Le Superdome est un stade mythique : construit
en 1975 à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), il a
accueilli de nombreux Super Bowls (la finale du
championnat de football américain), un concert des
Rolling Stones, le pape Jean-Paul II, la Convention
Républicaine et les réfugiés de l’ouragan Katrina.
Paradoxal, le Superdome jette un pont entre le
divertissement le plus grand, avec le Super Bowl,
et la détresse absolue, avec Katrina. S’inspirant
de cette logique additionnelle et schizophrénique
d’un "I can get no satisfaction" ET d’un "Notre Père
qui êtes aux cieux", Marc-Olivier Wahler propose
SUPERDOME, une nouvelle session réunissant cinq
expositions personnelles oscillant entre spectacle
et vanités, décibels et prières, high-tech et chaos,
dans la continuité du programme d’expositions
testant la notion d’élasticité de l’oeuvre d’art entamé
au Palais de Tokyo depuis Cinq milliards d’années.

Daniel FIRMAN

Würsa (à 18 000 km de la Terre) : un éléphant empaillé

Photo : minicooper

À 18 000 km de la terre, l’éléphant Würsa pourrait tenir en équilibre sur sa trompe. C’est à partir de savants calculs scientifiques que Daniel Firman est arrivé à ce constat, et surtout à la réalisation de cette oeuvre extraordinaire qui met à mal toutes nos certitudes sur la gravitation des corps. En pénétrant dans un grand espace blanc et vide, le visiteur se trouve face à cette créature à taille réelle, dont l’équilibre précaire semble le mettre en danger – qui osera s’approcher de Würsa ? Cette hypothèse se pose par le seul intermédiaire de la sculpture, une sculpture hyperréaliste empruntant aux talents d’un taxidermiste et qui nous propose de basculer entre un phénomène scientifique prouvé et la mise en perspective réelle et physique du monde. Würsa, au nom évocateur de spoutnik russe et de conquête de l’espace, est figé dans sa position comme si l’une de ses acrobaties avait été mise sur « pause » ; cette vision permettant à l’artiste de proposer une expérience inédite. L’envergure nouvelle de l’animal à l’envers se déploie et joue sur l’opposition entre une image de légèreté et de lourdeur. Seule une planète de 2 484 003,1 m de circonférence pourrait par sa faible gravitation accueillir un éléphant dans cette position. Cette oeuvre nous autorise donc à imaginer pendant quelques secondes que nous sommes bien sur une sphère en perte d’échelle. Dilatation ou rétraction, le monde se cherche. Würsa (à 18 000 km de la terre) est une création inédite réalisée spécialement pour le Palais de Tokyo.

Daniel Firman est l’une des figures importantes de la scène artistique française. Né près de Lyon, en 1966, il a suivi des études à L’Ecole des Beaux- Arts de Saint-Etienne, puis à celle d’Angoulême. Participant régulièrement à de nombreuses expositions tant personnelles que collectives, en France aussi bien qu’à l’international, il a su en plus d’une décennie déployer un langage formel unique, s’intéressant tout particulièrement à la question des corps et de leur équilibre. A la fois sculpteur et chorégraphe, ses installations présentent le plus souvent de faux corps humains hyperréalistes dans des postures incongrues et intrigantes, à la limite de l’absurde. Adoptant diverses positions toutes plus acrobatiques les unes que les autres, ces corps en équilibre, apparemment très précaire, tendent irrémédiablement vers un phénomène de chute ou d’écroulement, sans jamais y succomber. L’équilibre, le renversement et l’attraction terrestre se rencontrent et s’opposent pour mieux nous surprendre. L’Homme est donc ici utilisé comme un matériau quelconque à mettre en scène dans l’espace : une simple masse soumise à l’implacable loi physique de la pesanteur. Explorant sans cesse le territoire de la sculpture, le jeu de Daniel Firman sur les contraintes terrestres rejoint certaines réflexions au fondement de la danse contemporaine. OEuvres souvent spectaculaires, ses sculptures se sont ainsi allégées avec le temps, parallèlement à son intérêt croissant pour la danse et la gestuelle. Le rôle de l’architecture est également primordial dans le travail de Daniel Firman. C’est ainsi qu’il a développé plus récemment une recherche sur des objets et sur la lumière, prenant en compte autant leur matérialité propre que l’espace les entourant. Grandes oeuvres en néons ou superpositions de congélateurs, ces travaux ouvrent une nouvelle voie dans la question toujours présente pour lui de l’équilibre des forces – dont Würsa est le nouveau chapitre.

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Margaux

Spécialiste des arts et loisirs, je partage avec vous mes cours sur ces différentes thématiques !