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Analyse bergsonienne du rire

Dès les premières lignes de son essai consacré au rire[1], Henri Bergson précise qu’il ne s’attellera pas à circonscrire le rire en une définition. Son argument ? Le rire est quelque chose de vivant qui ne supporterait donc d’être engoncé dans un carcan définitionnel. Le rire est donc du côté de la vie. Son essai comprend trois grands chapitres : Du comique en général, Le comique de situation et de mots et Le comique de caractère.

Au cours de ces articles[2], l’auteur énonce des lois[3], déduites de ses hypothèses, dont celle-ci, qui caractérise la pensée de l’auteur : le comique résulte d’une mécanisation artificielle du corps humain[4].

Cette assertion implique deux idées :

-         le comique est essentiellement humain : Il n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain. (p. 2) ; ce qui suppose que l’homme est à la fois la source d’émission du comique et l’objet principal du risible

Plusieurs [philosophes] ont défini l’homme « un animal qui sait rire ». Ils auraient aussi bien pu le définir un animal qui fait rire, car si quelque autre animal y parvient, ou quelque objet inanimé, c’est par une ressemblance avec l’homme, par la marque que l’homme y imprime ou par l’usage que l’homme en fait.(p.3)

-          le comique naît d’un décalage entre des attentes et une réalisation : un homme marche tranquillement et brutalement chute.

Pour qu’il y ait du comique, il faut par ailleurs d’autres conditions ; il requiert en effet une insensibilité : Le rire n’a pas de plus grand ennemi que l’émotion (p.3) et un contact avec d’autres rieurs, car le rire est avant tout social, voire sociétal : Notre rire est toujours le rire d’un groupe.  (p. 5). Plus encore, le rire a une fonction sociale[5].

Document : Bergson, Le rire, chp. I, 1

Le goût du décalage : grimaces, vices et caricatures

La principale source de comique issu du décalage réside dans la grimace. Prenez un minois adorable (Monica Belluci ou Jude Law) et faites lui tirer la langue, déformer la bouche, écarter les narines, exorbiter les yeux…et voyez si l’icône sensuelle se donne toujours comme un modèle !

La grimace est ridicule parce qu’elle déforme, elle différencie, marque un décalage entre le modèle original, celui auquel on est habitué, et l’horreur que l’on voit. Cette horreur naît du caractère animalier (ou en tout cas moins humain) des traits du  visage.

Imaginez maintenant que la grimace en question soit permanente…la grimace n’est drôle qu’à partir du moment où ce décalage est provisoire, où on le sait provisoire.

Exemple : Notre –Dame de Paris de Victor Hugo. La figure de Quasimodo. L’aspect du personnage principal fait rire au premier abord les foules rassemblées pour le jour de la fête des fous. Chacun doit, dans l’encadrement d’une ouverture de Notre-Dame faire la plus terrible des grimaces. C’est Quasimodo qui remporte l’élection haut la main et qui est élu Pape des fous. La foule rit de ses grimaces jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que  ladite grimace n’en est en fait pas une mais que le visage est naturellement difforme. Le monstre laisse place au comique grimacier et l’effroi de la foule succède à ses rires.

Plus terrible encore, imaginez que cette grimace soit un sourire permanent. Là encore, l’horreur de ce visage mutilé, fût-ce sous la forme d’un sourire, ne provoquerait pas le rire.

Document : L’homme qui rit de Victor Hugo (1868) livre VI, I 7 : le personnage de Gwynplaine est effrayant.

Si le comique naît de la grimace, comme d’un défaut physique, d’une différence ou d’un phénomène inhabituel et inattendu, il peut également émerger d’un vice perçu chez l’autre comme un élément discriminant. Les principaux défauts ou vices peuvent faire rire quand on les trouve chez l’autre. Je mettrai toutefois un bémol à cette assertion : le vice chez autrui ne nous fait rire que dans la mesure où nous ne nous sentons pas directement concernés ou touchés par ledit vice. L’avarice est potentiellement une source de comique. Mais ririez-vous si votre père ou votre mari était affublé de ce défaut alors même que vous êtes dans le besoin ? Il faut donc suffisamment de recul par rapport à la situation pour rire de ce type de situation ou une forme d’indifférence, d’insensibilité.

Molière a dressé le portrait de quelques vices de l’homme (et de la femme, rassurez-vous Messieurs !). Son but ultime, hormis le fait de provoquer le comique, résidait dans le souci de corriger les mœurs des gens, en tout cas de leur permettre de le faire (on ne saurait soutenir que Molière se pose en donneur de leçons).

Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que dans l’emploi où je me trouvais, je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer, par des peintures ridicules les vices de mon siècle. (Molière, premier placet[6] sur Tartuffe)

Le faux dévot, l’avare, les médecins, ou encore les femmes du monde, toutes ces figures caricaturales  sont brocardées dans les pièces du dramaturge. La critique est individuelle, sociale ou encore professionnelle. Le public : les figures critiquées elles-mêmes, bien souvent, ou ceux qui sont à l’antipode et qui observent de l’extérieur ces travers dans la société.

Cf : Dom Juan, Tartuffe, Les Précieuses ridicules, Le Bourgeois gentilhomme ou encore Le Malade imaginaire. Cette dernière pièce étant à la fois une critique humoristique d’un type (l’hypocondriaque) mais aussi de tous les satellites de ce faux malade représentés par le corps médical de l’époque (Diafoirus)

 

Les types ont inspiré un autre auteur de la fin du 17ème : La Bruyère.

Dans ses Caractères, sous titrés Les mœurs de ce siècle, l’auteur dégage des figures types qui résultent d’une observation aigue de ses acolytes de la Cour de France. Le type qui nous intéresse ici présente un double aspect : on s’y moque d’un homme prénommé Ménalque qui, d’une part incarne une figure, et qui, d’autre part, a la particularité d’être distrait. Or l’on sait que le distrait faire rire parce qu’il chute, se trompe, s’égare, se méprend bref…est imprévisible. Or cette dernière particularité nous ramène à la conception bergsonienne du comique : un hiatus dans le vivant.

La Bruyère passe en revue les actions quotidiennes de Ménalque et le comique fonctionne non par exagération mais par accumulation de détails qui ne nous sont pas étrangers : nous savons tous, qu’un jour où tout ne va pas comme nous le voudrions, nous serions capables de faire la même chose que Ménalque. C’est donc un effet miroir qui fonctionne ici comme source de comique.

Mais si nous nous reconnaissons en puissance dans ce personnage, comment se fait-il que nous ne soyons pas plus indulgents avec le personnage, plus empathiques ? Sans doute parce que la distraction n’engage que le qu’en dira-t-on et non la vie elle-même : il n’y a donc pas mort d’homme à sortir en bonnet de nuit. Seul le ridicule nous menace. Et même quand il arrive à Ménalque de se faire mal (en se heurtant à un aveugle, par exemple ou à un objet), la situation prête à rire précisément parce qu’elle est décalée (un aveugle ou objet qui se donne comme un homme portant un arme…mais qui n’est qu’un objet).

 

L’art de la caricature repose sur une déformation, un grossissement d’un trait physique ou moral toujours déjà là. Son but est souvent de critiquer, de se moquer ou encore de dénoncer un état de fait difficilement supportable.

C’est l’œuvre d’un homme sur un autre homme, dont il n’est pas proche (ou dont il est suffisamment proche pour faire comprendre à l’ami qu’il rira avec lui et non de lui par cette caricature).

Document : Bergson, Le rire, chp.I, 3 : Le comique des formes. L’art du caricaturiste.

Parmi les grands caricaturistes, il faut citer Honoré Daumier[7], graveur, peintre et sculpteur du 19ème siècle qui fit des portraits charges des politiques ou des moeurs de son temps, passant même quelques mois en prison pour une caricature de Louis-Philippe en Gargantua. Sous l’égide de Charles Philipon[8], journaliste républicain, Daumier publie régulièrement dans une revue satirique bien nommée : La Caricature. Des traits physiques exagérés mais aussi de véritables diatribes (si tant est qu’on puisse parler ainsi d’une image) contre les bourgeois ou les avocats, tels sont les éléments utilisés par l’auteur pour faire rire. Le peuple reconnaissait les modèles ou comprenait les points de critique soulignés, mis en exergue à travers les dessins…tant ils étaient finalement peu exagérés !

Le caricaturiste déforme, se joue des conventions mais se fonde toujours sur un élément existant, conformément à l’adage soulignant qu’il n’y a jamais de fumée sans feu.

Document : Dossier Daumier d’après l’exposition de la BNF[9]

 

Les défauts des autres hommes sont autant de failles, de brèches dans lesquelles se glisse le comique. Notons pour finir que l’on se moque plus volontiers du méchant, de l’odieux personnage. Par ce rire, nous mettons à distance le danger qu’il représente éventuellement pour nous ; mais nous manifestons aussi par ce biais le désir d’être supérieur à lui, le temps d’une moquerie. Il se joue donc des rapports de force dans le rire[10] : celui qui rit se sent supérieur à celui dont on rit à moins que le comique ne soit volontaire ou que la victime du rire ne rie avec nous.

 

Un cas particulier : l’autodérision

L’autodérision est la faculté de se moquer de soi-même, de se prendre comme objet du rire. Cette faculté est dépeinte par Baudelaire comme une forme de sagesse[11]…c’est dire s’il est difficile de rire ou de se moquer de soi. L’autodérision est par ailleurs un concept assez riche : on se moque de soi mais on en fait également rire les autres. Un homme qui reconnaît sur le mode humoristique faire preuve d’un vice comme l’avarice et qui dépeint ses propres travers fera rire l’assistance. L’autodérision implique une prise de distance de soi par rapport à soi-même mais  aussi une bonne connaissance de ses failles.

On trouve des exemples assez nombreux d’autodérision : Woody Allen se moque souvent de ses tendances hypocondriaques dans ses films. Dans Guerre et Amour (1975), un pastiche de Guerre et Paix de Tolstoï, le personnage principal, interprété par le réalisateur lui-même, est pleutre mais également philosophe : ses méditations sur la vie, sur la mort ou sur l’amour témoignent d’autant d’obsessions de Allen lui -même. Il subit la guerre, se cache pendant les assauts, démontrant ainsi qu’il n’a rien d’un héros, se moquant de son absence de courage, voire de virilité (puisqu’on a longtemps associé la virilité à la force et au courage dans le combat).

Plus flagrant encore, dans Whatever works, sorti en 2009, le personnage principal est complètement toqué, obsédé par les microbes, usant pour s’en défaire de tout un tas de subterfuges plus superstitieux que médicaux, amoureux d’une jeune fille dont il pourrait être le grand-père…des éléments qui rappellent étrangement la vie du réalisateur. Il faut dire que ce type d’humour peut aussi constituer une véritable thérapie[12] : en exhibant ces défauts qui nous rendent l’existence difficile, on est contraint d’en prendre conscience et de les mettre à distance pour mieux les combattre.

Nicole de Buron[13] constitue également une figure de ce type d’humour. Ecrivain à succès depuis les années 80, l’auteur mettait en scène sa famille (mari et deux filles) dans des situations très quotidiennes mais toujours abracadabrantes et très drôles : elle était sans pitié pour elle-même dans le portrait qu’elle faisait de cette mère et de cette épouse. Les médecins, les impôts, les travaux, les crises de couple, tout y passe. Les titres de quelques-uns de ses ouvrages témoignent de son humour : Vas-y maman ! , Qui c’est ce garçon ? ou encore Mais tu as tout pour être heureuse !

Plus prosaïque encore, je tenais à citer une forme d’autodérision dans la publicité : dans les campagnes télévisées ou papier pour une marque de café, l’acteur George Clooney ne rechigne pas à se montrer ridiculisé. Incarnant son propre rôle, il fait le beau quand les femmes s’approchent de lui, croyant qu’elles vont lui demander un autographe ; il se décompose quand il s’aperçoit qu’il passe en réalité inaperçu face à la machine à café de la marque. La vraie star n’est donc pas celle qu’on attendait. Sur les visuels en double page, il est montré une tasse de café à la main dans deux négatifs avant développement. L’image de gauche montre son visage net et la tasse floue ; l’image de droite, elle, montre l’inverse. C’est ce dernier négatif, où l’acteur apparaît flou, qui est choisi, mettant en valeur là encore la vraie star : le café[14].

Enfin, notons que l’autodérision comme mise à distance de ses propres défauts ou craintes peut véhiculer un humour noir. C’est le cas de l’humour de Pierre Desproges qui n’hésitera pas à exorciser la peur de la mort et la douleur qu’elle provoque chez ceux qui restent en imitant sur scène son propre père, décédé d’un cancer de la gorge. La réaction des spectateurs montre qu’il va loin, trop peut-être au goût de certains, allant jusqu’à choquer. Dans un second temps, les spectateurs entrent dans le jeu et finissent par rire avec lui de ce qui par définition est tout sauf drôle : la maladie et la mort. La mise à distance de cette crainte opère donc à l’échelle de la salle. Plus tard, il se moquera même de la maladie qui est en train de le ronger. Un cas ultime d’autodérision, qui prouve, nous en reparlerons qu’il faut savoir rire de tout[15].

Références

 

[1] Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique. Quadrige PUF, 1940.

[2] Publiés dans la Revue de Paris les 1er et 15 février, 1er mars 1899.

[3] Qu’il nomme aussi règles ou théorèmes, conférant à son analyse un caractère fortement scientifique.

[4] Il dira encore : « du mécanique plaqué sur du vivant » p. 29

[5] Bergson, Ibid, p.2-7 : lire cette première partie du chapitre I qui pose les fondements de la théorie bergsonienne.

[6] Placet : écrit adressé au roi.

[7] Daumier, 1808-1879

[8] Voir la caricature politique de Charles Philipon, Louis-Philippe en poire qui au gré des années et des transformations de l’âge, atteste la médiocrité du pouvoir.

[9] Voir le catalogue de l’exposition qui s’est déroulée du 4 mars au 8 juin 2008. L’ensemble des documents est consultable à l’adresse suivante : http://expositions.bnf.fr/daumier/index.htm

[10] Cf. Baudelaire et sa conception du rire satanique, rire de supériorité.

[11] Cf. Baudelaire, Salon de 1856, « De l’essence du rire ».

[12] Woody Allen aurait été en analyse freudienne pendant une trentaine d’années, lit-on ici ou là (fin des années 60 à fin des années 90)

[13] Auteur français née en 1929. Elle est l’auteur de dizaines de romans autobiographiques et a connu un vif succès avec une adaptation télévisée Les saintes chéries.

[14] Notez que dans les publicités les plus récentes, John Malkovich n’est pas en reste.

[15] Cf. Troisième partie du cours : 2) b : peut-on rire des sujets tabous ?

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !