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C'est parti

 I/ C’est par l’entendement seul qu’on peut connaître

A) le bon sens

B) La méthode : l'évidence et l'ordre

C) La métaphysique de Descartes ou comment fonder l'évidence ?
II/ Comment être certain que nos jugements sont vrais ?
III/ Le risque du solipsisme

L'idéalisme subjectif de Descartes: pour connaître, il faut renoncer à l'usage des sens



Il semble vain de rompre avec le sensible dans la mesure où cette rupture conduit à affirmer l’existence d’un autre monde que le monde sensible, mais de telle sorte que l’articulation entre le sensible et l’intelligible pose des difficultés insurmontables.
    Il n’en reste pas moins que le monde sensible est bien comme tel inconnaissable puisque tout ce qui s’y trouve devient de telle sorte qu’aucune détermination immuable et nécessaire ne soient observables.
Il en résulte qu’il ne faut peut-être pas rompre avec le sensible, le monde sensible, mais seulement avec les sens, la sensibilité. Il ne s’agirait alors plus de poser un autre monde, mais de chercher à connaître le monde sensible, celui qui nous entoure tel qu’il est perçu par nos sens, mais paradoxalement sans le secours des sens, sans passer par les sens. Connaître le monde sensible, mais pas par les sens!
C’est ce que propose Descartes. Toute la question est bien sûr de savoir comment rompre avec la sensibilité seulement et non avec le sensible et de telle sorte, toujours, que de cette manière on saisisse bien des objets connaissables avec la certitude que nous les saisons bien tels qu’ils sont en eux-mêmes.
Pour ce faire, il convient d’abord de se demander comment Descartes établit l’impossibilité de connaître le monde sensible par l’entremise des sens.
I/ C’est par l’entendement seul qu’on peut connaître

Le morceau de cire, Descartes. Les Méditations Métaphysiques.

 

" Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n'entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d'ordinaire plus confuses, mais de quelqu'un en particulier. Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche: il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci. Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu: ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son. La même cire demeure-t-elle après ce changement? Il faut avouer qu'elle demeure; et personne ne le peut nier. Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure.

Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n'était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres. Mais qu'est, précisément parlant, que j'imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable. Or qu'est-ce que cela: flexible et muable ? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer. Qu'est-ce maintenant que cette extension ? N'est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que la cire, si je ne pensais qu'elle est capable de recevoir plus de variétés selon l'extension, que je n'en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d'accord, que je ne saurais pas même concevoir par l'imagination ce que c'est que cette cire, et qu'il n'y a que mon entendement seul qui le conçoive, je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident. Or quelle est cette cire, qui ne peut être conçue que par l'entendement ou l'esprit ? Certes c'est la même que je vois, que je touche, que j'imagine, et la même que je connaissais dès le commencement. Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ou bien l'action par laquelle on l'aperçoit, n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'a jamais été, quoiqu'il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.

Cependant je ne me saurais trop étonner quand je considère combien mon esprit a de faiblesse, et de pente qui le porte insensiblement dans l'erreur. Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m'arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire ; car nous disons que nous voyons la même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c'est la même, de ce qu'elle a même couleur et même figure : d'où je voudrais presque conclure, que l'on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l'esprit, si par hasard je ne regardais d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux."

Commentaire :


1 - Descartes commence par exposer ce qui passe pour une évidence.

 

 " Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n'entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d'ordinaire plus confuses, mais de quelqu'un en particulier."


En cours de philosophie, ce que nous connaissons le mieux, avec la plus grande distinction, c’est-à-dire sans confusion, ce sont les corps physiques, les choses sensibles (par opposition à l’âme, à Dieu ou à la liberté par exemple). Pourquoi ? Parce qu’ils affectent nos sens, parce qu’ils sont immédiatement saisis et connus par eux. Mais, il précise que c’est là ce que nous croyons le mieux connaître. Il faut donc mettre à l’épreuve cette croyance.

2 - Pour cela, il décide d’examiner la connaissance que nous avons d’un corps singulier, à savoir celui d’un morceau de cire d’abeille.

 

"Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche: il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci."


Ce morceau de cire affecte nos sens, tous nos sens, de telle sorte qu’il est possible de lui attribuer certaines déterminations : odeur, couleur, taille, dureté, son. Parce que chacune de ces déterminations se distinguent nettement des autres (la couleur se distingue de l’odeur) et de celles qui sont de même nature qu’elle (cette couleur se distingue de telle autre couleur que ce morceau de cire n’a pas), on peut dire que ce morceau de cire est, par l’ensemble des ses déterminations saisies par les sens, connu de nous. Il est tel qu’il apparaît à nos sens. Il est ce qu’il nous apparaît.

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3 - Seulement, toutes les déterminations saisies par les sens sont susceptibles de changer totalement si on approche ce morceau de cire d’une source de chaleur.

 

"Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu: ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son."


Il affecte encore tous nos sens, mais de telle sorte qu’il a désormais des déterminations entièrement nouvelles, distinctes des premières. Ce qui signifie que ce morceau de cire peut avoir pour chaque sens des apparences changeantes : il n’a pas plus tel aspect que tel autre, telle couleur plutôt que telle autre.

4 - Le morceau de cire change et reste le même.

 

"La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure; et personne ne le peut nier. Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure."


Pourtant, en dépit de ces changements, c’est toujours le même morceau de cire, il s’agit bien de la même chose. Donc, la même chose, une chose identique à elle-même est susceptible de revêtir des apparences sensibles variables. Le morceau de cire change et néanmoins reste le même.
Qu’est-ce que cela signifie ? Si c’est toujours le même morceau de cire, quoiqu’il ait changé d’aspect, qu’il n’affecte plus mes sens de la même manière, alors je ne peux plus dire que c’est par les sens que je le connais, puisque les déterminations que je lui attribuais avant ne lui correspondent plus maintenant alors qu’il est resté le même. Si c’était par les sens que je connaissais les corps physiques, alors il faudrait soutenir que chaque fois que je constate un changement dans les déterminations sensibles de cette chose, ce ne sont pas les apparences de la chose qui changent, mais que j’ai subitement affaire à une autre chose, sans rapport avec la précédante. Ce qui est ici totalement impossible à soutenir puisqu’il s’agit bien du même morceau de cire.
Or, que serait une connaissance de quelque chose qui cesserait d’être valable, c’est-à-dire qui cesserait de correspondre à ce quelque chose, sitôt qu’il change d’apparence ? Non pas une connaissance, mais une apparence de connaissance. Connaître vraiment quelque chose en effet, c’est saisir ce quelque chose tel qu'il est aussi longtemps qu'il est lui-même, donc saisir ses déterminations indépendamment des changements de surface qui peuvent l'affecter. Connaître une chose, c'est ainsi saisir ses déterminations nécessaires, c'est-à-dire celles qui lui appartiennent en propre et donc qu'elle possède aussi longtemps qu'elle est, et non pas des déterminations accidentelles comme celles qu'on saisit par les sens.

Descartes fait ainsi le partage entre ce qui relève de la connaissance et ce qui n'en relève pas au moyen de la distinction entre le propre ou le nécessaire et le contingent ou accidentel : toutes les caractéristiques nécessaires ou propres forment la nature de l'objet ; les saisir, c'est donc le connaître.
En somme, par les sens, nous ne connaissons rien des objets physiques, puisque par eux nous ne saisissons pas ce qui en eux est durable, mais au contraire, que ce qui est changeant, sujet au devenir. Ce qui ne veut pas dire que je ne saisis rien par les sens ou que ce que je perçois est de l’ordre de l’illusion ou du mirage. Cela veut dire seulement que ce que je perçois ne constitue pas une connaissance de ce que je perçois, une connaissance au seul sens que peut avoir ce mot, à savoir : la saisie des déterminations propres à une chose, celle qu’elle possède toujours tant qu’elle dure et quels que soient ses changement d’apparences.

5 - Alors, qu’est ce que ce morceau de cire si ce que j’en perçois n’en constitue pas une connaissance ?

 

    "Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n'était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres. Mais qu'est, précisément parlant, que j'imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable."


Si tout ce que je perçois de ce morceau de cire ne correspond pas à ce qu’il est effectivement et toujours, alors il faut éliminer tout ce que j’apprends de lui par mes sens, c'est-à-dire tout ce qui varie en lui. Que reste-t-il ? Un corps qui peut m’apparaître de différentes manières.
Mais cela, je ne le perçois pas, je le conçois. Comment ? Je peux l’imaginer, c’est-à-dire me le représenter sous la forme d’images que je peux produire. Si on tâche de se représenter l’image de ce morceau de cire une fois éliminé ce qui me vient des sens, je peux dire qu’il est quelque chose d’étendu dans l’espace, un volume géométrique donc, qu’il est flexible et muable, c’est-à-dire que ce volume est susceptible de changer de forme. Comme un corps réduit à ses propriétés géométriques et mécaniques. C’est ainsi que je semble pouvoir l’imaginer.

6 - Mais, le muable, le flexible et l'étendue peuvent-ils réellement s’imaginer ?

 

"Or qu'est-ce que cela: flexible et muable ? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer. Qu'est-ce maintenant que cette extension ? N'est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que la cire, si je ne pensais qu'elle est capable de recevoir plus de variétés selon l'extension, que je n'en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d'accord, que je ne saurais pas même concevoir par l'imagination ce que c'est que cette cire, et qu'il n'y a que mon entendement seul qui le conçoive, je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident."


Dire que le morceau de cire est muable, c'est se le représenter sous forme d'images successives avec différentes formes. Dire qu'il est muable, c'est donc imaginer. Or, l’imagination ne peut représenter que des formes déterminées, former des images singulières et déterminées du morceau de cire. Par conséquent, quand bien même je voudrais me représenter le plus grand nombre possible de formes que pourrait prendre le morceau de cire, jamais je ne parviendrai à me les représenter toutes puisqu’elles sont en nombre infini. Qu’est-ce que cela signifie ? Que l’imagination est incapable de représenter le muable et le flexible, c’est-à-dire la muabilité et la flexibilité du morceau de cire : non certaines de ses variations de formes, mais son caractère foncièrement variable.
Qu’en est-il de l’extension du morceau de cire, c’est-à-dire de son étendue géométrique ? Puis-je l’imaginer ? Pas plus que la muabilité pour les mêmes raisons : l’extension de ce morceau de cire est susceptible de varier autant que sa forme, donc infiniment, donc au-delà des moyens de l’imaginer.
Ce qui reste du morceau de cire une fois éliminées les apparences sensibles, à savoir l’extension, la flexibilité et la muabilité, n’est pas imaginable. L’imagination ne permet pas de les concevoir, elle permet tout au plus de les illustrer. Qu’est-ce que cela signifie ? Que l’imagination ne permet pas de connaître les corps physiques puisqu’elle ne peut produire qu’un nombre limité d’images des corps, alors qu’ils peuvent prendre une infinité de formes.

Alors ? Alors, je ne peux pas plus connaître ce morceau de cire par les sens que par l’imagination. Et, finalement pour la même raison : les sens comme l’imagination ne permettent de saisir qu’un nombre nécessairement limité des aspects sous lesquels le même morceau de cire peut se trouver. Est-ce à dire que ce morceau de cire est inconnaissable et avec lui l’ensemble des objets physiques ? Non, mais, contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas avec les sens ni avec l’imagination qu’il est possible de les connaître, mais avec l’entendement, c’est-à-dire avec la faculté de comprendre certes, mais surtout celle de concevoir et de concevoir des concepts, qui se distinguent à la fois des perceptions et des images formées par l’imagination.

Le morceau de cire n’est connaissable et connu qu’au moyen de concepts, ceux d’étendue et de muabilité. Ce morceau de cire n’est pas que cela, mais c’est seulement en cela qu’il est connu puisque quoiqu’il puisse devenir, tant qu’il demeurera, il sera toujours étendu et muable. Or, il n’y a que l’entendement qui soit capable de saisir ces deux déterminations : les sens les ignorent, l’imagination n’en représente que des exemples.

7 - Une inspection de l'esprit.

 

"Or quelle est cette cire, qui ne peut être conçue que par l'entendement ou l'esprit ? Certes c'est la même que je vois, que je touche, que j'imagine, et la même que je connaissais dès le commencement. Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ou bien l'action par laquelle on l'aperçoit, n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'a jamais été, quoiqu'il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée."


Il faut soigneusement distinguer le morceau de cire tel qu’il apparaît à nos sens ou tel qu’on peut l’imaginer du morceau de cire tel qu’il est connu. Ce qu’on perçoit existe, ce qu’on imagine est possible, c’est-à-dire pourrait exister, mais nos sens comme notre imagination ne nous permettent pas de connaître ce morceau de cire en lui-même tel qu’il est quel que soit son apparence, réelle ou possible.
Cela signifie aussi que la croyance selon laquelle c’est par les sens que nous connaissons les objets physiques n’est pas seulement fausse, infondée, elle est beaucoup plus radicalement impossible. Descartes ne soutient pas qu’il ne faut pas vouloir connaître les choses avec ses sens, qu’il ne faut pas se fier aux apparences, il soutient bien plutôt qu’il n’y a de connaissance que purement intellectuelle, c’est-à-dire que par l’entendement. Il ne dit pas que les sens (et/ou l'imagination) ne nous délivrent pas une connaissance digne de ce nom, qu'il ne faut pas se servir des sens et de l'imagination pour connaître parce qu'ils ne seraient pas des moyens fiables.

Il dit qu'il n'y a jamais eu de connaissance du tout par eux. On ne connaît pas mal avec le sens, on ne connaît rien du tout par eux. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que l'entendement qui soit capable de connaître, puisqu'il est le seul à pouvoir concevoir les déterminations d'une chose. Or, connaître quelque chose, c’est précisément concevoir cette chose et non la percevoir ou l’imaginer.
Du coup, cela signifie que ce n'est pas parce qu'on se sert de son entendement pour connaître, qu'on saisit toujours les déterminations nécessaires des choses. Que ce soit par l'entendement seul qu'on connaisse ne veut pas dire qu'on ne se trompe jamais. Si on ne connaît pas mal, mais pas du tout par les sens, on ne connaît pas toujours bien les choses parce qu'on les connaît par l'entendement.
C'est pourquoi Descartes finit par proposer de réinterpréter toute la démarche antérieure : au fond, malgré ce qu'on a cru, ni les sens, ni l'imagination n'ont délivré une connaissance du morceau de cire. D'emblée, seul l'entendement était à l'œuvre, d'abord de manière maladroite enfin de manière rigoureuse. Toute la démarche est l'œuvre d'une inspection de l'esprit, c'est-à-dire d'un examen progressif, d'une analyse effectuée par l'entendement. Pour commencer, cette inspection, avec les deux listes de déterminations sensibles, n'a produit qu'une connaissance confuse du morceau de cire, confuse parce qu'elle ne disait rien de son essence, et pour finir, c'est à une connaissance claire et distincte qu'elle aboutit.
Ce qui indique donc que si ni les sens, ni l'imagination ne permettent de connaître, l'entendement s'appuient sur eux pour procéder à son inspection en vue de concevoir l'essence des choses, comme celle du morceau de cire.
Mais si l'esprit ne détermine l'essence des choses que par une inspection qui peut tenir compte des sens, ne faut-il pas soutenir finalement que la connaissance dépend des sens ?

8 - Voir ou juger.

 

"Cependant je ne me saurais trop étonner quand je considère combien mon esprit a de faiblesse, et de pente qui le porte insensiblement dans l'erreur. Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m'arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire ; car nous disons que nous voyons la même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c'

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !