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C'est parti

L'extrait commenté

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant u

n peu de l’ordinaire. À première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.

La cité elle-même, on doit l’avouer, est laide. D’aspect tranquille, il faut quelque temps pour apercevoir ce qui la rend différente de tant d’autres villes commerçantes, sous toutes les latitudes. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni battements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire ? Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés. Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un déluge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.

Une manière commode de faire la connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. Dans notre petite ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C’est-à-dire qu’on s’y ennuie et qu’on s’y applique à prendre des habitudes. Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Naturellement ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer. Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. Le soir, lorsqu’ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l’on joue gros jeu sur le hasard des cartes.

La Peste, Albert Camus, éditions Gallimard, 1947

Qui est Albert Camus ?
Portrait d'Albert Camus. Source : lucernaire.fr

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Commentaire composé de l'extrait

Introduction

La Peste est un roman d'Albert Camus qui paraît en 1947, deux ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale en France.

Ce roman appartient au cycle dit « de la révolte », en compagnie de l'essai intitulé L'Homme révolté (1951) et de la pièce de théâtre Les Justes (1949). Ce cycle, qui vient après le « cycle de l'absurde » (contenant notamment le fameux L'Etranger de 1942), fait voir des personnages conscients de l'existence comme absurdité, et qui se réalisent dans l'action de révolte, individuelle ou collective.

L'incipit de ce roman pose le cadre spatial du récit, en même temps qu'il informe sur une certaine ambiance, qui insiste sur la banalité de la ville, tout en précisant ses caractéristiques.

Annonce de la problématique

Dès lors, en quoi le début du roman renseigne-t-il sur les « curieux événements » à venir ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps la manière dont Camus pose son décor, spatial autant que social - ce qui est le propre d'un incipit. Pour autant, ces premières phrases laissent entrevoir une tension, qui annonce l'intrigue à venir : cela constituera le second temps de notre analyse. Enfin, nous interrogerons la position ambiguë du narrateur, dont le statut pose problème.

Développement

Un incipit utile à la contextualisation

Le début du roman place l'histoire à suivre dans un cadre spatial précis appartenant au réel. Mais en même temps que le narrateur insiste sur l'aspect « ordinaire » d'Oran, il dresse un portrait plutôt négatif des habitants.

Un cadre réel

L'histoire prend place dans une vraie ville : Oran. Le temps est également précisé, et renvoie à ce même aspect réaliste : il s'agit d'une décennie particulière, contemporaine à celle de la publication. Les événements qui vont suivre « se sont produits », c'est-à-dire, conformément à l'emploi du passé, qu'ils se sont déjà produits. Ainsi, l'histoire se situe entre 1940 et 1947, qui est la date de publication du roman.

L'utilisation du mot « chronique », dès la première phrase, fait référence au lexique journalistique. Ce terme veut prolonger l'idée selon laquelle le roman, comme « récit », paraissait dans un journal, qui est le lieu par excellence de la restitution de la réalité.

Enfin, nous percevons, dans les détails donnés, un souci d’exactitude, de réalité, qui coupe court à toute fantaisie. Oran est ainsi décrite telle qu’elle existe réellement à l’époque :

  • « laide »
  • « d’aspect tranquille »
  • elle ppartient aux « villes commerçantes »
  • elle est sur la « côté algérienne », une « préfecture française »
Où se déroule l'action de La Peste ?
Oran en 1943

Après une description géographique, vient une description, tout aussi réaliste, bioclimatique : les saisons sont décrites une à une, telles qu’elles se passent dans la réalité : c’est ainsi qu’il fait trop chaud en été, et la seule saison agréable est l’hiver.

En dernier lieu, la narration s'arrête sur la vie des habitants, qui ont des habitudes banales, ce qui finit d’assurer les lecteurs de la dimension réaliste de l’histoire à suivre. En effet, les choses sont rigoureusement humaines, rigoureusement sociales : « on y travaille », « on y aime », « on y meurt ».

Le pronom personnel « on » est tout à la fois impersonnel et inclusif : il renvoie à l’humanité des personnages, qui est partagée avec le lecteur, comme l’expression « Nos concitoyens », qui rassemble tout le monde.

Enfin, à Oran, il y a des jeunes, il y a des vieux, qui s’occupent comme tout un chacun, avec des boules, des cartes, ou en buvant des cafés. En somme, Oran, où prend place l'histoire qui va suivre, est une ville ordinaire.

Une ville banale et « ordinaire »

Il est remarquable que le texte insiste, dès le premier paragraphe, sur le caractère « ordinaire » de la ville d'Oran. On trouve ainsi deux occurrences de ce terme dans les trois premières phrases du roman.

Oran, a priori, ne se prête en rien à une histoire extra-« ordinaire ». Elle est même « laide » et « d’aspect tranquille ». Le texte insiste encore (!), en disant de la ville qu’elle est un lieu « neutre ».

Cela semble confirmé par les occupations des habitants, qui sont tout aussi banales, dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître :

  • Ils gagnent de l’argent pendant les jours ouvrés : « Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. »
  • Ils tombent dans la monotonie : « heure fixe », « même boulevard »
  • Les jeunes sont conformes à leur état, à savoir « brefs » dans leur désir
  • Les plus vieux s’amusent calmement aux boules ou aux cartes
  • Ils s’amusent le week-end : « ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche »

Outre cette grande banalité, les Oranais font tout ensemble, et semblent ne disposer d’aucune individualité, aucune singularité dans leurs plaisirs : « Dans notre petite ville, est-ce l’effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. ».

De fait, leur vie est marquée par l’ennui (« C’est-à-dire qu’on s’y ennuie ») et que les activités semblent choisies pour tromper cet ennui.

Mais surtout, le ton utilisé est péjoratif, et Oran semble plutôt être une ville dans laquelle il n’y a rien à retirer…

Une tonalité négative

La description d’Oran que fait le narrateur ne donnerait pas envie à un touriste qui voudrait la visiter et, même, elle inciterait à la fuir.

Ainsi, ce qui la définit le mieux, c’est encore ce dont elle est privée, comme en témoigne l’anaphore sur « sans » dans la phrase « sans pigeons, sans arbres et sans jardins ». On trouve également des formules restrictives, par trois fois :

  • «et rien de plus qu’une préfecture française »
  • « Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel »
  • « on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre »

Oran est une ville où le manque règne, et c’est sa principale caractéristique.

Au moment de citer ce qu’il s’y trouve, rien ne semble glorieux, et c’est même plutôt triste :

  • Il y fait trop chaud l’été : « le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise»
  • Il y a de la boue l’hiver : « déluge de boue »
  • les habitants sont cupides, puisqu’ils ne veulent que « s’enrichir »

A ce titre, la seule profusion que l’on trouve, c’est celle de l’argent, signifiée par la profusion du lexical y afférent : « « commerçantes », « vendeurs », « marchés », « commerce », « affaires », « bureaux ». L’ensemble des habitants est une masse, désignée longuement par le pronom personnel « ils », qui ne semblent pas valoir par sa subtilité…

Transition

Mais rappelons que la première phrase, le deuxième mot, même, annonçait des « curieux événements », tandis que tout la suite de l'incipit insiste sur le caractère « ordinaire » de la ville. Cela pose question, tout comme le statut du narrateur interroge.

Une narration qui pose des questions

Il y a d’abord ce narrateur, au statut qui semble problématique. Il y a également l’aspect manifestement symbolique de la narration, qui semble aller plus loin que la simple littéralité des mots.

Le statut du narrateur : objectif ?

Le narrateur fait hésiter le lecteur au sujet de son statut : est-il un simple témoin, ou un regard critique ? Il est difficile de choisir, puisque différentes informations font s’opposer les analyses.

Ainsi, on peut considérer qu’il est un simple témoin objectif à partir de différents éléments :

  • « chronique » renvoie à un récit chronologique d'événement réels dont le narrateur a été témoin
  • Le pronom « on » rend la narration anonyme et peut être identifié à chacun des habitants d’Oran, comme l’utilisation de formules qui font intervenir la première personne du pluriel avec : « notre ville », « nos concitoyens », « nous »
  • Dans le même temps, « on » désigne parfois « je », les habitants d’Oran que le narrateur observe (« on y travaille », « on y aime », « on y meurt ») ; cela contribue à brouiller la voix narrative
  • La formule « de l’avis général » annonce que le narrateur investit la parole populaire des habitants, qu’il se fait « voix » de la collectivité, et qu’il y perd sa subjectivité
  • Enfin, le ton dans certaines formules rend sa voix anonyme : « une manière commode de faire la connaissance d’une ville »
Quelle est la portée de La Peste ?
La Peste à Ashdod, Nicolas Poussin, 1630
Le statut du narrateur : critique ?

A l’inverse, on peut trouver les traces d’un regard critique, voire accusateur, dans d’autres formulations :

  • la description péjorative de la ville et de ses habitants
  • l’ironie plus ou moins sensible dans l’ensemble de l’extrait, avec les adverbes « naturellement » et « très raisonnablement » qui à valeur d’antiphrase (= « Manière de s'exprimer consistant à faire usage, par ironie ou euphémisme, d'un mot ou d'un groupe de mots signifiant le contraire de ce que l'on pense », Larousse)
  • le jugement, dans une phrase comme : « Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir », avec la rupture contenue dans le « mais » qui vient témoigner d’une espèce de désaccord moral (qui veut dire : « travailler beaucoup ne signifie pas forcément vouloir gagner de l’argent)

Le narrateur montre ainsi la vacuité de l’existence des Oranais, qu’il regarde de haut, depuis des valeurs différentes. Il troque ainsi bien vite le « nous » pour le « ils ».

Mais derrière ce narrateur, il y a encore un auteur, et le lecteur peut s’apercevoir de la portée symbolique de certains points de l’incipit.

Une œuvre symbolique

La ville d’Oran est avant tout une représentation symbolique du monde moderne. Elle est décrite d’une manière parfaitement contemporaine, où l’argent et le commerce sont roi. La vie se résume au divertissement qui vise à faire oublier l’ennui et la tristesse de l’existence.

Les habitants sont ainsi une représentation symbolique de la condition humaine, représentatifs de la nature humaine en général. Ils mènent une vie banale et ne se posent pas de questions. Cela est perceptible d’après plusieurs points :

  • glissement d’un présent d’habitude à un présente de vérité générale qui donne l’impression que ce qui se passe à Oran est pareil à ce qui se produit dans le monde
  • jeu autour du pronom « on » et « nous » qui amène progressivement à inclure le lecteur : cette implication progressive du lecteur est révélatrice : ce qui se joue à Oran se joue aussi au quotidien dans nos existences

Enfin, le caractère « ordinaire » de la ville veut bien dire qu’Oran est une ville comme les autres, c’est-à-dire que ce qu’il s’y passe ne diffère pas des autres endroits. Ce terme d’ordinaire devient alors une mise en garde : ces « curieux événements » peuvent arriver de partout, y compris (et surtout) là où rien ne les annoncent.

Que raconte La Peste ?
Edition de La Peste, collection folio, Gallimard

L’incipit place ainsi l’œuvre dans une dimension symbolique plus large qui doit faire s’interroger sur le monde qui nous entoure et sur notre propre condition.

Conclusion

Ce début de roman remplit d’abord ses objectifs d’incipit. S’il ne renseigne pas directement sur l’identité du narrateur, il pose au moins le cadre d’un récit réaliste, avec une ville que le lecteur peut facilement identifier.

La torpeur présentée par Camus permet en outre de préparer le lecteur à l’advenu d’un élément déclencheur, déjà annoncé par le tout premier groupe nominal du roman « Les curieux événements ».

Pour autant, il règne une inquiétante impression : celle d’un narrateur tout à la fois acteur et critique de la situation qu’il s’apprête à exposer. Rappelons maintenant que la peste vise à figurer l’horreur nazie, et que le roman appelle à la révolte contre l’absurdité meurtrière qu’incarne le totalitarisme.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.