Selon P. Malory : « Tantôt, c’est la jurisprudence qui affronte la loi, tantôt c’est la loi qui vient combattre la jurisprudence. De surcroît, au magma qui en résulte vient s’ajouter les nombreuses décisions, parfois étranges, de la Cour européenne des droits de l’homme ». En l’espèce, il est aisé de rapprocher ce duel juridique à l’arrêt de Cour Européenne des Droits  de l’Homme en date du 6 octobre 2005 présentement soumis à commentaire. « un droit désemparé »

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L’Inconventionalité  de la loi du 4 mars 2002 : Une rétroactivité sanctionnée

L’anéantissement volontaire de la jurisprudence Quarez

La jurisprudence Quarez : une interprétation permissive du CE

L’affaire concerne le préjudice subi par des parents du fait de l'infirmité de leur enfant, atteint d'une trisomie non détectée en raison d'une faute de l'hôpital. S'agissant des charges liées aux frais de soins et d'éducation spécialisée, le Conseil d'Etat condamne le centre hospitalier à verser aux parents une indemnité en capital représentant le versement d'une rente mensuelle de 5000 F pendant toute la durée de vie de leur enfant.

 Mais attendu que l'enfant né handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causalité directe.
A cela, s’ajoute les préjudices moraux des parents.
Il est clair que cette interprétation (« permissive ») va dans le sens d’une réparation intégrale du préjudice. Ici, l’indemnisation « adéquate » évoqué par la Cour est plus que respecté. En effet, en regardant de plus près les provisations allouée dans les affaires Draon et Maurice, il advient qu’elle peuvent sensiblement diiférée (de 1 à 10). L’intention affichée du législateur est d’anéantir la jurisprudence Quarez, et a minima la jurisprudence Perruche.

A fortiori, la loi vient sur ce terrain combattre une jurisprudence ayant provoquée un lourd battement médiatique.

L’alinéa 3 de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 : une législation restrictive

 En effet, «  la loi du 4 mars 2002 (…) a privé les requérants de la possibilité d’être indemnisés des charges particulière en application de la jurisprudence Quarez.

Cette dernière permettait d’obtenir pour les parents la réparation d’un préjudice moral (toujours possible) et surtout d’un préjudice materiel (« charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap » non décelé == » impossible sous l’emprise de la loi). L'alinéa 3 a donc été élaboré dans l'intention de supprimer toute responsabilité envers les parents en raison du handicap, pour le préjudice moral comme pour le préjudice matériel qui en résultent, et, ainsi, non seulement « de parachever l'abolition de l'action de vie préjudiciable, en sa forme indirecte, mais encore de réfuter la théorie de l'enfant préjudice, quel que soit son état, sur laquelle s'appuie leur action de naissance préjudiciable ». C’est en cela qu’Alain Ravelet proposa de rebaptiser la loi anti-perruche en loi anti-quarez. La loi anti perruche permettant une indemnisation du préjudice personnel subi par l’enfant handicapé (pas possible sous Quarez) n’octroyait que le préjudice moral aux parents.  Alors qu’il transparait dans l’arrêt à commenté que la jurisprudence administrative était « stable et constamment appliquée ». Il intervient alors le problème d’un manque à gagné pour les parents ayant introduit leur recours avant l’entrée en vigueur de la loi anti-perruche.

Une rétroactivité inconventionnelle lourde de conséquence

La suppression induite d’une valeur patrimoniale préexistante

D’après la Cour, la loi litigieuse a entrainé « une ingérence dans l’exercice des droits de créance en réparation qu’on pouvait faire valoir en vertu du droit interne en vigueur jusqu’alors.

La logique de l’arrêt conduit à une violation de « du droit des requérants au respect de leur bien ».

A la date de la survenance du fait dommageable il existe a priori une créance indemnitaire (préjudice materiel des parents = »en vertu de la jurisprudence Quarez), l’application de la loi rétroactive fait disparaitre cette créance et s’analyse selon la Cour à « une privation de propriété au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention.

Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance : en posant ce principe, l'article 1er de la loi sur les droits des malades vise à empêcher de nouvelles décisions de justice fondées sur l'arrêt "Perruche".
Ce dernier dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
En outre «  Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ». Dès lors, il apparait des exceptions à ce principe général, elles peuvent etre prévues dans la loi (intérêt général) et justifiés par des motifs d’utilité publique. Les requérant arguent que la loi du 4 mars 2002 serait contraire à la Convention.

 La Cour doit alors faire en quelque sorte un contrôle de proportionnalité.

L’absence de juste équilibre et la violation consécutive de la Convention

Afin d’effectuer cet arbitrage, la Cour se réfère au CE dans son avis contentieux du 6 décembre 2002. Cet avis s’appui sur des raisons d’intérêt général, d’ordre éthique et la bonne organisation du système de santé. Cependant, les juges de Strasbourg que ces considérations ne permettent pas en l’espèce de légitimité la rétroactivité. Ils dénoncent une charge « spéciale et exorbitante » qui a conduit à rompre « le juste équilibre » entre l’intérêt général et le droit au respect des biens. Afin de mieux comprendre ses considérations, il semble nécessaire d’évoquer le contexte d’adoption de cette loi. En effet, quand aux considérations étiques ; elles ne sont pas remise en cause par le juge.

La volonté était d’effacer les critiques relatives à l’affaire Perruche et marqué par la vive critique d’un eugénisme croissant (critique majoritaire mais forcément justifiée).

Et c’est surtout l’absence de véritable intérêt général qui a été sanctionnée par la Cour, certains ont mis avant le lobbying intensif des services médicaux concernés.

Les conséquences en droit interne : une brèche ouverte dans dispositif anti perruche

D’après A.Rivelet, «  à Paris, le Tribunal administratif et la Cour administrative d'appel continuent de faire droit à l'action de naissance préjudiciable (dite en wrongful birth), en des termes particulièrement provocateurs : les parents obtiennent la reconnaissance de leur « droit à indemnisation du préjudice causé par la naissance d'un enfant handicapé » devant celle-ci, « à raison des préjudices subis du fait de la naissance de leur [enfant] avec un handicap non décelé pendant la grossesse » auprès de celui-là »

La paralysie des dispositions transitoires devant les hautes juridictions

L’exclusion de la nécessité d’une « faute caractérisée »

Par voie de conséquence «  leur préjudice moral demeure réparé par la cour selon les règles générales issues de la jurisprudence Quarez, comme si de rien n'était ; sans motif, il échappe entièrement aux dispositions spécialement prises par le Parlement, qui réduisent le préjudice indemnisable et le subordonnent à une faute caractérisée ». En l’espèce, l’inversion des diagnostics prénatals, dans l’affaire  Maurice (CAA Paris 13 juin 2002 ; et CE 19 février 2003 = » affaire liée à Draon) n’ont pas été considérés comme « constitutif d’une faute caractérisée ».

D’après la solution de l’arrêt à commenter, il découle que la seule faute « simple » aurait suffit dans le  cadre de la demande pour un préjudice matériel (des parents) et pour un fait dommageable antérieur à la loi du 4 mars 2002

Comme le rappelle la Cour, pour ces cas précis, il s’agit du «  droit commun de la responsabilité pour faute ». Ici encore la faute caractérisée profite au corps médical. Cependant, c’est la jurisprudence qui devra apporter des précisons sur ce régime assez « flou ». Il faut bien comprendre les juridictions administratives et civiles se sont rapidement alignées sur la jurisprudence européenne. Cela a conduit à la situation paradoxale de la paralysie des dispositions transitoires devant la haute juridiction.

L’exclusion du principe d’indemnisation « forfaitaire »

D’après P. Morvan « Le législateur national se voit  interdire d'anéantir des créances de réparation qui ont une « base suffisante en droit interne », notamment en ce qu'elles sont reconnues par une jurisprudence nationale bien établie, et font ainsi naître une « espérance légitime » de jouir d'un droit de propriété sur un « bien actuel », soit des dommages-intérêts alloués à l'issue d'une action en responsabilité (CEDH, 20 nov. 1995, Pressos Compania Naviera c/ Espagne). Dans cette continuité jurisprudentielle, la Cour européenne condamne dans cet arrêt à commenter la France pour sa loi anti-Perruche. D’une part, la Cour de cassation (par 4 arrêts)   paralyse l'application de ce texte à l'égard des parents qui pouvaient, en l'état de la jurisprudence antérieure censurée, « légitimement espérer que leur préjudice inclurait les charges particulières engendrées par le handicap de leur enfant tout au long de sa vie » (Cass. 1re civ., 24 janv. 2006). D’autre part,  le Conseil d'État a rapidement repris  les motivation de la Cour de cassation, « stigmatisant » «  une atteinte disproportionnée aux créances en réparation que les parents d'un enfant né porteur d'un handicap non décelé avant sa naissance par suite d'une faute pouvaient légitimement espérer détenir sur la personne responsable avant l'entrée en vigueur » de la loi du 4 mars 2002 (CE, 24 févr. 2006  Levenez). Ici encore, il transparait que la loi anti-perruche ne s’applique pas. Le régime forfaire prévue par la réforme du 11 janvier 2005 (d’ailleurs resté «  lettre morte » ) n’est pas consacré par la jurisprudence dans nos cas d’espèce. De facto, il peut être dit que le régime applicable est plus proche de la réparation intégrale. La Cour utilise le terme « indemnisation adéquate » et sanctionne la charge « spéciale et exorbitante » des frais causés par le handicap et laissée à la charge des parents. Dès lors, il faut comprendre que le choix d’un régime plutôt que l’autre peut avoir des conséquences financières importantes. Une jurisprudence divergente favorisera les inégalités pour des personnes placées dans la même situation.

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !