Chapitres
- 01. Le bassin méditerranéen : une entité géographique
- 02. Histoire du bassin méditerranéen
- 03. Méditerranée : frontière entre le nord et le sud ?
- 04. Les flux démographiques de l'espace méditerranéen
- 05. Les échanges économiques entre les rives nord et sud
- 06. Les tensions dans l'espace méditerranéen
Carrefour ancien de civilisations, le bassin méditerranéen rassemble près de 250 millions de personnes, dans 25 pays qui ont un commun un climat dit « méditerranéen » et des paysages caractéristiques. Les flux qui le traversent sont importants et variés : la mer Méditerranée a toujours été un espace de contact entre les civilisations, entre des économies et des sociétés inégalement développées. Cette mer constitue-t-elle une frontière, emblématique de la fracture mondiale ? Fait-elle plutôt figure d'interface, d'espace de liaison entre deux mondes ?
Le bassin méditerranéen : une entité géographique
C'est la mer Méditerranée qui donne son unité au lieu. Cette mer, presque fermée à l'ouest par le détroit de Gibraltar, ressemble à une mer intérieure. Vaste (2,5 millions de km²), elle est aussi assez étroite puisque seuls 140 km séparent la Sicile de la Tunisie. Espace de transit entre l'océan Atlantique et l'océan Indien, c'est l'une des mers les plus fréquentées du monde.
Surmontées de massifs montagneux, ses côtes forment des plaines étroites dans lesquelles se concentrent les populations. Les rivages de la Méditerranée sont dans l'ensemblefortement urbanisés, cette tendance étant renforcée par l'essor du tourisme au xxe siècle.
Le climat méditerranéen, caractérisé par des étés secs et chauds, est également un facteur d'identité et détermine un milieu naturel fragile, sujet à différents risques (incendies, crues destructrices, séismes également), et dans lequel le problème de l'approvisionnement en eau se pose avec plus ou moins d'acuité.
Histoire du bassin méditerranéen
La Méditerranée a constitué, par le passé, un espace de civilisation majeur : Phéniciens et Grecs y ont établi des comptoirs, à l'origine de nombreux ports actuels. Cependant ce sont les Romains qui se sont attachés à en conquérir les différentes côtes, faisant de cette mer, surnommée mare nostrum (« notre mer »), un espace profondément imprégné de culture romaine.
Le bassin méditerranéen a vu la diffusion, sinon la naissance, des trois religions monothéistes : judaïsme, christianisme et islam. Elle a longtemps été un terrain d'affrontements mais aussi d'échanges entre les différentes civilisations.
Au xixe siècle, la conquête coloniale a mis en place des rapports de domination mais aussi de relations privilégiées entre les rives nord et sud (notamment entre la France et les pays du Maghreb).
Méditerranée : frontière entre le nord et le sud ?
En leçon géographie, la fracture entre pays du Nord et pays du Sud passe aussi par la Méditerranée : comportements démographiques et niveaux de vie opposent, globalement, les rives nord et sud.
C'est dans le domaine démographique que la frontière est la plus marquée. Les pays européens (qui font partie du Nord) ont tous achevé leur transition démographique et leur taux de fécondité est très faible (1,2 enfant par femme en Italie ou en Espagne ; 1,9 en France). En revanche, dans les pays situés au sud de la Méditerranée, de la Turquie au Maroc, l'accroissement naturel est encore très fort : la fécondité reste élevée, presque partout supérieure à 2,5 enfants par femme. Ce décalage s'explique à la fois par le statut des femmes dans la société, le poids des traditions et de la religion et le mode de vie. Ce poids démographique (au Maghreb, un tiers de la population a moins de 15 ans) pose cependant de véritables défis aux États, en matière de scolarisation, de logement ou d'emploi.
La rive nord de la Méditerranée, européenne, est nettement plus riche et plus développée que la rive sud. De Valence (Espagne) à Rome (Italie), par exemple, s'étend une zone très urbanisée, très développée, bien reliée au nord de l'Europe, forte d'une économie diversifiée (espaces agricoles spécialisés, tissu industriel dense et activités tertiaires en plein essor, dont le tourisme). L'IDH est ainsi supérieur à 0,85 dans la grande majorité des pays de la rive nord, inférieur dans ceux de la rive sud.
Il faut cependant affiner l'analyse : certains pays situés au nord, comme l'Albanie ou la Bosnie, sont dans une situation économique précaire. Au sud, les hydrocarbures « gonflent » le PNB de la Libye et de l'Algérie, sans pour autant résoudre le problème de leur développement ; dans cette zone, Israël fait figure d'exception. La limite Nord-Sud au niveau de la Méditerranée n'est donc ni nette, ni linéaire. Le bassin méditerranéen forme un espace complexe, avec sa dynamique propre, qui supporte d'importants flux d'échanges. C'est pourquoi on peut parler d'interface.
Les flux démographiques de l'espace méditerranéen
Au cours du xxe siècle, les pays du nord de l'Europe ont accueilli plusieurs vagues d'immigrants originaires du sud, en quête d'un travail : immigrants italiens, espagnols, portugais et maghrébins en France, immigrants turcs en Allemagne.
Dans les années 1980, les flux se sont cependant modifiés. L'Italie et la péninsule Ibérique sont devenues à leur tour des pays d'arrivée, alors que les destinations traditionnelles, comme la France, fermaient leurs frontières. Cette tendance s'est accentuée avec la création de l'espace Schengen (disparition des frontières internes entre pays de l'UE).
Deux autres tendances doivent êtres signalées : de plus en plus de migrants, notamment d'Afrique noire, transitent par le Maghreb pour tenter d'atteindre l'Europe. Le Moyen-Orient pétrolier draine, lui, une main-d'œuvre provenant du bassin oriental de la Méditerranée.
Au sein du bassin méditerranéen, les principaux foyers d'émigration sont aujourd'hui : la Turquie et l'Égypte (environ 2,5 millions de personnes), le Maroc, l'Algérie et la Jordanie, suivies par la Tunisie. Cette émigration économique concerne essentiellement des hommes jeunes et non qualifiés.
Ces flux de migration définitive se sont doublés, plus récemment, de migrations temporaires liées au tourisme. Les rivages marocain ou tunisien sont désormais des lieux de villégiature. Si leur développement touristique est moindre que celui des littoraux espagnols, français, grecs ou italiens, ils ont un impact réel sur l'économie locale et constituent une source de devises non négligeable.
Les échanges économiques entre les rives nord et sud
Entre les deux rives, les échanges économiques sont importants, mais de natures différentes. Les pays européens exportent 6 fois plus que le reste du pourtour méditerranéen, et essentiellement des produits manufacturés. À l'inverse, les pays du Sud méditerranéen exportent des matériaux bruts ou peu élaborés : produits agricoles, hydrocarbures libyens ou algériens (90 % des exportations de ces deux pays). Les échanges sont donc globalement inégaux.
Les échanges informels, légaux ou pas, constituent une part non négligeable, mais non quantifiable, des flux de capitaux (transferts financiers des populations immigrées vers leur pays d'origine, par exemple). On note une augmentation des IDE (investissements directs à l'étranger) des pays du Nord, notamment dans le cadre d'opérations de délocalisations industrielles.
Depuis quelques années, l'Union européenne tente de rééquilibrer ses échanges avec ses voisins méridionaux. En 1995, la conférence de Barcelone a ainsi validé le principe d'une coopération transméditerranéenne. Cela a débouché sur une série d'accords de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Sud méditerranéen (Maroc et Tunisie, notamment) et sur une union douanière avec la Turquie. Vingt ans après l'adhésion de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal à l'Union européenne, Malte et Chypre y ont également fait leur entrée. La Turquie et le Maroc sont officiellement candidats.
La polarisation des échanges reste très forte : à l'exception d'Israël, les pays du Sud-Est méditerranéen réalisent l'essentiel de leurs échanges avec l'Union européenne. Si ce marché reste secondaire pour les pays européens, ces échanges sont en revanche indispensables aux économies des pays de la rive sud, ce qui les rend nettement dépendants.
Les tensions dans l'espace méditerranéen
Face aux risques naturels comme les séismes, fréquents dans la région, ou au problème de l'eau, les populations ne sont pas dans une situation comparable : la vulnérabilité des pays de la rive sud est bien plus forte.
La croissance urbaine galopante pose également toutes sortes de problèmes : maîtrise de l'urbanisme, approvisionnement en eau, chômage et tensions sociales sont autant d'enjeux que les cités du Sud, en plein essor, doivent prendre en compte.
Le bassin méditerranéen est aussi une zone géopolitique particulièrement sensible, où se concentrent de nombreux conflits. L'éclatement de la Yougoslavie et le regain du nationalisme dans la péninsule balkanique, la division de Chypre, la question des minorités, kabyle ou kurde, l'affrontement israélo-palestinien en sont l'illustration. Les rivalités pour la maîtrise des grands fleuves (Nil, Tigre, Euphrate, Jourdain) constituent également un facteur d'instabilité. La montée du fondamentalisme religieux dans le monde arabe, enfin, fait peser une menace sur l'ensemble de la région.
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