« Un jugement trop prompt est souvent sans justice », tels sont les mots de Voltaire. En effet l'auteur apparaît comme le champion de la justice au sein de cette société vénale du 18e siècle. Il a obtenu la réhabilitation du protestant Cabas, accusé sans preuve et exécuté dans une atmosphère de passion fanatique. Zadig réunit parfaitement les éléments constitutifs du comte philosophique : un style directe, clair et volontiers ironique, une audace irrespectueuse et une signification symbolique au service des Lumières. C'est ainsi que dans cet extrait l'auteur fait la satire du système judiciaire tout en y introduisant un regard moqueur sur l'entourage servile voir docile du roi.

Voltaire aborde la critique du système judiciaire par le biais de l'anecdote, c'est-à-dire sous forme de petite histoire divertissante ou pittoresque. Cette condamnation n'est pas notée en toutes lettres, c'est à l'intérieur de ce qui se passe et de ce qui arrive au protagoniste qu'il faut dégager la critique voltairienne en l'occurrence celle de la justice pour ce passage.

Zadig est accusé par l'eunuque et le grand veneur, deux personnages fort intéressés, d'avoir volé la chienne et le cheval de la reine. Cette simple affirmation émanant des serviteurs royaux suffit au tribunal à condamner immédiatement le protagoniste. Ce dernier est donc blâmé sur de simples soupçons, voir apparences. En outre cette condamnation remonte aux allégations émises par de cupide témoins et donc nullement impartiaux. Aucune instruction n'est entamée, l'inculpé ne jouit pas de la présomption d'innocence, nous sommes donc confrontés à un non-respect du principe « in dubio pro reo » Voltaire désapprouve donc la justice expéditive et arbitraire.

A ceci s'ajoute que la sentence est impitoyable et largement disproportionnée car le personnage est condamné au supplice ainsi qu'à l'exil perpétuel. L'auteur souligne ici le caractère implacable et inhumain de cette institution.

Grand coup de théâtre par la suite, les juges sont obligés de réformer leur verdict, car la chienne et le cheval ont été retrouvés, néanmoins les magistrats continuent de s'acharner contre l'inculpé, pourtant innocenté par les faits du crime dont il a été accusé. Malgré la preuve irréfutable d'une erreur judiciaire, les juges de cette époque, naturellement arrogants, cupides, injustes, bornés, ignorants et impolis ne sont guère aptes à reconnaître leurs erreurs en s'excusant, au contraire ils n'ont point de peine à inventer un nouveau chef d'accusation : un mensonge, étant donné que Zadig a réellement décrit ce qu'il n'avait point vu.

Outre ces irrégularités, la justice ne respecte même pas le principe fondamental du droit moderne : Toute personne accusée d'un crime a le droit de plaider sa cause et de se défendre. Voltaire critique donc le caractère vénal et corrompu de l'institution. C'est ainsi que cette institution normalement droite, équilibrée et juste réclame son dû avant même de laisser la parole à l'accusé.

C'est d'ailleurs le discours sarcastique et ironique de Zadig qui révèle les principaux défauts des représentants de la justice. Il y souligne leur caractère borné, leur ignorance, leur lourdeur, leur caractère implacable, leur injustice et leur cupidité. L'éclat du diamant, ainsi que les affinités avec l'or en disent long quant à la corruption, l'incapacité et la subjectivité des juges français du 18e siècle. Le caractère absurde des juges atteint son paroxysme lorsque les représentants de la justice admirent la sagacité de Zadig, tandis qu'ils ne remarquent même pas les reproches que le protagoniste leur fait.

On constate dans ce passage que le verbe « juger » a pour seul sujet grammatical Zadig. Quant aux juges, ils ne font que « condamner » : Zadig seul est soucieux d'établir la vérité et de la défendre comme une valeur. Les représentants de la justice abusent de leur pouvoir et restreignent leur fonction au seul droit de « condamner » les accusés, fussent-ils, comme Zadig, innocents. L'établissement de la vérité ne les intéresse point.

En apparence le monarque, garant de la justice dans une monarchie absolue, se montre plus sage et plus clément que la justice. Néanmoins, on remarque qu'il intercède en faveur de Zadig que lorsque celui-ci s'est acquis un prestige certain dans la société babylonienne. Bien que détenteur du pouvoir absolu, le roi semble donc influençable par l'avis de ces courtisans. Les différents pouvoirs ne sont pas séparés ce qui de nouveau constitue une critique contre la royauté absolue.

L'absurde s'accroît de plus en plus vers la fin, bien que disgracié et innocenté, Zadig doit payer les frais de justice, ce qui lui revient d'ailleurs plus cher que s'il avait réglé le montant de l'amende imposée puis remise. N'est-ce pas là de nouveau une preuve de la cupidité des juges ?

L'absurde atteint même un seuil grotesque étant donné qu'après avoir été condamné pour vol et ensuite pour mensonge, Zadig est cette fois-ci réprimandé pour s'être tu. L'amende est nettement plus élevée et de plus Zadig remercie ses juges de leur clémence. N'est-il pas pitoyable de voir un tel système judiciaire ?

« La loi qui permettrait d'emprisonner un citoyen sans information préalable et sans formalité juridique serait tolérable dans un temps de trouble ou de guerre, elle serait tortionnaire et tyrannique en temps de paix » Cette pensée voltairienne, issue de son dictionnaire philosophique, résume bien les thèmes principaux du texte. Cela dit je désire aussi souligner la légère critique indirecte que Voltaire lance contre le système religieux, car les mages prônent l'obscurantisme religieux tandis qu'ils refusent toute interprétation scientifique. L'opportunisme, la vanité et l'injustice auront donc le dernier mot.

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !