Si chacun connaît cette expression, il est fort probable que nombre d'entre nous, et pas seulement les plus jeunes, en ignore le sens premier. Remontons de quelques décennies dans le temps, au moins jusqu'au début du XXè s., voire davantage.

Dans nos campagnes, dès les premiers beaux jours, au printemps (ou dans certaines régions deux fois l'an), les femmes se réunissent : tout le linge est porté par charretées entières à la rivière. Tout le linge sale de tout un village , que l'on a empilé dans les grenier depuis des mois : draps, nappes, serviettes, chemises, se retrouve mêlé sur la rive pour être lavé dans l'eau de la rivière par les commères. Ensemble, dans un esprit communautaire, elles lavent, brossent, frottent, savonnent, rincent et étendent sur l'herbe tendre et non encore souillée par les pâtures le linge soumis à l'action blanchissante du soleil.
Rassemblées autour des plus âgées, elles participent ainsi au contrôle social. Il vaut mieux "laver son linge en famille", car tout apparaît alors : l'état de fortune à l'abondance du linge, l'état de santé physique, de grossesse, de propreté morale sous-entendue par la propreté physique, bref, toute l'histoire d'une famille ou du village se lit dans les taches et salissures, et lors de cette "cérémonie de la grande buée", on fête un peu chaque année la victoire du propre sur le sale, du jour sur la nuit, du printemps sur la mort, bref, de la vie sur la mort.


Mais pourquoi tant de linge, lavé une fois l'an seulement ? Il faut se remémorer les conditions de confort de l'époque - je parle bien sur du monde paysan. Il est difficile de faire des lessives en hiver, l'eau des rivière est glacée, ou même gelée, et tout le linge ne sècherait pas dans les petites maisons où seule une cheminée procure un peu de chaleur. Les autres saisons, tous les travaux agraires ou domestiques prennent le temps et l'énergie de chacune, puisque la lessive reste toujours une affaire de femme. Il faut donc avoir suffisament de linge pour pouvoir tenir une année, exception faite de petites lessives intermédiaires pour quelques vêtements, surtout si l'on en a peu. Même si les habitudes d'hygiène de l'époque ne sont pas les nôtres (changer de linge de corps tous les huit jours était se changer très fréquemment), il faut toujours une belle quantité de torchons et de paires de draps pour une maisonnée. Les jeunes filles - en fonction de leur moyens - s'attacheront donc à se constituer un trousseau suffisant pour maintenir le train de vie auquel elles sont socialement destinées. Les plus pauvres, logeant chez leur patrons, ne sont pas concernées et se contentent - malgré elles - de peu de pièces.

Dans les villes, les ouvrières, souvent pauvres également, ont peu de linge et le lavent plus régulièrement, une fois par semaine (le lundi ?) près des rivières ou dans des bateaux- lavoirs, près des lavandières de métier et des bonnes qui travaillent pour les plus riches.


Et lorsque toutes les villageoises oeuvrent ensemble à la grande buée, comment reconnaître le linge de chacune ? On comprend donc l'utilité du monogramme brodé, qui, comme tout ce qui se fait traditionnellement, résulte au départ d'une réponse à un besoin, ce qui n'empêche pas par la suite une fonction décorative. Draps, torchons, sont marqués aux initiales de la jeune fille ou, si les fiançailles ont été assez longues, à celles des deux familles liées, la plupart du temps par la fiancée elle-même, qui trouve là moyen de prouver ses talents et sa bonne éducation... ménagère. Les chemises, les vêtements sont marqués à l'intérieur du col, ou pour les plus riches, sur la poche de poitrine gauche.  


Eh oui, à l'origine, ce n'est pas le fabriquant qui marque la poche d'une chemise, mais son propriétaire.

Et pourquoi cela a-t-il changé, me direz-vous ? C'est à cause de lui :

Lui, René Lacoste, que la presse américaine a surnommé "Le Crocodile", à la suite d'un pari qu'il avait fait avec le Capitaine de l'Equipe de France de COUPE DAVIS. Il lui avait promis une valise en crocodile si Lacoste remportait un match important pour leur équipe. Le public américain a retenu ce surnom qui soulignait la ténacité dont il faisait preuve sur les courts de tennis, en ne lâchant jamais ma proie ! Son ami Robert GEORGE lui dessina alors un crocodile qui fut brodé sur le blazer qu'il portait sur les courts.
Mais, me direz-vous, on est bien toujours dans le cas de figure où le propriétaire de la chemise porte sa propre marque sur son vêtement, même si ce n'est pas un monogramme.

Vous faîtes les bêtes, vous répondrais-je... En 1933, René LACOSTE et André GILLIER, le propriétaire et Président de la plus grande compagnie française de bonneterie de l'époque, fondent une société pour exploiter la chemise brodée d'un logo que le champion avait créée pour son usage personnel sur les courts de tennis, ainsi qu'un certain nombre d'autres modèles de chemises conçues pour le tennis, le golf et la voile, comme en témoigne le premier catalogue édité en 1933.

C'était la première fois, à ma connaissance, qu'une marque était visible à l'extérieur d'un vêtement, une idée qui a, depuis, fait son chemin.

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Margaux

Spécialiste des arts et loisirs, je partage avec vous mes cours sur ces différentes thématiques !