Chapitres
- 01. I- Question
- 02. II- Sujets à traiter
Texte A : D.Defoe, Robinson Crusoé, 1719
Texte B : Saint-John Perse, « La ville », Images à Crusoé ,1904
Texte C, J.Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, 1921
Texte D : M.Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, 1969.
I- Question
Quelles sont les principales modifications que subit le personnage de Robinson au fil des réécritures successives ?
Seul sur une île déserte et en proie à l'inquiétude dans la version originale de Defoe, Robinson tâche rapidement de ne pas perdre la notion du temps et use pour ce faire d'une organisation sans faille. Conscient qu'il lui faut entretenir ce qu'il lui reste du monde civilisé, il décide d'écrire son journal et construit en conséquence table et chaise.
Mais cet insulaire forcé rejoint la ville dans le texte de Saint-John Perse. L'île déserte n'est alors plus qu'un souvenir dans lequel se plonge, nostalgique, ce Robinson urbanisé : la nuit est propice au voyage de retour : « Tire les rideaux , n'allume point » (l. 3). Une telle réminiscence implique que Robinson soit parvenu à sortir de sa situation.
Toujours préoccupé par l'organisation du quotidien, comme il l'était dans la première version, soucieux de créer table et chaise pour manger et écrire, il devient un véritable artisan dans la version de Giraudoux. Les objets confectionnés sont nombreux et parfois insolites comme ces « dix espèces de panier » (l.10). Plus encore il incarne à lui seul l'homme de la civilisation à venir, celui du Xxème siècle qui produit énormément et oublie le nécessaire au profit du luxe. Sorte de surhomme, qui ne souffre pas ni de la solitude ni de ses deux principales conséquences, il est toujours « agité » (l. 17) Plus encore, alors qu'il suscitait la sympathie des individus qui prenaient connaissance de sa situation, cet homme indépendant et hyperactif est dépeint comme peu fréquentable : « le seul homme peut-être (…) que je n'aurais pas aimé rencontré dans une île. » (l. 19-20)
Dans la version philosophique de Michel Tournier enfin, Vendredi a rejoint Robinson. Alors que celui-ci incarne la civilisation, celui-là représente l'état naturel, celui d'un homme sauvage. Là encore l'Anglais est attaché aux objets parfois inutiles, comme autant de traces de son passé et de la civilisation qu'il a quittée par la force. Perdant ces biens, Robinson ne conserve comme attache que cet homme avec lequel il partage son quotidien, celui par lequel précisément ses biens ont disparu. Les deux personnalités risquent de provoquer des heurts mais la présence de Vendredi est aussi la seule forme d'humanité que conserve notre personnage.
II- Sujets à traiter
Commentaire : texte de Saint-John Perse
Un exemple de plan:
1) Un mythe revisité
a) évocation de Crusoé et de son île
b) décalage par rapport à la version première : la ville
c) puissance du songe
2) Une nature ambivalente
a) une flore luxuriante
b) mais une fauve menaçante
c) qui crée une atmosphère étrange
Dissertation :
[difficile de répondre de façon monolithique à ce sujet : bien sûr il s'agit de montrer qu'une bonne réécriture selon nous est constituée par le mélange des deux dimensions : retrouver les éléments de la version originale et se laisser surprendre par les nouveautés que propose la réécriture.]
1) reconnaître les grands traits d'un sujet ou d'un personnage présente
a) nous permet de goûter de nouveau au plaisir éprouvé la première fois : ex : retrouver Vendredi dans les deux versions de Tournier à deux niveaux de difficulté différents double le plaisir.
b) facilite le jugement sur la qualité de la réécriture en terme de fidélité : ex : se positionner sur la fidélité de l'œuvre de Saint-John Perse n'est possible qu'à condition de savoir que Crusoé est habituellement un personnage insulaire.
c) mais en constitue également toute la difficulté : dans quelle mesure est-ce vraiment nouveau ? = la réécriture est réellement un exercice de style
2) Des avantages que permet la réécriture :
a) autre vision du personnage est source de connaissance : sur l'étendue du personnage mais aussi sur la vision du créateur ex : les versions de Dom Juan depuis Tirso de Molina jusqu'à celle récente de E-E. Schmitt en passant par Molière et Mozart-Da Ponte voient toutes le personnage de façon différente, parfois odieux, d'autres fois drôle et charmant.
b) montrer qu'une œuvre n'est pas nécessairement ancrée dans une époque mais qu'elle a une dimension intemporelle : ex : revisiter les Liaisons dangereuses à une époque contemporaine comme cela a été fait au cinéma dans Cruel intentions et à la télévision par Josée Dayan.
c) Une réécriture signe l'immortalité des œuvres et participe de la création des mythes et légendes.
3) De l'étendue du pouvoir de la réécriture :
a) pour avoir une connaissance globale du personnage
b) faire réagir n'est-il pas l'essentiel ? Que la réécriture soit fidèle ou pas, n'est-ce pas l'idée que les lecteurs se mobilisent, réagissent qui est importante ?
c) tout se joue dans l'étude comparative : elle implique des connaissances préalables et l'exercice de compétences particulières.
Invention :
Ecrire des pages de journal implique :
- une date, parfois séparée de quelques jours entre chaque page
- un récit fait à P1 (« je »)
- le compte-rendu du quotidien d'un homme
- quotidien ponctué de difficultés ou de réussites pratiques
- des questionnements métaphysiques (sur la solitude, le langage, l'avenir, la mort), une forme de projection aussi et peut-être une alternance des humeurs (optimiste ou pessimiste)
- des anecdotes drôles sur des épisodes vécus
- l'évocation de souvenirs du temps passé
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