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C'est parti

L'extrait commenté

Figaro.

Enfant perdu, docteur ; ou plutôt enfant volé.

Le Comte revient.

Volé, perdu, la preuve ? il crierait qu’on lui fait injure !

Figaro.

Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d’or trouvés sur moi par les brigands n’indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu’on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j’étais un fils précieux : et cet hiéroglyphe à mon bras…

(Il veut se dépouiller le bras droit.)
Marceline, se levant vivement.

Une spatule à ton bras droit ?

Figaro.

D’où savez-vous que je dois l’avoir ?

Marceline.

Dieux ! c’est lui !

Figaro.

Oui, c’est moi.

Bartholo, à Marceline.

Et qui ? lui ?

Marceline, vivement.

C’est Emmanuel.

Bartholo, à Figaro.

Tu fus enlevé par des Bohémiens ?

Figaro, exalté.

Tout près d’un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d’or n’arrêteront pas mes illustres parents…

Bartholo, montrant Marceline.

Voilà ta mère.

Figaro.

… Nourrice ?

Bartholo.

Ta propre mère.

Le Comte.

Sa mère !

Figaro.

Expliquez-vous.

Marceline, montrant Bartholo.

Voilà ton père.

Figaro, désolé.

O o oh ! aïe de moi !

Marceline.

Est-ce que la nature ne te l’a pas dit mille fois ?

Figaro.

Jamais.

Le Comte, à part.

Sa mère !

Brid’oison.

C’est clair, i-il ne l’épousera pas.

Bartholo.

Ni moi non plus.

Marceline.

Ni vous ! Et votre fils ? Vous m’aviez juré…

Bartholo.

J’étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d’épouser tout le monde.

Brid’oison.

E-et si l’on y regardait de si près, pè-ersonne n’épouserait personne.

Bartholo.

Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !

Marceline, s’échauffant par degrés.

Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je le suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui peut-être en sa vie a perdu dix infortunées !

Figaro.

Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est la règle.

Marceline, vivement.

Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe.

Figaro, en colère.

Ils font broder jusqu’aux soldats !

Marceline, exaltée.

Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire : leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !

Figaro.

Elle a raison !

Le Comte, à part.

Que trop raison !

Brid’oison.

Elle a, mon-on Dieu, raison.

Marceline.

Mais que nous font, mon fils, les refus d’un homme injuste ? Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d’elle-même ; elle t’acceptera, j’en réponds. Vis entre une épouse, une mère tendres qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il ne manquera rien à ta mère.

Figaro.

Tu parles d’or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu’on est sot, en effet ! Il y a des mille et mille ans que le monde roule, et, dans cet océan de durée où j’ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j’irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s’en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c’est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas, même quand ils s’arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu’ils cessent de marcher. Nous attendrons.

Le Comte, à part.

Sot événement qui me dérange !

Brid’oison, à Figaro.

Et la noblesse, et le château ? Vous impo-osez à la justice ?

Figaro.

Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! après que j’ai manqué, pour ces maudits cent écus, d’assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd’hui mon père ! Mais puisque le ciel a sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternellement que vous pourrez.

(Marceline lui saute au cou.)
Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1778, Acte III, scène 16
Qui était Beaumarchais ?
D'après Jean-Marc Nattier, Portrait de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Bibliothèque-musée de la Comédie Française)

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Le commentaire de l'extrait

Introduction

Beaumarchais, dramaturge français du XVIIIème siècle sensible aux idéaux révolutionnaires, écrit le Mariage de Figaro en 1778. Seulement, la pièce ne pourra être représentée qu'en 1784 : celle-ci est en effet d'abord interdite par la censure, en tant qu'elle promeut des valeurs progressistes mettant à mal la société de l'époque.

C'est que, dans cette pièce qui est le deuxième volet de la trilogie Le Roman de la famille Almaviva et qui suit Le Barbier de Séville ou la précaution inutile (1775), Beaumarchais met en scène des personnages atypiques qui sont les hérauts de principes révolutionnaires.

Se trouvent, au milieu de ces personnages, Figaro et Marceline, qui incarnent, chacun à leurs manières, la volonté de changement qui traverse les bourgeois français. En même temps que ces deux personnages, le spectateur découvre, dans la scène qui nous occupe (acte III, scène 16), que Figaro est le fils abandonné de Marceline, alors que celle-ci comptait épouser le premier.

Annonce de la problématique

Aussi, en quoi Figaro et Marcelline défendent-ils, au travers de leurs répliques, des valeurs révolutionnaires ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps comment le registre comique sert le dramaturge pour bousculer certains principes. Nous analyserons ensuite les procédés qui servent l'argumentation de deux personnages centraux. Il nous appartiendra enfin de replacer l'ensemble de ces discours dans l'argumentation des Lumières, propre au XVIIIème siècle.

Développement

Le registre comique

Le Mariage de Figaro est avant tout une pièce comique. Cela dit, à la manière de ce que fait Molière, le rire n'est jamais vraiment gratuit : il sert, en creux, à dénoncer les moeurs de son temps. Beaumarchais utilise ainsi plusieurs procédés qui servent à garder l'attention de son spectateur, mais aussi à le faire réfléchir.

Des procédés comiques

La première caractéristique propre à la comédie, c'est le rythme des répliques des personnages. Deux passages de notre extrait usent ainsi de stichomythies (= « Succession rapide de très courtes répliques », Larousse), qui doivent être appuyées en outre par le jeu des acteurs  :

Marceline, se levant vivement.

Une spatule à ton bras droit ?

Figaro.

D’où savez-vous que je dois l’avoir ?

Marceline.

Dieux ! c’est lui !

Figaro.

Oui, c’est moi.

Bartholo, à Marceline.

Et qui ? lui ?

Marceline, vivement.

C’est Emmanuel.

Ici, par exemple, les répliques s'enchaînent très rapidement et ne comptent pas plus que quelques mots, sanctionnées par des points d'interrogation et des points d'exclamation qui donnent de la vigueur et du rythme. Les reprises des pronoms personnels « lui » et « moi » ajoutent encore au potentiel comique, puisqu'ils désignent sans désigner, créant un effet de confusion, voire même un quiproquoqui est un fameux procédé comique (de qui parle-t-on ? Les différents personnages ne le savent pas !).

N'oublions pas non plus que ces répliques sont faites pour êtes jouées : c'est l'apport des didascalies, qui viennent donner des indications sur la manière dont il faut accompagner les paroles. On trouve ainsi deux fois « vivement » dans ce seul extrait.
Il y a également deux procédés comiques consacrés manifestes dans cette scène :
  • le comique de mots, notamment assuré par le bégaiement de Brind'oison (« E-et si l'on y regardait de kprès » ou encore « pè-ersonne n'épouserait personne »)
  • le comique de répétition, avec l'anaphore sur le mot « mère », répété par le Comte. Encore ici, il faut s'imaginer l'acteur répétant ce terme très fort, rempli d'incrédulité, ce qui ajoute à l'effet drolatique.

Mais le procédé décisif de ce comique est contenu dans le coup de théâtre, à la façon de Molière.

Retournement de situation : le coup de théâtre

Car, en effet, cette scène devait d'abord représenter le mariage forcé entre Figaro, valet, et Marceline, noble. Depuis le début de la pièce, le premier tente d'échapper à l'insistance de la seconde, mais n'a pu finalement rien faire devant la différence de statut.

Seul le coup de théâtre sauve Figaro, révélé par le parallélisme contenu dans le jeu de scène :

Bartholo, montrant Marceline.

Voilà ta mère.

Et, plus loin :

Marceline, montrant Bartholo.

Voilà ton père.

Aussi, l'organisation d'un mariage entre les deux devient moralement impossible. Cette impossibilité est encore accentuée par des répliques qui, plutôt que de faire voir l'horreur de la situation (comme cela serait senti dans la réalité), choisissent de la présenter sous un jour comique.

C'est ainsi que Figaro dit : « O o oh ! aïe de moi ! », phrase qui ne veut, en soi, rien dire, mais dit beaucoup. Les mots lui manquent, devant une telle situation, et, pourtant, le spectateur comprend sa surprise nimbée de douleur.

On peut relever, de même, l'enchaînement de deux répliques de Brid'oison et de Bartholo :

Brid’oison.

C’est clair, i-il ne l’épousera pas.

Bartholo.

Ni moi non plus.

Personne, dès lors, ne peut épouser Marceline, maintenant que son identité de mère est révélée. Brid'oison sanctionne verbalement cette impossibilité par une espèce de truisme (= « Vérité banale, si évidente qu'elle ne mériterait pas d'être énoncée », Larousse).

Qui sont les personnages de la pièce Le Mariage de Figaro ?
Alexandre Fragonard, La Romance de Chérubin, 1827

Transition

Tous ces procédés propres au registre comique s'accumulent durant le début de l'extrait. Ils ont un rôle : retenir l'attention du spectateur pour préparer la suite, qui, elle, se veut être porteuse d'un sens précis. Beaumarchais s'apprête à exposer sa critique des moeurs de son temps.

Une argumentation précise

Beaumarchais utilise en effet sa pièce comme un réquisitoire contre certaines valeurs de son temps. Il critique en premier lieu la justice, puis l'aristocratie et, enfin, fait voir l'injuste condition des femmes.

Un simulacre de justice

Brind'oison est le juge qui doit décider de la culpabilité de Figaro ou de Marceline. Mais ce personnage, directement inspiré de Bridoye, dans le Tiers Livre de Rabelais, se montre ridicule et, par là, ridiculise toute l'institution judiciaire.

On trouve en effet un champ lexical relatif à la justice qui fait attendre la solennité de l'institution judiciaire : « fautes », « prouvées », « expier », « juge », « punir », « magistrats », etc.

Mais lui-même n'intervient que très peu ; c'est Marceline et Figaro qui, plutôt, monopolisent la parole. Au contraire, chaque fois que Brind'oison parle, c'est pour se montrer comme ridicule :

  • son bégaiement, en premier lieu, lui ôte tout crédit
  • ses phrases sont souvent obscures : « E-et si l'on y regardait de si près, pè-ersonne n'épouserait personne », avec deux répétitions, sur « si » et sur « personne », qui enlèvent toute ambition réthorique au personnage
  • ses phrases, en outre, sont toujours très courtes et ne font voir aucun procédé stylistique

Aussi la justice ne sert-elle à rien dans cette scène. La justice n'est qu'un simulacre qui sert des desseins différents de ceux encouragés par la raison. En creux, la critique se diffuse jusqu'à l'aristocratie, qui se sert de l'institution judiciaire pour asseoir son pouvoir.

Une aristocratie hypocrite

Car Figaro est, dans un premier temps, obligé d'épouser Marceline en tant qu'il est de rang inférieur à elle, et qu'il devrait se plier à une volonté supérieure.

La noblesse est d'abord présentée comme un héritage qui ne s'acquiert que par le sang, sans mérite. C'est le rôle du « hiéroglyphe » tatoué sur le bras de Figaro, qu'il a toujours eu, sans raison, ni pourquoi. Ce tatouage est par ailleurs directement tourné en dérision, puisque Marceline le désigne tout de suite par le terme de « spatule ».

Figaro, pour s'extirper de son obligation, use d'un argumentaire précis : il veut se faire reconnaître comme noble, et fait voir les attributs de sa noblesse présumée, qu'il portait à la naissance. On trouve ainsi : « lange à dentelles », « tapis brodés », « joyaux d'or ». Tous ces objets sont relatifs à une ostentation, et n'ont qu'une valeur pécuniaire. De même, les expressions « haute naissance », « marques distinctives », « fils précieux » font voir des hyperboles, marques du superflu, caractéristique de la noblesse.

Mais dans cette scène, Beaumarchais renverse une situation de domination qu'il critique ensuite directement par les mots de Marceline : c'est le pouvoir de l'homme sur la femme.

Défense de la condition féminine

Marceline est le personnage central de la scène : c'est elle qui parle le plus, et elle devient vite avocate de la condition féminine.

En effet, si elle a dû abandonner Figaro à sa naissance, c'est à cause de sa condition de femme.

Elle utilise plusieurs procédés d'argumentation pour convaincre de cette situation :

  • la domination patriarcale est relayée par un vocabulaire de la domination : « m'a permis d'user », « nous assiègent », « nous poignarde », « nous juge », « flétrissez »
  • des hyperboles : « tant d'ennemis », « sous tous les aspects », « si vains », « mille ouvriers »
  • des antithèses : « leurrées de respects apparents dans une servitude réelle », « traitées en mineures pour nos biens, en majeures pour nos fautes », « Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire »

Les femmes, dans la société du XVIIIème siècle, comme un héritage d'une société depuis trop longtemps patriarcale, sont ainsi infantilisées par les hommes, comme veut le montrer le champ lexical de l'enfance : « inexpérience », « besoins », « jouets », « jeunesse », « filles », etc.

On trouve enfin des connecteurs logiques (« mais », « et ») qui montrent que Marceline maîtrise (au contraire du juge !) l'art de la réthorique et de la persuasion.

Transition

De fait, la prise de parole de Marceline fait basculer la pièce dans un registre tragique, qui rompt avec l'ambiance résolument comique du début de l'extrait. C'est là une marque de l'influence des Lumières sur le dramaturge, qui fait ainsi de sa pièce un plaidoyer pour des valeurs révolutionnaires.

Comment résumer le livre de philosophie politique Du Contrat Social ?
Les philosophes du XVIIIème siècle et notamment Rousseau sont à l'origine des idées qui ont poussé le peuple parisien à se révolter et à lancer la Révolution Française de 1789 !

Une pièce de Lumières

La scène veut encourager à dépoussiérer des valeurs dépassées, pour faire évoluer la société sur la base d'un esprit nouveau, rompant avec des traditions qui n'ont plus lieu d'être.

Du drame dans la comédie

Dans une perspective strictement littéraire, la pièce de Beaumarchais est novatrice en ce qu'elle intègre un aspect tragique au sein même d'une pièce originellement comique. Les tirades de Marceline ont vocation à provoquer la pitié du spectateur au sujet de la condition féminine.

Ainsi, les didascalies invitent à insister sur le pathos des personnages (pathos : souffrance) : « Figaro, en colère », « Marceline. exaltée », « Figaroexaltée ». Ce sont là des personnes révoltées, en colère contre l'injustice entretenue par la société.

Les injustices en cause

Les répliques de Marceline intègrent des idées profondément philosophiques, de telle sorte que la pièce deviendrait presque une pièce à thèse. Ainsi de la tirade suivante :

Oui, déplorable, et plus qu’on ne croit ! Je n’entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je le suis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui peut-être en sa vie a perdu dix infortunées !

Marceline commence avec une concession, qui doit légitimer les accusations qui suivent. Elle expose ensuite une situation réelle, qu'il est impossible de nier. On trouve le mot « raison », principe cardinal des Lumières, pour y voir une dimension méliorative. Mais ce qui est en cause, ensuite, c'est la manière dont on infantilise les femmes pour mieux les manipuler, avec un vocabulaire y afférent : « séducteur », « assiègent », « poignarde », « ennemis ». On trouve aussi une question réthorique (une question qui n'attend pas de réponse et qui sert seulement l'argumentation). Enfin, la réplique se termine sur une exclamation qui invite l'auditeur à faire son propre procès.

L'espoir d'un renouveau

Mais l'argumentation de Marceline continue, et après avoir fait un état des lieux des injustices, elle exhorte son fils à suivre un mode de vie plus respectueux de lui-même et des femmes :

Mais que nous font, mon fils, les refus d’un homme injuste ? Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta fiancée ne dépendra plus que d’elle-même ; elle t’acceptera, j’en réponds. Vis entre une épouse, une mère tendres qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre et bon pour tout le monde ; il ne manquera rien à ta mère.

On trouve de nouveau une question réthorique, pour mieux embrayer sur une espèce de « guide de vie », de bréviaire. Ainsi, il y a des verbes à l'impératif qui résume l'idéal révolutionnaire : rejet de la tradition (« Ne regarde pas d'où tu viens ») et optimisme de la raison (« vois où tu vas »), qui invite à réfléchir sur le sens (la direction) de ses actions.

Enfin, deux choses doivent guider la vie future de son fils :

  • l'autonomie du sujet : « ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même »
  • la fraternité, l'amour, avec le champ lexical de l'affection : « tendre », « indulgent », « heureux », « gai », « bon »

Cette tirade et ses conséquences provoquent l'assentiment de tous les personnages, dont le Comte et le juge : c'est là l'espoir de Beaumarchais que de voir les idéaux des Lumières adoptés par toutes les strates de la société.

Comment se finit la pièce Le Mariage de Figaro ?
Pierre Paul Rubens, La Fête de Vénus, 1636

Conclusion

Si Beaumarchais maîtrise le registre comique à la perfection, c'est pour mieux exposer des thèses révolutionnaires chères à son coeur :

  • rejet des traditions patriarcales
  • dénonciation de l'injustice
  • importance de l'individu
  • artifice des statuts sociaux hérités des temps anciens

Cette pièce annonce donc la Révolution française à venir, elle-même nourrie par cet esprit des Lumières que le dramaturge met en scène.

Pourtant, les conséquences de la Révolution seront terribles, et le retour à la monarchie, après Napoléon, provoquera l'émergence du Romantisme, qui se désespérera des désillusions de tout un siècle, comme le fait Alfred de Musset dans Confessions d'un enfant du siècle...

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.