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Texte – Phèdre – Traduction latine - Actes 1 à 3

[0] ACTE PREMIER. HIPPOLYTE, TROUPE DE CHASSEURS

[1] Allez, répandez-vous autour de ces bois épais; parcourez d'un pas agile le sommet de la colline de Cécrops, la plaine qui s'étend au pied du Parnès rocailleux, et les bords du fleuve dont l'onde rapide traverse la vallée de Thria. Franchissez ces monts toujours blanchis par la neige. Et vous, pénétrez sous l'ombrage des aunes entrelacés,

[10] dans ces vastes prairies où l'humide haleine du zéphyr fait naître l'herbe du printemps; dans ces lieux où, d'un cours égal et paisible, l'Ilissus, semblable au Méandre, promène ses eaux languissantes, et mouille à peine un sable aride. Vous, entrez dans ce sentier à gauche, qui, à travers les bois, conduit à Marathon. C'est là que, suivies de leurs faons, les biches vont paître pendant la nuit.

[20] Vous, tournez de ce côté, où, soumis à la douce influence du midi, l'Acharne laborieux ne sent pas la rigueur des frimas. Que l'un se rende sur l'Hymette fleuri; l'autre, vers le bourg chétif d'Aphidna. Il y a longtemps que nous n'avons visité les parages où le cap Sunium s'allonge dans la mer. Vous qui aimez une chasse glorieuse, courez à Phlyes: là se tient un sanglier, la terreur des environs, et dont plus d'un chasseur a senti la dent redoutable.

[30] Laissez flotter la laisse des chiens paisibles, au gosier silencieux; mais tenez fortement en mains ces ardents molosses; et que le limier impatient de Crète use le poil de son cou, en luttant contre la forte courroie qui arrête ses élans. Quant aux dogues de Laconie, race courageuse et avide de sang, il est bon qu'ils soient tenus de plus court encore. Le moment viendra où l'écho des rochers retentira de leurs aboiements. Maintenant que d'un nez subtil ils éventent le gibier;

[40] que, la tête basse, ils le suivent à la piste, tandis que la clarté est douteuse et que la terre humide garde encore la trace de ses pas, qu'un de vous se charge de ces toiles à larges mailles; un autre, de ces filets plus serrés. Disposez alentour ces plumes rouges, pour frapper d'une vaine terreur les hôtes des bois. Toi, tu lanceras le javelot rapide;

[50] toi, saisis à deux mains le pesant épieu armé d'un large fer; toi, placé en embuscade, tu redoubleras par tes cris l'effroi des animaux lancés; et toi, avec ce couteau recourbé, tu détacheras leurs entrailles quand ils seront abattus.

Soyez propice à un mortel qui vous honore, ô déesse intrépide qui régnez dans les solitudes des bois; qui percez de traits inévitables les monstres qui s'abreuvent dans les froides eaux de l'Araxe, et ceux qui bondissent sur la glace de l'Ister.

[60] Votre bras atteint le lion de Gétulie et la biche de Crète, ou renverse d'un coup plus léger le daim rapide. Vous, frappez en face le tigre à la peau mouchetée; vous, atteignez dans leur fuite le bison à l'épaisse crinière, et l'aurochs farouche aux larges ramures. Tous les hôtes des déserts qui peuplent ou le sol infécond des Garamantes, ou les riches forêts de l'Arabie, ou les cimes sauvages des Pyrénées,

[70] ceux que nourrissent les bois épais de l'Hyrcanie, ou les vastes plaines du Sarmate vagabond, tous, ô Diane, redoutent vos flèches: l'heureux chasseur auquel vous êtes propice voit le gibier tomber dans ses toiles; nulle proie ne rompt le filet qui l'enferme; le chariot qui la rapporte gémit sous une charge pesante. Les chiens reviennent la gueule rouge de sang,

[80] et le cortège rustique regagne le hameau dans tout l'appareil d'un triomphe. Allons, la déesse nous favorise; voilà des aboiements qui sont d'un bon augure. La forêt m'appelle; j'y vole, ce sentier m'abrégera le chemin.

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PHÈDRE, LA NOURRICE.

(Phèdre) Ô puissante Crète, qui règnes au loin sur la mer; toi dont les innombrables vaisseaux ont parcouru toutes les côtes, et sillonné les plaines navigables de Nérée jusqu'aux rivages d'Assyrie, devais-tu me laisser comme otage dans ces lieux que je hais, et, me donnant un ennemi pour époux,

[90] me condamner à vivre dans la douleur et dans les larmes? mon vagabond époux me délaisse; l'hymen ne l'a pas rendu plus fidèle. Secondant un amant insensé, il a osé descendre avec lui sur les bords ténébreux du fleuve qu'on ne franchit qu'une fois. Il veut ravir sur son trône la reine des enfers. Ni crainte, ni pudeur, ne l'ont pu retenir; le père d'Hippolyte va, sur les bords de l'Achéron, servir une flamme coupable et d'adultères amours. Mais un souci plus cruel déchire aujourd'hui mon coeur:

[100] ni le calme des nuits, ni les douceurs du sommeil, ne sauraient le calmer. Le mal est en moi, il couve, il s'accroît, il me dévore: c'est le feu qui s'échappe des fournaises de l'Etna. Je néglige les oeuvres de Pallas; la toile commencée s'échappe de mes mains. Je ne puis plus porter dans les temples mes offrandes et mes voeux; ni, la torche sacrée à la main, au milieu d'un choeur d'Athéniennes, célébrer les mystères silencieux d'Éleusis, ni présenter à la déesse protectrice d'Athènes un hommage pur et de chastes prières.

[110] J'aime à poursuivre les habitants des forêts, charger d'un pesant javelot cette main débile. Quel est ce délire? Insensée, que vas-tu chercher dans les bois?

Je reconnais cette fatalité qui perdit ma mère. C'est dans les bois que commença notre crime à toutes deux. Ô ma mère, que je vous plains! Un taureau fut l'horrible objet de votre passion effrénée; mais cet amant farouche, chef indompté d'un troupeau sauvage, du moins il savait aimer. Et moi; quel dieu,

[120] quel autre Dédale pourrait servir ma flamme infortunée? Non, quand renaîtrait cet ingénieux artiste qui enferma dans une demeure inextricable le fruit monstrueux de vos amours, il ne saurait apporter aucun soulagement à mes maux.

Vénus, implacable ennemie des enfants du Soleil, se venge sur nous de l'affront de Mars et du sien. Elle ne cesse de répandre sur nous l'opprobre et l'infamie. Nulle fille de Minos n'a brûlé d'une flamme légitime: le crime a toujours part à leur amour.

(La nourrice) Épouse de Thésée, race illustre de Jupiter,

[130] chassez de votre coeur les désirs impurs; étouffez une flamme coupable; n'ouvrez pas votre coeur à de funestes espérances. Quiconque résiste d'abord à l'amour et repousse ses séductions est assuré de le vaincre. Mais celui qui accueille l'insinuant ennemi, accepte un joug que plus tard il essayerait en vain de secouer. Je n'ignore pas, en vous parlant, combien la vérité déplaît aux oreilles superbes des rois; ils ne veulent pas qu'on les rappelle à la vertu. Mais, quel que doive être le prix de mon zèle, je me résigne d'avance. Vieille comme je suis, je serai bientôt libre; et cette idée m'inspire du courage.

[140] Résister fermement à la passion, et n'y pas succomber, est le premier degré de l'honneur; le second est d'avoir au moins la conscience de sa faute. Infortunée! quel est votre espoir? Pourquoi ajouter aux crimes de votre famille, et surpasser celui de votre mère? Un crime est plus hideux qu'un monstre; car celui-ci peut être l'effet de la fatalité, l'autre ne vient que du dérèglement des moeurs. Si vous croyez pouvoir cacher votre faute et n'avoir rien à craindre, parce que votre époux n'est pas sur la terre, vous êtes dans l'erreur. Et quand il serait enseveli dans les abîmes du Léthé, retenu à jamais sur les rives du Styx, croyez-vous que ce roi dont l'empire s'étend au loin sur la mer,

[150] et qui commande aux cent villes de la Crète, que votre père enfin ne découvrira pas cet affreux mystère? Il est difficile de tromper un père. Mais supposons qu'à force de ruse et d'adresse nous lui dérobions ce funeste secret: le cacherez-vous à votre aïeul, dont les rayons éclairent tout ce qui existe; au père des dieux, qui ébranle l'Olympe des foudres sorties des forges de l'Etna? Espérez-vous échapper aux regards de vos aïeux, auxquels dans le monde rien n'échappe?

[160] Supposez même enfin que les dieux complaisants couvrent d'un voile vos coupables jouissances, et, ce que les grands criminels n'obtiennent jamais, que le secret vous soit fidèlement gardé: songez-vous aux tourments, aux alarmes d'une âme bourrelée de remords, et qui se craint elle-même? Une adultère trouve quelquefois impunité dans le crime; sécurité, jamais. Étouffez, je vous en conjure, un amour impie. Ne vous souillez pas d'un forfait inconnu même chez les Gètes errants, chez les peuples sauvages du Taurus ou les Scythes vagabonds. Chaste jusqu'à ce jour, renoncez à un crime qui fait frémir;

[170] et que l'exemple de votre mère vous préserve d'un amour monstrueux. Vous voulez que votre lit reçoive le fils après le père, que leur sang mêlé se confonde dans vos flancs impies! Achevez donc, et que vos feux détestables bouleversent les lois de la nature: enfantez un nouveau monstre. Pourquoi laisser vide le repaire fraternel? Ne faut-il pas que l'univers frémisse, que la nature se révolte, chaque fois qu'une Crétoise aimera?

(Phèdre) Je reconnais, ô fidèle nourrice, la sagesse de tes conseils; mais une passion furieuse m'entraîne. Je vois l'abîme où mon égarement me pousse;

[180] en vain je résiste, mes efforts ne peuvent me rendre à la vertu. Je ressemble au nocher qui remonte avec peine un fleuve rapide: sa barque, repoussée enfin par les flots, est bientôt emportée par l'impétuosité du courant. Que peut la raison sur un coeur que la passion domine? Un dieu puissant règne en tyran sur mon âme, et ce dieu ne soumet-il pas toute la terre à son empire? Jupiter lui-même éprouva les effets de sa flamme invincible; le dieu terrible de la guerre n'en a pu éviter les atteintes; le forgeron de la foudre aux trois pointes n'y a pas échappé,

[190] lui qui attise impunément les fournaises de l'Etna: cette flamme imperceptible l'a dompté. Phébus, si habile à lancer des traits, est percé des traits encore plus sûrs d'un enfant ailé qui voltige partout, également redoutable à la terre et au ciel.

(La nourrice) C'est la volupté qui, pour flatter nos vices, a fait un dieu de l'amour; c'est elle qui, pour être plus libre, a érigé des autels au plus furieux des penchants. Quoi! la déesse d'Éryx ordonnerait à son fils d'errer ainsi dans le monde entier? et lui, faible enfant, prenant son essor dans le ciel,

[200] frapperait les dieux d'une main insolente? le plus chétif des immortels aurait ce pouvoir absolu? Chimères, inventions de l'esprit, qui, pour excuser le délire des sens, a divinisé la mère et armé la main du fils!

Quiconque s'abandonne aux douceurs enivrantes de la prospérité, et se livre aux excès qu'enfante le luxe, ne se contente plus des plaisirs ordinaires. Alors naissent ces désirs déréglés, compagnons funestes des grandes fortunes. On ne veut plus des mets ordinaires, d'une habitation modeste et d'une nourriture frugale. Pourquoi le fléau qui vous consume pénètre-t-il si rarement dans la cabane du pauvre,

[210] et choisit-il de préférence les demeures opulentes? Pourquoi ne voit-on sous le chaume que de chastes amours? Pourquoi le vulgaire n'a-t-il que de sages penchants? Pourquoi la médiocrité connaît-elle seule la modération, tandis que les riches et les princes ne peuvent se contenter de ce qui est permis? Ainsi l'excès de la puissance les pousse à vouloir l'impossible. Songez, madame, à ce qui convient à une reine; songez au retour d'un époux, et redoutez sa juste vengeance.

(Phèdre) L'amour seul règne sur mon coeur. Je ne crains pas ce retour dont tu me menaces.

[220] On ne revoit plus la lumière des cieux quand on est une fois descendu dans l'empire du silence et de la nuit.

(La nourrice) Gardez-vous de cette confiance! Quand Pluton aurait fermé toutes les barrières de son empire, quand Cerbère veillerait aux portes formidables de ce séjour, Thésée seul a bien pu se frayer un chemin en dépit de tous les obstacles.

(Phèdre) Peut-être excusera-t-il mon amour.

(La nourrice) Lui, devant qui une chaste épouse ne put même trouver grâce! lui, dont la main cruelle a versé le sang d'Antiope! Mais je veux que vous parveniez à fléchir son courroux. Qui pourrait attendrir l'âme insensible de celui que vous aimez?

[230] Intraitable ennemi de tout notre sexe, il déteste l'amour, et l'hymen ne lui inspire que de l'horreur. Connaissez mieux le fils d'une Amazone.

(Phèdre) J'irai, je le suivrai sur ces monts couverts de neige où il se plaît, à travers ces roches aiguës qu'il franchit d'un pied léger, à travers les montagnes, au fond des bois.

(La nourrice) Lui, s'arrêter! lui, se laisser attendrir! Chaste jusqu'à ce jour, il partagerait une flamme adultère! Il cesserait de vous haïr, vous la cause peut-être de son aversion pour toutes les femmes! (Phèdre) Est-il donc insensible aux prières?

[240] (La nourrice) C'est une âme farouche. (Phèdre) L'amour, dit-on, dompte les plus sauvages. (La nourrice) Il vous fuira. (Phèdre) Je le suivrai, s'il le faut, même au-delà des mers. (La nourrice) Songez à votre père. (Phèdre) Je songe aussi quelle fut ma mère. (La nourrice) II hait tout notre sexe. (Phèdre) Je craindrai moins les rivales. (La nourrice) Votre époux va revenir. (Phèdre) Oui, mais complice de Pirithoüs. (La nourrice) Votre père aussi peut venir. (Phèdre) Il se montra facile pour ma soeur Ariane. (La nourrice) Je vous en conjure par ces cheveux que l'âge a blanchis, par les inquiétudes qui me déchirent, par ce sein qui vous a nourrie, rappelez votre raison, et secondez vous-même mes efforts. Vouloir être guéri est un pas de fait vers la guérison.

[250] (Phèdre) Ma chère amie, mon coeur est né vertueux, et toute pudeur n'y est pas éteinte. Étouffons un amour dont je ne suis plus maîtresse. Ma gloire, je ne te souillerai point! Il n'est qu'un seul remède à mon mal; je l'emploierai, j'irai rejoindre mon époux aux enfers. La mort sauvera ma vertu. (La nourrice) Calmez-vous, ô ma fille! réprimez cet accès de désespoir. Oui, vous êtes d'autant plus digne de vivre que vous croyez plus mériter la mort. (Phèdre) J'ai résolu de mourir, et n'hésite que sur le genre de mort. Dois-je recourir au lacet fatal, ou me percer le sein,

[260] ou me précipiter du temple consacré à Pallas. Que cette main venge la pudeur que j'ai outragée. (La nourrice) Quoi! ma vieillesse vous laisserait rompre ainsi le cours de vos jeunes ans! Ah! renoncez à cette fureur. (Phèdre) Il n'est jamais facile d'engager quelqu'un à vivre; mais quels raisonnements pourraient arrêter celui qui y est résolu, et pour qui la mort est un devoir? (La nourrice) Ô ma chère maîtresse, seule consolation de mes vieux ans, si cette malheureuse passion vous tyrannise à ce point, abandonnez le soin de votre renommée. La renommée est mensongère,

[270] plus favorable souvent au vice qu'à la vertu. Eh bien! essayons de le toucher, ce coeur intraitable. Chargez-moi d'aborder ce jeune homme farouche, et de triompher de ses rigueurs.

LE CHOEUR.

Ô déesse, fille de l'orageux Océan, deux Amours vous appellent leur mère. L'un d'eux n'est qu'un enfant plein de malice et de grâce; mais quelle tyrannie il exerce par ses flèches et son flambeau! combien ses coups sont inévitables!

[280] Il fait circuler dans nos veines un feu dévorant, dont l'ardeur secrète vous consume. Il ne fait pas de larges blessures, mais le mal pénètre sourdement, et se glisse jusqu'au fond du coeur.

Cet enfant cruel n'est jamais en repos: il fait voler ses flèches rapides vers tous les points de l'univers. Des contrées qui voient naître le soleil à celles où il finit sa course, dans les climats situés sous le Cancer brûlant, dans ceux où l'Ourse glacée ne voit parmi ses frimas que des peuplades errantes,

[290] tout ressent les feux de l'amour. Il fait bouillonner le sang du jeune homme; il ranime l'ardeur éteinte du vieillard épuisé, allume dans le sein des jeunes vierges une flamme inconnue. Il force les dieux à descendre du ciel, et à habiter la terre sous des formes empruntées. Apollon, devenu pasteur en Thessalie, renonce à la lyre, et rassemble son troupeau au son d'un chalumeau rustique. Sous combien de formes abjectes ne s'est pas caché celui

[300] qui régit à son gré le ciel et les tempêtes? Tantôt il se couvre d'ailes d'une éclatante blancheur, et prend la voix harmonieuse du cygne mourant; tantôt, sous la forme d'un taureau jeune et fier, il se mêle aux jeux des jeunes filles, s'abaisse, et les invite à s'asseoir sur sa croupe. Tout à coup il s'élance dans l'humide empire de son frère; l'onde reconnaît son nouveau maître. Lui, ravisseur timide, s'alarme pour sa conquête; il agite ses pieds qui lui servent de rames, et de sa large poitrine fend les flots écumants. Sensible à l'amour, la reine brillante des nuits abandonna son char,

[310] et chargea son frère du soin nouveau pour lui de le conduire. Celui-ci apprit alors à diriger les deux nocturnes coursiers, et à resserrer le cercle de sa carrière. Le char fléchit sous le poids du dieu, et sa marche plus lente prolongea la durée des nuits, et retarda la naissance du jour.

Le fils d'Alcmène, vaincu par l'amour, détacha de ses épaules et son carquois et la dépouille menaçante du lion de Némée, laissa mettre à ses doigts des bagues d'émeraudes,

[320] et relever avec art sa rude chevelure. Enfermant son pied dans un jaune brodequin que rattachaient à sa jambe des liens brillants d'or, il fit tourner les fuseaux légers entre les mêmes doigts qui naguère serraient une massue. La Perse et la Lydie fertile ont vu jeter avec mépris la peau du lion formidable, et ces mêmes épaules, qui avaient soutenu le ciel, se couvrir d'un tissu léger de la pourpre de Tyr.

[330] Croyez-moi, je ne l'ai que trop éprouvé, rien n'est plus ardent que les feux de l'amour; on n'y peut résister: et la terre, et le vaste Océan, et ces plaines de l'air que les astres remplissent de leur pur éclat, tout reconnaît les lois de cet enfant cruel. La troupe des Néréides, dans ses grottes profondes, n'est pas à l'abri de ses traits, et la mer ne suffit pas pour éteindre ses feux. Les légers habitants de l'air ne peuvent s'y soustraire.

[340] Quelles fureurs, quels combats parmi les taureaux amoureux, pour la possession entière du troupeau! Comme le cerf timide s'élance sur un rival, et témoigne sa rage par ses mugissements! C'est alors que les noirs Indiens redoutent le tigre moucheté; c'est alors que, la gueule écumante, le sanglier aiguise ses défenses meurtrières. Dès qu'ils ont senti l'aiguillon de l'amour, les lions d'Afrique secouent leur crinière,

[350] et font retentir les forêts de leurs rugissements; et les monstrueux habitants des ondes turbulentes, et l'éléphant dans les déserts, obéissent à l'amour. La nature soumet tous les êtres à ses lois; aucun n'est exempt de ce tribut. Quand l'amour l'ordonne, la haine disparaît; les feux de l'amour triomphent des plus longues inimitiés; et pour tout dire enfin, il attendrit, fléchit le coeur même d'une marâtre.

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ACTE DEUXIÈME. LA NOURRICE, PHÈDRE, LE CHOEUR

(Le choeur à la nourrice.) Eh bien! que venez-vous nous apprendre? En quel état est la reine? Son coeur est-il enfin plus calme?

[360] (La nourrice) J'ai perdu l'espoir de calmer un mal si violent; et de mettre un terme à son ardeur insensée. Un feu secret la dévore, mais sa passion, quoique renfermée dans son sein, éclate sur son visage. Ses regards sont enflammés, elle ferme à la lumière ses paupières languissantes. Troublée, indécise, rien ne lui plaît; son inquiète douleur fatigue son corps de mouvements inutiles. Tantôt elle semble expirante; ses genoux se dérobent, et sa tête défaillante retombe sur son sein. Tantôt elle cherche le repos; mais le sommeil la fuit, et elle passe les nuits à gémir.

[370] Elle veut qu'on la lève, et soudain qu'on la recouche; qu'on délie ses cheveux, et soudain qu'on les rassemble. À charge à elle-même, elle change à toute heure de position et d'idée. Elle néglige le soin de sa vie, refuse toute nourriture. Faible, défaillante, elle se traîne au hasard d'un pas mal assuré; plus de vivacité; son teint a perdu son éclat. Un cruel souci la consume. Sa démarche est lente et incertaine, et sa beauté a disparu.

[380] Ses yeux n'ont plus rien de cet éclat divin que le dieu du jour leur avait communiqué, et qui rappelait son illustre naissance. Les pleurs coulent de ses yeux et baignent continuellement ses joues, comme ces pluies douces qui fondent les neiges du Taurus... Mais on ouvre la porte du palais. Étendue sur une couche dorée, la voilà qui, dans son égarement, refuse de mettre ses vêtements accoutumés.

(Phèdre) Ôtez-moi ces habits brillants d'or et de pourpre; loin de moi ces tissus formés des fils que les Sères tirent de leurs forêts, et que Tyr a embellis de sa riche couleur. Je ne veux qu'une robe légère,

[390] relevée par une étroite ceinture. Détachez ce collier, débarrassez mes oreilles de ces perles, riches dépouilles des mers de l'Inde. Cessez de répandre sur mes cheveux ces parfums d'Assyrie. Je veux qu'ils tombent épars sur mes épaules, et que, soulevés par ma course rapide, ils flottent au gré des vents. Ma main gauche portera le carquois; de l'autre je lancerai les javelots de Thessalie. Telle était la mère du rigide Hippolyte; telle était cette fille du Tanaïs ou des Méotides, lorsque, sortant des climats glacés de l'Euxin,

[400] elle parut dans les champs de l'Attique, à la tête de ses guerrières redoutables. Ses cheveux, rattachés par un simple noeud, retombaient sur ses épaules; et son flanc n'était défendu que par un bouclier en forme de croissant. C'est ainsi que je veux parcourir les forêts.

(La nourrice) (à elle-même). Cessons nos plaintes; elles ne soulagent point les malheureux. Tâchons plutôt de nous rendre propice la vierge auguste qui se plaît dans les bois.

Reine des bois, qui seule entre les immortels te plais sur les montagnes, et la seule aussi te vois adorée sur leurs cimes désertes, détourne les sinistres présages qui nous menacent!

[410] Ô déesse puissante, dont la majesté remplit les forêts; astre brillant du ciel, ornement de la nuit; vous dont le flambeau remplace au ciel celui du soleil; triple Hécate, favorisez notre entreprise! Domptez le coeur rebelle du sauvage Hippolyte; qu'il apprenne à aimer, à briller d'une ardeur mutuelle, et qu'il entende nos soupirs; apprivoisez ce coeur farouche: qu'il tombe dans les pièges de l'amour, et qu'enfin ce superbe, cet insensible, ce sauvage, subisse les lois de Vénus. Employez à ce changement toute votre puissance. Pour prix d'un tel bienfait, puissiez-vous, toujours brillante et radieuse, percer par votre éclat l'obscurité des nuages!

[420] Que les enchantements de la Thessalie ne vous obligent jamais à descendre des cieux où vous promenez le flambeau des nuits, et que jamais aucun berger ne puisse se glorifier de vos faveurs! Oui, vous accueillez nos prières, vous secondez nos désirs. Je vois Hippolyte; il s'approche avec respect de votre autel sacré; il est seul! Pourquoi balancer? Le temps, le lieu sont favorables; usons d'adresse. Eh quoi! je tremble! Qu'on a de peine à se rendre coupable pour un autre! mais quand on s'est mis dans la dépendance des rois, on doit renoncer à toute justice, bannir de son coeur tout sentiment honnête.

[430] Qui craint de rougir les sert mal.

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HIPPOLYTE, LA NOURRICE.

(Hippolyte) Dans quel, dessein portez-vous ici vos pas appesantis par l'âge, ô nourrice fidèle? Pourquoi ces regards tristes et ce visage abattu? Nous n'avons rien à craindre pour mon père, pour Phèdre, ni pour les deux gages de son hymen.

(La nourrice) Ne craignez rien. L'État est prospère. Mais vous, sachez jouir du sort heureux qui s'offre à vous. C'est avec chagrin que je vous vois vous imposer une existence si pénible.

[440] Quand on souffre par nécessité, on n'est pas digne de blâme. Mais aller au-devant de la peine, devenir son propre bourreau, c'est mériter de perdre des biens dont on ne sait pas faire usage. Songez à votre âge; ouvrez votre âme au plaisir. Marchez à la clarté d'un flambeau pendant ces nuits consacrées à la joie; que Bacchus dissipe vos ennuis; jouissez de la jeunesse, douces années qui passent trop vite. Le coeur est tendre alors; c'est le temps de l'amour. Que vos sens se réveillent. Pourquoi ces nuits solitaires? L'austérité sied mal aux jeunes gens.

[450] Hâtez-vous, et livrez-vous sans réserve aux jouissances. Un dieu a tracé les goûts et les devoirs de chaque âge; il a mis la gaieté sur le front du jeune homme, l'austérité sur celui du vieillard. Pourquoi vous contraindre, et étouffer des penchants de nature? La moisson qui doit combler le voeu du laboureur est celle qui montra d'abord un luxe de végétation. L'arbre livré à lui-même, et dont le fer jaloux n'a pas arrêté l'essor, élèvera un jour au-dessus de la forêt sa cime orgueilleuse.

[460] L'âme est plus portée aux belles choses quand elle a commencé par se nourrir du suc de la liberté. Toujours farouche et sauvage, ignorant les douceurs de la vie, rebelle à Vénus, vous passez vos plus beaux jours dans la tristesse; et l'homme n'est né, suivant vous, que pour endurer les fatigues, dompter et lancer des coursiers, affronter les hasards de la guerre. Le père de la nature, effrayé des ravages affreux de la mort, a donné au genre humain le moyen de réparer ses pertes. Bannissez Vénus de la société des mortels,

[470] bientôt elle va se trouver épuisée; le monde va devenir une triste et affreuse solitude, la mer ne sera plus sillonnée par les vaisseaux; adieu les peuplades de l'air; adieu les hôtes des bois. Le vent seul régnera sur le vide immense. Combien de genres de mort attaquent et moissonnent la race humaine! Les flots, le fer, le poison! Mais, sans parler de ces accidents, une force irrésistible nous entraîne aux sombres bords. Que toute la jeunesse se voue au stérile célibat, toute la race humaine, restreinte à la durée d'une génération, va s'anéantir pour jamais.

[480] Changez donc de manière de vivre, et, docile à la voix de la nature, demeurez à la ville, et recherchez la société de vos semblables.

(Hippolyte) Il n'y a point d'existence plus libre, plus innocente, plus conforme à celle des premiers hommes, que de vivre loin des villes, au milieu des forêts. L'homme vertueux qui ne se plaît qu'au milieu des montagnes ne connaît pas la soif ardente des richesses, la faveur du peuple, les caprices du vulgaire toujours injuste envers la vertu, ni le poison de l'envie, ni les chimères de l'ambition.

[490] Il n'est ni l'esclave ni le rival des rois, il ne court point après de vains honneurs et une puissance passagère; aussi n'est-il agité ni par l'espoir, ni par la crainte. II n'a pas à redouter les morsures envenimées de l'envie. Les crimes, qui naissent au sein des cités populeuses, n'approchent pas de sa demeure; exempt de remords, il ne s'alarme pas au moindre bruit; il ne se sert point de paroles trompeuses. Il n'a point de palais soutenu sur d'innombrables colonnes; chez lui l'or ne brille pas sur des lambris fastueux. On ne le voit pas inonder de sang les autels des dieux, ni, répandant l'orge sacrée sur le front des victimes,

[500] présenter cent taureaux blancs aux couteaux des sacrificateurs. Mais il erre en paix dans de vastes plaines, sous un ciel libre et pur. Il ne sait tendre des pièges qu'aux habitants des bois, et, après un exercice pénible, il rafraîchit son corps fatigué dans les eaux argentées de l'Ilissus. Tantôt il suit les rives du rapide Alphée, tantôt il parcourt les forêts élevées et touffues où la froide Lerna épanche ses eaux pures comme le cristal. Il change de retraite à son gré. Il entend gazouiller les oiseaux, frémir le feuillage, murmurer les hêtres antiques agités par les vents.

[510] Il aime à suivre les détours d'une eau qui serpente, à goûter un doux sommeil sur un simple lit de verdure, soit au bord d'une fontaine qui verse une onde abondante et rapide, soit près d'un ruisseau qui rase en murmurant ses bords émaillés de fleurs. Les fruits sauvages, tombés des arbres qu'il ébranle, apaisent sa faim; les fraises, cueillies parmi les buissons, lui offrent une nourriture facile. Ah! que je hais le luxe des rois! Ils ne boivent qu'en tremblant dans leurs coupes d'or, ces mortels superbes. Ne vaut-il pas mieux puiser une eau pure avec sa main dans le cristal des fontaines?

[520] On goûte avec plus de sécurité les douceurs du sommeil sur un lit grossier. Bien différent du pervers qui, caché dans sa retraite, médite, comme au fond d'un antre, ses sinistres projets; qui s'enferme, se craignant lui-même dans une impénétrable demeure; l'homme innocent recherche la clarté du jour, et vit à la face du ciel. Telle était sans doute la vie de ces héros des premiers âges, formés du sang des dieux. Alors l'aveugle cupidité était inconnue; nulle pierre sacrée ne divisait les champs et ne servait de limite entre les peuples.

[530] Les vaisseaux hardis n'avaient pas encore affronté les mers lointaines; on ne côtoyait que les rivages voisins. L'enceinte des villes n'était pas défendue par de vastes remparts et des tours nombreuses. Le soldat n'armait pas sa main d'un fer meurtrier, et des rochers énormes lancés par la baliste ne brisaient pas encore les portes des cités. Des boeufs attelés au joug ne forçaient pas une terre esclave à répondre aux voeux d'un maître exigeant; féconde par elle-même, elle nourrissait les hommes, qui ne lui demandaient rien. Les bois leur offraient des aliments tout préparés, et des antres obscurs, des demeures toutes faites.

[540] Mais cette douce paix s'enfuit devant l'intérêt barbare, la colère impétueuse, et l'ambition qui trouble et embrase les coeurs. Bientôt naquit la soif cruelle du pouvoir. Le faible devint la proie du plus fort: la violence fit le droit. D'abord les mortels n'eurent d'autres armes que leurs mains; puis ils se servirent de pierres et de branches non façonnées. Ils n'armaient pas d'une pointe de fer une flèche de cornouiller; ils ne suspendaient point une longue épée à leurs flancs, ne couvraient point leurs têtes d'un casque ombragé d'aigrettes flottantes. Le bras irrité se faisait arme de tout.

[550] Bientôt le dieu des combats leur enseigna son art cruel, et mille moyens de se détruire. La terre se souilla de carnage, la mer se rougit de sang. Alors ce fut un débordement. Plus de famille exempte de crime; plus de forfait qui n'eût son type. Le frère est égorgé par le frère, le père par son fils, le mari par sa femme. Des mères dénaturées poignardèrent leurs enfants. Je ne parle pas des marâtres: auprès de leurs fureurs les monstres des bois sont doux. Les femmes sont la source de tous les maux; ce sont elles qui trament les forfaits,

[560] et y poussent les âmes; elles dont les amours incestueux ont livré tant de villes aux flammes, excité la guerre entre tant de nations, et enseveli tant de peuples sous les débris de leurs cités. Pour n'en citer qu'une seule, l'épouse d'Égée, Médée suffit pour rendre tout son sexe odieux.

(La nourrice) Pourquoi du crime d'une femme faire une accusation contre tout son sexe? (Hippolyte) Je les hais, je les abhorre toutes; je les fuis, je les exècre. Soit raison, instinct ou fureur, je me complais dans mon aversion. Et l'on verra l'eau mêlée avec la flamme, les vaisseaux en sûreté au milieu des Syrtes mouvantes,

[570] le soleil sortant de la mer d'Hespérie, le loup lécher le daim d'une langue caressante, avant qu'on puisse fléchir la haine que je porte aux femmes.

(La nourrice) Souvent l'amour a triomphé des coeurs les plus rebelles, et pris la place de la haine. Témoin l'empire de votre mère. Ces guerrières farouches subissent pourtant le joug de Vénus. Vous en êtes la preuve vivante, vous, le seul de votre sexe qu'elles aient élevé.

(Hippolyte) Ce qui me console de la perte de ma mère, c'est que je puis maintenant haïr toutes les femmes.

[580] (La nourrice) Semblable au roc qui, battu par les flots, résiste à leurs efforts et les repousse au loin sans en être ébranlé, l'insensible méprise mes discours. Mais Phèdre impatiente s'avance à pas précipités. Que va-t-il arriver? Où va l'emporter son délire? Mais la force l'abandonne, elle tombe évanouie; la pâleur de la mort couvre son visage. Ouvrez les yeux, ô vous que j'ai nourrie! reprenez l'usage de la voix. C'est votre cher Hippolyte lui-même qui vous soutient entre ses bras.

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PHÈDRE, HIPPOLYTE, LA NOURRICE, SUITE D'HIPPOLYTE.

(Phèdre) Qui me rappelle à la vie ou plutôt à mes douleurs? Pourquoi rouvrir mon âme aux angoisses qui la déchirent?

[590] J'étais heureuse d'avoir perdu le sentiment. (Elle reconnaît Hippolyte.) (Bas.) Mais pourquoi refuser la douce lumière qui m'est rendue? Allons, courage! Plaidons nous-mêmes notre cause avec assurance. Une prière timide appelle un refus. J'ai déjà consommé en grande partie mon crime; il n'est plus temps de rougir. Mon amour est criminel; mais s'il est partagé, un noeud légitime peut couvrir ma faute. Il est des attentats que le succès justifie. Il faut rompre le silence.

[600] Je voudrais vous parler quelques instants sans témoins; faites, je vous prie, éloigner votre suite. (Hippolyte) Parlez, nous sommes seuls. (Phèdre) Je le voudrais, mais la voix expire sur mes lèvres. Un puissant intérêt me force à parler, un plus puissant me retient. Dieux, je vous prends à témoin que ce que je demande, je l'ai en horreur. (Hippolyte) Se peut-il que la langue se refuse à exprimer ce que nous voulons dire? (Phèdre) Les peines légères sont éloquentes, les grandes douleurs sont muettes. (Hippolyte) Ô ma mère, confiez-moi vos chagrins. (Phèdre) Ce titre de mère est trop sérieux, trop imposant;

[610] un nom plus modeste conviendrait mieux à ce que j'éprouve. Hippolyte, appelez-moi votre soeur ou votre esclave; oui, votre esclave, car je recevrais vos ordres avec joie. Commandez, et je cours à travers la neige épaisse, je franchis les sommets glacés du Pinde. Je braverais pour vous le fer et la flamme, et je présenterais mon sein aux épées menaçantes. Recevez ce sceptre qui m'a été confié; comptez-moi an nombre de vos sujets. C'est à vous de commander, à moi d'obéir. Gouverner un État est un soin trop pesant pour une femme;

[620] c'est à vous, qui êtes dans la force de la jeunesse, de diriger d'une main ferme le royaume paternel. Je ne vous demande que de protéger une suppliante, une infortunée qui se jette entre vos bras, et qui n'a plus d'époux. (Hippolyte) Puisse le souverain des dieux éloigner ce présage! mon père sera bientôt de retour. (Phèdre) Le roi du sombre empire, l'avare Pluton ne lâche point sa proie, et c'est sans retour que l'on franchit le Styx. Et vous pensez qu'il laisserait échapper le ravisseur de son épouse? Pluton, indulgent à ce point pour les fautes que l'amour fait commettre! (Hippolyte) Les divinités propices du ciel le rendront à notre amour:

[630] mais, en attendant que nos voeux soient accomplis, j'aurai pour vos fils la tendresse que je dois à mes frères; mes soins vous convaincront que vous n'êtes pas veuve; enfin, je tiendrai auprès de vous la place de mon père. (Phèdre) Ô crédules amants! ô trompeur amour, en a-t-il dit assez? L'ai-je bien entendu? achevons de le toucher par mes prières. Ayez pitié de mon embarras; comprenez mes voeux secrets, mon silence. Je veux parler, et je n'ose. (Hippolyte) Quel mal étrange vous agite? (Phèdre) Un mal que les marâtres ne connaissent guère. (Hippolyte) Le sens de ces mots m'échappe. Parlez plus clairement.

[640] (Phèdre) Le feu dévorant de l'amour bouillonne dans mon sein; mon coeur est en proie à toute la violence de l'amour. Cette ardeur cruelle a pénétré jusqu'au fond de mon sein; elle consume mes entrailles, elle pénètre dans mes veines, comme la flamme rapide se répand dans un édifice et en dévore toutes les parties. (Hippolyte) C'est l'effet du chaste amour dont vous brûlez pour Thésée. (Phèdre) Oui, Hippolyte, je brûle pour Thésée; j'aime sa beauté, cette beauté dont brillait sa première jeunesse, lorsqu'un léger duvet couvrait à peine ses joues; lorsqu'il osa porter ses pas dans le labyrinthe du monstre de la Crète,

[650] et qu'à l'aide d'un fil il en sortit vainqueur. Quelle grâce dans ces cheveux serrés d'une simple bandelette! un vif incarnat colorait son aimable visage; son jeune bras annonçait déjà la vigueur d'un héros. Il était semblable à Diane, votre divinité, à Phébus, mon aïeul, ou plutôt à vous-même. Oui, tel il parut, lorsqu'il sut plaire même à son ennemi. Il avait votre noble maintien; mais ce costume plus simple relève encore votre beauté. À tout ce qui charmait dans votre père, vous joignez les grâces un peu sauvages de votre mère;

[660] c'est la beauté du jeune Grec relevée par la fierté un peu farouche d'une Amazone. Ah! si vous eussiez suivi votre père sur les mers de la Crète, c'est à vous que ma soeur eût remis le fil sauveur. Ô ma soeur, en quelque partie du ciel que tu brilles, favorise une ardeur semblable à la tienne. Nous avons trouvé notre vainqueur dans la même famille. Le fils m'inspire l'amour que tu ressentis pour le père. Vous voyez, vous voyez à vos pieds la fille d'un roi puissant. Jusqu'aujourd'hui innocente et pure, c'est pour vous seul que je trahis mes devoirs. C'en est fait, ma résolution est prise, vous avez entendu ma prière.

[670] Ce jour terminera ou ma peine ou ma vie. Oh! prenez pitié d'une infortunée qui vous aime.

(Hippolyte) Ô puissant roi des dieux, tu peux entendre et voir sans horreur de pareils forfaits? Pour qui donc réserves-tu tes foudres, s'ils reposent aujourd'hui? Tonne de toutes les parties du ciel; que de sombres nuages nous dérobent le jour; que les astres reculent d'épouvante. Et toi, astre éclatant de la lumière, seras-tu le témoin des crimes de ta famille? Cache-nous ton flambeau, et plonge-toi dans les ténèbres.

[680] Eh quoi! souverain des dieux et des hommes, ta main reste oisive; la foudre n'a pas sillonné les airs? Fais tomber sur moi ton tonnerre; que je sois percé, consumé par tes traits rapides. Je suis coupable, j'ai mérité la mort. J'ai inspiré de l'amour à la femme de mon père; elle m'a cru capable de partager sa flamme impure. Quoi! c'est moi que vous vous étiez flattée de séduire? Est-ce mon aversion pour votre sexe qui m'a valu cette préférence? Ô la plus criminelle de toutes les femmes, votre perversité surpasse celle de votre mère, et votre crime est plus grand que le sien. Elle a donné la vie à un monstre, elle s'est souillée par un adultère;

[690] mais sa faute, longtemps ignorée, ne fut découverte que lorsqu'elle eut mis au monde le fruit monstrueux de ses amours. La naissance de ce fils mugissant révéla seule les égarements de sa mère. Ah! voilà bien le sein qui devait porter une telle fille! Ô mille fois heureux ceux qui ont péri victimes de la haine ou de la perfidie! Ô mon père, j'envie votre sort. Votre marâtre de Colchide fut moins barbare que la mienne: elle n'en voulait qu'à vos jours.

(Phèdre) Je sais la fatalité attachée à notre race aimer ce que nous devrions fuir. Mais je ne suis plus maîtresse de moi.

[700] Je te suivrai partout, à travers les flammes, la mer furieuse, les rochers et les torrents impétueux. C'en est fait, je m'attache à tes pas. Homme superbe, je tombe encore à tes pieds.

(Hippolyte) Arrêtez! gardez-vous de porter sur moi vos mains impures. Mais que vois-je? elle veut me saisir dans ses bras. Tirons mon épée; punissons, comme elle le mérite, cette femme audacieuse. C'en est fait, ma main gauche a saisi ses cheveux, et renversé sa tête en arrière. Ô chaste Diane, jamais sang ne fut plus justement répandu sur tes autels.

[710] (Phèdre) Hippolyte, tu combles tous mes voeux, tu calmes ma fureur. Mourir de ta main, sans avoir trahi mes devoirs, c'est plus que je n'osais espérer. (Hippolyte) Non, retirez-vous, vivez. Vous n'obtiendrez rien de moi. Et ce fer même que vous avez touché me souillerait si je le portais encore. Que ne puis-je me plonger dans les eaux du Tanaïs ou dans celles du Méotide qui se décharge dans la mer de Bithynie! l'Océan tout entier ne pourrait effacer une telle souillure. Ô forêts, ô monstres des bois!

(La nourrice) Il est maître du fatal secret, et je reste interdite et confuse.

[720] Il vous accuserait; prévenons-le, en l'accusant lui-même d'un amour incestueux. Voilons un crime par un autre crime. Le plus sûr pour celui qui craint, c'est de porter les premiers coups. Le crime n'a pas eu de témoin: on ignore si nous en sommes les auteurs ou les victimes. Au secours, Athéniens! accourez, serviteurs fidèles. Hippolyte emploie la violence pour assouvir une passion criminelle; il presse la reine de se rendre à ses désirs criminels; et, pour vaincre sa vertueuse résistance, le fer à la main, il menace de la tuer. Le voilà qui s'échappe; mais dans sa fuite précipitée il a laissé son épée.

[730] Je garde cette preuve certaine de ses violences. Calmez d'abord le trouble de la reine. Mais ne relevez point ses cheveux en désordre; qu'ils restent comme la preuve d'un si grand attentat. Qu'on la transporte à la ville. Et vous, ô ma chère maîtresse, reprenez vos sens. Pourquoi, vous déchirant le sein, fuyez-vous les regards? C'est la volonté, et non une violence inévitable, qui rend une femme criminelle.

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LE CHOEUR.
Il a fui comme l'orage impétueux, plus rapide que le Corus qui assemble les nuages, plus rapide que ces étoiles qui, poussées par le vent, traversent les airs,

[740] laissant derrière elles un long sillon de lumière. Que la renommée, admiratrice des vieux âges, compare avec vous, Hippolyte, ce que l'antiquité eut jamais de plus rare: votre beauté brille comme celle de Phébé dans le ciel, lorsque ayant arrondi son disque, elle paraît dans tout son éclat, et que du haut de son char rapide elle répand sa vive clarté, et fait pâlir les étoiles devant elle. Vous ressemblez à cet astre,

[750] avant-coureur de la nuit, qui tantôt, sortant du sein des flots sous le nom d'Hespérus, amène les ténèbres sur la terre, et tantôt, sous le nom de Lucifer, annonce le lever de l'Aurore. Et toi, vainqueur de l'Inde, dieu du thyrse, toi qui, armé d'une lance entourée de pampre, domptes les tigres féroces, malgré ta jeunesse et ta chevelure flottante que le fer ne trancha jamais, malgré cette mitre qui ceint ton front radieux, Hippolyte, avec ses cheveux négligés, ne te le cède en rien. Ne lève pas si haut la tête. La renommée a fait connaître au monde entier

[760] le héros que la soeur de Phèdre eût préféré à Bacchus. Beauté, présent souvent funeste, tu ne brilles qu'un instant, et tu t'évanouis pour toujours. Moins rapidement disparaissent au hâle brûlant de l'été les fleurs dont le printemps émaille les prairies, quand le soleil du solstice, lançant tous ses feux et abrégeant les fraîches nuits, sèche le lis sur sa tige languissante, et flétrit la rose, ornement de nos banquets.

[770] Qu'il s'efface promptement ce vif éclat qui colore les joues! Il n'est pas de jour qui n'enlève un charme à la beauté. Ô présent éphémère! le sage peut-il compter sur un avantage si peu solide? Jouissez-en du moins tant que vous le pourrez. Le temps mine en silence, et chaque heure en fuyant nous enlève quelque chose. À quoi bon vous cacher dans les déserts? Au fond des lieux les plus sauvages, la beauté n'est pas plus en sûreté. Dans les bois solitaires,

[780] quand le soleil est au milieu de sa course, craignez les attaques des naïades amoureuses, qui se plaisent à retenir au fond de leurs fontaines les plus beaux jeunes gens. Les folâtres déités des bois, et les faunes qui habitent les montagnes, vous surprendront pendant votre sommeil; ou bien la lune, cet astre dont le peuple d'Arcadie a devancé l'existence, vous contemplant du haut des cieux, n'aura plus la force de conduire son char argenté. Dernièrement elle devint rouge, sans que son disque fût obscurci par aucun nuage.

[790] Inquiets de la voir changer de couleur, persuadés que les enchantements de quelque Thessalienne la forçaient à quitter le ciel et à descendre sur la terre, nous fîmes retentir les airs du son de l'airain. Vous seul avez causé son trouble et ralenti sa marche. Tandis qu'elle vous contemplait, la déesse des nuits oubliait de poursuivre sa course. Exposez moins souvent votre visage au froid piquant de l'hiver et aux rayons brûlants du soleil, et il sera plus blanc que le marbre de Paros. Que j'aime cet oeil fier et menaçant, et le froncement de ce sourcil sévère!

[800] Votre cou d'albâtre est comparable à celui d'Apollon. Le dieu laisse flotter sa chevelure, qui pare à la fois et couvre ses épaules; et vous, vous plaisez avec ces cheveux courts et négligés qui ombragent à peine votre front. Doué d'une haute stature et d'un corps vigoureux, vous disputeriez la victoire à ces terribles demi-dieux endurcis aux fatigues et habitués aux combats. Quoique jeune, vous avez déjà les muscles d'Hercule, et la poitrine plus large que celle du dieu de la guerre. Monté sur un coursier,

[810] vous conduiriez avec plus de dextérité que Castor lui-même le noble Cyllare, que Sparte a vu naître. Saisissez entre vos doigts la corde d'un arc, lancez un javelot de toute la vigueur de votre bras: il volera plus loin que la flèche légère du Crétois le plus exercé. Lancez, comme le Parthe, vos traits vers le ciel: aucun d'eux ne retombera sans avoir percé l'oiseau rapide, sans être rougi de son sang. Ils vont chercher votre proie même au sein de la nue.

[820] Mais, hélas! le passé l'atteste, la beauté fut toujours fatale aux héros. Puisse un dieu vous affranchir de cette loi générale! puisse votre beauté se cacher un jour sous les traits décrépits de la vieillesse! À quels excès ne se porte point la passion effrénée d'une femme? Elle s'apprête à charger d'imputations odieuses un jeune homme vertueux. Ô crime! ô perfidie! Elle montre pour preuve ses cheveux en désordre; elle se meurtrit le visage, verse des larmes, et emploie pour réussir toute la ruse dont une femme est capable.

Mais qui s'avance de ce côté? Quel est cet homme dont l'air est majestueux, et dont la mine est si haute?

[830] Je crois reconnaître le compagnon de Pirithoüs. Mais son visage est pâle; ses cheveux sont en désordre et hérissés. Non, je ne me trompe pas c'est Thésée enfin rendu à la terre.

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ACTE TROISIÈME. THÉSÉE, LA NOURRICE

(Thésée) Enfin me voici échappé du séjour de la nuit éternelle et des vastes prisons des mânes! Que mes yeux ont de peine à supporter cette lumière tant désirée! Déjà quatre fois Éleusis a recueilli les dons de Triptolème, quatre fois la Balance céleste a égalé les nuits aux jours,

[840] depuis qu'en proie à une incertitude cruelle, je languis entre la vie et la mort. Il ne me restait de la vie que le sentiment de mes maux. Enfin, Alcide m'a délivré. Arrachant au Tartare son redoutable gardien, il m'a ramené avec lui sur la terre. Mais la même énergie ne soutient plus mon courage; mes genoux fléchissent. Dieux! qu'il m'a fallu d'efforts pour remonter des gouffres du Phlégéton au séjour de la lumière, pour échapper à la mort et suivre les pas d'Alcide!

[850] Mais quels cris plaintifs ont frappé mes oreilles? J'en veux savoir la cause. Je trouve à l'entrée même de mon palais le deuil, les larmes, la douleur; accueil digne en effet de celui qui fut si longtemps l'hôte des enfers. (La nourrice) Ô Thésée, Phèdre a résolu de se donner la mort. Insensible à mes pleurs, elle veut trancher ses jours. (Thésée) Quelle raison a-t-elle de désirer la mort, quand son époux est de retour? (La nourrice) C'est ce retour même qui précipite sa mort. (Thésée) Ce discours obscur cache quelque grand mystère. Parle sans détour. Quel chagrin peut la porter à cet excès de désespoir?

[860] (La nourrice) Elle ne le confie à personne; elle renferme son ennui au fond de son coeur, et veut emporter au tombeau le mal qui la tue. Hâtez-vous, je vous en conjure: les moments sont précieux. (Thésée) Qu'on m'ouvre à l'instant la porte du palais.

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THÉSÉE, PHÈDRE, SUITE; LA NOURRICE; PERSONNAGE MUET.

(Thésée) Compagne de Thésée, est-ce ainsi que vous recevez un époux dont vous désiriez le retour? Laissez là cette épée. Ouvrez-moi votre coeur, et dites-moi pour quel motif vous voulez quitter la vie. (Phèdre) Ah! je vous en conjure par votre sceptre d'Athènes, magnanime Thésée, par les gages de notre hymen,

[870] par votre retour, et par mes cendres que la tombe va renfermer, laissez-moi mourir. (Thésée) Quel motif vous y oblige? (Phèdre) Vous le dire, c'est perdre tout le fruit de ma mort. (Thésée) Nul que moi ne saura votre secret. (Phèdre) Il en est qu'une femme chaste doit taire, surtout à son mari. (Thésée) Parlez, et soyez sûre de ma discrétion. (Phèdre) Garder son secret est le plus sûr moyen d'empêcher qu'il ne soit trahi. (Thésée) Mais je vous empêcherai de vous donner la mort. (Phèdre) Quand on veut mourir, on en trouve toujours les moyens. (Thésée) Quelle faute voulez-vous donc effacer par votre mort?

[880] (Phèdre) Mon crime est de vivre encore. (Thésée) Quoi! mes larmes ne sauraient vous toucher? (Phèdre) C'est une consolation d'emporter les regrets des siens. (Thésée à part.) Elle s'obstine à se taire; mais ce qu'elle refuse de me dire, je saurai bien contraindre sa nourrice à l'avouer. Qu'on enchaîne cette femme, et que les tortures lui arrachent ce fatal secret. (Phèdre) Arrêtez! Je vais moi-même vous l'apprendre. (Thésée) Pourquoi détourner vos regards confus, et cacher avec ce voile les larmes qui tombent de vos yeux? (Phèdre) Ô père des immortels, et vous, brillant flambeau du monde,

[890] noble auteur de notre race, je vous prends à témoin que j'ai résisté aux prières, que le fer et les menaces n'ont pu m'intimider. Mais la force a triomphé de ma résistance. Mon sang du moins effacera mon déshonneur. (Thésée) Parlez, nommez-moi le coupable. (Phèdre) Celui que vous soupçonneriez le moins. (Thésée) Son nom, vous dis-je? je brûle de le savoir. (Phèdre) Vous l'apprendrez par cette épée, que le ravisseur, au bruit de ceux qui accouraient à mon secours, a laissée près de moi. (Thésée) Dieux! que vois-je? quel crime abominable!

[900] Oui, voilà cette épée dont la garde d'ivoire est ornée de l'emblème glorieux de la maison royale d'Athènes. Mais qu'est devenu le coupable? (Phèdre) Ces fidèles serviteurs l'ont vu se hâter de fuir et courir à pas précipités.

THÉSÉE.

Ô piété filiale; ô souverain de l'Olympe; et vous, roi des flots, maître du second empire du monde, qui peut avoir fait naître dans ma famille ce monstre exécrable? Est-ce la Grèce qui l'a nourri, ou le Taurus parmi les Scythes, ou la Colchide sur les bords du Phase? On se ressent toujours de son origine; un sang vil trahit toujours la source d'où il est sorti. Je reconnais dans le misérable le caprice bizarre de ces guerrières

[910] qui fuient l'hymen légitime, et, après une longue chasteté, se livrent à des inconnus. Rejeton impur, transplanté dans de plus doux climats, tu te montres fidèle à ta souche. Les bêtes elles-mêmes n'ont point de ces penchants criminels, et, sans les connaître, respectent par instinct les lois du sang. Voilà donc cet homme dont l'air est si grave et si digne, dont l'extérieur négligé rappelait la simplicité des premiers âges, et qui affectait l'austère maintien de la vieillesse! Ô trompeuse humanité, qui, loin de manifester au dehors les sentiments de l'âme, pares le vice de tous les charmes de la beauté!

[920] La pudeur sert de masque à la débauche, la modération à l'audace, la piété au crime; le fourbe se cache sous les traits de la franchise, la mollesse sous ceux de l'austérité. Farouche habitant des bois, chaste et modeste Hippolyte, c'est pour moi que tu te réservais! c'est en souillant par l'inceste le lit de ton père, que ta virilité se signale? Oui, je rends grâces au souverain des dieux de ce qu'Antiope a péri sous mes coups, et de ce qu'en descendant aux enfers je n'ai pas laissé ta mère exposée à ta brutalité. Va, fuis dans des climats inconnus.

[930] Mais quand tu fuirais aux confins du monde et sur les bords les plus lointains de l'Océan, chez les habitants de l'autre hémisphère; quand tu te cacherais dans quelque asile impénétrable, au delà du pôle hérissé de glaçons; quand tu laisserais derrière toi l'empire de l'hiver et ses neiges éternelles, les froids et impétueux aquilons, ton crime ne restera pas impuni. Ma vengeance opiniâtre te poursuivra partout, dans les retraites les plus éloignées, les mieux défendues, dans les lieux les plus cachés, les plus inaccessibles:

[940] nul obstacle ne pourra m'arrêter. Tu sais d'où je reviens. Où mes traits ne pourront t'atteindre, mes imprécations te suivront. Le souverain des mers a juré, par l'onde inviolable du Styx, d'exaucer mes trois voeux: eh bien! ô Neptune, j'implore aujourd'hui de toi cette triste faveur. Que ce jour soit le dernier d'Hippolyte: envoie le fils coupable chez les mânes que son père a bravés. Ô mon père, rends à ton fils ce service affreux!

[950] L'excès de mon malheur m'oblige seul à t'implorer pour la dernière fois; je ne t'ai point invoqué dans les abîmes du Tartare, quand Pluton furieux me menaçait incessamment de sa vengeance: c'est aujourd'hui que je réclame l'accomplissement de tes promesses. Qui t'arrête? Quoi! les flots sont encore immobiles? Parle, ordonne, et qu'à ta voix les vents assemblent de sombres nuages; qu'une épaisse nuit dérobe à nos yeux les astres et le ciel; que la mer, sortant de son lit, vomisse les monstres qu'elle renferme; répands sur nos bords les flots de l'Océan lui-même.

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LE CHOEUR.

Ô Nature, puissante mère des dieux;

[960] et vous, roi de l'Olympe étoilé, vous qui pressez la marche des astres épars dans les cieux, et qui réglez leur course dans l'espace, vous qui imprimez aux pôles leur mouvement rapide, pourquoi tracer avec tant de soin leur route au travers de l'espace? De là cette constante succession de l'hiver qui dépouille nos forêts, du printemps qui revêt de feuilles les arbrisseaux, des ardeurs du Lion dont les feux mûrissent les dons de Cérès,

[970] et des chaleurs modérées de l'automne. Ô vous qui présidez à ces grands mouvements, et qui soutenez, dirigez les masses suspendues dans l'espace, pourquoi, peu soucieux des choses d'ici-bas, ne songez-vous point à protéger les bons et à punir les méchants? Nos destinées sont livrées aux caprices de la Fortune. Cette aveugle déesse, répandant ses faveurs au hasard, les prodigue à ceux qui en sont les moins dignes;

[980] le vice triomphe de la vertu, la perfidie règne dans les cours, le peuple se plaît à décerner les honneurs aux hommes les plus vils, et rampe devant ceux qu'il méprise. La triste vertu ne recueille pour prix que la misère; l'adultère est triomphant. Ô vaine pudeur! ô stérile vertu! Mais que vient nous apprendre le messager qui accourt de ce côté?

[990] son visage, où la douleur est empreinte, est baigné de larmes.

Prêt pour le cours de latin ?

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Philippe

Professeur de musique depuis deux décennies, je vous livre ici mes différents cours !