Lalla, née dans le désert, a vécu une enfance heureuse dans le bidonville d'une

Grande cité marocaine.

Adolescente, elle est obligée de fuir et se rend à Marseille. Elle y découvre la misère

et la faim, " la vie chez les esclaves ".

Lalla continue à marcher, en respirant avec peine. La sueur coule toujours sur

son front, le long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n'y a personne

dans les rues à cette heure-là, seulement quelques chiens au poil hérissé, qui

rongent leurs os en grognant. Les fenêtres au ras du sol sont fermées par des

grillages, des barreaux. Plus haut, les volets sont tirés, les 5 maisons semblent

abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des soupirails, des caves,

des fenêtres noires. C'est comme une haleine de mort qui souffle le long des rues,

qui emplit les recoins pourris au bas des murs. Où aller ? Lalla avance lentement de

nouveau, elle tourne encore une fois à droite, vers le mur de la vieille maison. Lalla a

10 toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres garnies de barreaux,

parce qu'elle croit que c'est une prison où les gens sont morts autrefois ; on dit même

que la nuit, parfois, on entend les gémissements des prisonniers derrière les

barreaux des fenêtres. Elle descend maintenant le long de la rue des Pistoles,

toujours déserte, et par la traverse de la Charité, pour voir, à travers le portail de

15 pierre grise, l'étrange dôme rose qu'elle aime bien. Certains jours elle s'assoit sur le

seuil d'une maison, et elle reste là à regarder très longtemps le dôme qui ressemble

à un nuage, et elle oublie tout, jusqu'à ce qu'une femme vienne lui demander ce

qu'elle fait là et l'oblige à s'en aller.

Mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur, comme s’il y avait une

20 menace derrière ses fenêtres étroites, ou comme si c’était un tombeau. Sans se

Retourner, elle s’en va vite, elle redescend vers la mer, le long des rues silencieuses.

TRAVAUX D’ÉCRITURE

Commentaire

Faites le commentaire du texte de Le Clézio (document D) en vous aidant du

parcours de lecture suivant :

- Montrez comment se met en place la description de la « vieille ville » et ses

caractéristiques.

- Analysez comment se traduit le sentiment de malaise et de peur qu’elle inspire à Lalla.

Commentaire du texte :

Introduction :

Nous allons faire le commentaire du texte de Le Clézio en respectant le parcours proposé dans les consignes des travaux d’écriture.  Nous suivrons la problématique de l’objet d’étude à savoir, la vision de l’homme et du monde dans l’extrait de ce texte. Nous nous demanderons en quoi la description de la ville permet de décrire le personnage, en quoi et comment en tenant compte des descriptions et des techniques littéraires de l’auteur. Dans un premier temps nous analyserons la manière dont se met en place la description de la vieille ville et ses caractéristiques, puis, en second lieu la façon dont se transcrit le sentiment de malaise et de peu que la ville inspire au personnage de Lalla.

Développement :

I) LA DESCRIPTION DE LA « VIEILLE VILLE »

1) Une ville complètement désertée et dégradée

Ces deux aspects dominants de la ville transparaissent en premier lieu par le champ lexical du vide qui nous suggère l’absence d’hommes, « personne », redoublé de celui de la mort par l’expression, « haleine de mort », « tombeau » ou encore « froid de mort » et enfin l’idée de clôture qui accentue l’aspect désertée et fermée de la ville par les participes passés, « fermées » et « tirés » dans l’expression, « les volets sont tiré », mettant ainsi l’accent sur l’isolement de cette vieille ville abandonnée. La dégradation se voit renforcée par l’absence de couleur et de vie, le noir domine et le degré de dégradation et d’abandon  est souligné par la description des « recoins pourris ».  Les figures de rhétorique utilisées permettent à l’auteur de renforcer l’idée de confinement, en effet, nous avons des accumulations de termes, « des soupirails, des caves, des fenêtres  noires », sans conjonction de coordination pour les relier.

2) Opposition entre l’habitude et « aujourd’hui »

La description se poursuit ensuite tout en opposition et en ambivalence. Nous avons à cet égard deux idées, celle des habitudes de Lella dans cette vieille ville par la phrase, « certains jours elle s’assoit » qui entre en opposition avec « mais aujourd’hui » qui introduit une variation. De plus, le dôme qui transcrit l’image rassurante du passé, « qu’elle aimait bien » s’est transformé en « tombeau » à ce jour.

3) Une progression dans les repères de la ville

Nous avons une progression dans les repère spatiaux qui semble suivre le parcours de Lella dans la ville, on peut citer « plus  haut », « elle tourne encore une fois à droite », « le long de la rue des pistolets », « la traverse de la charité ». Un autre repère  nous est donné, le dôme assimilé au nuage. La description et la progression  qu’elle suggère permettent ainsi la description du personnage.

Nous avons le début avec l’idée que Lella continue à marcher, la fin du premier paragraphe avec « s’en aller » et la fin du deuxième paragraphe, « elle s’en va vite, elle redescend vers la mer, le long des rues silencieuse », nous avons donc l’image d’un personnage qui semble être en fuite, prisonnier de cette vieille ville comparée à un tombeau, un cercle vicieux.

II) LE MALAISE ET LA PEUR DE L’OBSERVATEUR

1) Les registres

Nous avons un registre dominant qui est fantastique et contribue ainsi à restituer le malaise et la peur de l’observateur. Le lieu se dévoile de manière très inquiétante ainsi que le suggère le champ lexical de la peur et celui du doute, en effet ce dernier transparait à travers les expressions suivantes : « elle croit que c’est une prison », on peut ainsi voir la déduction faite à partir des barreaux des fenêtres, ou encore, « on dit même que la nuit, parfois, on entend des gémissements, nous voyons que notre personnage est en proie à l’inquiétude et au malaise, elle croit aux rumeurs.

2) Le malaise qui se transcrit au niveau physique

Sa peur se manifeste dans un premier temps au niveau physique avec la sueur qui « coule », « mouille » et « pique » ainsi que le connote la gradation et l’analogie avec le chien « au poil hérissé » en réaction au danger à venir.

3) le malaise qui se transcrit au niveau moral

Nous voyons le personnage traverser une ville en étant envahi par la peur du fait de l’impression de désert et d’abandon, en fait il se dévoile en proie au malaise car il semble être en exil, plus à l’abandon que la vieille ville elle-même, il regarde la ville avec des yeux vides et son vide intérieur  se reflète dans la description. C’est pourquoi, le champ lexical du vide s’applique aussi bien à la ville qu’au personnage. Il est ainsi victime du fait de ce malaise d’une perte de repère transcrite par le jeu d’oppositions entre  l’habitude et aujourd’hui, « mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur ».

Conclusion :

Nous voyons ainsi comment Le Clézio en mettant en place la description d’une vieille ville permet la transcription d’un malaise et d’une peur  qui se manifestent chez Lella tant au niveau physique qu’au niveau moral. Nous pouvons ainsi affirmer que la vision du monde dépend de celle de l’homme, cette dernière est première et reflète la manière dont le monde est perçu.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !