Les figures de style (ou de rhétorique) sont des procédés d’expression par lesquels l’auteur cherche à séduire ou à persuader son lecteur. Elles peuvent avoir différents effets, en lien avec la catégorie à laquelle elles appartiennent, mais il est important de noter qu’aucune n’a pour seule fonction d’orner, d’embellir le discours : dans tous les cas, les figures de style sont au service du sens et permettent de l’exprimer de façon plus efficace ou plus claire.

Une fois la figure de style identifiée et nommée, il ne faut pas oublier de l’interpréter, en fonction de son sens et de l’effet qu’elle vise. Il ne faut donc jamais dissocier la forme du texte (son apparence, ses procédés et figures) de son fond (ce qu’il dit, la thèse qu’il défend ou l’histoire qu’il raconte).

Les figures d’analogie

La

comparaison

A = C’est une figure qui consiste à rapprocher deux éléments ayant un point commun, à l’aide d’un outil de comparaison. On distinguera donc le comparé (ce que l’on compare), le comparant (ce à quoi on le compare) et le fondement de la comparaison (le point commun du comparant et du comparé).

B = Elle établit un rapprochement entre deux termes à partir d’un élément qui leur est commun. (ex. 1)

Rq. Il ne suffit pas de relever une comparaison, il faut l’analyser, montrer comment un terme premier prend un sens différent par le rapprochement avec un autre terme. Ainsi, dans l’exemple 1, le teint de la peau est mis en valeur dans sa couleur, sa délicatesse, son " naturel ", par la comparaison avec l’éclat de la rose.

A = Il (le comparé) est malin (fondement de la comparaison) comme un singe (le comparant)

B = Ton teint est pareil à l’éclat de la rose.

La terre est bleue comme une orange.

Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins comme un hameau paisible au pied d’une montagne (Baudelaire)

La

métaphore

A = C’est une sorte de comparaison abrégée (l’outil comparatif est le plus souvent absent, et il arrive que le comparant soit implicite), qui repose sur une relation de ressemblance, que celle-ci soit objective ou subjective. Lorsqu’elle est développée sur plusieurs phrases, on parle de métaphore filée. sont par exemple des métaphores passées dans le langage courant.

B = Elle établit une assimilation entre deux termes : comparé et comparant sont rassemblés dans un énoncé sans que le terme de comparaison soit exprimé. (ex. 1)

Parfois cette assimilation peut aller jusqu’à la disparition totale du comparé (ex. 2)

Si la métaphore est développée par plusieurs termes (voire dans un texte entier), on parle de métaphore filée.

La métaphore est la forme la plus condensée de l’image poétique. Etablissant une identité entre deux réalités différentes, elle efface les barrières entre des domaines que l’on sépare d’habitude : ainsi dans l’exemple d’André Breton cité plus haut, l’animé (le taureau) reçoit un comparant inanimé (la masse de bronze) qui souligne sa force imposante et presque magique. Le taureau devient sculpture vivante.

Analyser une métaphore, c’est donc repérer le comparé et le comparant, les domaines auxquels il appartiennent, l’assimilation qui s’opère entre eux et les effets de cette assimilation.

Rq. Certaines métaphores sont tellement employées dans le langage courant qu’elles ne sont presque plus ressenties comme telles : on les appelle des clichés (ex. 3).

Le cliché peut cependant être source de créativité : soit que l’auteur l’utilise à des fins parodiques comme chez Flaubert, Proust ou Queneau ; soit qu’il le renouvelle en le prenant au pied de la lettre ou bien en le rendant insolite par une légère modification.

A = Sauter sur l’occasion

Prendre le taureau par les cornes

B = Ton teint de rose

La masse de bronze au croissant lumineux qui réellement tout à coup piétine. (C’est ainsi qu’André Breton, poète surréaliste, évoque le taureau dans L’Amour fou, Gallimard, 1937)

Des cheveux d’or.

… la cloche au gosier vigoureux […] jette fidèlement son cri religieux. (Baudelaire)

L’allégorie

A = C’est une représentation figurée d’idées abstraites sous la forme d’un tableau ou d’une histoire qui développe une analogie initiale. Elle permet donc de rendre concrètes des données abstraites.

B = L’allégorie représente de façon imagée (par des éléments descriptifs ou narratifs) les divers aspects d’une idée abstraite. Dans l’exemple, l’idée abstraite (les errances de la mémoire) est représentée et donc rendue plus sensible par l’image d’un navire à la dérive.

A = La Colombe est par exemple l’allégorie de la paix.

B = Mon beau navire ô ma mémoire        Avons-nous assez navigué                         Dans une onde mauvaise à boire           Avons-nous assez navigué                             De la belle aube au triste soir. (Apollinaire)

La

person-nification

A = Elle attribue à des éléments inanimés les propriétés des être animés. Elle permet aussi de représenter de façon plus concrète des idées abstraites.

B = Elle représente une chose ou une idée sous les traits d’une personne. Dans l’exemple, l’idée abstraite (l’Habitude) est représentée sous les traits d’une femme.

A = Trois mille six cents fois par heure, la Seconde chuchote : Souviens-toi (Baudelaire).

B = L’Habitude venait me prendre dans ses bras et me portait jusque dans mon lit comme un petit enfant. (Proust)

La prosopopée

A = Elle met en scène les absents, les morts, les être surnaturels, voire les être inanimés et les fait parler ou agir.

A = [La Nature] me dit : " Je suis l’impassible théâtre / Que ne peut remuer le pied de ses acteurs… " (Vigny)

Les figures de substitution : le détour

La

périphrase

A = C’est un procédé par lequel on remplace un mot simple par une expression plus complexe.

A = L’auteur des Rougon-Macquart pour désigner Zola.

La

métonymie

A = Elle désigne un élément par un autre élément ayant une relation logique avec le premier.

B = Elle remplace un mot par un autre mot qui est lié au premier par un rapport logique suffisamment net. (Contrairement à la métaphore, ce rapport n’est pas une relation d’identité). On emploie tous les jours des métonymies comme en témoignent les exemples B ci-contre.

Rq. = Dans la métonymie, l’élément qui remplace ne fait pas partie de l’élément substitué. Dans la synecdoque, l’élément substitué fait partie intégrante de l’élément qu’il remplace. L’emploi de ces procédés est parfois tellement courant qu’on oublie souvent l’origine de la substitution qu’ils opèrent : ainsi, quand on parle, en politique, de la Gauche et de la Droite, sait-on qu’on emploie une métonymie du lieu (à l’Assemblée) pour ceux qui y siègent (les députés).

A = Boire un verre, pour boire le contenu de ce verre.

Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir. Je le remets au tien pour venger et punir. (Corneille)

B = Je viens de lire un Balzac (un roman de Balzac)

Il est premier violon à Lille.

Le président a été informé directement par le Kremlin.

La synecdoque

A = C’est une forme particulière de la métonymie, que sous-tend une relation d’inclusion : on désigne alors le tout par la partie.

B = Comme la métonymie, elle remplace un terme par un autre, mais la relation entre le terme employé et le terme remplacé est plus étroite dans le cas de la synecdoque. Elle permet d’exprimer un ensemble, un tout par une de ses parties. Réciproquement, elle permet d’exprimer une partie d’un ensemble par l’ensemble lui-même, le particulier par le général.

A = A l’horizon naviguait une voile (on désigne le navire par une de ses parties, la voile).

B = " L’épée " sera dite " l’arme ", " le chien " sera dit " l’animal ", etc.

Les figures d’opposition : le choc

L’antithèse

A = C’est une figure qui consiste à rapprocher deux unités aux significations opposées.

B = Elle permet d’opposer très fortement deux termes afin de mettre en relief l’un des deux (ou les deux).

C = Mise en relief d’une idée en l’opposant à l’idée contraire.

A = Loin de vous la ravir, on va vous la livrer (Racine)

B = Ici c’est le paradis, ailleurs l’enfer.

C = Ton bras est invaincu mais non pas invincible. (Corneille)

L’oxymore

A = C’est un cas particulier de l’antithèse, liant syntaxiquement des termes opposés dans un même groupe de mots, comme un substantif et un adjectif.

A = Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille)

Le

chiasme

A = Elle place dans l’ordre inverse les termes de deux groupes syntaxiques identiques.

C = Présentation symétrique en miroir (abba) de mots de même nature grammaticale.

A = Chargé de fers, de regrets consumé (Racine)

C = Univers nouveau ; ô nouvelle solitude.

Le

paradoxe

B = Il énonce une opinion contraire à l’idée commune afin de surprendre, de choquer, d’inviter à la réflexion.

Rq. = On parle d’oxymore lorsque deux termes évoquant des réalités contradictoires sont étroitement réunis par la syntaxe (et non plus opposés comme dans le cas de l’antithèse) comme dans " Un silence éloquent ".

B = Les crimes engendrent d’immenses bienfaits et les plus grandes vertus développent des conséquences funestes. (Paul Valéry)

L’anti-   phrase

A = Elle consiste à faire entendre le contraire de ce que l’on dit ; le plus souvent, elle est utilisée dans le registre ironique.

B = Elle exprime une idée par son contraire dans une intention ironique. (Rappelons que l’ironie est une forme de moquerie qui s’exerce de façon détournée puisqu’elle laisse entendre le contraire de ce qu’elle dit).

A = C’est du joli !

Ne te gêne surtout pas !

B = C’est du propre ! (pour dire c’est le comble de la saleté.)

Fig. d’atténuation

L’euphé-misme

A = Il nomme des réalités désagréables de manière atténuée, neutre ou agréable.

B = (En grec " bonne parole "), l’euphémisme atténue l’expression d’une idée, d’un sentiment (souvent pour en dissimuler le caractère déplaisant).

A = Il est parti pour il est mort.

Il n’est plus très jeune !

B = Elle a vécu = elle est morte.

La litote

A = C’est un procédé par lequel on dit le moins pour faire entendre le plus.

B = Chère aux écrivains classiques (XVIIe et XVIIIe siècles), elle dit le moins pour suggérer le plus. Elle est donc à mettre au compte d’une économie des moyens dans l’expression de l’idée ou du sentiment. On peut dire que la litote est une antiphrase négative.

A = Ce n’est pas une lumière ! pour dire de quelqu’un qu’il est particulièrement stupide.

Va, je ne te hais point (= je t’aime). Corneille

B = On ne mourra pas de faim aujourd’hui = on va beaucoup manger aujourd’hui.

fig. d’amplification

La

gradation

A = Elle est employée pour mettre de l’ordre dans les termes d’une énumération et les classer du faible au plus fort, ou du plus fort au plus faible.

B = Elle crée une dramatisation en ordonnant les termes d’un énoncé dans une succession croissante.

A = Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue. (Racine)

B = Dix, vingt, mille soldats apparurent.

A cette vue il frémit, se mit à claquer des dents, tomba raide.

L’hyperbole

A = C’est une figure d’exagération par laquelle on grossit un trait grâce à des termes augmentatifs (préfixe comme extra-, adverbes marquant le haut degré, comparaisons, métaphores)

B = Elle amplifie les termes d’un énoncé afin de mettre en évidence un objet ou une idée.

A = Un bruit à réveiller les morts.

Je me meurs, je suis mort, je suis enterré. (Molière)

B = Un vent à décorner les bœufs = vent très fort.

Je suis mort = je suis fatigué.

Les figures de construction

Le

parallélisme

A = C’est un type de répétition qui affecte la syntaxe. C’est la reprise, dans plusieurs séquences successives, d’un même schéma syntaxique, accompagné d’une variation le plus souvent lexicale.

A = A toi l’hymne d’amour ! A toi l’hymne d’hymen ! (Hugo)

L’inter-rogation oratoire (question rhétorique

A = C’est une question qui n’attend pas de réponse, mais qui permet d’impliquer le destinataire. On parle aussi de question rhétorique.

A = Ah ! Fallait-il en croire une amante insensée ? / Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? (Racine)

L’ellipse

A = Elle fait omettre un terme grammatical normalement nécessaire à la construction de la phrase : elle produit un effet de raccourci.

A = Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle (Racine)

L’ana- coluthe

A = C’est une rupture de la construction syntaxique, qui est parfois une incorrection mais qui peut être à mettre au compte d’une recherche stylistique ou d’un trait de syntaxe affective ou expressive.

A = Intrépide, et partout suivi de la victoire, / Charmant, fidèle enfin : rien ne manque à sa gloire (Racine)

L’asyndète

A = Elle désigne une absence de coordination (on parle alors, en syntaxe, de juxtaposition.).

A = Bon gré, mal gré

Le

zeugma

A = Construction d’un mot avec deux compléments n’appartenant pas aux mêmes catégories d’emploi (concret + abstrait ; sens propre + sens figuré…)

B = Figure consistant à ne pas répéter un mot ou un groupe de mots exprimé dans une proposition immédiatement voisine.

A = Plus tard, il devint Empereur. Alors il prit du ventre et beaucoup de pays. (Prévert)B = Un précepte est aride, il le faut embellir ; ennuyeux, l’égayer ; vulgaire, l’ennoblir (Delille).

Les figures d’insistance l’accumulation

La

répétition

A = C’est la reprise d’une même unité (son, mot, groupe de mots, vers, etc.)

A = Moi je voyais briller au-dessus de la mer / Les yeux d’Elsa, les yeux d’Elsa, Les yeux d’Elsa (Aragon).

L’anaphore

A = C’est une répétition insistante du ou des mêmes termes en début de vers.

A = Je n’écris point d’amour, n’étant point amoureux, / Je n’écris de beauté, n’ayant belle maîtresse, / Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse… (Du Bellay).

L’énumé-ration

A = C’est un type de répétition où sont reprises des unités proches par le sens.

A = Vous voyez que je suis un ignorant, un sot, un fou, un impertinent, un paresseux (Diderot).

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !