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Présentation de la nouvelle

Contexte de parution

« L'épingle » est une nouvelle de Guy de Maupassant, d'abord publiée dans le journal Gil Blas, en 1885, sous le pseudonyme de Maufrigneuse.

Elle sera ensuite reprise dans le recueil Monsieur Parent, paru cette même année 1885.

Résumé 

Le narrateur parcourt un pays dont on ne connaît pas le nom. Il trouve l'hospitalité dans un endroit qu'on lui a indiqué, chez un riche travailleur de la terre, qui ne cesse d'accumuler de l'argent.

Au cours du dîner, ils discutent de son ancienne vie ; il l'a passée à Paris, ville qu'il semble connaître par coeur.

Lorsqu'ils finissent de manger, son hôte lui fait visiter sa maison. Elle est en désordre, sauf la chambre. Dans celle-ci, le narrateur est intrigué par une épingle à cheveux piquée sur une étoffe brillante. L'autre lui explique alors : elle appartenait à son ancien amour, toujours vif, et qui répond au nom de Jeanne de Limours, actrice en vogue des théâtres parisiens.

Il lui explique comment il a souffert, durant quatre ans, de leur relation passionnelle, et comment il s'est ruiné pour elle. Malgré toute sa douleur, mêlée de haine, il l'aime encore comme un fou. C'est à cause d'elle et pour elle qu'il se trouve là : il souhaite réunir un million, pour vivre une dernière année avec elle, jusqu'à la ruine définitive.

Et après ?

« Ce sera fini ! Je lui demanderai peut-être de me prendre comme valet de chambre. »

Quelles sont les œuvres de Guy de Maupassant ?
Les genres favoris de Guy de Maupassant étaient le réalisme et le fantastique !

La nouvelle

L’ÉPINGLE

Je ne dirai ni le nom du pays, ni celui de l’homme. C’était loin, bien loin d’ici, sur une côte fertile et brûlante. Nous suivions, depuis le matin, le rivage couvert de récoltes et la mer bleue couverte de soleil. Des fleurs poussaient tout près des vagues, des vagues légères, si douces, endormantes. Il faisait chaud ; c’était une molle chaleur parfumée de terre grasse, humide et féconde ; on croyait respirer des germes.
On m’avait dit que, ce soir-là, je trouverais l’hospitalité dans la maison du Français qui habitait au bout d’un promontoire, dans un bois d’orangers. Qui était-il ? Je l’ignorais encore. Il était arrivé un matin, dix ans plus tôt ; il avait acheté de la terre, planté des vignes, semé des grains ; il avait travaillé, cet homme, avec passion, avec fureur. Puis, de mois en mois, d’année en année, agrandissant son domaine, fécondant sans arrêt le sol puissant et vierge, il avait ainsi amassé une fortune par son labeur infatigable.
Pourtant il travaillait toujours, disait-on. Levé dès l’aurore, parcourant ses champs jusqu’à la nuit, surveillant sans cesse, il semblait harcelé par une idée fixe, torturé par l’insatiable désir de l’argent, que rien n’endort, que rien n’apaise.
Maintenant, il semblait très riche.
Le soleil baissait quand j’atteignis sa demeure. Elle se dressait en effet au bout d’un cap au milieu des orangers. C’était une large maison carrée toute simple et dominant la mer.
Comme j’approchais, un homme à grande barbe parut sur la porte. L’ayant salué, je lui demandai un asile pour la nuit. Il me tendit la main en souriant.
— Entrez, monsieur, vous êtes chez vous.
Il me conduisit dans une chambre, mit à mes ordres un serviteur, avec une aisance parfaite et une bonne grâce familière d’homme du monde ; puis il me quitta en disant :
— Nous dînerons lorsque vous voudrez bien descendre.
Nous dînâmes, en effet, en tête à tête, sur une terrasse en face de la mer. Je lui parlai d’abord de ce pays si riche, si lointain, si inconnu ! Il souriait, répondant avec distraction :
— Oui, cette terre est belle. Mais aucune terre ne plaît loin de celle qu’on aime.
— Vous regrettez la France ?
— Je regrette Paris.
— Pourquoi n’y retournez-vous pas ?
— Oh ! j’y reviendrai.
Et, tout doucement, nous nous mîmes à parler du monde français, des boulevards et des choses de Paris. Il m’interrogeait en homme qui a connu cela, me citait des noms, tous les noms familiers sur le trottoir du Vaudeville.
— Qui voit-on chez Tortoni aujourd’hui ?
— Toujours les mêmes, sauf les morts.
Je le regardais avec attention, poursuivi par un vague souvenir. Certes, j’avais vu cette tête-là quelque part ! Mais où ? mais quand ? Il semblait fatigué, bien que vigoureux, triste, bien que résolu. Sa grande barbe blonde tombait sur sa poitrine, et parfois il la prenait près du menton et, la serrant dans sa main refermée, l’y faisait glisser jusqu’au bout. Un peu chauve, il avait des sourcils épais et une forte moustache qui se mêlait aux poils des joues.
Derrière nous, le soleil s’enfonçait dans la mer, jetant sur la côte un brouillard de feu. Les orangers en fleur exhalaient dans l’air du soir leur arôme violent et délicieux. Lui ne voyait rien que moi, et, le regard fixe, il semblait apercevoir dans mes yeux, apercevoir au fond de mon âme l’image lointaine, aimée et connue du large trottoir ombragé, qui va de la Madeleine à la rue Drouot.
— Connaissez-vous Boutrelle ?
— Oui, certes.
— Est-il bien changé ?
— Oui, tout blanc.
— Et La Ridamie ?
— Toujours le même.
— Et les femmes ? Parlez-moi des femmes. Voyons. Connaissez-vous Suzanne Verner ?
— Oui, très forte, finie.
— Ah ! Et Sophie Astier ?
— Morte.
— Pauvre fille ! Est-ce que... Connaissez-vous...
Mais il se tut brusquement. Puis, la voix changée, la figure pâlie soudain, il reprit :
— Non, il vaut mieux que je ne parle plus de cela, ça me ravage.
Puis, comme pour changer la marche de son esprit, il se leva.
— Voulez-vous rentrer ?
— Je veux bien.
Et il me précéda dans sa maison.
Les pièces du bas étaient énormes, nues, tristes, semblaient abandonnées. Des assiettes et des verres traînaient sur des tables, laissés là par les serviteurs à peau basanée qui rôdaient sans cesse dans cette vaste demeure. Deux fusils pendaient à deux clous sur le mur ; et, dans les encoignures, on voyait des bêches, des lignes de pêche, des feuilles de palmier séchées, des objets de toute espèce posés au hasard des rentrées et qui se trouvaient à portée de la main pour le hasard des sorties et des besognes.
Mon hôte sourit :
— C’est le logis, ou plutôt le taudis d’un exilé, dit-il, mais ma chambre est plus propre. Allons-y.
Je crus, en y entrant, pénétrer dans le magasin d’un brocanteur, tant elle était remplie de choses, de ces choses disparates, bizarres et variées qu’on sent être des souvenirs. Sur les murs deux jolis dessins de peintres connus, des étoffes, des armes, épées et pistolets, puis, juste au milieu du panneau principal, un carré de satin blanc encadré d’or.
Surpris, je m’approchai pour voir, et j’aperçus une épingle à cheveux piquée au centre de l’étoffe brillante.
Mon hôte posa sa main sur mon épaule :
— Voilà, dit-il en souriant, la seule chose que je regarde ici, et la seule que je voie depuis dix ans. M. Prudhomme proclamait : « Ce sabre est le plus beau jour de ma vie », moi, je puis dire : « Cette épingle est toute ma vie ».
Je cherchais une phrase banale ; je finis par prononcer :
— Vous avez souffert par une femme ?
Il reprit brusquement :
— Dites que je souffre comme un misérable... Mais venez sur mon balcon. Un nom m’est venu tout à l’heure sur les lèvres que je n’ai point osé prononcer, car si vous m’aviez répondu « morte », comme vous avez fait pour Sophie Astier, je me serais brûlé la cervelle, aujourd’hui même.
Nous étions sortis sur le large balcon d’où l’on voyait deux golfes, l’un à droite, et l’autre à gauche, enfermés par de hautes montagnes grises. C’était l’heure crépusculaire où le soleil disparu n’éclaire plus la terre que par les reflets du ciel.
Il reprit :
— Est-ce que Jeanne de Limours vit encore ?
Son œil s’était fixé sur le mien, plein d’une angoisse frémissante.
Je souris : « Parbleu... et plus jolie que jamais. »
— Vous la connaissez ?
— Oui.
Il hésitait : « Tout à fait... ? »
— Non.
Il me prit la main : « Parlez-moi d’elle. »
— Mais je n’ai rien à en dire ; c’est une des femmes, ou plutôt une des filles les plus charmantes et les plus cotées de Paris. Elle mène une existence agréable et princière, voilà tout.
Il murmura : « Je l’aime » comme s’il eût dit : « Je vais mourir. » Puis, brusquement : « Ah ! pendant trois ans ce fut une existence effroyable et délicieuse que la nôtre. J’ai failli la tuer cinq ou six fois ; elle a tenté de me crever les yeux avec cette épingle que vous venez de voir. Tenez, regardez ce petit point blanc sous mon œil gauche. Nous nous aimions ! Comment pourrais-je expliquer cette passion-là ? Vous ne la comprendriez point.
Il doit exister un amour simple, fait du double élan de deux cœurs et de deux âmes ; mais il existe assurément un amour atroce, cruellement torturant, fait de l’invincible enlacement de deux êtres disparates qui se détestent en s’adorant.
Cette fille m’a ruiné en trois ans. Je possédais quatre millions qu’elle a mangés de son air calme, tranquillement, qu’elle a croqués avec un sourire doux qui semblait tomber de ses yeux sur ses lèvres.
Vous la connaissez ? Elle a en elle quelque chose d’irrésistible ! Quoi ? Je ne sais pas. Sont-ce ces yeux gris dont le regard entre comme une vrille et reste en vous comme le crochet d’une flèche ? C’est plutôt ce sourire doux, indifférent et séduisant, qui reste sur sa face à la façon d’un masque. Sa grâce lente pénètre peu à peu, se dégage d’elle comme un parfum, de sa taille longue, à peine balancée quand elle passe, car elle semble glisser plutôt que marcher, de sa voix un peu traînante, jolie, et qui semble être la musique de son sourire, de son geste aussi, de son geste toujours modéré, toujours juste et qui grise l’œil tant il est harmonieux. Pendant trois ans, je n’ai vu qu’elle sur la terre ! Comme j’ai souffert ! Car elle me trompait avec tout le monde ! Pourquoi ? Pour rien, pour tromper. Et quand je l’avais appris, quand je la traitais de fille et de gueuse, elle avouait tranquillement : « Est-ce que nous sommes mariés ? » disait-elle.
Depuis que je suis ici, j’ai tant songé à elle que j’ai fini par la comprendre : cette fille-là, c’est Manon Lescaut revenue. C’est Manon qui ne pourrait pas aimer sans tromper, Manon pour qui l’amour, le plaisir et l’argent ne font qu’un. »
Il se tut. Puis, après quelques minutes :
— Quand j’eus mangé mon dernier sou pour elle, elle m’a dit simplement : « Vous comprenez, mon cher, que je ne peux pas vivre de l’air et du temps. Je vous aime beaucoup, je vous aime plus que personne, mais il faut vivre. La misère et moi ne ferons jamais bon ménage. »
Et si je vous disais, pourtant, quelle vie atroce j’ai menée à côté d’elle ! Quand je la regardais, j’avais autant envie de la tuer que de l’embrasser. Quand je la regardais... je sentais un besoin furieux d’ouvrir les bras, de l’étreindre et de l’étrangler. Il y avait en elle, derrière ses yeux, quelque chose de perfide et d’insaisissable qui me faisait l’exécrer ; et c’est peut-être à cause de cela que je l’aimais tant. En elle, le Féminin, l’odieux et affolant Féminin était plus puissant qu’en aucune autre femme. Elle en était chargée, surchargée comme d’un fluide grisant et vénéneux. Elle était Femme, plus qu’on ne l’a jamais été.
Et tenez, quand je sortais avec elle, elle posait son œil sur tous les hommes d’une telle façon, qu’elle semblait se donner à chacun, d’un seul regard. Cela m’exaspérait et m’attachait à elle davantage, cependant. Cette créature, rien qu’en passant dans la rue, appartenait à tout le monde, malgré moi, malgré elle, par le fait de sa nature même, bien qu’elle eût l’allure modeste et douce. Comprenez-vous ?
Et quel supplice ! Au théâtre, au restaurant, il me semblait qu’on la possédait sous mes yeux. Et dès que je la laissais seule, d’autres, en effet, la possédaient.
Voilà dix ans que je ne l’ai vue, et je l’aime plus que jamais ! »
La nuit s’était répandue sur la terre. Un parfum puissant d’orangers flottait dans l’air.
Je lui dis :
— La reverrez-vous ?
Il répondit :
— Parbleu ! J’ai maintenant ici, tant en terre qu’en argent, sept à huit cent mille francs. Quand le million sera complet, je vendrai tout et je partirai. J’en ai pour un an avec elle — une bonne année entière. — Et puis adieu, ma vie sera close.
Je demandai : « Mais ensuite ? »
— Ensuite, je ne sais pas. Ce sera fini ! Je lui demanderai peut-être de me prendre comme valet de chambre.
13 août 1885

 

Que représente l'oranger ?
Paul Cézanne, Pommes et Oranges, 1900

Pistes d'analyse

Un décor réaliste et imaginaire

Guy de Maupassant, fidèle tenant du courant réaliste, offre à son lecteur la description d'un pays imaginaire (ou au moins anonyme) à partir d'une description réaliste.

On pourrait relever toutes les formules qui contribuent à la figuration de l'environnement, et qui introduisent le récit. Sa description est minutieuse, elle avance en même temps que le promeneur :

Nous suivions, depuis le matin, le rivage couvert de récoltes et la mer bleue couverte de soleil.

Ce décor paradisiaque constitue une problématique initiale : le narrateur se demande en effet pourquoi son hôte travaille autant dans cet environnement apparemment satisfaisant en tout point de vue. Il ne trouve comme réponse que l'amour de l'argent pour l'argent :

Levé dès l’aurore, parcourant ses champs jusqu’à la nuit, surveillant sans cesse, il semblait harcelé par une idée fixe, torturé par l’insatiable désir de l’argent, que rien n’endort, que rien n’apaise.

De fait, ce qui caractérise le début du récit, avant la rencontre avec l'hôte, ce sont les verbes relatifs à la supposition : « disait-on », « semblait » (par deux fois), etc.

L'enjeu de la nouvelle, c'est donc, pour le narrateur, de comprendre ce qui pousse cet hôte mystérieux à travailler autant.

Découvrez l'oeuvre en cours de français.

L'éternelle insatisfaction

Car Maupassant s'échine à bâtir un environnement paradisiaque. On peut relever le champ lexical y afférent : « côte fertile », « fleurs », « vagues douces », « terre grasse, humide et féconde », « sol puissant et vierge », etc.
Johann Wenzel Peter, Adam et Ève au Paradis Terrestre, XIXème siècle
En outre, l'oranger, qui est l'arbre habillant tout le panorama, est le symbole de la fécondité. C'est-là un pays inconnu, mais dont on peut être sûr qu'il apporte la satisfaction ; tout y semble fécond, et rien ne semble manquer.
Pourtant, l'hôte l'affirme :
— Oui, cette terre est belle. Mais aucune terre ne plaît loin de celle qu’on aime.
L'auteur s'applique ainsi à dépeindre un environnement parfait, dans lequel son personnage ne s'épanouit pas. De fait, toutes ses pensées sont tournées vers Paris, et vers la figure aimée : Jeanne de Limours.
Au paradis végétal s'oppose la fureur parisienne, qui vampirise tous les désirs de l'hôte. Son absence relative du lieu dans lequel il vit et travaille pourtant est symbolisée par le désordre qui règne dans sa maison :
Les pièces du bas étaient énormes, nues, tristes, semblaient abandonnées. Des assiettes et des verres traînaient sur des tables, laissés là par les serviteurs à peau basanée qui rôdaient sans cesse dans cette vaste demeure. Deux fusils pendaient à deux clous sur le mur ; et, dans les encoignures, on voyait des bêches, des lignes de pêche, des feuilles de palmier séchées, des objets de toute espèce posés au hasard des rentrées et qui se trouvaient à portée de la main pour le hasard des sorties et des besognes.
Prêt pour des cours francais paris ?
Ce pays est son exil, il n'y vit pas vraiment et n'a donc pas le besoin d'ordonner ses affaires. Néanmoins, si Paris représente Jeanne, sa chambre est « plus propre », car elle accueille l'autel érigé en souvenir de son amante, à savoir l'objet qui donne le titre de la nouvelle : l'épingle. De fait, l'hôte l'affirme :
Voilà, dit-il en souriant, la seule chose que je regarde ici, et la seule que je voie depuis dix ans. M. Prudhomme proclamait : « Ce sabre est le plus beau jour de ma vie », moi, je puis dire : « Cette épingle est toute ma vie ».
Ainsi, malgré un décor parfait, l'exilé est absent de sa propre vie. Maupassant continue de jouer sur cette opposition, car la discussion entre les deux hommes est entrecoupée de descriptions relatives aux paysages - comme au moment où ils sortent sur le balcon.
Tandis que le narrateur ne cesse de remarquer la magnificence des lieux, l'hôte, lui, n'a qu'une idée en tête, à laquelle ses mots reviennent toujours : Jeanne de Limours.
Que raconte La nuit de mai ?
François Boucher : Erato The Muse Of Love Poetry, 18ème siècle

L'ambiguïté du sentiment amoureux

Mais, bien malheureusement, même ce souvenir n'est pas une source de bonheur pour l'hôte. On assiste, une fois le nom fatidique prononcé, à une singulière peinture de l'ambiguïté du sentiment amoureux, toujours contre-balancé par la souffrance et la haine - avec pour caractérisation centrale ces mots de l'hôte :

Il doit exister un amour simple, fait du double élan de deux cœurs et de deux âmes ; mais il existe assurément un amour atroce, cruellement torturant, fait de l’invincible enlacement de deux êtres disparates qui se détestent en s’adorant.
De fait, le symbole de cette ambiguïté réside tout entier dans l'épingle. C'est en effet à la fois l'objet qui lui rappelle Jeanne et sa vie passée ; mais c'est aussi un objet de mort, en tant qu'elle a failli lui crever un oeil. On peut s'interroger sur cette nouvelle image : est-ce là le signe de la cécité de l'amant ? Ou, au contraire, puisqu'il a finalement gardé l'usage de sa vue, est-ce le signe de sa parfaite lucidité et, partant, son incapacité à « ne pas aimer » ?

Ainsi, la suite du récit est sans cesse tiraillée entre les deux pôles amour/haine, ou bien bonheur/souffrance. Les deux champs lexicaux s'enchaînent toujours : l'un vient immédiatement contrebalancer l'autre. On peut relever quelques unes de ces interactions dans un tableau comparatif :

Champ lexical de l'amour et du bonheurChamp lexical de la haine et de la souffrance   
« Je l'aime »« Je vais mourir. »
« effroyable »« délicieuse »
« amour simple »« amour atroce »
« tuer »« embrasser »
« étreindre »« étrangler »

L'ambiguïté du sentiment amoureux se prolonge encore dans la corruption de l'argent. C'est en effet au seul prix de sa richesse qu'il peut vivre sa passion avec Jeanne ; et c'est la raison de son exil, qui vise à accumuler suffisamment d'argent pour « une bonne année entière ».

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.