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  1. 01. Initiation à la lecture
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C'est parti

Initiation à la lecture

  Sept heures. Un coup de sifflet;
nous partons. Le train passe sur les plaques tournantes, avec
le bruit que font les orages au théâtre; puis il
s'enfonce dans la nuit, haletant, soufflant sa vapeur, éclairant
de reflets rouges des murs, des haies, des bois, des champs.

    Nous sommes six, trois sur chaque
banquette, sous la lumière du quinquet. En face de moi,
une grosse dame avec un gros monsieur, un vieux ménage.
Un bossu tient le coin de gauche. A mes côtés, un
jeune ménage, ou du moins un jeune couple. Sont-ils mariés?
La jeune femme est jolie, semble modeste, mais elle est trop parfumée.
Quel est ce parfum-là? je le connais sans le déterminer.
Ah! j'y suis. Peau d'Espagne. Cela ne dit rien. Attendons.

    La grosse dame dévisage la
jeune avec un air d'hostilité qui me donne à penser.
Le gros monsieur ferme les yeux. Déjà! Le bossu
s'est roulé en boule. Je ne vois plus où sont ses
jambes. On n'aperçoit que son regard brillant sous une
calotte grecque à gland rouge. Puis il plonge dans sa couverture
de voyage. On dirait un petit paquet jeté sur la banquette.

    Seule la vieille dame reste en éveil,
soupçonneuse, inquiète, comme un gardien chargé
de veiller sur l'ordre et sur la moralité du wagon.

    Les jeunes gens demeurent immobiles,
les genoux enveloppés du même châle, les yeux
ouverts, sans parler; sont-ils mariés?

    Je fais à mon tour semblant
de dormir et je guette.

    Neuf heures. La grosse dame va succomber,
elle ferme les yeux coup sur coup, penche la tête vers sa
poitrine et la relève par saccades. C'est fait. Elle dort.

    O sommeil, mystère ridicule
qui donne au visage les aspects les plus grotesques, tu es la
révélation de la laideur humaine. Tu fais apparaître
tous les défauts, les difformités et les tares!
Tu fais que chaque figure touchée par toi devient aussitôt
une caricature.

    Je me lève et j'étends
le léger voile bleu sur le quinquet. Puis je m'assoupis
à mon tour.

    De temps en temps, l'arrêt
du train me réveille. Un employé crie le nom d'une
ville, puis nous repartons.

    Voici l'aurore. Nous suivons le
Rhône, qui descend vers la Méditerranée. Tout
le monde dort. Les jeunes gens sont enlacés. Un pied de
la jeune femme est sorti du châle. Elle a des bas blancs!
C'est commun: ils sont mariés. On ne sent pas bon dans
le compartiment. J'ouvre une fenêtre pour changer l'air.
Le froid réveille tout le monde, à l'exception du
bossu qui ronfle comme une toupie sous sa couverture.

    La laideur des faces s'accentue
encore sous la lumière du jour nouveau.

    La grosse dame, rouge, dépeignée,
affreuse, jette un regard circulaire et méchant à
ses voisins. La jeune femme regarde en souriant son compagnon.
Si elle n'était point mariée elle aurait d'abord
contemplé son miroir!

    Voici Marseille. Vingt minutes d'arrêt.
Je déjeune. Nous repartons. Nous avons le bossu en moins
et deux vieux messieurs en plus.

    Alors les deux ménages, l'ancien
et le nouveau, déballent des provisions. Poulet par-ci,
veau froid par-là, sel et poivre dans du papier, cornichons
dans un mouchoir, tout ce qui peut vous dégoûter
des nourritures pendant l'éternité! Je ne sais rien
de plus commun, de plus grossier, de plus inconvenant, de plus
mal appris que de manger dans un wagon où se trouvent d'autres
voyageurs.

    S'il gèle, ouvrez les portières!
S'il fait chaud, fermez-les et fumez la pipe, eussiez-vous horreur
du tabac; mettez-vous à chanter, aboyez, livrez-vous aux
excentricités les plus gênantes, retirez vos bottines
et vos chaussettes et coupez les ongles de vos pieds; tâchez
de rendre enfin à ces voisins mal élevés
la monnaie de leur savoir-vivre.

    L'homme prévoyant emporte
une fiole de benzine ou de pétrole pour la répandre
sur les coussins dès qu'on se met à dîner
près de lui. Tout est permis, tout est trop doux pour les
rustres qui vous empoisonnent par l'odeur de leurs mangeailles.

    Nous suivons la mer bleue. Le soleil
tombe en pluie sur la côte peuplée de villes charmantes.

    Voici Saint-Raphaël. Là-bas
est Saint-Tropez, petite capitale de ce pays désert inconnu
et ravissant qu'on nomme les Montagnes des Maures. Un grand fleuve
sur lequel aucun pont n'est jeté, l'Argens, sépare
du continent cette presqu'île sauvage, où l'on peut
marcher un jour entier sans rencontrer un être, où
les villages perchés sur les monts, sont demeurés
tels que jadis, avec leurs maisons orientales, leurs arcades,
leurs portes cintrées, sculptées et basses.

    Aucun chemin de fer, aucune voiture
publique ne pénètre dans ces vallons superbes et
boisés. Seule, une antique patache porte les lettres de
Hyères et de Saint-Tropez.

    Nous filons. Voici Cannes, si jolie
au bord de ses deux golfes, en face des îles de Lérins
qui seraient, si on les pouvait joindre à la terre, deux
paradis pour les malades.

    Voici le golfe de Juan; l'escadre
cuirassée semble endormie sur l'eau.

    Voici Nice. On a fait, paraît-il,
une exposition dans cette ville. Allons la voir.

    On suit un boulevard qui a l'air
d'un marais et on parvient, sur une hauteur, à un bâtiment
d'un goût douteux et qui ressemble, en tout petit, au grand
palais du Trocadéro.

    Là-dedans, quelques promeneurs
au milieu d'un chaos de caisses.

    L'exposition, ouverte depuis longtemps
déjà, sera prête sans doute pour l'année
prochaine.

    L'intérieur serait joli s'il
était terminé. Mais... il en est loin.

    Deux sections m'attirent surtout:
"les comestibles et les beaux-arts". Hélas! voici
bien des fruits confits de Grasse, des dragées, mille choses
exquises à manger... Mais... il est interdit d'en vendre...
On ne peut que les regarder... Et cela pour ne point nuire au
commerce de la ville! Exposer des sucreries pour la seule joie
du regard et avec défense d'y goûter me paraît
certes une des plus belles inventions de l'esprit humain.

    Les beaux-arts sont... en préparation.
On a ouvert cependant quelques salles où l'on voit de fort
beaux paysages de Harpignies, de Guillemet, de Le Poittevin, un
superbe portrait de Mlle Alice Regnault par Courtois, un délicieux
Béraud, etc... Le reste... après déballage.

    Comme il faut, quand on visite,
visiter tout, je veux m'offrir une ascension libre et je me dirige
vers le ballon de M. Godard et Cie.

    Le mistral souffle. L'aérostat
se balance d'une manière inquiétante. Puis une détonation
se produit. Ce sont les cordes du filet qui se rompent. On interdit
au public l'entrée de l'enceinte. On me met également
à la porte.

    Je grimpe sur ma voiture et je regarde.

    De seconde en seconde, quelques
nouvelles attaches claquent avec un bruit singulier, et la peau
brune du ballon s'efforce de sortir des mailles qui la retiennent.
Puis soudain, sous une rafale plus violente, une déchirure
immense ouvre de bas en haut la grosse boule volante, qui s'abat
comme une toile flasque, crevée et morte.

 

    A mon réveil, le lendemain,
je me fais apporter les journaux de la ville et je lis avec stupeur:
"La tempête qui règne actuellement sur notre
littoral a obligé l'administration des ballons captifs
et libres de Nice, pour éviter un accident, de dégonfler
son grand aérostat.

    "Le système de dégonflement
qu'a employé M. Godard est une de ses inventions qui lui
font le plus grand honneur."

 

    Oh! Oh! Oh! Oh!


    O brave public!

 

    Toute la côte de la Méditerranée
est la Californie des pharmaciens. Il faut être dix fois
millionnaire pour oser acheter une simple boîte de pâte
pectorale chez ces commerçants superbes qui vendent le
jujube au prix des diamants.

    On peut aller de Nice à Monaco
par la Corniche, en suivant la mer. Rien de plus joli que cette
route taillée dans le roc, qui contourne des golfes, passe
sous des voûtes, court et circule dans le flanc de la montagne
au milieu d'un paysage admirable.

    Voici Monaco sur son rocher, et,
derrière, Monte-Carlo... Chut!... Quand on aime le
jeu, je comprends qu'on adore cette jolie petite ville. Mais comme
elle est morne et triste pour ceux qui ne jouent point! On n'y
trouve aucun autre plaisir, aucune autre distraction.

    Plus loin, c'est Menton, le point
le plus chaud de la côte et le plus fréquenté
par les malades. Là, les oranges mûrissent et les
poitrinaires guérissent.

    Je prends le train de nuit pour
retourner à Cannes. Dans mon wagon deux dames et un Marseillais
qui raconte obstinément des drames de chemin de fer, des
assassinats et des vols.

    "... J'ai connu un Corse, Madame,
qui s'en venait à Paris avec son fils. Je parle de loin,
c'était dans les premiers temps de la ligne P.-L.-M. Je
monte avec eux, puisque nous étions amis, et nous voici
partis.

    "Le fils, qui avait vingt ans,
n'en revenait pas de voir courir le convoi, et il restait tout
le temps penché à la portière pour regarder.
Son père lui disait sans cesse: "Hé! prends
garde, Mathéo, de te pencher trop, que tu pourrais te faire
mal." Mais le garçon ne répondait seulement
point.

    "Moi je disais au père:

    "Té, laisse-le donc,
si ça l'amuse."

    "Mais le père reprenait:

    "Allons, Mathéo, ne
te penche pas comme ca."

    "Alors, comme le fils n'entendait
point, il le prit par son vêtement pour le faire rentrer
dans le wagon, et il tira.

    "Mais voilà que le corps
nous tomba sur les genoux. Il n'avait plus de tête, Madame...
elle avait été coupée par un tunnel. Et le
cou ne saignait seulement plus; tout avait coulé le long
de la route..."

    Une des dames poussa un soupir,
ferma les yeux, et s'abattit vers sa voisine. Elle avait perdu
connaissance...

guy de maupassant

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !