuvre et son héritage.

Et à retrouver à la fin de cette biographie de Charlemagne, une chronologie de sa vie !

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C'est parti

Aux origines de Charlemagne

Les Pippinides

Les Pippinides, ou Pépinides, sont les membres de la dynastie d'une noblesse franque d'Austrasie, dont plusieurs eurent pour nom « Pépin ».

De fait, ce terme désigne les membres de la famille de Pépin de Landen en ligne agnatique. C'est de cette lignée qu'est issu le fameux Charlemagne, en passant par Charles Martel et Pépin le Bref.

À quoi ressemblait l'Europe sous Pépin le Bref ?
Carte du royaume Franc sous Charles Martel puis Pépin le Bref (source : https://www.castlemaniac.com/cartes-moyen-age/)

Pépin le Bref

Pépin le Bref est né en 714 et mort en 768. Il est le fils de Charles Martel et le père de Charlemagne.

Il est le premier maire du palais à être proclamé roi, à une époque où les maires du palais, haut dignitaires du royaume franc, étaient les détenteurs officieux du pouvoir.

Pépin le Bref renverra au monastère le dernier roi mérovingien Childéric III. En se faisant couronner roi, il fonde la dynastie des Carolingiens.

Jeunesse de Charles

Les premières année de Charles sont obscures et sujettes à controverse pour les historiens. Quand est-il né exactement ? À dire vrai, personne ne peut affirmer une date certaine. On prendra pour référence le récit d'Eginhard, un clerc et lettré de l'époque carolingienne, qui fut le rédacteur de la première biographie de l'Empereur (Vie de Charlemagne). Ainsi, celui-ci serait né le 2 avril 742.

Mais Eginhard ne mentionne pas le lieu de naissance, et laisse ainsi les spécialistes dans l'embarras. On cite plusieurs villes possibles : Quierzy-sur-Oise, Aix-la-Chapelle, Herstal, ... Plusieurs historiens se mettent au moins d'accord sur la région : l'Austrasie, c'est-à-dire le nord-est de la France actuelle.

En revanche, ce dont nous sommes sûrs, c'est que Charles est le fils de Pépin le Bref et de Bertrade de Laon, mieux connue sous le nom de « Berthe au Grand Pied ». Pourtant, cette naissance se serait passée dans l'illégalité, puisque ses parents ne furent mariés qu'entre 743 et 744, soit un an après sa supposée date de naissance.

Pour dresser un portrait du jeune Charles, les sources manquent encore : on sait qu'il se fit baptiser en 754 par le pape Étienne III, on sait qu'il ne savait pas écrire, mais savait lire et connaissait un peu le latin.

En somme, les renseignements jusqu'à son avènement sont limités. C'est-à-partir du début de son règne que nous pouvons réellement suivre le cours de sa vie.

Début de règne (768-771)

En 768, son père, Pépin le Bref, lègue son royaume à ses deux fils : Carloman et Charles (c'est-à-dire le futur Charlemagne). Le partage se fait comme suit :

  • pour Charles, les territoires vont de la Garonne au Rhin selon un arc occidental ;
  • pour Carloman, les territoires se regroupent autour de l'Alémanie.

Si les deux hommes se s'aiment guère, leurs deux règnes se passent dans une relative tranquillité. Et c'est peut-être pour le mieux que Carloman Ier meurt brusquement en 771.

Dès le lendemain de sa mort, Charles s'empare de son royaume en passant outre l'héritage de ses neveux.

Charles est désormais le roi de tous les Francs.

Quelle est la vie de Charlemagne ?
Charlemagne reçoit la soumission de Widukind à Paderborn (1840), Ary Scheffer, 1837

Focus sur les Francs

En cette deuxième moitié du VIIIème siècle, le royaume franc est le seul état stable d'Europe qui ait survécu aux invasions « barbares » ayant provoqué et suivi la chute de l'Empire romain :

  • l'Espagne a été réduite à néant par les musulmans ;
  • l'Italie est partagée entre les lombards et les byzantins ;
  • l'Europe centrale et du nord est composée d'une multitude de royaumes qui ont des frontières brouillées.

La société franque est une société féodale, pyramidale et clientéliste. Les seigneurs, qui sont les propriétaires terriens, disposent des services des hommes libres ; en échange, ces vassaux obtiennent gîte, couvert et nombreux dons.

Ce système coûte cher aux puissants, tandis que le contexte économique de l'époque n'est pas florissant. La paix n'est nulle part assurée et la monnaie est une chose rare. La seule manière d'assurer sa richesse et sa croissance, c'est donc de posséder des terres, et d'aller prendre celle du voisin.

Charlemagne conquérant

L'extension du royaume

Ainsi, dès l'an 772, le roi Charles entreprend ses premières expéditions chez les Saxons qu'il finira par soumettre définitivement en 804.

Dans le détail, on peut citer :

  • la conquête de Pavie en 774 : il prend la couronne de Didier, alors roi des lombards ;
  • la prise de Barcelone entre 785 et 801, ce que les historiens appellent la Marche d'Espagne ;
  • le renforcement de son pouvoir en Bavière avec la renonciation au trône de Bavière par Tassilon en 794 ;
  • la conquête de la vallée du Danube, avec la soumission définitive des Avars en 805.

Ainsi, à son apogée, l'Empire carolingien correspond aux territoires actuels de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Autriche, de la Hongrie et de la Slovénie, la moitié de l'Italie et une partie de l'Espagne, avec en outre les îles anglo-normandes et les principautés d'Andorre, de Monaco et de Liechtenstein. On peut ajouter à cela l'exercice d'une autorité plus ou moins directe sur les États pontificaux, la Silésie, la Bohême, la Moravie, la Slovaquie et la Croatie.

Comment Charlemagne a-t-il conquis l'Europe ?
Extension de l'Empire carolingien sous Charlemagne (source : www.wikipedia.org)

L'armée de Charlemagne

Ces conquêtes furent permises par la qualité de son armée et de la violence avec laquelle les batailles étaient livrées.

Sous Charlemagne, il y avait un service militaire obligatoire, l'Ost. Pour autant, les effectifs étaient de taille modeste : environ 5 000 cavaliers lourds et 36 000 cavaliers légers, accompagnés de nombreux fantassins. L'armée gagne d'abord parce qu'elle est bien formée et bien organisée.

Un empereur pieux

Pourquoi le couronnement ?

À la fin du VIIIème siècle, la monarchie franque contient à peu près tout l'Occident chrétien. Dans les faits, l'autorité du roi Charles correspond à tous les peuples qui reconnaissent dans le pape de Rome l'autorité centrale de l'Église. En dehors de celle-ci, il y a les barbares et leur paganisme, les byzantins et leur orthodoxie, ou les musulmans et leur islamisme. Ajoutons à cela deux choses, qui rendent évident le mariage officiel entre le royaume de Charlemagne et un empire chrétien :

  • le vif désir de Charles de récréer l'Empire romain ;
  • la puissance du patriarche de Constantinople qui s'appuie sur les richesses et l'étendue de l'empire bizantin.

L'historien Henri Pirenne résume donc les choses en ces termes :

De plus, le souverain de cette immense monarchie est à la fois l'obligé et le protecteur de l'Église. Sa foi est aussi solide que son zèle pour la religion est ardent. Peut-on s'étonner dans de semblables conditions que l'idée se soit présentée de profiter d'un moment si favorable pour reconstituer l'Empire romain, mais un Empire romain dont le chef, couronné par le pape au nom de Dieu, ne devra son pouvoir qu'à l'Église, et n'existera que pour l'aider dans sa mission, un Empire qui, n'ayant pas d'origine laïque, ne devant rien aux hommes, ne formera pas à proprement parler un État, mais se confondra avec la communauté des fidèles dont il sera l'organisation temporelle, dirigée et inspirée par l'autorité spirituelle du successeur de saint Pierre ? Ainsi, la société chrétienne recevrait sa forme définitive. [...] La cité terrestre ne serait que la préparation de l'acheminement à la cité céleste.

Henri Pirenne, Histoire de l'Europe. Des Invasions au xvie siècle, Paris-Bruxelles, 1939, p. 51-52

Charlemagne et la religion

Au fil de son règne, Charlemagne ne cessera pas de propager la foi.

Lorsqu'il conquiert un territoire, il oblige celui-ci à se convertir au christianisme, ce qui fait de la religion le ciment fondamental de son propre royaume. En outre, le roi intervient de nombreuses fois dans la définition du dogme :

  • en 794, lors du synode de Francfort (un synode est un rassemblement d'ecclésiastiques), il fait condamner une hérésie (c'est-à-dire un principe, une idée contraire au dogme de l'Église) diffusée en Espagne ;
  • en 787, il s'oppose violemment au concile de Nicée (un concile est une assemblée d'évêques) et fait rédiger un dossier de controverse.

Le couronnement de Charlemagne (25 décembre 800)

Le couronnement de Charlemagne comme empereur romain d'Occident en l'an 800 se réalise le 25 décembre, à une date hautement symbolique. Il s'agira bien, lorsqu'il sera question d'étendre son empire, d'étendre le royaume du Christ. C'est à la basilique Saint-Pierre de Rome que le roi Charles devient empereur, couronné par le pape Léon III.

Notons néanmoins que selon Éginhard, Charlemagne aurait été froissé par le déroulement de la cérémonie. En effet, Léon III aurait détourné le couronnement à son profit, et aurait fait les choses de manière à ce que l'on adore la figure du pape plutôt que celle de l'empereur.

En quelle année Charlemagne a-t-il été sacré ?
Couronnement de Charlemagne. Enluminure de Jean Fouquet, Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, ms. Français 6 465, vers 1460

Fin de règne et « renaissance carolingienne »

Administration de l'empire

La capitale de l'Empire devient Aix-la-Chapelle, qui a pour avantage d'occuper une position centrale dans son empire, en plus d'avoir des forêts fournies, ce qui ravit cet amoureux de la chasse.

Autour de lui, l'empereur attire de nombreux intellectuels, d'artistes et de lettrés, comme le grammairien Pierre de Pise ou l'historien Paul Diacre.

Afin d'avoir des administrateurs compétents, Charlemagne favorise un renouveau des études et crée l'école du palais. Il diffuse sa réforme de l'écriture, avec l'adoption de la minuscule caroline, qui correspond à une écriture simple, régulière et lisible.

Il réussit également à imposer une réforme religieuse et sait que seul le clergé, avec son étendue et son pouvoir local, peut permettre le succès de ses mesures. Aussi favorise-t-il la création d'un maximum d'écoles près des églises.

Cadre éducatif et culturel

De fait, si Charlemagne n'est pas vraiment l'inventeur de l'école, il est le premier souverain à légiférer sur la mise en place de cadres scolaires, avec notamment l'Admonitio Generalis rédigé en 789.

Ce texte invite à une instruction avancé du clergé qui pourra à son tour transmettre au peuple, le tout sur la base de la foi chrétienne.

Enfin, l'Empereur encourage un véritable élan vers la culture, ce qui permettra une « renaissance carolingienne » vis-à-vis des arts et des lettres. On retrouve durant cette période un goût pour la culture antique et on restaure la langue latine. On remarque également cette renaissance dans l'architecture.

Mort et destinée de l'empire

Charlemagne meurt le 28 janvier 814 à Aix-la-Chapelle à cause d'une pneumonie.

Malgré la grandeur de ses constructions et de ses ambitions, l'état arriéré de l'économie, la difficulté des échanges, l'insuffisance des cadres administratifs et les invasions normandes provoqueront une dislocation rapide de l'Empire, dont Louis le Pieux fut l'héritier dès 813.

Bilan du règne

Chez les historiens, trois thèses s'opposent quant au bilan à faire à propos du règne de Charlemagne.

Un bilan malgré tout positif

Pour les contemporains et ses héritiers, qu'ils fussent « Français » ou « Allemands », il importait de se réclamer de son héritage, ce qui souligne toute la fascination qui l'entourait.

Tel est également l'avis de l'historien Joseph Calmett. Selon lui, l'empire fondé par Charlemagne a été à l'origine de l'Europe féodale qui a vu naître les nations française, allemande et italienne.

Autres marque positives, ce sont les limites de cet empire : malgré les vicissitudes fatales de la grande Histoire, ces frontières fixées au IXème siècle reparaissent aujourd'hui pour marquer une ligne de démarcation très claire entre Occident et Orient.

Un bilan mitigé

Les historiens Ferdinand Lot et Louis Halphen, tout en reconnaissant l'efficacité du gouvernement impérial, refusent à Charlemagne son supposé génie politique et sa clairvoyance.

Au contraire, l'Empereur leur semble s'être très souvent laissé porter par des événements dont il n'avait rien vu, à cause d'un manque d'esprit de système.

Un bilan très négatif

On peut enfin citer deux historiens qui font de l'empire de Charlemagne une critique très virulente.

François Ganshof et Heinrich Fichtenau soutiennent en effet que le règne de l'empereur s'est achevé sur une crise dont les aspects sont multiples :

  • un aspect économique, avec pour précurseurs une mauvaise récolte et une famine en 806 ;
  • un aspect militaire, avec des incursions incontrôlables perpétrées par les Normands, des désertions, des accords de paix avec l'Empire byzantin en 812 ;
  • un aspect politique et religieux, avec en cause la médiocrité de trop nombreux administrateurs ;
  • un aspect dynastique, avec les morts de ses fils Pépin (en 810) et Charles le Jeune (en 811).

C'est ainsi que ces historiens expliquent la décomposition de l'empire qui intervient dès le règne de Louis le Peux.

Et, de fait, si l'ambition de Charlemagne était de fonder un empire chrétien et unitaire avec des institutions stables et nouvelles, alors il a échoué ; car, compte tenu des structures économiques et sociales de son temps, l'ambition était trop prématurée.

Néanmoins, il est tout aussi indéniable que la vision et l'action de Charlemagne ont ouvert les portes de l'avenir, et ont contribué au premier épanouissement culturel de l'Europe en matière religieuse, intellectuelle et artistique.

Chronologie récapitulative

Vous trouverez ci-dessous une chronologie récapitulative, sous forme de tableau, de la vie de Charlemagne.

Nous suivons la chronologie établie par Georges Minois dans son livre Charlemagne, Éditions Perrin, 2010.

DateÉvénement(s)
742Naissance de Charlemagne. Chrodegang devient évêque de Metz.
743Avènement du Mérovingien Childéric III. Victoire franque sur les Bavarois.
747Retraite de Carloman Ier, frère de Pépin le Bref.
751Pépin le Bref détrône le dernier Mérovingien et est sacré roi des Francs. Les Lombards prennent Ravenne.
754Pépin le Bref fait une campagne en Italie et est sacré par Etienne II.
Boniface est tué en Frise.
Avènement du calife al-Mansour.
756Deuxième campagne de Pépin le Bref contre les Lombards.
Première soumission de Tassilon III.
768Mort de Pépin le Bref et avènement de Charles (Charlemagne) et de son frère Carloman II.
769Révolte du duc Hunaud II et soumission de l’Aquitaine par Charlemagne.
771Mort de Carloman II.
772Election du pape Hadrien Ier.
Début de la guerre en Saxe : prise de l’Irminsul.
773Première campagne de Charlemagne contre les Lombards.
774Charlemagne à Rome.
Prise de Pavie : Charlemagne roi des Lombards.
778Expédition en Espagne et défaite de Roncevaux.
780Capitulaire pour les évêques.
Expédition dans le duché de Bénévent.
781Charlemagne à Rome : ses fils Pépin et Louis sont sacrés roi d’Italie et roi d’Aquitaine.
Arrivée d’Alcuin à la cour de Charlemagne.
Ambassade byzantine.
782Insurrection en Saxe, avec défaite du Süntel, suivie du massacre de Verden.
Benoît fonde le monastère d’Aniane.
Négociation avec les Avars.
783Mort de Berthe, mère de Charlemagne, et de la reine Hildegarde.
Charlemagne épouse Fastrade.
Campagne en Saxe.
Paul le Diacre à la cour de Charlemagne.
788Soumission de la Bavière et jugement de Tassilon par l’assemblée d’Ingelheim.
789Le grand capitulaire de l’Admonitio generalis.
Réforme des poids et mesures.
Nouveau serment de fidélité.
Soumission des Wilzes.
795Nouvelle campagne contre les Avars et prise de l’or du ring.
Election du pape Léon III.
799Attentat contre Léon III, qui rencontre Charlemagne à Paderborn.
800Tournée de Charlemagne sur les rivages de la Manche.
Mort de la reine Liutgarde à Tours.
Couronnement impérial de Charlemagne à Rome.
803Les Avars définitivement vaincus.
806Projet de partage de l’empire : la Divisio regnorum.
Capitulaire de Nimègue.
Reconquête de la Vénétie et de la Dalmatie par les Byzantins.
807Charlemagne doit renoncer à une campagne militaire à cause de la défection des vassaux.
810Mort de Pépin, roi d’Italie, fils de Charlemagne.
811Mort de Charles le Jeune, fils aîné de Charlemagne.
Capitulaire de Boulogne et inspection des côtes de la Manche.
Paix avec le Danemark.
Testament de Charlemagne.
813Cinq conciles régionaux pour imposer la discipline dans l’Eglise.
Couronnement impérial de Louis, fils de Charlemagne.
814Mort de Charlemagne, le 28 janvier.

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !