Selon John Bell dans La comparaison en droit public de 1999, « le droit public comparé a des particularités lesquelles le différencient du droit privé comparé.  L'approche du droit public doit tenir compte des institutions gouvernementales et administratives, lesquelles sont souvent spécifiques au pays ».

Le droit comparé peut être défini comme étant la comparaison des divers systèmes juridiques et des règles de droit, des contextes, des notions appartenant à ces systèmes juridiques.

Il n'est pas question de parler de discipline en tant que telle car le droit comparé ne produit pas de normes juridiques et ne constitue pas un ordre juridique distinct.

Il a en effet pour objet l'étude des différents ordres juridiques dans le but de procéder à une comparaison.

Ce n'est pas non plus une méthode puisque il peut y avoir plusieurs méthodes en droit comparé.

A titre d'exemple, la méthode intégrative du droit comparé consiste en l'étude et en la démonstration des similitudes entre les différents systèmes juridiques étudiés.

Grâce à cette méthode-ci, le droit comparé peut être utilisé comme un instrument par lequel on parvient à la convergence des droits.

Autre exemple, celui de la méthode différentielle par laquelle l'accent est d'avantage mis sur les divergences juridiques et culturelles entre les systèmes juridiques à comparer.

Il faut également distinguer le droit comparé du droit étranger.

Le point de départ du droit comparé est effectivement le droit étranger, c'est-à-dire un travail de reconstruction des données qui suppose la connaissance du droit étranger par le comparatiste.

Mais ensuite la différence entre les deux naît de la nature des objectifs qui divergent.

Le droit étranger constitue l'étude d'un ou plusieurs systèmes juridiques étrangers mais sans démarche de comparaison.

En revanche le droit comparé aboutit soit à une comparaison entre les différents systèmes juridiques étudiés avec la démonstration des différences et / ou des similitudes entre eux et avec une justification des arguments utilisés dans la comparaison ; soit à une comparaison entre les systèmes juridiques et le système juridique du comparatiste avec ensuite une évaluation de son système juridique au regard des autres.

L'élément essentiel du droit comparé (celui qui lui donne un minimum d'objectivité) est le sens, la justification que donne le comparatiste au positionnement qu'il a pris dans la comparaison.

Le comparatiste doit justifier sa démarche de comparer les différents systèmes juridiques.

En effet, le droit comparé poursuit toujours un but, une finalité.

Quelles sont les spécificités du droit public comparé ?
Ce but peut différer, il peut ainsi s'agir d'un but pratique, d'un but critique ou d'un but de connaissance.

Le droit public est un ensemble de règles de droit qui régissent l'organisation et le fonctionnement de l’État, de l'administration, des collectivités territoriales et des autres personnes de droit public, ainsi que leurs relations avec les personnes privées. Les domaines les plus significatifs du droit public sont le droit constitutionnel et le droit administratif.

Le droit constitutionnel a pour objet d'étude le moyen de gouvernement et le règlement des pouvoirs publics.

Le droit administratif est la branche de droit qui régit l'administration publique quant à son organisation, ses services et ses rapports avec les citoyens. Le droit public s'oppose classiquement au droit privé qui est composé des règles de droit qui régissent les rapports entre les personnes privées.

Le droit public a une véritable spécificité par rapport au droit privé, en ce sens qu'il constitue véritablement l'expression de l'identité nationale de chaque pays (cf II).

Il est intéressant de se demander si cette spécificité est également présente lorsqu’il s'agit de comparer les droits publics des États par rapport à la comparaison de leur droit privé.

La spécificité renvoie à la particularité, à un trait distinct.

Traditionnellement le droit comparé est identifié au droit privé comparé.

Il est né au XIXe siècle en tant que Législation comparée. La comparaison est surtout concentrée sur des règles de droit en vigueur.

En droit privé, le développement du droit comparé est largement lié à des exigences pratiques, à l'application des règles du Droit international privé pour résoudre des litiges internationaux.

L'une des raisons du développement du droit privé comparé à l'origine est la suivante : à cette époque intervient un bouleversement économique qui va entraîner une intensification des échanges économiques entre les États et une certaine concurrence apparaît alors entre eux. Les États développent des intérêts communs mais également des divergences non plus politiques mais économiques ce qui les poussent à s'observer, s'étudier réciproquement pour pousser leurs avantages, c'est la naissance du droit comparé.

Il y a aussi une révolution intellectuelle et culturelle notamment entre la France et l'Allemagne.

Le modèle universitaire allemand rayonnant au détriment du modèle français. En outre, les juristes en Allemagne bénéficient d'une légitimité scientifique, alors qu'en France, ce n'est qu'une légitimité politique.

Il est alors question de comparé pour être aussi performants. En 1869, par exemple, est créée la première société de législation comparée, qui « a pour but l'étude et la comparaison des lois et du droit des différents pays ainsi que la recherche des moyens pratiques d'améliorer les diverses branches de la législation » (article premier des Statuts).

A la même époque, les britanniques créèrent le premier poste spécialisé en droit comparé. Les belges fondent la première revue de droit comparé.

En 1900, se tient le premier congrès international de droit comparé à l'initiative de deux auteurs français (Saleilles et Lambert) à Paris (contexte de la veille de la Première Guerre Mondiale, donc tensions).

Le but de ce congrès est de comparer les droits pour trouver une solution globale de droit pour instaurer une paix universelle.

De 1900 à 1945, le droit comparé passe au second plan.

À partir de 1945 et depuis cette date, il est question d'un véritable essor sans précédant du droit comparé.

La question qui se pose alors dans cette réflexion est de savoir s'il est possible de parler d'une spécificité du droit public comparé ?

En effet le droit public comparé a sa spécificité qui est l'importance fondamentale de la contextualisation pour la comparaison des droits publics des États.

Le droit public présente des spécificités qui font douter, pour son étude, de la pertinence des instruments de comparaison employés par les privatistes (I), en effet, nombreuses sont les particularités du droit public comparé (II).

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L'inadéquation des méthodes de comparaison privatistes en droit public comparé

L'action de comparer suppose une méthode, une organisation dans la réflexion.

En effet, la comparaison de plusieurs droits est complexe, c'est pour cela qu'il faut avoir une approche rigoureuse. Les privatistes, premiers comparatistes, ont donc développé des méthodes particulières : la classification en familles juridiques (A) et la méthode fonctionnelle (B).

Mais il n'est cependant pas approprié de les appliquer en droit public comparé.

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La classification en famille juridique inconciliable avec le droit public comparé

La classification en famille de droit est due à René David. Cet auteur donne naissance à la macro-comparaison, dont l'objectif est de systématiser les solutions juridiques des différents ordres juridiques.

Cette systématisation passe par une classification des familles de droit fondée initialement sur cinq familles (droit occidental, droit socialiste, droit islamique, droit hindou et droit chinois).

Puis la classification reposa sur 3 groupes (la famille romano- germanique, les pays de common law et les droits socialistes). Enfin, David ajouta une autre famille regroupant les droits religieux et traditionnels.

Cette classification se fonde essentiellement sur les techniques juridiques, mais aussi sur l'idéologie.

La macro-comparaison est bien entendu beaucoup moins approfondie que la micro-comparaison.

En effet, si la comparaison est faite avec un minimum de précision, les particularismes de chaque système apparaissent très clairement.

Chaque État est unique et il n'est pas pertinent de le classer dans une famille de droit.

La classification en famille juridique ne reflète pas la diversité des réalités juridiques.

Ils sont donc a priori en opposition (d'après la classification en famille de droit) avec la famille de droits romano- germaniques.
Cette affirmation peut être illustrée par un exemple : les États-Unis et la Grande-Bretagne sont deux États très proches, le second ayant beaucoup influencé le premier.

Mais il faut préciser que la Constitution écrite, ainsi que le contrôle de constitutionnalité sont des fondements du constitutionnalisme américain alors que ces éléments sont absents en Grande-Bretagne et présents dans un pays comme la France ou l'Allemagne (appartenant à la famille de droits romano-germaniques).

La classification en famille semble donc perdre tout intérêt ...

Quel est l'intérêt de cette méthode si deux États de deux familles différentes peuvent être plus proches dans un domaine que deux États de la même famille ?

La méthode de classification en famille de droit est d'autant plus contestable que la constitution de ces groupes est subjective. « Il est en effet admis que ces classifications sont grossières et idéologiquement orientées » (Mme Ponthoreau).

David place par exemple la France sur le même plan que les États-Unis et l'URSS, alors que Zweigert et Kötz émancipent l'Allemagne de la tutelle française ... Suivant la personne proposant une classification, cette dernière varie !

De nombreuses classifications ont été inventées, il est possible de citer : la classification de J. Vanderlinden qui est la plus récente (1997) et qui est basée sur « comment est fabriqué le droit ? » (Constitution, loi, jurisprudence). Il distingue donc la famille de droit coutumier, de droit doctrinal, de droit jurisprudentiel, de droit légiféré (droit civiliste) et de droit révélé (droit musulman et droit hébreux).

Il est également possible de citer la classification de P. Glenn (canadien) ou encore la classification de U. Mattei (italien). Suivant la classification retenue, les États n'appartiendront pas à la même famille de droit, il est donc une fois de plus possible de s'interroger sur la pertinence et l'utilité de cette méthode de comparaison ?

Les critères retenus pour fonder une classification en famille de droit sont nombreux mais il est indispensable d'admettre qu'il y a un caractère réducteur et donc trompeur dans toute classification.

De plus, il existe de nombreux États avec des systèmes juridiques mixtes et qui n'entrent donc dans aucune catégorie / famille.

C'est par exemple le cas du droit canadien qui est un système bi-juridique, c'est-à-dire où coexistent le droit civil et le droit de common law.

Et pourtant (même en prenant en compte toutes ces « défaillances »), certains professeurs de droit public comparé persiste à utiliser la classification en famille en droit public comparé. C'est par exemple le cas du professeur Rueda (Université de Toulouse) qui place les familles juridiques au cœur de son cours de droit comparé (1ère partie). Pour ces professeur, les familles de droit valent en droit public comparé. Et elle conseille même de comparer plutôt des systèmes appartenant à la même famille juridique (car sinon on multiplie les difficultés, et on augmente les chances de faire des contre-sens) ! Mais cet avis n'est pas celui développé dans cette réflexion.

En effet, l'intérêt de la comparaison est tout aussi grand entre la France et l'Allemagne (même famille juridique) qu'entre la France et la Grande-Bretagne par exemple.

Il n'est donc pas pertinent de suivre la méthode des familles de droit en droit public comparé.

La classification en famille de droit s'adapte plus au droit privé comparé car ce dernier s'attache aux règles de droit positif. Le droit public comparé s'intéresse également à la formation, au fonctionnement, ... des institutions d'un pays, car il est impossible de se contenter de comparer les règles de droit.

En droit public comparé, la classification en famille de droit rencontre vite ses limites. « L'approche du droit public doit tenir compte des institutions gouvernementales et administratives, lesquelles sont spécifiques au pays » (Bell), ce qui signifie qu'il est impossible de regrouper deux États dans un même groupe.

Deux États appartenant à la même famille peuvent très bien concevoir différemment une même notion.

Quel est donc l'intérêt de faire des familles de droit ?

Pour Illustrer cet argument, il est approprié de donner un exemple : La France et l'Italie appartiennent à la famille des droits romano- germanique.

En France, le principe de laïcité impose très strictement aux écoles publiques d'être neutre en matière religieuse. Mais en Italie, le principe de laïcité n'interdit pas aux écoles publiques d'accrocher des crucifix dans leurs salles de classe.

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La situation mondiale née de la récente guerre a porté d'un seul coup le droit comparé à ses conséquences les plus avancées.
Le juge italien considère que les crucifix sont des symboles historico-culturel, ayant une « valeur identitaire » pour le peuple italien, ainsi qu'un symbole du système de valeurs de la charte constitutionnelle italienne.

La Cour Européenne des Droits de l'Homme confirme cette interprétation et ne considère pas que l’État italien ait violé son obligation de respecter toutes les convictions religieuses (30 juin 2010 ; requête n°30814/06).

Ce serait également bien de rappeler l'arrêt Lautsi contre Italie du 15/03 2011 qui ne retient pas la violation de l'article 2 du Protocole additionnel n°1 sur le droit à l'instruction des parents et justement à propos, en l'espèce, de la présence de crucifix dans les salles de classes.

Pour la Cour européenne, il n'y a pas consensus en la matière et laisse ainsi aux États une large marge d'appréciation au regard de la laïcité.

Cette décision de la CourEDH est impensable en France. Le juge a, pour rendre sa décision, pris en considération le contexte du pays dans lequel les faits se sont déroulés. L'histoire, la culture,... italiennes ont amené le juge à se prononcer dans ce sens.

Il est donc pertinent de parler maintenant de l'importance de la contextualisation en droit public comparé.

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La méthode fonctionnelle inapplicable en droit public comparé

Ce sont les privatistes allemands Ernst Rabel, puis Konrad Zweigert et Hein Kötz qui ont développé la méthode fonctionnelle.

Pour ces derniers, la méthode fonctionnelle était un « principe méthodologique de base de droit comparé ».

Cette méthode consiste en la recherche, dans les systèmes juridiques que le comparatiste étudie, d'un équivalent fonctionnel, c'est-à-dire d'un concept ou d'une règle de droit, qui même différent, remplisse les mêmes fonctions ou aboutisse au même résultat (définition de Mme Ponthoreau).

Selon ces auteurs, les solutions adoptées sont souvent les mêmes bien que les moyens juridiques (les normes, concepts et institutions) soient différents.

Ils présument donc que le contexte est assez identique dans les systèmes comparé. Les comparatistes peuvent donc partir de cette présomption de similitude.

La principale critique au fonctionnalisme est la décontextualisation de la fonction.

Or la contextualisation est indispensable en droit public comparé ! Cette méthode peut aboutir à des erreurs.

Dans l'exemple précédant, le concept de laïcité n'aboutit pas du tout au même résultat en France et en Italie alors que ces deux États semblent très proches. En droit public comparé, il est impossible pour les comparatistes de présumer que le contexte est globalement identique dans les systèmes comparés et donc que les problèmes donneront lieu à la même solution. Raisonner ainsi ne peut aboutir qu'à des résultats peu satisfaisants.

Pour J. Bell, « la divergence des institutions (et parfois des valeurs) en droit public ne permet pas une telle présomption. La similitude doit être prouvée pour donner lieu à une comparaison satisfaisante ».

Il y a une dimension dynamique dans la conception du droit public comparé qui interdit de partir de postulats.

Pour comparer correctement il est impératif de s'attacher aux particularités des États, que ces dernières soient culturelles, historiques, idéologiques, politiques, institutionnelles, ... Plus la morale et les valeurs auront une place importante dans l'exercice d'un droit, plus ce droit pourra être appliqué différemment selon l’État en question.

« Tout droit est un phénomène culturel ; les règles de droit ne peuvent jamais être considérées indépendamment du contexte historique, social, économique, psychologique et politique » (Zweigert). La culture et les traditions juridiques occupent une place très importante en droit public comparé.

Le comparatiste doit faire attention à comment un concept, une valeur, ... sont appréhendés dans le système étudié pour la comparaison (rejet de la méthode fonctionnelle).

Le droit comparé permet d'expliquer comment une communauté comprend le droit.

La difficulté principale du droit public comparé est que tout juriste est formé à un système spécifique. Il doit admettre l'existence, la possibilité de conception différente du droit. Il faut essayer de voir le droit comme un juriste du système étudié.

Lors d'une comparaison, le risque pour le comparatiste est de transposer sur le texte étudié des significations propres à son système juridique (réflexe d'universalisation d'une culture juridique). Pour comparer deux institutions juridiques, il faut comprendre comment le système est vécu par les nationaux et replacer le système juridique dans son ensemble.

L'intégration est le moyen le plus sûr d'appréhender de façon fidèle un système juridique.

La contextualisation est donc l'élément fondamental en droit public comparé.

« L'enracinement des règles et des fonctions dans les structures organisationnelles d'un pays leur donnent le sens et la raison d'être » (Bell).

Pour illustrer cette nécessité de contextualiser et donc de ne pas partir du postulat d'une similitude, il est possible de prendre l'exemple de la notion « d'État de droit » (exemple donné par Bell). En effet, l’État de droit est une notion à laquelle doit faire face tous les systèmes juridiques.

« Mais si l'on descend dans les détails, la particularité de chaque pays apparaît clairement. Même la notion d'État de droit est conçue de manière différente dans différents systèmes ».

En France, cette notion recouvre la séparation du droit public et du droit privé et en Grande-Bretagne, elle impose la soumission de l'administration aux tribunaux ordinaires ...

La méthode fonctionnelle et la classification en famille de droit présentent certains intérêts pour les comparatistes de droit privé, mais ces dernières ont été élaborées d'une telle manière qu'elles ne répondent pas à la spécificité du droit public comparé. Il n'est donc pas pertinent de reprendre ces méthodes pour le comparatiste publiciste.

De l'importance des particularités du droit public comparé

Dans la seconde partie de cette réflexion, il sera question de mettre en exergue les spécificités du droit public comparé (A), mais aussi de se demander si ces spécificités ne s'atténuent pas du fait de l'européanisation des droits (B).

Des spécificités certaines pour chaque État

A l'instar des privatistes, les plublicistes portent une attention particulière à l'histoire.

Il ne s'agit plus simplement de répondre à des situations bien précises par du droit positif.

En l'espèce, il est question du « droit de la chose publique » caractérisé par un fort particularisme (Sujet de droit public).

La spécificité inhérente au comparatisme en droit public c'est la nécessité de penser ce découplage droit/État.

Le droit public comparé a une finalité propre par rapport au droit privé comparé.

En effet le droit privé comparé est lié à des exigences pratiques tenant à l'application des règles de droit international privé pour résoudre des conflits juridiques.

En 1869 par exemple est créée la première société de législation comparée qui a pour but l'étude et la comparaison des lois et du droit des différents pays ainsi que la recherche des moyens pratiques d'amélioration des divers branches de la législation. L'intérêt du droit public comparé se situe à un autre niveau, certainement moins concret, qui est celui de la réforme et donc de l'éventuel emprunt juridique.

L'objectif pratique du droit public comparé est beaucoup moins évident dans la mesure où les réformes de droit constitutionnel et de droit administratif sont beaucoup plus rares.

Selon John Bell, la présomption de similitude peut être admise dans certaines limites pour le droit privé, « mais la divergence des institutions (et parfois des valeurs) en droit public ne permet pas une telle présomption ».

Dès lors il faut s'attacher à comparer, en ce sens contextualiser permet de surmonter l'obstacle de l' « incomparable ».

A cet effet, une simple analyse à la Jourdain, dénuée de toute perspective historique semble obsolète.

Il est courant que deux États ayant une grande similarité en matière de droit privé peuvent fortement diverger au niveau de leur organisation structurelle ; c'est le cas de l'exemple Franco-Allemand.

Il y a un nécessaire rapprochement entre l'étude comparative et l'étude historique. En effet, l'étude de l'histoire du droit étranger est la première étape de la comparaison. L'étude de l'histoire d'un État permet de comprendre la fabrication du droit dans cet État. Il faut comprendre un droit, un ordre juridique en prenant compte de la volonté originelle des constituants.

En cela, une constitution est « au carrefour entre le droit et le politique » (M-C Ponthoreau.) L'élaboration d'une Constitution est souvent le fruit d'une révolution, d'un conflit interne ou d'une guerre. Les règles de droit répondent à une situation vécue par l’État.

Cette contextualisation est donc très importante car cela permet de comprendre pourquoi une règle de droit a été élaborée et pourquoi cette dernière « fonctionne » dans cet État.

En effet, sans cette contextualisation, il est impossible de savoir si l'emprunt juridique est possible, si l'emprunt juridique sera accepté dans l’État qui fait la réforme.

La contextualisation permet de s'assurer le plus possible que l'emprunt juridique sera efficace dans le pays « d’accueil » de la norme.

Il faut préciser que la contextualisation n'assure pas une parfaite comparaison mais elle minimise le plus possible les erreurs d'interprétation.

L'idéologie politique est également extrêmement importante, un État communiste englobe par exemple un champ de droit public plus important qu'un État ultra-libéral décentralisé.

Cette difficulté s'impose au juriste qui doit dépasser ses propres préjugés et prendre le recul nécessaire.
Le professeur Ponthoreau explique également qu'il faut déterminer un « contexte pertinent », il est ici question d'effectuer une recherche empirique sérieuse.

Il ne peut cependant pas se prévaloir d'une neutralité à toute épreuve (car cela est impossible).

De plus, l'avènement du phénomène étatique a conduit à une très forte nationalisation des droits. Le droit public est le signe de l'identité national, ce qui favorise plutôt une comparaison démontrant les spécificités nationales, culturelles et juridiques du droit public dans chaque système juridique.

Il y a un contexte propre à chaque État qui doit être nécessairement pris en compte par les comparatistes dans la comparaison des droits publics.

Il y a des contextes institutionnels, historiques, sociologiques, politiques qui sont extrêmement importants pour la comparaison en droit public , ce qui n'est pas le cas pour la comparaison en droit privé qui se limite aux règles de droit en vigueur dans chaque système et qui de ce point de vue est moins approfondie que la comparaison en droit public.

Vers un amoindrissent des particularités du doit public comparé ?

Selon Bell (citant Flauss), « l'européanisation va conduire de façon plus ou moins forcée à un certain métissage du droit administratif français ».

En effet l'européanisation du droit est un facteur de métissage, les systèmes juridiques se rapprochent les uns des autres et empruntent les uns aux autres. L'exemple le plus frappant étant celui du droit de l'Union européenne qui est un emprunt des différents droits des États membres.

Il est ainsi possible de parler, pour ce droit européen d'un véritable métissage juridique.

La Cour de justice de l'Union européenne est ainsi la première à faire du droit comparé puisqu'elle compare les droits nationaux des États membres pour interpréter le droit de l'Union.

Cette démarche comparative lui est indispensable.

La Cour européenne des droits de l'Homme en fait de même, en comparant, non pas les droits nationaux de 27 États, mais ceux des 47 États membres à la convention.

S’agissant en particulier de l’Union européenne, les directives européennes tendent à réaliser, sinon une véritable unification, du moins une harmonisation des législations internes des États membres.

Une réflexion sur les enjeux épistémologiques de la comparaison en droit public est aujourd’hui particulièrement nécessaire tandis que les constitutionnalistes doivent affronter les défis lancés par l’Europe et par la globalisation juridique.

Dans un contexte d'européanisation et d'intégration des droits des États sous l'influence de la CEDH et de l'UE, il est possible de parler d'une relativisation de la frontière entre le droit public et le droit privé.

En effet, cette distinction n'existe pas en droit européen (contrairement au droit français). Le droit comparé peut être aussi utilisé comme un moyen pratique de rapprochement entre les droits publics des États européens (ex : application directe du droit de l'UE dans tous les États membres). Cette convergence des droits en Europe peut être illustré par un exemple (donné par Ponthoreau) : « la spécificité constitutionnelle du Royaume-Uni semble en voie d'atténuation ».

En effet, le principe de la souveraineté parlementaire a par exemple été adapté pour intégrer dans l'ordre juridique interne la ConventionEDH.

Pour conclure il est certain que le droit comparé est un outil d'harmonisation, il paraît être une aide certaine au mouvement de mondialisation, mais il est aussi un moyen de comprendre, de percevoir les caractéristiques et l'identité de chaque État.

En effet, malgré cette nouvelle forme de métissage, subsiste de réelles spécificités nationales qui semblent aujourd'hui hors de portée de cette « européanisation » du droit.

C'est l'exemple type du caractère républicain de la Constitution française. « On peut légitimement contester qu'elle [cette convergence] conduise à la suppression des différences » (Ponthoreau). L'unification est donc (pour l'instant) limitée à certaines matières ...

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Simon

Juriste et ancien élève de l'UPPA et de la Sorbonne, je mets à dispositions mes TD, notes et fiches de cours pour aider les étudiants. N'hésitez à poser vos questions en commentaire : On essaiera de vous aider en faisant de notre mieux !