« La prescription est la protectrice du genre humain introduite pour l'utilité publique ».

C’est sur cette citation de Cassiodore que commence le rapport d’information n°338 de MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung, sur lequel se basa la réforme de la prescription en matière civile du 17 juin 2008. La prescription est définie par l’article 2219 du Code Civil comme étant un mode d'acquisition ou d'extinction d'un droit, par l'écoulement d'un certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi. Il faut distinguer la prescription acquisitive, celle qui mène à l'acquisition soit de la propriété d'un immeuble par la possession soit d'un autre droit réel (usufruit ou certaines servitudes par la quasi-possession) et la prescription extinctive (libératoire) entrainant l'extinction du droit par un non-usage de ce droit pendant un laps de temps déterminé (sauf exception des droits imprescriptibles comme la propriété); lorsqu'il s'agit d'un droit de créance, on parle indifféremment de la prescription de la créance ou de celle de la dette. L’idée de prescription trouve son origine dans le droit romain où l’on effectuait déjà la distinction entre acquisitive (praescriptio acquisitiva) et extinctive (praescriptio extinctiva). Selon si l’usucapion était ordinaire ou extraordinaire, la prescription avait un délai minimal de 3 ans, mais pouvait être immémorial. Elle concernait essentiellement la propriété, les servitudes et d’autres droits semblables. Le non-exercice de ce droit ou des actions non intentées en temps utiles entrainait son extinction.

Il existe désormais deux titres distincts dans notre code civil : le titre XX réformé sur la prescription acquisitive et le titre XXI nouveau sur la prescription acquisitive.
La seule exigence formulée par le droit romain, chez celui qui prescrit, est la bonne foi au commencement.
Le propriétaire de la chose devait avoir la possibilité de faire valoir ses droits de propriété, la prescription ne courait pas aussi longtemps qu’il avait été dans l’impossibilité légale de le faire. Notre droit moderne, loin d’être simple, comprenait plus de 250 types de prescription et était devenu au fil de la jurisprudence de plus en plus complexe. Il y eu donc une volonté réformatrice afin de modifier ou de consacrer législativement des principes jurisprudentiel et de clarifier l’ensemble. A cette fin, en 2005 fut présenté l’avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, dit avant-projet Catala. Cependant il n’aboutit pas à des résultats concrets et c’est le rapport de la commission des lois du Sénat, déposé le 20 juin 2007, qui inspirera la loi du 17 juin 2008. Il s’agit donc ici de rechercher quelles ont été les modifications et les conséquences opérées par la loi du 17 juin 2008 sur les prescriptions concernant le droit des obligations. A cet effet, il s’agira d’écarter les dispositions que confirme la loi de 2008, ainsi que les effets touchant des droits voisins afin de ne nous concentrer que sur les modifications opérées. Dès lors, il convient de se demander dans quelle mesure la réforme du 17 juin 2008 a modifié la prescription en droit des obligations ? La question des nouvelles dispositions relatives à la prescription extinctive (I) se trouve au cœur du sujet, mais pour pouvoir en voir toute l’étendue, il s’agira d’analyser les questions fondamentales qui se posent (II).

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 De nouvelles dispositions relatives à la prescription extinctive

La réforme de 2008, a eu comme première conséquence évidente de modifier les différents délais de prescription (A), ainsi que les règles relatives à la liberté contractuelle (B).

Des nouvelles prescriptions longues, moyennes et courtes

  1. Une modification de la prescription de droit commun

L’évolution la plus visible de la réforme de 2008 est l’abandon de la prescription trentenaire (art.2262 anc.) en tant que droit commun.

L’accélération des échanges et l’évolution de la vie économique ont peu à peu rendu obsolète la prescription trentenaire, inadaptée de par sa lourdeur.

La réforme du 17 juin 2008 a pris en considération ces éléments et de grands changements ont été opérés. La prescription décennale a fait l’objet d’aménagements importants et la prescription trentenaire n’est plus celle de droit commun. Le législateur, en faisant cette réforme, souhaitait protéger le débiteur de l’obligation dans le sens où un délai trentenaire laissait envisager la possibilité d’une accumulation d’actions. Depuis cette réforme, tous les délais qui relevaient du champ d’application de la prescription trentenaire relèvent désormais de celui de la prescription quinquennale (art. 2224 nouv.). Seul reste inchangé le délai concernant une action réelle immobilière. Les prescriptions moyennes, c'est-à-dire quinquennales, quadriennales et triennales connaissent aussi quelques aménagements.

  1. Des particularités relatives aux courtes et moyennes prescriptions écartées.

La prescription quinquennale étant devenue de droit commun, elle ne concerne plus les créances périodiques telles que les salaires, les pensions alimentaires ou plus largement tout ce qui est payable par année ou par terme plus court (art. 2227 nouv.). Les prescriptions quadriennale (dettes de l’Etat, des personnes morales de droit public et les créances fiscales) et triennale (actions en nullité des sociétés commerciales, nullités qui peuvent les frapper et actions en responsabilité contre les dirigeants sociaux) n’ont quant à elles pas été modifiées. Concernant les prescriptions courtes, les seules que la loi de 2008 a abrogées sont celles prévues aux articles 2271 et 2272 anc. relatifs à la présomption de paiement. Ces articles connaissaient un important contentieux en raison du fait que la dette était reconnue non pas par témoignage, mais par aveu. En effet, le créancier auquel le débiteur opposait cette prescription, pouvait demander à ce dernier de jurer qu’il avait bien payé. Tout refus revenait à reconnaitre que la dette subsistait et qu’ipso facto la prescription s’en trouvait écartée. Les courtes prescriptions constituaient ainsi une présomption de payement.

Une consécration législative de la liberté contractuelle

  1. Un aménagement conventionnel certain

Avant 2008, toute clause contractuelle amenant à un allongement du délai de prescription était déclarée nulle. Seules les clauses raccourcissant le délai étaient licites.

Or, l’article 2254-1 nouv. permet aux parties d’aménager les délais de prescription de manière contractuelle.

Cette possibilité présente l’intérêt d’empêcher les procédures tardives, toutefois il est totalement prohibé de renoncer par avance à la prescription (art.2250). La liberté contractuelle en matière de prescription connait donc une avancée, motivée par une volonté de libération anticipée du débiteur, associée à une volonté de plus grande sécurité juridique de la convention.

  1. Une réforme libérale mais cependant encadrée

Bien que la réforme pose de prime abord sembler très libérale, elle pose tout de même de nombreuses limites aux contractants. Tout d’abord, dans une volonté délibérément protectrice,  il est impossible d’exclure du contrat ou de limiter exagérément l’obligation de prescription, puisqu’elle constitue une sécurité ainsi qu’une force contraignante. La prescription ne peut être abrégée pour moins d’un an et à l’inverse elle ne peut pas être étendue pour plus de 10 ans.

La loi du 17 juin 2008 fut porteuse d'une réforme majeure concernant la prescription en matière civile.
Concernant les clauses de suspension ou d’interruption, elles ne peuvent qu’être augmentées et non raccourcies.
Néanmoins, il existe de nombreuses exceptions telles que les salaires, les pensions alimentaires ou encore les loyers. L’article 2254-3 énonce que tout aménagement conventionnel est interdit dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs à l’égard des actions en paiement ou en répétition des dettes périodiques.

La question fondamentale du délai

La modification des délais de prescription pose la question de son point de départ et de sa longueur (A), mais également de sa possible suspension ou interruption (B)

Point de départ et longueur de la prescription

  1. Une subjectivisation du point de départ

Selon l’article 2224 nouveau du Code Civil,

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits qui permettent de l’exercer ».

L’emploi du conditionnel met en exergue une certaine subjectivisation du point de départ.

La perception par le contractant des faits, déterminant l’action qui lui est ouverte, se trouve de ce fait au centre de la question du point de départ.

Auparavant, cette question était envisagée de manière plus objective, il s’agissait du moment de la naissance de l’action, celle-ci donnant naissance au principe de créance. Cette subjectivisation se substitue donc à la théorie ancienne de la date de conclusion du contrat. En effet, la jurisprudence antérieure reconnaissait que "la prescription trentenaire, résultant de l'article 2260 du code civil, applicable à toutes les actions tant réelles que personnelle commence à courir le jour ou l'acte vicié avait été passé et que l'action en nullité était éteinte" (Cass, 1ère Civ,24 janvier 2006). Néanmoins cette apparente différence est à atténuer concernant les cas où le juge rechercherait le moment où le créancier avait la possibilité d’agir. Dans bien des cas, la date de conclusion correspond au moment où le contractant connaissait ou avait dû connaitre les faits permettant d’exercer une action en nullité tels que le vice de forme, la cause illicite ou encore l’objet illicite. Les  articles 1304 et 2262 du Code civil relatif à la nullité n’évoquent la prescription que concernant l’action en nullité et non l’exception en nullité. De ce fait qui est éteinte est l’action en nullité, non la nullité, laquelle subsiste et pourra être invoquée par voie d’exception. La prescription n’a donc qu’un effet incomplet car l’acte n’est pas purgé du vice dont il faisait l’objet.

  1. Une date butoir pouvant s’avérer litigieuse

Le caractère glissant du point de départ du délai de prescription se trouve désormais limité par une date butoir, établie par l’article 2223 nouveau, d’une durée de 20 ans maximum à compter du « jour de la naissance du droit ».

Cette modification est motivée par une recherche de sécurité, visiblement inspirée par le droit allemand et les principes UNIDROIT (Principe européen du droit des contrats).

La réforme s’oppose à l’ancienne jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 1ere, 24 janvier 2006). Ce nouveau délai est un maximum, qui ne peut ni être suspendu, ni interrompu, ni modifié par la convention et peut, semble-t-il être soulevé d'office par le juge. Mais la loi l'écarte souvent : le délai butoir ne s'applique ni aux actions en réparation d'un dommage corporel ou causé par des actes de barbarie ou des actes de violence. Dans le cas d’un dommage corporel, la prescription est de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé (art. 2226, al.1 nouv.), dans le cas contraire la prescription est de droit commun. Il n’y a plus à rechercher la distinction entre responsabilité contractuelle ou extracontractuelle comme c’était le cas avant 2008. La Cour de Cassation s'est demandée si cette disposition ne serait pas contraire à l'article 6 de la CEDH (exigence d'un procès équitable) en privant une personne diligente de son droit d'action (CEDH 22 octobre 1996, Stubbing c/ Royaume-Unis : à l'égard de la prescription, le droit de chacun à faire juger ses contestations par un tribunal n'était pas absolu).

Des modifications concernant l’interruption et la suspension

  1. L’interruption, une consécration législative de la jurisprudence antérieure

L’objectif de l’interruption concernant la prescription est d’effacer le temps déjà couru. Cet acte peut être soit du fait du débiteur, soit du créancier. L’avant-projet Catala préconisait de transformer les causes d’interruption en causes suspensives, ce qui n’a pas été suivi par la loi de 2008. Il n’y a donc pas de profond bouleversement.

La loi de 2008 consacre l’ancienne jurisprudence en énonçant que l’interruption produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

Par ailleurs il est également repris que l’extinction est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance ou si sa demande est définitivement répétée (2242 et 2243 nouv.). Il en est de même concernant le débiteur, la loi de 2008 n’a pas porté atteinte à la jurisprudence qui admettait que la reconnaissance de dette pouvait être tacite, même si elle ne concernait qu’une partie de la créance.

  1. Une suspension davantage présente

La suspension, quant à elle, arrête temporairement le cours du délai de prescription, sans effacer le délai déjà couru. Théoriquement, seul le Code Civil pouvait énoncer les causes de suspension (art.2251 anc.), or la jurisprudence avait très rapidement donné ce pouvoir au juge.

L’article 2234 nouv. reprend ce principe en n’effectuant que quelques modifications mineures.

Elle ne fait donc qu’officialiser ce qu’il se passait déjà en pratique. Certaines modifications majeures effectuées par la loi de 2008 se retrouvent en ce qui concerne les pourparlers, la médiation et la conciliation. Avant 2008, s’il n’y avait pas de clause contractuelle contraire, la prescription n’était pas suspendue lorsque ceux-ci étaient engagés.

La loi de 2008 a réformé ce système en mettant en place la suspension, sous condition de certaines règles complexes.

   

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !