L'Éloge de la sincérité est un court essai écrit dans la jeunesse de Montesquieu.

Cet essai comporte néanmoins les bases de ses futures réflexions philosophiques.

L'extrait que nous nous proposons d'étudier fait ainsi voir de nombreuses références, sur lesquelles l'auteur s'appuie, pour critiquer les mœurs de son temps. Il y parle de vérité, de sincérité, et d'amitié.

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« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » - Montesquieu
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C'est parti

Le texte étudié

On croit, par la douceur de la flatterie, avoir trouvé le moyen de rendre la vie délicieuse. Un homme simple qui n'a que la vérité à dire est regardé comme le perturbateur du plaisir public. On le fuit, parce qu'il ne plaît point ; on fuit la vérité qu'il annonce, parce qu'elle est amère ; on fuit la sincérité dont il fait profession parce qu'elle ne porte que des fruits sauvages ; on la redoute, parce qu'elle humilie, parce qu'elle révolte l'orgueil, qui est la plus chère des passions, parce qu'elle est un peintre fidèle, qui nous fait voir aussi difformes que nous le sommes.

Il ne faut donc pas s'étonner si elle est si rare : elle est chassée, elle est proscrite partout. Chose merveilleuse ! Elle trouve à peine un asile dans le sein de l'amitié.

Toujours séduits par la même erreur, nous ne prenons des amis que pour avoir des gens particulièrement destinés à nous plaire : notre estime finit avec leur complaisance ; le terme de l'amitié est le terme des agréments. Et quels sont ces agréments ? Qu'est-ce qui nous plaît davantage dans nos amis ? Ce sont les louanges continuelles, que nous levons sur eux comme des tributs.

D'où vient qu'il n'y a plus de véritable amitié parmi les hommes ? Que ce nom n'est plus qu'un piège, qu'ils emploient avec bassesse pour se séduire ?

« C'est, dit un poète, parce qu'il n'y a plus de sincérité. » En effet, ôter la sincérité de l'amitié, c'est en faire une vertu de théâtre ; c'est défigurer cette reine des coeurs ; c'est rendre chimérique l'union des âmes ; c'est mettre l'artifice dans ce qu'il y a de plus saint et la gêne dans ce qu'il y a de plus libre. Une telle amitié, encore un coup, n'en a que le nom, et Diogène avait raison de la comparer à ces inscriptions que l'on met sur les tombeaux, qui ne sont que de vains signes de ce qui n'est point.

Comment Montesquieu définit-il la sincérité ?
David Jacques-Louis, La Mort de Socrate, 1787, huile sur toile, 133 x 196 cm, Metropolitan Museum of Art, New York

La question de la vérité

Dans l'introduction de cet essai, Montesquieu posait la connaissance de soi comme une quête primordiale. Pour ce faire, il établit en parallèle que la recherche de l'authenticité est nécessaire. Dans l'extrait qui nous occupe, il présente ainsi certaines des conditions à remplir pour atteindre cette précieuse authenticité.

La première idée philosophique mise en avant est celle de la vérité. Celle-ci est assimilée au bien véritable, à la valeur suprême, qui se trouve pourtant fuie par les gens de la société.

Car, au contraire, les Hommes semblent être attirés par la seule flatterie, qui les rassurent, qu'importe le mensonge qu'il sous-entend :

on fuit la vérité qu'il annonce, parce qu'elle est amère ; on fuit la sincérité dont il fait profession parce qu'elle ne porte que des fruits sauvages

De sorte que si l'Homme croit être heureux, ce n'est qu'un mensonge auquel il veut consentir. Il redoute celui qui porte la vérité, parce qu'elle risque de briser le monde parfait - et mensonger - dans lequel il s'est laissé tomber :

on la redoute, parce qu'elle humilie, parce qu'elle révolte l'orgueil, qui est la plus chère des passions, parce qu'elle est un peintre fidèle, qui nous fait voir aussi difformes que nous le sommes.

L'Homme est un être imparfait par nature, qui cherche à se voiler la face sur ses imperfections. De sorte que sa nature première est le mensonge ; il préfère s'imaginer parfait, pour vivre heureux. Mais ce bonheur n'est, pour Montesquieu, qu'un plus grand mensonge, et fait rater l'extase parfaite de la vérité.

C'est pourquoi l'ami sincère devrait avoir un si grand rôle : par la vérité qu'il impose, il devrait être en mesure d'apporter une véritable joie.

Éloge de la sincérité

Montesquieu bascule ainsi sur la question de la sincérité. Celle-ci est essentiellement (c'est-à-dire : par essence) liée à la relation amicale. Il l'affirme à travers un syllogisme (doublé d'un argument d'autorité, en citant un poète) :

D'où vient qu'il n'y a plus de véritable amitié parmi les hommes ? Que ce nom n'est plus qu'un piège, qu'ils emploient avec bassesse pour se séduire ?

« C'est, dit un poète, parce qu'il n'y a plus de sincérité. »

S'il n'y a plus d'amitié, c'est parce qu'il n'y a plus de sincérité. Or, l'ami devrait être celui qui fait fi des hypocrisies imposées par la société. Un véritable ami, dit Montesquieu, est celui qui peut être sincère, sans quoi il n'est rien d'autre qu'une connaissance sans particularité.

Qui Montesquieu utilise-t-il pour sa philosophie ?
Un portrait du poète latin Ovide (© antiqueimagesdotnet - 123RF)

Par « le poète », Montesquieu fait référence à Ovide, un poète latin. Celui-ci, dans ses écrits, fait l'éloge de l'amitié, à condition qu'elle soit authentique. On voit comment l'amitié devrait être la relation suprême ; en effet, le philosophe ne lésine pas sur les hyperboles :

  • « reine des cœurs »
  • « chimérique »
  • « union des âmes »

De même, on trouve deux superlatifs qui loue la puissance singulière de l'amitié :

  • « de plus saint »
  • « de plus libre »

Si l'amitié est le plus grand des biens, dans l'empire des relations humaines, c'est que, précisément, elle se fonde sur une sincérité comme il n'en existe nulle par ailleurs. Si la sincérité disparaît, alors l'amitié disparaît aussi.

Les arguments d'autorité

Montesquieu, pour appuyer son propos, fait référence à plusieurs auteurs philosophiques qui l'ont précédé.

Aristote et l'amitié

Il y a d'abord la concorde avec Aristote, philosophe grec, qui écrivit sur l'amitié dans Éthique à Nicomaque, dans les livres VIII et XIX. Il y développe une théorie de l'amitié (entendue comme philia) en présentant cette relation comme une condition nécessaire à la vie :

« L'amitié est absolument nécessaire à la vie. »

Pour lui, toute amitié vise soit l'utilité, soit le bien, soit le plaisir. Mais sa forme la plus parfaite, c'est la bienveillance réciproque entre deux amis égaux. Or, cette bienveillance ne suppose-t-elle pas, aussi, la sincérité, telle que la décrit Montesquieu ?

Pour le philosophe des Lumières, précisément, l'amitié a perdu sa valeur dès lors que les amis sont devenus des « flatteurs », qui ménagent « l'orgueil », et contribuent à l'aveuglement de la personne. Il dénonce l'« amitié agrément », bien loin de la véritable « philia », faite d'amour et d'authenticité :

Ce sont les louanges continuelles, que nous levons sur eux comme des tributs.

Pascal et les chimères

Qu'est-ce qu'une véritable amitié ?
Un portrait de Blaise Pascal (© Georgios Kollidas - 123RF)

Montesquieu dénonce l'amitié comme une « vertu de théâtre », ou encore « une chimère ». Il vise par là l'ensemble des Hommes, comme le montre le passage du « on » au « nous ». En écrivant cela, il se rapproche de la pensée de Pascal, mathématicien et philosophe français du XVIIème siècle, qui écrivait, dans De l’Esprit géométrique, De l’art de persuader :

« les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison »

Or, dans ce que critique Montesquieu, c'est exactement cela : les amitiés sont dévoyées, puisqu'elles sont nourris par des intérêts et ne s'offrent pas gratuitement. L'homme ne cherche que la flatterie, « les louanges continuelles », et c'est ainsi qu'untel se rapproche d'un autre - bien loin de l'exigence de sincérité posé par Montesquieu :

« toujours séduits par la même erreur, nous ne prenons des amis que pour avoir des gens particulièrement destinés à nous plaire : notre estime finit avec leur complaisance »

Diogène le cynique

Le dernier argument d'autorité, qui conclut notre extrait, c'est celui de Diogène.

Diogène est un philosophe grec connu pour son cynisme. Dans le texte de Montesquieu, il fait figure de sage : il incarne la rigueur intellectuelle qui manque aux Hommes se laissant flatter par amour pour leur ego.

A contrario, Diogène méprisait la bassesse et les faiblesses des Hommes, c'est-à-dire les honneurs, les louanges, les flatteries et autres agréments - tout ce qui est dénoncé par Montesquieu...

Montesquieu s'inscrit donc dans la logique de cette pensée radicale : une amitié sans sincérité n'a pas de valeur. Pire, c'est une amitié morte, c'est un néant :

« une telle amitié encore un coup, n'en a que ces inscriptions que l'on met sur les tombeaux qui ne sont que de vains signes de ce qui n'est point »

Aussi, de mal nommer cette amitié qui n'en est point, c'est encore ajouter au mensonge, et c'est se laisser béatement bercer dans l'idée d'un bonheur absolument faux.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.