Vous trouverez ici le texte intégral des actes I et II (jusqu'à la scène V) de Les Fourberies de Scapin de Molière.

Voici tout d'abord un tableau récapitulatif des personnages de la pièce :

NomDescription
ArgantePère d'Octave et de Zerbinette
GérontePère de Léandre et de Hyacinte
OctaveFils d'Argante et amant de Hyacinte
LéandreFils de Géronte et amant de Zerbinette
ZerbinetteCrue Egyptienne, puis reconnue fille d'Argante et amante de Léandre
HyacinteFille de Léonte et amante d'Octave
ScapinValet fourbe de Léandre
SilvestreValet d'Octave
NérineNourrice de Hyacinte
CarleFourbe
Deux porteursPersonnages secondaires

La scène est à Naples.

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C'est parti

La pièce : partie 1

Quelle est l'intrigue de l'œuvre théâtrale Les Fourberies de Scapin de Jean-Baptiste Poquelin ?
Molière est l'un des plus grands artistes de la culture française et il est régulièrement étudié au collège et au lycée !

ACTE I

Scène 1

Octave, Silvestre.
Octave
Ah ! fâcheuses nouvelles pour un cœur amoureux ! Dures extrémités où je me vois réduit ! Tu viens, Silvestre, d’apprendre au port, que mon père revient ?

Silvestre
Oui.

Octave
Qu’il arrive ce matin même ?

Silvestre
Ce matin même.

Octave
Et qu’il revient dans la résolution de me marier ?

Silvestre
Oui.

Octave
Avec une fille du seigneur Géronte ?

Silvestre
Du seigneur Géronte.

Octave
Et que cette fille est mandée de Tarente ici pour cela ?

Silvestre
Oui.

Octave
Et tu tiens ces nouvelles de mon oncle ?

Silvestre
De votre oncle.

Octave
À qui mon père les a mandées par une lettre ?

Silvestre
Par une lettre.

Octave
Et cet oncle, dis-tu, sait toutes nos affaires.

Silvestre
Toutes nos affaires.

Octave
Ah ! parle, si tu veux, et ne te fais point, de la sorte, arracher les mots de la bouche.

Silvestre
Qu’ai-je à parler davantage ? Vous n’oubliez aucune circonstance, et vous dites les choses tout justement comme elles sont.

Octave
Conseille-moi, du moins, et me dis ce que je dois faire dans ces cruelles conjonctures.

Silvestre
Ma foi ! je m’y trouve autant embarrassé que vous, et j’aurais bon besoin que l’on me conseillât moi-même.

Octave
Je suis assassiné par ce maudit retour.

Silvestre
Je ne le suis pas moins.

Octave
Lorsque mon père apprendra les choses, je vais voir fondre sur moi un orage soudain d’impétueuses réprimandes.

Silvestre
Les réprimandes ne sont rien ; et plût au Ciel que j’en fusse quitte à ce prix ! Mais j’ai bien la mine, pour moi, de payer plus cher vos folies, et je vois se former de loin un nuage de coups de bâton qui crèvera sur mes épaules.

Octave
Ô Ciel ! par où sortir de l’embarras où je me trouve ?

Silvestre
C’est à quoi vous deviez songer, avant que de vous y jeter.

Octave
Ah ! tu me fais mourir par tes leçons hors de saison.

Silvestre
Vous me faites bien plus mourir par vos actions étourdies.

Octave
Que dois-je faire ? Quelle résolution prendre ? À quel remède recourir ?

Scène 2

Scapin, Octave, Silvestre.
Scapin
Qu’est-ce, Seigneur Octave, qu’avez-vous ? Qu’y a-t-il ? Quel désordre est-ce là ? Je vous vois tout troublé.

Octave
Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu, je suis désespéré, je suis le plus infortuné de tous les hommes.

Scapin
Comment ?

Octave
N’as-tu rien appris de ce qui me regarde ?

Scapin
Non.

Octave
Mon père arrive avec le seigneur Géronte, et ils me veulent marier.

Scapin
Hé bien ! qu’y a-t-il là de si funeste ?

Octave
Hélas ! tu ne sais pas la cause de mon inquiétude ?

Scapin
Non ; mais il ne tiendra qu’à vous que je la sache bientôt ; et je suis homme consolatif, homme à m’intéresser aux affaires des jeunes gens.

Octave
Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, je croirais t’être redevable de plus que de la vie.

Scapin
À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier ; mais, ma foi ! le mérite est trop maltraité aujourd’hui, et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva.

Octave
Comment ? Quelle affaire, Scapin ?

Scapin
Une aventure où je me brouillai avec la justice.

Octave
La justice !

Scapin
Oui, nous eûmes un petit démêlé ensemble.

Silvestre
Toi et la justice ?

Scapin
Oui. Elle en usa fort mal avec moi, et je me dépitai de telle sorte contre l’ingratitude du siècle que je résolus de ne plus rien faire. Baste ! Ne laissez pas de me conter votre aventure.

Octave
Tu sais, Scapin, qu’il y a deux mois que le seigneur Géronte et mon père s’embarquèrent ensemble pour un voyage qui regarde certain commerce où leurs intérêts sont mêlés.

Scapin
Je sais cela.

Octave
Et que Léandre et moi nous fûmes laissés par nos pères, moi sous la conduite de Silvestre, et Léandre sous ta direction.

Scapin
Oui : je me suis fort bien acquitté de ma charge.

Octave
Quelque temps après, Léandre fit rencontre d’une jeune Égyptienne dont il devint amoureux.

Scapin
Je sais cela encore.

Octave
Comme nous sommes grands amis, il me fit aussitôt confidence de son amour, et me mena voir cette fille, que je trouvai belle à la vérité, mais non pas tant qu’il voulait que je la trouvasse. Il ne m’entretenait que d’elle chaque jour ; m’exagérait à tous moments sa beauté et sa grâce ; me louait son esprit, et me parlait avec transport des charmes de son entretien, dont il me rapportait jusqu’aux moindres paroles, qu’il s’efforçait toujours de me faire trouver les plus spirituelles du monde. Il me querellait quelquefois de n’être pas assez sensible aux choses qu’il me venait dire, et me blâmait sans cesse de l’indifférence où j’étais pour les feux de l’amour.

Scapin
Je ne vois pas encore où ceci veut aller.

Octave
Un jour que je l’accompagnais pour aller chez les gens qui gardent l’objet de ses vœux, nous entendîmes dans une petite maison d’une rue écartée, quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots. Nous demandons ce que c’est. Une femme nous dit en soupirant, que nous pouvions voir là quelque chose de pitoyable en des personnes étrangères, et qu’à moins que d’être insensibles, nous en serions touchés.

Scapin
Où est-ce que cela nous mène ?

Octave
La curiosité me fit presser Léandre de voir ce que c’était. Nous entrons dans une salle, où nous voyons une vieille femme mourante, assistée d’une servante qui faisait des regrets, et d’une jeune fille toute fondante en larmes, la plus belle, et la plus touchante qu’on puisse jamais voir.

Scapin
Ah, ah !

Octave
Une autre aurait paru effroyable en l’état où elle était ; car elle n’avait pour habillement qu’une méchante petite jupe avec des brassières de nuit qui étaient de simple futaine, et sa coiffure était une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui laissait tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules ; et cependant, faite comme cela, elle brillait de mille attraits, et ce n’était qu’agréments et que charmes que toute sa personne.

Scapin
Je sens venir les choses.

Octave
Si tu l’avais vue, Scapin, en l’état que je dis, tu l’aurais trouvée admirable.

Scapin
Oh ! je n’en doute point ; et sans l’avoir vue, je vois bien qu’elle était tout à fait charmante.

Octave
Ses larmes n’étaient point de ces larmes désagréables qui défigurent un visage ; elle avait à pleurer une grâce touchante, et sa douleur était la plus belle du monde.

Scapin
Je vois tout cela.

Octave
Elle faisait fondre chacun en larmes, en se jetant amoureusement sur le corps de cette mourante, qu’elle appelait sa chère mère ; et il n’y avait personne qui n’eût l’âme percée de voir un si bon naturel.

Scapin
En effet, cela est touchant ; et je vois bien que ce bon naturel-là vous la fit aimer.

Octave
Ah ! Scapin, un barbare l’aurait aimée.

Scapin
Assurément : Le moyen de s’en empêcher ?

Octave
Après quelques paroles, dont je tâchai d’adoucir la douleur de cette charmante affligée, nous sortîmes de là ; et demandant à Léandre ce qu’il lui semblait de cette personne, il me répondit froidement qu’il la trouvait assez jolie. Je fus piqué de la froideur avec laquelle il m’en parlait, et je ne voulus point lui découvrir l’effet que ses beautés avaient fait sur mon âme.

Silvestre
Si vous n’abrégez ce récit, nous en voilà pour jusqu’à demain. Laissez-le-moi finir en deux mots. Son cœur prend feu dès ce moment. Il ne saurait plus vivre, qu’il n’aille consoler son aimable affligée. Ses fréquentes visites sont rejetées de la servante, devenue la gouvernante par le trépas de la mère : voilà mon homme au désespoir. Il presse, supplie, conjure : point d’affaire. On lui dit que la fille, quoique sans bien, et sans appui, est de famille honnête ; et qu’à moins que de l’épouser, on ne peut souffrir ses poursuites. Voilà son amour augmenté par les difficultés. Il consulte dans sa tête, agite, raisonne, balance, prend sa résolution : le voilà marié avec elle depuis trois jours.

Scapin
J’entends.

Silvestre
Maintenant mets avec cela le retour imprévu du père, qu’on n’attendait que dans deux mois ; la découverte que l’oncle a faite du secret de notre mariage, et l’autre mariage qu’on veut faire de lui avec la fille que le seigneur Géronte a eue d’une seconde femme qu’on dit qu’il a épousée à Tarente.

Octave
Et par-dessus tout cela, mets encore l’indigence où se trouve cette aimable personne, et l’impuissance où je me vois d’avoir de quoi la secourir.

Scapin
Est-ce là tout ? Vous voilà bien embarrassés tous deux pour une bagatelle. C’est bien là de quoi se tant alarmer. N’as-tu point de honte, toi, de demeurer court à si peu de chose ? Que diable ! te voilà grand et gros comme père et mère, et tu ne saurais trouver dans ta tête, forger dans ton esprit quelque ruse galante, quelque honnête petit stratagème, pour ajuster vos affaires ? Fi ! Peste soit du butor ! Je voudrais bien que l’on m’eût donné autrefois nos vieillards à duper ; je les aurais joués tous deux par-dessous la jambe ; et je n’étais pas plus grand que cela, que je me signalais déjà par cent tours d’adresse jolis.

Silvestre
J’avoue que le Ciel ne m’a pas donné tes talents, et que je n’ai pas l’esprit, comme toi, de me brouiller avec la justice.

Octave
Voici mon aimable Hyacinte.

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Scène 3

Hyacinte, Octave, Scapin, Silvestre.
Hyacinte
Ah ! Octave, est-il vrai ce que Silvestre vient de dire à Nérine ? que votre père est de retour, et qu’il veut vous marier ?

Octave
Oui, belle Hyacinte, et ces nouvelles m’ont donné une atteinte cruelle. Mais que vois-je ? vous pleurez ! Pourquoi ces larmes ? Me soupçonnez-vous, dites-moi, de quelque infidélité, et n’êtes-vous pas assurée de l’amour que j’ai pour vous ?

Hyacinte
Oui, Octave, je suis sûre que vous m’aimez ; mais je ne le suis pas que vous m’aimiez toujours.

Octave
Eh ! peut-on vous aimer qu’on ne vous aime toute sa vie ?

Hyacinte
J’ai ouï dire, Octave, que votre sexe aime moins longtemps que le nôtre, et que les ardeurs que les hommes font voir sont des feux qui s’éteignent aussi facilement qu’ils naissent.

Octave
Ah ! ma chère Hyacinte, mon cœur n’est donc pas fait comme celui des autres hommes, et je sens bien pour moi que je vous aimerai jusqu’au tombeau.

Hyacinte
Je veux croire que vous sentez ce que vous dites, et je ne doute point que vos paroles ne soient sincères ; mais je crains un pouvoir qui combattra dans votre cœur les tendres sentiments que vous pouvez avoir pour moi. Vous dépendez d’un père, qui veut vous marier à une autre personne ; et je suis sûre que je mourrai, si ce malheur m’arrive.

Octave
Non, belle Hyacinte, il n’y a point de père qui puisse me contraindre à vous manquer de foi, et je me résoudrai à quitter mon pays, et le jour même, s’il est besoin, plutôt qu’à vous quitter. J’ai déjà pris, sans l’avoir vue, une aversion effroyable pour celle que l’on me destine ; et, sans être cruel, je souhaiterais que la mer l’écartât d’ici pour jamais. Ne pleurez donc point, je vous prie, mon aimable Hyacinte, car vos larmes me tuent, et je ne les puis voir sans me sentir percer le cœur.

Hyacinte
Puisque vous le voulez, je veux bien essuyer mes pleurs, et j’attendrai d’un œil constant ce qu’il plaira au Ciel de résoudre de moi.

Octave
Le Ciel nous sera favorable.

Hyacinte
Il ne saurait m’être contraire, si vous m’êtes fidèle.

Octave
Je le serai assurément.

Hyacinte
Je serai donc heureuse.

Scapin, à part.
Elle n’est point tant sotte, ma foi ! et je la trouve assez passable.

Octave, montrant Scapin.
Voici un homme qui pourrait bien, s’il le voulait, nous être dans tous nos besoins, d’un secours merveilleux.

Scapin
J’ai fait de grands serments de ne me mêler plus du monde ; mais, si vous m’en priez bien fort tous deux, peut-être…

Octave
Ah ! s’il ne tient qu’à te prier bien fort pour obtenir ton aide, je te conjure de tout mon cœur de prendre la conduite de notre barque.

Scapin, à Hyacinte.
Et vous, ne me dites-vous rien ?

Hyacinte
Je vous conjure, à son exemple, par tout ce qui vous est le plus cher au monde, de vouloir servir notre amour.

Scapin
Il faut se laisser vaincre, et avoir de l’humanité. Allez, je veux m’employer pour vous.

Octave
Crois que…

Scapin
Chut ! (À Hyacinte.) Allez-vous-en, vous, et soyez en repos. (À Octave.) Et vous, préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre père.

Octave
Je t’avoue que cet abord me fait trembler par avance, et j’ai une timidité naturelle que je ne saurais vaincre.

Scapin
Il faut pourtant paraître ferme au premier choc, de peur que, sur votre faiblesse, il ne prenne le pied de vous mener comme un enfant. Là, tâchez de vous composer par étude un peu de hardiesse, et songez à répondre résolument sur tout ce qu’il pourra vous dire.

Octave
Je ferai du mieux que je pourrai.

Scapin
Çà, essayons un peu, pour vous accoutumer. Répétons un peu votre rôle et voyons si vous ferez bien. Allons. La mine résolue, la tête haute, les regards assurés.

Octave
Comme cela ?

Scapin
Encore un peu davantage.

Octave
Ainsi ?

Scapin
Bon. Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement comme si c’était à lui-même. « Comment, pendard, vaurien, infâme, fils indigne d’un père comme moi, oses-tu bien paraître devant mes yeux après tes bons déportements, après le lâche tour que tu m’as joué pendant mon absence ? Est-ce là le fruit de mes soins, maraud ? est-ce là le fruit de mes soins ? le respect qui m’est dû ? le respect que tu me conserves ? » Allons donc. « Tu as l’insolence, fripon, de t’engager sans le consentement de ton père, de contracter un mariage clandestin ? Réponds-moi, coquin, réponds-moi. Voyons un peu tes belles raisons. » Oh ! que diable ! vous demeurez interdit !

Octave
C’est que je m’imagine que c’est mon père que j’entends.

Scapin
Eh ! oui. C’est par cette raison qu’il ne faut pas être comme un innocent.

Octave
Je m’en vais prendre plus de résolution, et je répondrai fermement.

Scapin
Assurément ?

Octave
Assurément.

Silvestre
Voilà votre père qui vient.

Octave
Ô Ciel ! je suis perdu.

Scapin
Holà ! Octave, demeurez. Octave ! Le voilà enfui. Quelle pauvre espèce d’homme ! Ne laissons pas d’attendre le vieillard.

Silvestre
Que lui dirai-je ?

Scapin
Laisse-moi dire, moi, et ne fais que me suivre.

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La pièce : partie 2

Comment lire la pièce de théâtre Les Fourberies de Scapin de Molière ?
Les Fourberies de Scapin est l'une des pièces de théâtre les plus connues de Molière ! (source : Youtube)

Scène 4

Argante, Scapin, Silvestre.
Argante, se croyant seul.
A-t-on jamais ouï parler d’une action pareille à celle-là ?

Scapin, à Silvestre.
Il a déjà appris l’affaire, et elle lui tient si fort en tête que tout seul il en parle haut.

Argante, se croyant seul.
Voilà une témérité bien grande !

Scapin, à Silvestre.
Écoutons-le un peu.

Argante, se croyant seul.
Je voudrais bien savoir ce qu’ils me pourront dire sur ce beau mariage.

Scapin, à part.
Nous y avons songé.

Argante, se croyant seul.
Tâcheront-ils de me nier la chose ?

Scapin, à part.
Non, nous n’y pensons pas.

Argante, se croyant seul.
Ou s’ils entreprendront de l’excuser ?

Scapin, à part.
Celui-là se pourra faire.

Argante, se croyant seul.
Prétendront-ils m’amuser par des contes en l’air ?

Scapin, à part.
Peut-être.

Argante, se croyant seul.
Tous leurs discours seront inutiles.

Scapin, à part.
Nous allons voir.

Argante, se croyant seul.
Ils ne m’en donneront point à garder.

Scapin, à part.
Ne jurons de rien.

Argante, se croyant seul.
Je saurai mettre mon pendard de fils en lieu de sûreté.

Scapin, à part.
Nous y pourvoirons.

Argante, se croyant seul.
Et pour le coquin de Silvestre, je le rouerai de coups.

Silvestre, à Scapin.
J’étais bien étonné s’il m’oubliait.

Argante, apercevant Silvestre.
Ah ! ah ! vous voilà donc, sage gouverneur de famille, beau directeur de jeunes gens.

Scapin
Monsieur, je suis ravi de vous voir de retour.

Argante
Bonjour, Scapin. (À Silvestre.) Vous avez suivi mes ordres vraiment d’une belle manière, et mon fils s’est comporté fort sagement pendant mon absence.

Scapin
Vous vous portez bien, à ce que je vois ?

Argante
Assez bien. (À Silvestre.) Tu ne dis mot, coquin, tu ne dis mot.

Scapin
Votre voyage a-t-il été bon ?

Argante
Mon Dieu ! fort bon. Laisse-moi un peu quereller en repos.

Scapin
Vous voulez quereller ?

Argante
Oui, je veux quereller.

Scapin
Et qui, Monsieur ?

Argante, montrant Silvestre.
Ce maraud-là.

Scapin
Pourquoi ?

Argante
Tu n’as pas ouï parler de ce qui s’est passé dans mon absence ?

Scapin
J’ai bien ouï parler de quelque petite chose.

Argante
Comment quelque petite chose ! Une action de cette nature ?

Scapin
Vous avez quelque raison.

Argante
Une hardiesse pareille à celle-là ?

Scapin
Cela est vrai.

Argante
Un fils qui se marie sans le consentement de son père ?

Scapin
Oui, il y a quelque chose à dire à cela. Mais je serais d’avis que vous ne fissiez point de bruit.

Argante
Je ne suis pas de cet avis, moi, et je veux faire du bruit tout mon soûl. Quoi, tu ne trouves pas que j’aie tous les sujets du monde d’être en colère ?

Scapin
Si fait, j’y ai d’abord été, moi, lorsque j’ai su la chose, et je me suis intéressé pour vous, jusqu’à quereller votre fils. Demandez-lui un peu quelles belles réprimandes je lui ai faites, et comme je l’ai chapitré sur le peu de respect qu’il gardait à un père dont il devrait baiser les pas. On ne peut pas lui mieux parler, quand ce serait vous-même. Mais quoi ? je me suis rendu à la raison, et j’ai considéré que dans le fond, il n’a pas tant de tort qu’on pourrait croire.

Argante
Que me viens-tu conter ? Il n’a pas tant de tort de s’aller marier de but en blanc avec une inconnue ?

Scapin
Que voulez-vous ? il y a été poussé par sa destinée.

Argante
Ah ! ah ! voici une raison la plus belle du monde. On n’a plus qu’à commettre tous les crimes imaginables, tromper, voler, assassiner, et dire pour excuse qu’on y a été poussé par sa destinée.

Scapin
Mon Dieu ! vous prenez mes paroles trop en philosophe. Je veux dire qu’il s’est trouvé fatalement engagé dans cette affaire.

Argante
Et pourquoi s’y engageait-il ?

Scapin
Voulez-vous qu’il soit aussi sage que vous ? Les jeunes gens sont jeunes, et n’ont pas toute la prudence qu’il leur faudrait, pour ne rien faire que de raisonnable : témoin notre Léandre, qui malgré toutes mes leçons, malgré toutes mes remontrances, est allé faire de son côté pis encore que votre fils. Je voudrais bien savoir si vous-même n’avez pas été jeune, et n’avez pas dans votre temps, fait des fredaines comme les autres. J’ai ouï dire, moi, que vous avez été autrefois un compagnon parmi les femmes, que vous faisiez de votre drôle avec les plus galantes de ce temps-là, et que vous n’en approchiez point que vous ne poussassiez à bout.

Argante
Cela est vrai. J’en demeure d’accord ; mais je m’en suis toujours tenu à la galanterie, et je n’ai point été jusqu’à faire ce qu’il a fait.

Scapin
Que vouliez-vous qu’il fît ? Il voit une jeune personne qui lui veut du bien (car il tient de vous, d’être aimé de toutes les femmes). Il la trouve charmante. Il lui rend des visites, lui conte des douceurs, soupire galamment, fait le passionné. Elle se rend à sa poursuite. Il pousse sa fortune. Le voilà surpris avec elle par ses parents, qui, la force à la main, le contraignent de l’épouser.

Silvestre, à part.
L’habile fourbe que voilà !

Scapin
Eussiez-vous voulu qu’il se fût laissé tuer ? Il vaut mieux encore être marié qu’être mort.

Argante
On ne m’a pas dit que l’affaire se soit ainsi passée.

Scapin, montrant Silvestre.
Demandez-lui plutôt : Il ne vous dira pas le contraire.

Argante, à Silvestre.
C’est par force qu’il a été marié ?

Silvestre
Oui, Monsieur.

Scapin
Voudrais-je vous mentir ?

Argante
Il devait donc aller tout aussitôt protester de violence chez un notaire.

Scapin
C’est ce qu’il n’a pas voulu faire.

Argante
Cela m’aurait donné plus de facilité à rompre ce mariage.

Scapin
Rompre ce mariage !

Argante
Oui.

Scapin
Vous ne le romprez point.

Argante
Je ne le romprai point ?

Scapin
Non.

Argante
Quoi ? je n’aurai pas pour moi les droits de père, et la raison de la violence qu’on a faite à mon fils ?

Scapin
C’est une chose dont il ne demeurera pas d’accord.

Argante
Il n’en demeurera pas d’accord ?

Scapin
Non.

Argante
Mon fils ?

Scapin
Votre fils. Voulez-vous qu’il confesse qu’il ait été capable de crainte, et que ce soit par force qu’on lui ait fait faire les choses ? Il n’a garde d’aller avouer cela. Ce serait se faire tort, et se montrer indigne d’un père comme vous.

Argante
Je me moque de cela.

Scapin
Il faut, pour son honneur, et pour le vôtre, qu’il dise dans le monde que c’est de bon gré qu’il l’a épousée.

Argante
Et je veux moi, pour mon honneur et pour le sien, qu’il dise le contraire.

Scapin
Non, je suis sûr qu’il ne le fera pas.

Argante
Je l’y forcerai bien.

Scapin
Il ne le fera pas, vous dis-je.

Argante
Il le fera, ou je le déshériterai.

Scapin
Vous ?

Argante
Moi.

Scapin
Bon.

Argante
Comment, bon ?

Scapin
Vous ne le déshériterez point.

Argante
Je ne le déshériterai point ?

Scapin
Non.

Argante
Non ?

Scapin
Non.

Argante
Hoy ! Voici qui est plaisant : je ne déshériterai pas mon fils.

Scapin
Non, vous dis-je.

Argante
Qui m’en empêchera ?

Scapin
Vous-même.

Argante
Moi ?

Scapin
Oui. Vous n’aurez pas ce cœur-là.

Argante
Je l’aurai.

Scapin
Vous vous moquez.

Argante
Je ne me moque point.

Scapin
La tendresse paternelle fera son office.

Argante
Elle ne fera rien.

Scapin
Oui, oui.

Argante
Je vous dis que cela sera.

Scapin
Bagatelles.

Argante
Il ne faut point dire bagatelles.

Scapin
Mon Dieu ! je vous connais, vous êtes bon naturellement.

Argante
Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je veux. Finissons ce discours qui m’échauffe la bile. (À Silvestre) Va-t’en, pendard, va-t’en me chercher mon fripon, tandis que j’irai rejoindre le seigneur Géronte, pour lui conter ma disgrâce.

Scapin
Monsieur, si je vous puis être utile en quelque chose, vous n’avez qu’à me commander.

Argante
Je vous remercie. (À part) Ah ! pourquoi faut-il qu’il soit fils unique ! et que n’ai-je à cette heure la fille que le Ciel m’a ôtée, pour la faire mon héritière !

Scène 5

Scapin, Silvestre.
Silvestre
J’avoue que tu es un grand homme, et voilà l’affaire en bon train ; mais l’argent d’autre part nous presse pour notre subsistance, et nous avons de tous côtés des gens qui aboient après nous.

Scapin
Laisse-moi faire, la machine est trouvée. Je cherche seulement dans ma tête un homme qui nous soit affidé, pour jouer un personnage dont j’ai besoin. Attends. Tiens-toi un peu. Enfonce ton bonnet en méchant garçon. Campe-toi sur un pied. Mets la main au côté. Fais les yeux furibonds. Marche un peu en roi de théâtre. Voilà qui est bien. Suis-moi. J’ai des secrets pour déguiser ton visage et ta voix.

Silvestre
Je te conjure au moins de ne m’aller point brouiller avec la justice.

Scapin
Va, va : nous partagerons les périls en frères ; et trois ans de galère de plus ou de moins, ne sont pas pour arrêter un noble cœur.

La pièce : partie 3

Où peut-on lire en intégralité la comédie Les Fourberies de Scapin ?
Les pièces de théâtre sont certes faites pour être représentées par des troupes de comédiens, mais on peut également les lire et tout comprendre !

ACTE II

Scène 1

Géronte, Argante.
Géronte
Oui, sans doute, par le temps qu’il fait, nous aurons ici nos gens aujourd’hui ; et un matelot qui vient de Tarente m’a assuré qu’il avait vu mon homme qui était près de s’embarquer. Mais l’arrivée de ma fille trouvera les choses mal disposées à ce que nous nous proposions ; et ce que vous venez de m’apprendre de votre fils rompt étrangement les mesures que nous avions prises ensemble.

Argante
Ne vous mettez pas en peine : je vous réponds de renverser tout cet obstacle, et j’y vais travailler de ce pas.

Géronte
Ma foi ! seigneur Argante, voulez-vous que je vous dise ? l’éducation des enfants est une chose à quoi il faut s’attacher fortement.

Argante
Sans doute. À quel propos cela ?

Géronte
À propos de ce que les mauvais déportements des jeunes gens viennent le plus souvent de la mauvaise éducation que leurs pères leur donnent.

Argante
Cela arrive parfois. Mais que voulez-vous dire par là ?

Géronte
Ce que je veux dire par là ?

Argante
Oui.

Géronte
Que si vous aviez en brave père, bien morigéné votre fils, il ne vous aurait pas joué le tour qu’il vous a fait.

Argante
Fort bien. De sorte donc que vous avez bien mieux morigéné le vôtre ?

Géronte
Sans doute, et je serais bien fâché qu’il m’eût rien fait approchant de cela.

Argante
Et si ce fils que vous avez, en brave père, si bien morigéné, avait fait pis encore que le mien ? eh ?

Géronte
Comment ?

Argante
Comment ?

Géronte
Qu’est-ce que cela veut dire ?

Argante
Cela veut dire, Seigneur Géronte, qu’il ne faut pas être si prompt à condamner la conduite des autres ; et que ceux qui veulent gloser doivent bien regarder chez eux s’il n’y a rien qui cloche.

Géronte
Je n’entends point cette énigme.

Argante
On vous l’expliquera.

Géronte
Est-ce que vous auriez ouï dire quelque chose de mon fils ?

Argante
Cela se peut faire.

Géronte
Et quoi encore ?

Argante
Votre Scapin, dans mon dépit, ne m’a dit la chose qu’en gros ; et vous pourrez de lui, ou de quelque autre, être instruit du détail. Pour moi, je vais vite consulter un avocat, et aviser des biais que j’ai à prendre. Jusqu’au revoir.

Scène 2

Léandre, Géronte.
Géronte, seul.
Que pourrait-ce être que cette affaire-ci ? Pis encore que le sien ? Pour moi, je ne vois pas ce que l’on peut faire de pis ; et je trouve que se marier sans le consentement de son père est une action qui passe tout ce qu’on peut s’imaginer. Ah ! vous voilà.

Léandre, en courant à lui pour l’embrasser.
Ah ! mon père, que j’ai de joie de vous voir de retour !

Géronte, refusant de l’embrasser.
Doucement. Parlons un peu d’affaire.

Léandre
Souffrez que je vous embrasse, et que…

Géronte, le repoussant encore.
Doucement, vous dis-je.

Léandre
Quoi ? vous me refusez, mon père, de vous exprimer mon transport par mes embrassements !

Géronte
Oui, nous avons quelque chose à démêler ensemble.

Léandre
Et quoi ?

Géronte
Tenez-vous, que je vous voie en face.

Léandre
Comment ?

Géronte
Regardez-moi entre deux yeux.

Léandre
Hé bien ?

Géronte
Qu’est-ce donc qui s’est passé ici ?

Léandre
Ce qui s’est passé ?

Géronte
Oui. Qu’avez-vous fait pendant mon absence ?

Léandre
Que voulez-vous, mon père, que j’aie fait ?

Géronte
Ce n’est pas moi qui veux que vous ayez fait, mais qui demande ce que c’est que vous avez fait.

Léandre
Moi, je n’ai fait aucune chose dont vous ayez lieu de vous plaindre.

Géronte
Aucune chose ?

Léandre
Non.

Géronte
Vous êtes bien résolu.

Léandre
C’est que je suis sûr de mon innocence.

Géronte
Scapin pourtant a dit de vos nouvelles.

Léandre
Scapin !

Géronte
Ah ! ah ! ce mot vous fait rougir.

Léandre
Il vous a dit quelque chose de moi ?

Géronte
Ce lieu n’est pas tout à fait propre à vider cette affaire, et nous allons l’examiner ailleurs. Qu’on se rende au logis. J’y vais revenir tout à l’heure. Ah ! traître, s’il faut que tu me déshonores, je te renonce pour mon fils, et tu peux bien pour jamais te résoudre à fuir de ma présence.

Scène 3

Octave, Scapin, Léandre.
Léandre
Me trahir de cette manière ! Un coquin, qui doit par cent raisons, être le premier à cacher les choses que je lui confie, est le premier à les aller découvrir à mon père. Ah ! je jure le Ciel que cette trahison ne demeurera pas impunie.

Octave
Mon cher Scapin, que ne dois-je point à tes soins ! Que tu es un homme admirable ! et que le Ciel m’est favorable, de t’envoyer à mon secours !

Léandre
Ah ! ah ! vous voilà. Je suis ravi de vous trouver, Monsieur le coquin.

Scapin
Monsieur, votre serviteur. C’est trop d’honneur que vous me faites.

Léandre, en mettant l’épée à la main.
Vous faites le méchant plaisant. Ah ! je vous apprendrai…

Scapin, se mettant à genoux.
Monsieur.

Octave, se mettant entre-deux, pour empêcher Léandre de le frapper.
Ah ! Léandre.

Léandre
Non, Octave, ne me retenez point, je vous prie.

Scapin
Eh ! Monsieur.

Octave, le retenant.
De grâce !

Léandre, voulant frapper Scapin.
Laissez-moi contenter mon ressentiment.

Octave
Au nom de l’amitié, Léandre, ne le maltraitez point.

Scapin
Monsieur, que vous ai-je fait ?

Léandre, voulant le frapper.
Ce que tu m’as fait, traître ?

Octave, le retenant.
Eh ! doucement.

Léandre
Non, Octave, je veux qu’il me confesse lui-même tout à l’heure la perfidie qu’il m’a faite. Oui, coquin, je sais le trait que tu m’as joué, on vient de me l’apprendre ; et tu ne croyais pas peut-être que l’on me dût révéler ce secret ; mais je veux en avoir la confession de ta propre bouche, ou je vais te passer cette épée au travers du corps.

Scapin
Ah ! Monsieur, auriez-vous bien ce cœur-là ?

Léandre
Parle donc.

Scapin
Je vous ai fait quelque chose, Monsieur ?

Léandre
Oui, coquin, et ta conscience ne te dit que trop ce que c’est.

Scapin
Je vous assure que je l’ignore.

Léandre, s’avançant pour le frapper.
Tu l’ignores !

Octave, le retenant.
Léandre.

Scapin
Hé bien ! Monsieur, puisque vous le voulez, je vous confesse que j’ai bu avec mes amis ce petit quartaut de vin d’Espagne dont on vous fit présent il y a quelques jours ; et que c’est moi qui fis une fente au tonneau, et répandis de l’eau autour, pour faire croire que le vin s’était échappé.

Léandre
C’est toi, pendard, qui m’as bu mon vin d’Espagne, et qui as été cause que j’ai tant querellé la servante, croyant que c’était elle qui m’avait fait le tour ?

Scapin
Oui, Monsieur : je vous en demande pardon.

Léandre
Je suis bien aise d’apprendre cela ; mais ce n’est pas l’affaire dont il est question maintenant.

Scapin
Ce n’est pas cela, Monsieur ?

Léandre
Non : c’est une autre affaire qui me touche bien plus, et je veux que tu me la dises.

Scapin
Monsieur, je ne me souviens pas d’avoir fait autre chose.

Léandre, le voulant frapper.
Tu ne veux pas parler ?

Scapin
Eh !

Octave, le retenant.
Tout doux.

Scapin
Oui, Monsieur, il est vrai qu’il y a trois semaines que vous m’envoyâtes porter, le soir, une petite montre à la jeune Égyptienne que vous aimez. Je revins au logis mes habits tout couverts de boue, et le visage plein de sang, et vous dis que j’avais trouvé des voleurs qui m’avaient bien battu, et m’avaient dérobé la montre. C’était moi, Monsieur, qui l’avais retenue.

Léandre
C’est toi qui as retenu ma montre ?

Scapin
Oui, Monsieur, afin de voir quelle heure il est.

Léandre
Ah ! ah ! j’apprends ici de jolies choses, et j’ai un serviteur fort fidèle vraiment. Mais ce n’est pas encore cela que je demande.

Scapin
Ce n’est pas cela ?

Léandre
Non, infâme : c’est autre chose encore que je veux que tu me confesses.

Scapin
Peste !

Léandre
Parle vite, j’ai hâte.

Scapin
Monsieur, voilà tout ce que j’ai fait.

Léandre, voulant frapper Scapin.
Voilà tout ?

Octave, se mettant au-devant.
Eh !

Scapin
Hé bien ! oui, Monsieur, vous vous souvenez de ce loup-garou, il y a six mois, qui vous donna tant de coups de bâton la nuit et vous pensa faire rompre le cou dans une cave où vous tombâtes en fuyant.

Léandre
Hé bien ?

Scapin
C’était moi, Monsieur, qui faisais le loup-garou.

Léandre
C’était toi, traître, qui faisais le loup-garou ?

Scapin
Oui, Monsieur, seulement pour vous faire peur, et vous ôter l’envie de nous faire courir toutes les nuits comme vous aviez de coutume.

Léandre
Je saurai me souvenir en temps et lieu de tout ce que je viens d’apprendre. Mais je veux venir au fait, et que tu me confesses ce que tu as dit à mon père.

Scapin
À votre père ?

Léandre
Oui, fripon, à mon père.

Scapin
Je ne l’ai pas seulement vu depuis son retour.

Léandre
Tu ne l’as pas vu ?

Scapin
Non, Monsieur.

Léandre
Assurément ?

Scapin
Assurément. C’est une chose que je vais vous faire dire par lui-même.

Léandre
C’est de sa bouche que je le tiens pourtant.

Scapin
Avec votre permission, il n’a pas dit la vérité.

La pièce : partie 4

De quoi parle la pièce Les Fourberies de Scapin ?
Vous avez accès à tout l'Acte I et une bonne partie de l'Acte II de la pièce de Molière. Pour encore plus entrer dans la pièce, vous pouvez regarder un spectacle qui en fait la représentation !

Scène 4

Carle, Scapin, Léandre, Octave.
Carle
Monsieur, je vous apporte une nouvelle qui est fâcheuse pour votre amour.

Léandre
Comment ?

Carle
Vos Égyptiens sont sur le point de vous enlever Zerbinette, et elle-même, les larmes aux yeux, m’a chargé de venir promptement vous dire que si, dans deux heures, vous ne songez à leur porter l’argent qu’ils vous ont demandé pour elle, vous l’allez perdre pour jamais.

Léandre
Dans deux heures ?

Carle
Dans deux heures.

Léandre
Ah ! mon pauvre Scapin, j’implore ton secours.

Scapin, passant devant lui avec un air fier.
« Ah ! mon pauvre Scapin. » Je suis « mon pauvre Scapin » à cette heure qu’on a besoin de moi.

Léandre
Va, je te pardonne tout ce que tu viens de me dire, et pis encore, si tu me l’as fait.

Scapin
Non, non, ne me pardonnez rien. Passez-moi votre épée au travers du corps. Je serai ravi que vous me tuiez.

Léandre
Non. Je te conjure plutôt de me donner la vie, en servant mon amour.

Scapin
Point, point : vous ferez mieux de me tuer.

Léandre
Tu m’es trop précieux ; et je te prie de vouloir employer pour moi ce génie admirable, qui vient à bout de toute chose.

Scapin
Non : tuez-moi, vous dis-je.

Léandre
Ah ! de grâce, ne songe plus à tout cela, et pense à me donner le secours que je te demande.

Octave
Scapin, il faut faire quelque chose pour lui.

Scapin
Le moyen, après une avanie de la sorte ?

Léandre
Je te conjure d’oublier mon emportement et de me prêter ton adresse.

Octave
Je joins mes prières aux siennes.

Scapin
J’ai cette insulte-là sur le cœur.

Octave
Il faut quitter ton ressentiment.

Léandre
Voudrais-tu m’abandonner, Scapin, dans la cruelle extrémité où se voit mon amour ?

Scapin
Me venir faire, à l’improviste, un affront comme celui-là !

Léandre
J’ai tort, je le confesse.

Scapin
Me traiter de coquin, de fripon, de pendard, d’infâme !

Léandre
J’en ai tous les regrets du monde.

Scapin
Me vouloir passer son épée au travers du corps !

Léandre
Je t’en demande pardon de tout mon cœur ; et s’il ne tient qu’à me jeter à tes genoux, tu m’y vois, Scapin, pour te conjurer encore une fois de ne me point abandonner.

Octave
Ah ! ma foi ! Scapin, il se faut rendre à cela.

Scapin
Levez-vous. Une autre fois, ne soyez point si prompt.

Léandre
Me promets-tu de travailler pour moi ?

Scapin
On y songera.

Léandre
Mais tu sais que le temps presse.

Scapin
Ne vous mettez pas en peine. Combien est-ce qu’il vous faut ?

Léandre
Cinq cents écus.

Scapin
Et à vous ?

Octave
Deux cents pistoles.

Scapin
Je veux tirer cet argent de vos pères. (À Octave.) Pour ce qui est du vôtre, la machine est déjà toute trouvée ; (à Léandre) et quant au vôtre, bien qu’avare au dernier degré, il y faudra moins de façon encore, car vous savez que pour l’esprit, il n’en a pas grâces à Dieu ! grande provision, et je le livre pour une espèce d’homme à qui l’on fera toujours croire tout ce que l’on voudra. Cela ne vous offense point : il ne tombe entre lui et vous aucun soupçon de ressemblance ; et vous savez assez l’opinion de tout le monde, qui veut qu’il ne soit votre père que pour la forme.

Léandre
Tout beau, Scapin.

Scapin
Bon, bon ; on fait bien scrupule de cela : vous moquez-vous ? Mais j’aperçois venir le père d’Octave. Commençons par lui, puisqu’il se présente. Allez-vous-en tous deux. (À Octave.) Et vous, avertissez votre Silvestre de venir vite jouer son rôle.

Scène 5

Argante, Scapin.
Scapin, à part.
Le voilà qui rumine.

Argante, se croyant seul.
Avoir si peu de conduite et de considération ! S’aller jeter dans un engagement comme celui-là ! Ah ! ah ! jeunesse impertinente.

Scapin
Monsieur, votre serviteur.

Argante
Bonjour, Scapin.

Scapin
Vous rêvez à l’affaire de votre fils.

Argante
Je t’avoue que cela me donne un furieux chagrin.

Scapin
Monsieur, la vie est mêlée de traverses. Il est bon de s’y tenir sans cesse préparé ; et j’ai ouï dire, il y a longtemps, une parole d’un ancien que j’ai toujours retenue.

Argante
Quoi ?

Scapin
Que pour peu qu’un père de famille ait été absent de chez lui, il doit promener son esprit sur tous les fâcheux accidents que son retour peut rencontrer : se figurer sa maison brûlée, son argent dérobé, sa femme morte, son fils estropié, sa fille subornée ; et ce qu’il trouve qui ne lui est point arrivé, l’imputer à bonne fortune. Pour moi, j’ai pratiqué toujours cette leçon dans ma petite philosophie ; et je ne suis jamais revenu au logis, que je ne me sois tenu prêt à la colère de mes maîtres, aux réprimandes, aux injures, aux coups de pied au cul, aux bastonnades, aux étrivières ; et ce qui a manqué à m’arriver, j’en ai rendu grâce à mon bon destin.

Argante
Voilà qui est bien. Mais ce mariage impertinent qui trouble celui que nous voulons faire est une chose que je ne puis souffrir, et je viens de consulter des avocats pour le faire casser.

Scapin
Ma foi ! Monsieur, si vous m’en croyez, vous tâcherez, par quelque autre voie, d’accommoder l’affaire. Vous savez ce que c’est que les procès en ce pays-ci, et vous allez vous enfoncer dans d’étranges épines.

Argante
Tu as raison, je le vois bien. Mais quelle autre voie ?

Scapin
Je pense que j’en ai trouvé une. La compassion que m’a donnée tantôt votre chagrin, m’a obligé à chercher dans ma tête quelque moyen pour vous tirer d’inquiétude ; car je ne saurais voir d’honnêtes pères chagrinés par leurs enfants que cela ne m’émeuve ; et de tout temps, je me suis senti pour votre personne une inclination particulière.

Argante
Je te suis obligé.

Scapin
J’ai donc été trouver le frère de cette fille qui a été épousée. C’est un de ces braves de profession, de ces gens qui sont tous coups d’épée, qui ne parlent que d’échiner, et ne font non plus de conscience de tuer un homme que d’avaler un verre de vin. Je l’ai mis sur ce mariage, lui ai fait voir quelle facilité offrait la raison de la violence pour le faire casser, vos prérogatives du nom de père, et l’appui que vous donnerait auprès de la justice et votre droit, et votre argent, et vos amis. Enfin je l’ai tant tourné de tous les côtés, qu’il a prêté l’oreille aux propositions que je lui ai faites d’ajuster l’affaire pour quelque somme ; et il donnera son consentement à rompre le mariage, pourvu que vous lui donniez de l’argent.

Argante
Et qu’a-t-il demandé ?

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Mathieu

Professeur d'histoire, de français et d'anglais dans le secondaire et le supérieur. J'aime la littérature, les jeux vidéo et la tartiflette. La dalle angevine me donne soif de savoirs !