Epreuve corrigée du BAC ES 2012 de philosophie

dissertation  : travailler, est-ce seulement être utile ?

 

La question indique qu'il y a une dimension utilitaire du travail qu'il y a à mettre en évidence. « Utile » est défini comme ce dont l'usage, l'emploi est ou peut être avantageux, qui satisfait un besoin. Et effectivement le monde contemporain conçoit le travail, au sens d'emploi salarié, par sa dimension utilitaire, que ce soit pour soi, pour quelques uns dans le cas de l'entreprise privé, ou la société dans son ensemble lorsqu'il s'agit de services publiques.

Mais  plus encore que cette dimension n'est peut être pas la seule et peut-être pas la dimension essentielle. Plus précisément il s'agit d'interroger la nature de cette utilité, ce qui la dépasse et enfin la valeur de cette utilté pour le cas où elle dénaturerait le travail.

Découvrez tous nos cours de philosophie ici.

Les meilleurs professeurs de Philosophie disponibles
Sophie
4.9
4.9 (33 avis)
Sophie
50€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thibault
5
5 (38 avis)
Thibault
197€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Chrys
5
5 (203 avis)
Chrys
87€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Julien
5
5 (31 avis)
Julien
50€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Raphaelle
5
5 (53 avis)
Raphaelle
22€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Théodore
5
5 (22 avis)
Théodore
60€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thomas
5
5 (18 avis)
Thomas
45€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Larry
5
5 (89 avis)
Larry
39€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Sophie
4.9
4.9 (33 avis)
Sophie
50€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thibault
5
5 (38 avis)
Thibault
197€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Chrys
5
5 (203 avis)
Chrys
87€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Julien
5
5 (31 avis)
Julien
50€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Raphaelle
5
5 (53 avis)
Raphaelle
22€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Théodore
5
5 (22 avis)
Théodore
60€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thomas
5
5 (18 avis)
Thomas
45€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Larry
5
5 (89 avis)
Larry
39€
/h
Gift icon
1er cours offert !
C'est parti

I La dimension utilitaire du travail

            I.1 Le travail répond avant tout à la nécessité vitale, aux besoins de la survie. Pour subvenir à ses besoins. C'est d'ailleurs justement à cause de cette marque de la soumission à la contrainte naturelle que le travail souffre d'une représentation négative autant dans la Bible (Genèse) que dans l'antiquité. Cf Hannah Arendt dans La condition de l’homme moderne: “Travailler, c’était l’asservissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux conditions de la vie humaine. Les hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer qu’en dominant ceux qu’ils soumettaient de force à la nécessité

I.2  Mais spécificité humaine : en travaillant l'homme satisfait à l'utile non seulement pour soi mais pour l'ensemble de la cité. cf Platon, La République : «Ce qui donne naissance à une cité, repris-je, c'est, je crois, l'impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même,  et le besoin qu'il éprouve d'une foule de choses ; ou bien penses-tu qu'il y ait quelque autre cause à l'origine d'une cité? »  . A cette fin chacun dans la cité doit se spécialiser afin de pourvoir non seulement au nécessaire mais aussi au superflu de manière efficace. Ce concept de spécialisation sera par la suite développé par les économistes Adam Smith, ou Ricardo à l'échelle des nations.

I.3  Enfin le travail permet de développer les facultés de chacun (intellectuelles, sociales, morales). L'utile est donc autant dans la nature des productions du travail que par rapport au travailleur qui profite, en droit, de sa propre activité. Politiquement par exemple l'émancipation des femmes passe par la reconnaissance de leur statut de travailleuse : salaire qui permet de gagner l'indépendance, vie sociale dans un cercle élargie, instruction, droit, etc.

Transition : mais paradoxalement le travail qui émancipe l'homme et lui permet d'acquérir son indépendance par rapport aux contraintes naturelles se métamorphose en activité  destinée à autre chose qu'elle-même. Or une liberté au service de la nécessité est contradictoire. 

II Le travail réellement utile produit l'homme

II.1Le travail authentique est celui qui a une utilité interne. Cf dialectique du maître et de l'esclave de Hegel : Travailler, c'est nier la nature pour la vaincre, soumettre le monde extérieur à la forme humaine. Le travail pour Hegel est anthropogène c'est à dire qu'il fait de nous des humains. Si finalement l'esclave peut se libérer parce qu'il travaille. Le maître, lui, se sert du corps de l'esclave comme s'il était son propre corps pour transformer la nature, pour travailler. Il n'a donc plus de rapport avec la nature que par l'intermédiaire de l'esclave. Le maître a perdu tout rapport proprement humain avec la nature. Il ne lui impose plus par le travail une forme propre à satisfaire ses besoins. Il n'a plus qu'à jouir sans transformer et est donc comme l'animal. Il dépend de l'esclave pour satisfaire ses besoins.

II.2 D'où la critique de Marx du salariat industriel :“En arrachant à l’homme l’objet de sa production, le travail aliéné lui arrache sa vie générique, sa véritable objectivité générique, et en lui dérobant son corps non organique, sa nature, il transforme en désavantage son avantage sur l’animal.” (Manuscrit de 1844). Le passage de l’outil à la machine est ici en cause, en tant qu’il renverse la relation de dépendance entre l’homme et ce sur quoi il travaille, relation originellement renversée et emportée par l’homme contre la nature. Dans le passage des métiers, des ateliers et du compagnonnage au machinisme industriel, le travailleur perd la maîtrise de l’ensemble du processus et de l’ensemble des moyens techniques: devenu parcellaire, son travail ne maîtrise plus la machine mais, au contraire,  se trouve maîtrisé par elle. “Dans la manufacture et le métier, l’ouvrier se sert de son outil; dans la fabrique il sert la machine”, écrit ainsi Marx.

II.3C'est ce rapport à l'outil qui détermine l'utilité du travail. Comme utilité le travail vise la domination, l'exploitation de la nature et son efficacité même interdit à terme l'homme de s'y réaliser. Le recours à l'outil n'est effectivement qu'une étape, à laquelle succède la machine-outil, puis le robot qui dispense l'homme de travailler mais le rend dès lors inutile.

Transition : à quoi sert l'utilité du travail ?

Vous cherchez un cours de philo terminale es ?

III Nature, essence et critique de l'utilité du travail

            III.1 Il faut distinguer l'utilité à court terme, autrement dit la simple fonctionnalité, que la machin satisfait dans bien des tâches mieux que l'homme, et, d'autre part, l'utilité fondamentale où l'homme révèle son caractère indispensable, autrement dit son humanité.

            III.2 Être utile peut être considéré comme une réduction de l'humanité contraire à son essence. Ainsi Kant affirme que la morale repose sur le respect qui consiste à traiter 'toujours autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen". Être utile c'est au contraire être utilisé, donc être un moyen. Cette réduction a été mise en scène par exemple par Chaplin dans Les temps modernes où l'homme est réduit à n'être qu'une utilité et où le monde lui-même n'est perçu que du point de vue de son utilité.

III.3           Or non seulement cette approche constitue une visée tronquée du monde mais aussi une réalisation limitée de nous même. En effet l'utilité n’envisage le monde que comme une vaste étendue à conquérir, à s’approprier et à exploiter. La pensée technique tend à réduire tout ce qui relève de l’humain à la catégorie de l’utile. Ce faisant la visée technique oublie toute la dimension subjective de l’humain, comme les questions du sens, de la valeur, de l’existence vécue, de l’esthétique, de l’acte désintéressé, économiquement inutile

 

Pour approfondir :

« C'est l'avènement de l'automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l'humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l'asservissement à la nécessité. Là, encore, c'est un aspect fondamental de la condition humaine qui est en jeu, mais la révolte, le désir d'être délivré des peines du labeur, ne sont pas modernes, ils sont aussi vieux que l'histoire. Le fait même d'être affranchi du travail n'est pas nouveau non plus ; il comptait jadis parmi les privilèges les plus solidement établis de la minorité [...]. L'époque moderne s'accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société tout entière en une société de travailleurs. [...] C'est une société de travailleurs que l'on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c'est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d'aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l'homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels, il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu'ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire."

                                               Hannah Arendt, La condition de l’homme moderne

Vous avez aimé cet article ? Notez-le !

Aucune information ? Sérieusement ?Ok, nous tacherons de faire mieux pour le prochainLa moyenne, ouf ! Pas mieux ?Merci. Posez vos questions dans les commentaires.Un plaisir de vous aider ! :) 5.00 (2 note(s))
Loading...

Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !