C'est facile d'être bonne, et souriante, et douce. Quand on est belle et riche ! Mais être bonne quand on est une bonne ! On se contente de parader pendant qu'on fait le ménage ou la vaisselle. On brandit un plumeau comme un éventail.

Les Bonnes, Jean Genet

👯‍♀️ "Les Bonnes" est une pièce de théâtre de Jean Genet représentée pour la première fois en 1947. Elle met en scène deux sœurs domestiques, Claire et Solange, qui complotent pour assassiner leur maîtresse. À travers des jeux de rôle et des fantasmes, elles expriment leur désir de domination et de rébellion.

Cependant, leur plan échoue, les confrontant à leur propre impuissance. La pièce explore les thèmes de la domination, de la soumission et de l'identité, offrant une réflexion sur la nature humaine et les rapports de pouvoir.

➡️ Il s'agit d'une pièce tragique et violente, qui s'inspire sûrement — eu égard à leurs nombreux points communs et malgré les dénégations de l'auteur lui-même — à l'affaire des sœurs Papin, qui est un fait divers sanglant survenu en 1933.

Au moment des premières représentations, Jean Genet est un auteur peu connu. Cette pièce est du reste mal accueillie, peut-être à cause du malaise que suscite l'histoire qu'elle met en scène. C'est pour autant, aujourd'hui, l'œuvre la plus jouée de Jean Genet.

ÉlémentDescription
TitreLes Bonnes
AuteurJean Genet
GenreThéâtre
Date de création1947
Lieu de l'actionDans la maison bourgeoise où les bonnes travaillent
Personnages principauxClaire, Solange, Madame
RésuméDeux bonnes, Claire et Solange, se livrent à des jeux de rôles pervers envers leur maîtresse, Madame, dans le but de la tuer. Elles incarnent tour à tour le rôle de Madame et le leur, brouillant les frontières entre réalité et fiction. Leur fantasme de meurtre se confronte à la complexité de leurs rapports de pouvoir et de soumission. Finalement, leur plan échoue et Madame revient chez elle, mettant fin au jeu.
Thèmes principauxPouvoir, oppression, rébellion, identité, fantasme, aliénation.
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C'est parti

Les Bonnes : résumé de la pièce 🎭

Des sièges de théâtre alignés.
Les Bonnes fait partie des pièces de Genet les plus connues !

La pièce s'ouvre sur une scène avec deux sœurs : Claire, la cadette, et Solange, l'aînée. Elles sont les bonnes d'une femme riche qui appartient à la haute bourgeoisie, que l'on connaîtra sous le nom anonyme de « Madame ».

💬 Comme Madame est absente, Claire joue son rôle. Solange, elle, joue le rôle de sa sœur.

Dans cette mise en scène, Claire, jouant Madame, est accusée par Solange, jouant Claire, d'avoir provoqué l'emprisonnement de Monsieur. Mais Claire (qui joue Madame), nie toute responsabilité.

En même temps, Madame (jouée par Claire) est accusée d'avoir un faible pour Mario, le laitier. Mais ce laitier est surtout apprécié par l'une des bonnes.

Le spectateur voit cependant la tension dramatique monter entre les deux personnages joués (Madame et Claire). Ce qui se dévoile, c'est la violence (réelle) entre les Bonnes et Madame.

➡️ La violence devient physique et Solange, jouant Claire, est en train d'étrangler Claire (qui joue Solange) lorsque le réveil sonne : c'est l'annonce de l'arrivée imminente de Madame. Claire et Solange arrêtent alors leur jeu de rôles.

✉️ Tandis qu'elles remettent tout en place, le spectateur apprend que Claire a écrit une lettre qui a entraîné la fameuse arrestation de Monsieur et qu'en parallèle, Solange aspire à l'héritage de Madame, dans le cas où celle-ci mourait.

Cette discussion laisse également voir des frictions entre les deux sœurs. Solange avoue également qu'elle a voulu étrangler Madame, sans être capable de terminer son acte.

📞 C'est à ce moment-là que le téléphone retentit : c'est Monsieur, qui annonce à Claire que le juge l'a laissé en liberté provisoire. Il demande à ses bonnes de dire à sa femme qu'il l'attend au café Le Bilboquet.

Cette nouvelle fait paniquer Claire : Madame et Monsieur, en parlant, pourraient découvrir qu'elle est l'auteure de la lettre ayant dénoncé Monsieur. Elle décide donc de tuer Madame, en l'empoisonnant avec son tilleul.

➡️ Lorsque Madame arrive enfin chez elle, elle affirme d'emblée son soutien à Monsieur. Son attitude avec ses bonnes est ambiguë : il est à la fois maternel et méprisant.

Méprisant, parce qu'elle est manifestement condescendante.

Maternelle, parce qu'elle leur offre tout de même ses toilettes pour héritage.

🫖 Solange apporte finalement le tilleul empoisonné, mais Madame ne le boit pas tout de suite. À la place, celle-ci fait remarquer que plusieurs objets ont changé de place - et notamment le récepteur du téléphone.

Acculées, Claire, suivie par Solange, avouent que Monsieur a téléphoné : provisoirement libéré, il l'attend au Bilboquet.

Madame charge donc Solange de lui trouver un taxi. Claire essaie cependant de lui faire boire le tilleul empoisonné mais sa maîtresse préférerait désormais du champagne. Elle finit par sortir.

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L'affaire Papin

L'affaire Papin est un fait divers survenu en France en 1933. Il implique les sœurs Papin, Christine et Léa, domestiques chez la famille Lancelin à Le Mans. Le 2 février 1933, les sœurs assassinent violemment leur employeuse, Madame Lancelin, ainsi que sa fille Geneviève, lors d'une dispute. Les corps sont retrouvés dans des conditions horribles, avec des signes de mutilation extrême. L'affaire a suscité un grand intérêt médiatique et public en raison de sa brutalité et de son aspect sensationnel. Elle a également soulevé des questions sur les conditions de travail des domestiques et sur les tensions sociales de l'époque. Les sœurs Papin ont été jugées et condamnées à la peine de mort.

Après que Solange a accusé Claire d'avoir échoué à lui faire boire le breuvage, les deux sœurs paniquent. Elles essaient de penser aux objets qui trahiraient leurs méfaits : le téléphone ? Le fard ? Le réveil ?

➡️ Elles finissent par reprendre leur jeu de rôles. Claire redevient Madame, Solange redevient Claire. Solange envisage la première le suicide, mais Claire (jouant Madame) demande à sa bonne son tilleul, insiste, et le boit.

Les Bonnes : une pièce qui questionne le sens ✍️

En 1947, nous sommes deux ans après la Seconde Guerre mondiale. Forcément, la France est encore sous le choc - choc moral, philosophique et politique. Pour preuve, l'épuration est encore à l'œuvre.

Le déchaînement de violence dont la guerre a été l'objet pose la question centrale du sens (ou de l'absurde) : quel est le but de l'existence ? Comment l'homme peut-il se montrer si cruel ?

Il s'agit de questions forcément centrales pour la littérature, qui s'en empare. Au théâtre, les personnages et les intrigues toutes faites sont remises en cause : à quoi bon, en effet, donner un sens à son histoire, quand l'absurdité du crime de masse a pu exister ?

➡️ La civilisation et la littérature traditionnelle, dans leurs échecs, sont ainsi sources de soupçons.

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Dans quel contexte la pièce a-t-elle été écrite ?

"Les Bonnes" a été écrite en 1947, dans le contexte de l'après-Seconde Guerre mondiale. À cette époque, la société française était en pleine transformation, marquée par des bouleversements politiques, sociaux et culturels. Genet, qui était lui-même un ancien détenu et marginalisé, s'inspirait de ses propres expériences et de sa vision de la société pour créer une œuvre qui remettait en question les conventions sociales et les rapports de pouvoir.

Le thème de l'identité dans Les Bonnes 🎭

Avec Les Bonnes, le spectateur assiste à une pièce dans laquelle les rôles sont fluctuants.

Une vieille bibliothèque en bois.
Si le théâtre est fait pour être joué, il est toujours intéressant d'étudier la pièce en format papier !

Les personnages jouent en effet un autre rôle que le leur — et cela est le cas dès la scène d'exposition. Or, la scène d'exposition est traditionnellement le moment où le spectateur découvre l'identité de chaque personnage.

Quand Les Bonnes commencent, il ne sait même pas qu'il est face à un jeu de rôles. Il doit attendre un temps non-négligeable pour comprendre que Claire est une simple bonne qui joue le rôle de sa maîtresse, et que Solange, comme bonne, joue le rôle de sa sœur, Claire.

➡️ C'est la présence de Madame qui dicte les identités : quand elle n'est pas là, les bonnes jouent ; quand elle est là, elles sont celles qu'elles doivent être.

Mais même Madame joue plusieurs rôles :

Elle peut être une veuve éplorée  : « Je suis brisée. Chaque fois que je rentrerai mon cœur battra avec cette violence terrible et un beau jour je m'écroulerai morte sous vos fleurs. »

Elle peut être une mère généreuse : « Ma belle "Fascination". La plus belle. Pauvre belle. C'est Lanvin qui l'avait dessinée pour moi. Spécialement. Tiens ! Je vous la donne. Je t'en fais cadeau, Claire ! »

Ces travestissements, ce flou, font singulièrement écho au monde d'après-guerre, encore marqué par le traumatisme d'une époque où les identités se sont perdues dans la peur et l'effroi.

🧹 On notera par ailleurs la présence de cette notion du flou à l'intérieur même du titre : Les Bonnes amalgame les deux sœurs, ne leur conférant aucune identité propre. Elles sont confondues dans un même article défini pluriel et n'ont a priori pas de nom, tout comme leur maîtresse - qui, elle, n'en aura jamais.

Analyse : dominants contre dominés ✒️

Des fauteuils rouges de théâtre.
Parmi les pièces les plus connues du XXe siècle, Les Bonnes est en bonne place !

Il est difficile de ne pas voir, dans cette pièce, les marques du rapport des dominants aux dominés. Le jeu de rôles lui-même permet à Claire et à Solange de purger leurs passions, de faire ressortir leurs haines. Elles semblent mettre en scène toutes les humiliations que leur a fait subir Madame.

Il est vrai que cette Madame n'est pas totalement antipathique. Néanmoins, sa supériorité sociale est vécue par ces bonnes comme une constante condescendance.

➡️ On peut également relever les attitudes manifestement méprisantes de Madame :

  • Elle tutoie ses bonnes tandis qu'elles la vouvoient
  • Elle corrige leur vocabulaire : « Ce n'est pas de la poudre, c'est du fard, c'est de la « cendre de roses » , un vieux rouge dont je ne me sers plus. »
  • Elle leur donne des ordres maternants : « Vous ne nous attendrez pas, surtout, Solange et toi. Montez vous coucher tout de suite. »
  • Elle a une appétence pour la fête qui relève de la bourgeoisie : « Mais non, je n'ai pas soif. Cette nuit, c'est du champagne que nous allons boire. Nous ne rentrerons pas. »

🎥 Une adaptation cinématographique rend particulièrement hommage à ce thème : La Cérémonie, de Claude Chabrol, dont l'histoire s'inspire de celle des soeurs Papin.

Haine et violence dans les Bonnes de Jean Genet 💥

La haine (conjointement à la violence) est sûrement le thème central de la pièce - puisqu'elle mène jusqu'au meurtre.

➡️ On relève plusieurs marqueurs qui s'y réfèrent :

  • Les « crachats », qui interviennent à différents moments de la pièce, et qui manifestent une évidente allégorie de la violence verbale :

Claire jouant la maîtresse et parlant à Solange, jouant Claire : « Je vous ai dit, Claire, d'éviter les crachats. Qu'ils dorment en vous, ma fille, qu'ils y croupissent. Ah ! ah ! vous êtes hideuse, ma belle. »

Solange, jouant Claire, parlant à Claire, jouant la maîtresse : « Et moi, si je n'ai plus à cracher sur quelqu'un qui m'appelle Claire, mes crachats vont m'étouffer! Mon jet de salive, c'est mon aigrette de diamants. »

Claire, rejouant la maîtresse : « J'ai dit les insultes. Vous n'espérez pas m'avoir fait revêtir cette robe pour m'entendre chanter ma beauté. Couvrez-moi de haine ! D'insultes ! De crachats ! »

  • Les répliques que s'échangent Claire et Solange dans leurs jeux de rôles, véritables catharsis pour leurs souffrances du quotidien : « Le bas de ma robe, certain jour en sera constellé, mais de larmes précieuses. Disposez la traîne, traînée ! », « Mais j'en ai assez de ce miroir effrayant qui me renvoie mon image comme une mauvaise odeur. Tu es ma mauvaise odeur. »
  • Le tilleul empoisonné comme matérialisation finale de cette haine manquant toujours son objet (Madame) et finissant par se retourner contre les Bonnes : « Garce ! répète. Madame prendra son tilleul. »

Avez-vous lu ou vu "Les Bonnes" ? Quelle est votre analyse sur cette pièce ?

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.