Le détour peut être source d’enrichissement intellectuel,
nous l’avons vu (séquence 4 : apprentissage et science).Il témoigne aussi
d’un véritable art de vivre autrement. On retrouve ce manifeste chez les grands
voyageurs qui réapprennent à écouter le monde. Toutefois, il fallait noter dans
ce mouvement de réhabilitation du détour une dissonance.

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C'est parti

1/Méfiance du divertissement

Au 17ème siècle, un penseur s’insurge face à
l’agitation du monde. Cet homme, Pascal, avertit les hommes des dangers liés à
ce mouvement perpétuel. Il le nomme divertissement[1]. Dans ses Pensées, il analyse le divertissement
comme la tendance qu’ont les hommes de se détourner des choses essentielles.
Les jeux, les bals, les comédies amoureuses constituent autant de détours qui
remplissent l’esprit des hommes et leur évitent de penser aux choses graves,
métaphysiques. Ce tourbillon d’activités meuble de façon illusoire
l’existence ; s’il s’interrompait, les hommes seraient condamnés à se
tourner vers eux-mêmes : ils trouveraient l’ennui. La réflexion qui
s’engagerait alors les conduirait à la pensée de la misère de la condition
humaine, à l’imminence de la mort. Or selon le penseur janséniste, il vaut
mieux affronter cette dure réalité plutôt que de s’étourdir dans des
divertissements creux et dénués de sens. Le détour, en ce sens qu’il constitue
un divertissement, n’est qu’une ruse temporaire et futile.

Extraits des Pensées [2]:

« On
ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on
ne peut demeurer chez soi[3]
avec plaisir. »( LG.126, Br. 139)

« Les
hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés,
pour se rendre heureux, de n’y point penser.

Nonobstant
ces misères il veut être heureux et ne veut être qu’heureux, et ne peut ne
vouloir pas l’être. Mais comment s’y prendra-t-il ? Il faudrait pour bien
faire qu’il se rendît immortel, mais ne le pouvant il s’est avisé de s’empêcher
d’y penser. » (LG 124, Br. 168-169)

« La
mort est plus aisée à supporter sans y penser que la pensée de la mort sans
péril. » (LG 128, Br.166)

« La
seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. Et cependant
c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche
principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans
cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un
moyen plus solide d’en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait
arriver insensiblement à la mort. » (LG 393, Br. 171)

2/ Éloge de la lenteur

Nombreuses sont les références littéraires et philosophiques
à faire cet éloge paradoxal (en effet à l’heure du TGV, il est curieux de
prendre plaisir à perdre son temps ; à moins que le temps gagné par des
transports à grande vitesse soit autant de temps supplémentaire à consacrer à
ses loisirs, à la découverte ?)[4].

La Fontaine au 17ème évoquait déjà cette lenteur comme un gage de réussite (cf. Fables, « Le Lièvre et la
Tortue »). La lenteur est l’assurance d’une authenticité. On apprécie
davantage un plat que l’on déguste, que l’on savoure, plutôt qu’un encas avalé
entre deux rendez-vous. Le bel ouvrage est celui qui demande un temps infini à
l’artisan.

Jules Laforgue, familier de Karl Marx, va plus loin et
soutient dans son manifeste politique Le
droit à la paresse (1883) que les ouvriers ont tout intérêt à cesser de
travailler plus de trois heures par jour. La logique est simple, l’ouvrier qui se surmène n’est plus
productif. Celui au contraire qui ne travaille que peu assure bien son
service. Plus encore, plus payé pour moins de travail, l’ouvrier français
obligerait les capitalistes, ses patrons à investir dans des machines qui, à
terme, allègeraient encore davantage son travail. Se fondant sur une expérience
anglaise dont la logique a permis de diminuer le nombre d’heures travaillées
par ouvrier sans faire baisser le niveau de production, il écrit :

« Pour
puissancer [sic] la productivité humaine, il faut réduire les heures de travail
et multiplier les jours de paye et de fêtes. […] Les ouvriers ne
peuvent-ils pas comprendre qu’en se surmenant de travail, ils épuisent leurs
forces et celles de leur progéniture ; que, usés, ils arrivent avant l’âge
à être incapables de tout travail ; qu’absorbés, abrutis par un seul vice,
ils ne sont plus des hommes, mais des tronçons d’hommes ; qu’ils tuent en
eux toutes les belles facultés pour ne laisser debout, et luxuriante, que la
folie furibonde du travail.

Ah !
comme des perroquets d’Arcadie ils répètent la leçon des économistes :
« Travaillons, travaillons pour accroître la richesse nationale .» O
idiots ! c’est parce que vous travaillez trop que l’outillage industriel
se développe lentement.[ …]

Pour
forcer les capitalistes à perfectionner leurs machines de bois et de fer, il
faut hausser les salaires et diminuer les heures de travail des machines de
chair et d’os. » (Le Droit à la
Paresse, « La surproduction », pp. 53-55)

3/ Le détour comme art de vivre

Le détour par la
table est indispensable pour la longévité du couple aussi bien que pour la
diplomatie d’un pays : telle est la thèse audacieuse de Brillat-Savarin
exposée dans sa Physiologie du goût
(1826). La manière française de manger fait école et l’auteur de s’attarder à
la table des femmes pour s’enquérir de leur régime alimentaire, leur prodiguant
des conseils pour prendre de l’embonpoint. Il n’est pas difficile de comprendre
que les fines bouches sont des gens plus heureux que la moyenne.

L’autre détour qui rend heureux réside dans le voyage ou
plutôt dans une certaine conception du voyage. Dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse met quelque vingt années à rentrer chez
lui, à Ithaque. Son périple, infiniment
riche mais aussi très mouvementé fait de lui un autre homme. Le récit qu’en
fait le narrateur est lui-même l’objet de détours : analepse et prolepse
sont nombreuses si bien que le récit semble construit à l’image du périple
lui-même. En proie aux desiderata des dieux de l’Olympe, Ulysse est comme
ballotté, pantin marin au gré des vents et autres divinités. La nostalgie[5] du
personnage confirme que le voyage est subi, qu’il n’est pas ici un mode de vie
qu’on se choisit.

Pourtant qui ne rêverait pas de partir sur les océans, à la
découverte du monde ? Du Bellay, dans son recueil intitulé les Regrets rédige un sonnet lui aussi
passablement nostalgique dont le premier vers est le suivant : « Heureux
qui comme Ulysse a fait un beau voyage… ». Il rappelle à lui les souvenirs
de sa région natale. Ce détour par la
pensée le fait voyager, l’aide à supporter l’existence.

Les voyageurs d’aujourd’hui vont à l’essentiel. D’autres,
tels des résistants continuent de chercher à se perdre dans les méandres
de leur pays d’accueil, de se laisser porter par leurs errances. C’est la
vision un peu caricaturale mais assez vraisemblable du voyageur au sac à dos,
ce routard qui émerveillé parcourt le monde sans objectif précis.

Mais à voyager ainsi,
on devient philosophe. C’est le cas de Sylvain Tesson, auteur de nombreux
récits de voyages, empreints de poésie, constellés d’émerveillement. Dans son ouvrage
intitulé Petit traité sur l’immensité du
monde, l’auteur se livre à une véritable réflexion philosophique sur l’art
de voyager. Où l’on apprend que le détour est comme consubstantiel au voyageur
et avec lui la lenteur, la solitude.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !