Le cours d’aujourd’hui présente un corrigé possible pour le sujet du baccalauréat de français de 2019, session ES, dans l’académie du Liban :

La poésie a-t-elle le pouvoir d'apporter une consolation aux malheurs des hommes ?

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C'est parti

Corpus du sujet

Texte A : Joachim Du Bellay, Les Regrets, sonnet IX, 1558.

[Dans le recueil Les Regrets, Joachim Du Bellay, poète de la Pléiade, évoque son
souvenir de la France pendant ses années passées à Rome.]

France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :

Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,

Je remplis de ton nom les antres et les bois.

.

Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,

Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ? France, France, réponds à ma triste querelle.

Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

.
Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine,

Je sens venir l’hiver, de quoi la froide haleine
D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

.

Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture, Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

Qui était le poète Joachim du Bellay
Statue de Joachim du Bellay située à Liré (Maine-et-Loire)

Texte B : Marceline Desbordes-Valmore, Romances, « L’Exilé », 1819.

[Marceline Desbordes-Valmore est une figure singulière du romantisme français. Dans ce poème, elle fait d’abord entendre la voix d’un exilé, auquel elle répond en offrant une autre vision de l’exil.]

«         Oui, je le sais, voilà des fleurs,
Des vallons, des ruisseaux, des prés et des feuillages ;

Mais une onde plus pure et de plus verts ombrages

Enchantent ma pensée, et me coûtent des pleurs.

.
Oui, je le vois, ces frais zéphyrs

Caressent en jouant les naïves bergères ;
Mais d’un zéphyr plus doux les haleines légères

Attirent loin de moi mon âme et mes soupirs !

.

Ah ! je le sens ! c’est que mon cœur,

Las d’envier ces bois, ces fleurs, cette prairie,
Demande, en gémissant, des fleurs à ma patrie !
Ici rien n’est à moi, si ce n’est ma douleur. »

.
Triste exilé, voilà ton sort !
La plainte de l’écho m’a révélé ta peine.
Comme un oiseau captif, tu chantes dans ta chaîne ;

Comme un oiseau blessé, j’y joins un cri de mort !

.
Goûte l’espoir silencieux !
Tu reverras un jour le sol qui te rappelle ;
Mais rien ne doit changer ma douleur éternelle :
Mon exil est le monde... et mon espoir aux cieux.

Texte C : Victor Hugo, Les Quatre Vents de l’esprit, « Exil », 1881.

[Lorsqu’il écrit ce poème, Victor Hugo est en exil sur l’île de Guernesey depuis le coup
d’État de Napoléon III en 1851.]

Exil

.

Si je pouvais voir, ô patrie,

Tes amandiers et tes lilas,

Et fouler ton herbe fleurie,
Hélas !

.

Si je pouvais, – mais, ô mon père,

Ô ma mère, je ne peux pas,

Prendre pour chevet votre pierre,
Hélas !

.
Dans le froid cercueil qui vous gêne,

Si je pouvais vous parler bas,
Mon frère Abel, mon frère Eugène,

Hélas !

.
Si je pouvais, ô ma colombe,
Et toi, mère, qui t’envolas,
M’agenouiller sur votre tombe,
Hélas !

.
Oh ! vers l’étoile solitaire,

Comme je lèverais les bras !

Comme je baiserais la terre,
Hélas !

.
Loin de vous, ô morts que je pleure,

Des flots noirs j’écoute le glas,
Je voudrais fuir, mais je demeure,
Hélas !

.
Pourtant le sort, caché dans l’ombre,

Se trompe si, comptant mes pas,
Il croit que le vieux marcheur sombre
Est las.

.
18 juillet 1870

Texte D : Gaël Faye et Francis Muhire (paroles), Pili Pili sur un croissant au beurre, « Petit pays », 2013.

[Gaël Faye est un écrivain franco-rwandais, né au Burundi. Il a quitté son pays à l’âge de treize ans pour fuir la guerre civile. Avant de connaître le succès avec son roman Petit Pays paru en 2016, il a co-écrit une chanson dans laquelle il évoque son pays natal. En voici un extrait.]

Petit Pays

.

Refrain :

.
Gahugu gatoyi
Gahugu kaniniya

Warapfunywe ntiwapfuye

Waragowe ntiwagoka

Gahugu gatoyi
Gahugu kaniniya

.
Une feuille et un stylo apaisent mes délires d’insomniaque

Loin dans mon exil petit pays d’Afrique des Grands Lacs

Remémorer ma vie naguère avant la guerre
Trimant pour me rappeler mes sensations sans rapatriement

Petit pays, je t’envoie cette carte postale

Ma rose mon pétale, mon cristal, ma terre natale
Ça fait longtemps les jardins de bougainvilliers

Souvenirs renfermés dans la poussière d’un bouquin plié

Sous le soleil les toits de tôles scintillent
Les paysans défrichent la terre en mettant le feu sur des brindilles

Voyez mon existence avait bien commencé
J’aimerais recommencer depuis le début, mais tu sais comment c’est !
Et nous voilà perdus dans les rues de Saint-Denis
Avant qu’on soit séniles on ira vivre à Gisenyi

On fera trembler le sol, comme les grondements de nos volcans

Alors petit pays, loin de la guerre on s’envole quand ?

.
Refrain

.
Petit bout d’Afrique perché en altitude
Je doute de mes amours tu resteras ma certitude

Réputation recouverte d’un linceul

Petit pays, pendant trois mois tout le monde t’a laissé seul

J’avoue, j’ai plaidé coupable de vous haïr
Quand tous les projecteurs étaient tournés vers le Zaïre
Il fallait reconstruire mon pays sur des ossements
Des fosses communes et puis tous nos cauchemars incessants
Petit pays, te faire sourire sera ma rédemption

Je t’offrirai ma vie à commencer par cette chanson
L’écriture m’a soigné quand je partais en vrille

Seulement laisse-moi pleurer quand arrivera ce maudit mois d’avril
Tu m’as appris le pardon pour que je fasse peau neuve

Petit pays dans l’ombre le diable continue ses manœuvres

Tu veux vivre malgré les cauchemars qui te hantent

Je suis semence d’exil d’un résidu d’étoile filante

Rappel de la méthode générale en dissertation

Comprendre le sujet

D'abord, il vous faut décortiquer les termes du sujet.

Reformuler le sujet

A partir de cette première analyse, vous pouvez également reformuler le sujet (souvent très utile).

Diviser le sujet en sous-questions

Ces sous-questions peuvent notamment vous être utiles pour établir vos parties et vos sous-parties.

Chercher des idées

Les idées doivent s'appuyer sur des exemples, lesquels doivent, inversement, vous offrir les idées. Ainsi :

  • appuyez-vous sur le corpus du sujet pour vos exemples
  • trouvez, à partir de votre cours et de vos connaissances, d'autres exemples

Le choix du plan

A partir de ces travaux préparatoires, vous devez finalement dégager un plan, généralement en trois parties et trois sous-parties (mais pas obligatoirement), chacune étayée d'exemples tirés du corpus et de vos connaissances personnelles.

Les enjeux du présent sujet

Lorsque vous vous confrontez au sujet d’une dissertation, il vous faut bien identifier les termes qui posent un problème, ou qui témoignent d’une tension. Munissez-vous de stabylos de couleurs différentes, et surlignez les mots qui doivent faire l’objet d’une attention toute particulière.

A la fin de votre analyse du sujet, essayez donc de reformuler la question ! C’est souvent un bon moyen pour établir votre propre problématique, et pour vérifier si vous avez bien saisi le propos.

Ici :

  • Le sujet ne convoque qu'un seul genre littéraire : la poésie. Vos exemples ne devront donc être tirés que de la poésie : oubliez le théâtre et les romans pour un moment !
  • Le sujet parle d’un « pouvoir » : il faut se poser la question de l’existence de ce pouvoir, puis de sa nature : n’en a-t-elle qu’un ? Est-ce celui-ci ?
  • Poser la question du pouvoir, c’est aussi poser la question de la manière dont celui-ci s’exerce, c’est-à-dire la question du « comment ? »
  • Le sujet est une question fermée qui appelle apparemment deux types de réponse : oui ou non. Mais est-ce si binaire ?
  • Enfin, qu’est-ce que le sujet sous-entend en parlant de « malheur des hommes ? » Il faudra en nommer certains, en exclure d’autres !

Ainsi, nous pouvons reformuler le sujet comme suit :

Comment la poésie permet-elle à l’Homme de dépasser certaines de ses douleurs ?

Trouver des idées

D’abord, scindez votre sujet en plusieurs sous-questions :

  • La poésie aide-t-elle davantage le poète ou le lecteur ?
  • Comment la poésie aide-t-elle le lecteur ? Comment aide-t-elle le poète ?
  • Quelles sont les douleurs humaines auxquelles la poésie parle ?
  • La poésie a-t-elle d’autres pouvoirs ?
  • La poésie peut-elle tout ?
  • La poésie doit-elle avoir ce rôle salvateur ?

Faites ensuite une liste de poètes et de poèmes, qui répondent à ces questions. Par exemple :

  • « Nuit de mai » d’Alfred de Musset, où le poète transforme son affliction en force de création
  • « Spleen », de Charles Baudelaire, où le malheur du poète devient une beauté poétique sans égale
  • du côté du lecteur, le passage de Si c’est un homme, de Primo Levi, dans lequel le narrateur dit avoir survécu au camp d’Auschwitz un peu grâce à La Divine comédie de Dante
  • le poème « Liberté » de Paul Éluard qui sert non pas à consoler, mais plutôt à dénoncer
  • « Une charogne » de Charles Baudelaire, qui érige l’art poétique en beauté gratuite, sans autre but que celui de faire le beau
  • le mouvement de l’OuLiPo, qui tire son plaisir poétique de la contrainte, et ne connaît pas le malheur

Outre ces connaissances personnelles, il faudra intégrer quelques uns, voire tous les poèmes du corpus du sujet !

Rédaction de la dissertation

Introduction

L’imaginaire collectif associe facilement la poésie à l’expression de la douleur. Ce lyrisme rempli de pathos prend une vocation universelle chez le poète puisqu’il renvoie à une expérience commune du malheur, comme la mort d’un ou d’une proche, l’oubli, ou encore l’exil.

Mais à quoi cela sert-il d’exprimer ainsi ses sentiments ? On pourrait croire le poète égocentrique, voulant plus que tout faire savoir à ses lecteurs - au monde donc - qu’il souffre. Ou bien, peut-être que de mettre leur tristesse en vers allège un peu leur peine, et celle de leurs lecteurs en même temps.

Annonce de la problématique

Dès lors, la poésie veut-elle vraiment consoler le poète qui pleure ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps que certains poètes se sont effectivement servis de la poésie pour alléger leur peine. Pourtant, à en lire d’autres (comme à lire leurs vies), on se rend vite compte que ce pouvoir de consolation est modérée. Mais, surtout, la poésie n’est pas seulement associée à la tristesse - c’est ce dont nous discuterons enfin.

Quelle est l'ambition d'Apollinaire dans Zone ?
Carl Spitzweg, Le Pauvre Poète, 1839

Développement

La poésie comme soulagement

La poésie a effectivement servi de nombreux poètes pour l’expression de leur peine. Cela n’est pas gratuit : par cette démarche, ils cherchent à s’en soulager. Mais c’est aussi une manière de sublimer cette peine, de faire des larmes une source d’eau pure, à laquelle tous les Hommes viendront boire à leur tour.

La poésie, genre lyrique

Le lyrisme est un genre du discours qui consiste à exprimer ses sentiments personnels. Historiquement, il est très lié aux romantiques, un courant du XIXème siècle. Or, lorsqu’un poète est triste, il exprime du même coup cette tristesse - puisqu’il exprime son émotion.

Mais plutôt que de l’imposer au lecteur pour des motifs égocentriques, le poète espère plutôt soulager sa peine, en l’exprimant - comme dans une séance de psychanalyse, en somme. C’est Gaël Faye qui décrit très bien le sens de cette démarche, dans sa chanson Pili Pili sur un croissant au beurre :

Une feuille et un stylo apaisent mes délires d’insomniaque. […] L’écriture m’a soigné quand je partais en vrille.

En ce sens, le chanteur contemporain, dont les textes sont de véritables poèmes, s’inscrit dans la lignée du plus romantique des romantiques, Victor Hugo. Lui aussi exalte sa peine dans son poème « Exil », comme celle associée à la mort de sa fille, mais lui aussi, grâce à ses rimes, en ressort vivant :

Pourtant le sort, caché dans l’ombre,

Se trompe si, comptant mes pas,
Il croit que le vieux marcheur sombre
Est las

La poésie comme sublimation

Mais il n’y a pas que cela. Car le poète voit bien que la tristesse, la douleur, l’affliction possèdent quelque chose de beau. Cette beauté, c’est la poésie qui doit la révéler.

Ainsi, dans son poème « Nuit de mai », Alfred de Musset (autre poète romantique) invente un dialogue avec une muse qui l’exhorte à faire de son désespoir amoureux quelque chose de constructif :

L'herbe que je voulais arracher de ce lieu,
C'est ton oisiveté; ta douleur est à Dieu.
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir cette sainte blessure

[…]
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.

La poésie, en rappelant au poète comme au lecteur que même la tristesse et le désespoir révèlent quelque chose de magnifique, appelle à se réjouir de ressentir, fut-ce de la dévastation.

La poésie, une universalité

Il ne faut pas perdre de vue, quand nous parlons de poésie, qu’elle engage un dialogue entre le poète et son lecteur. Ce que dit le poète, le lecteur le lira.

Et lorsque le poète dit sa souffrance, il peut arriver que le lecteur s’y retrouve lui-même. C’est le propre de cette émotion appelée poésie selon l’écrivain Pierre Reverdy.

Et c’est ce qui est arrivé à Primo Levi, auteur de Si c’est un homme, qui a pu survivre à l’horreur des camps de concentration grâce notamment aux passages de la Divine comédie du poète Dante (voir notamment le chapitre « Le chant d’Ulysse »).

Transition

Pourtant, il est sûrement exagéré de donner à la poésie autant de pouvoir qu’à la médecine. Plonger dans la vie des poètes montre à quel point la poésie peut être vaine quand il s’agit de souffrance déchirante.

Le pouvoir consolant limité de la poésie

La poésie console sans aucun doute ; mais sans aucun autre doute, elle ne règle pas les problèmes. La souffrance et la tristesse sont avant tout des sujets d’inspiration pour les poètes, plutôt que des objets de cure.

L’échec de la poésie

La poésie a consolé certains auteurs - d’autres non. On pourra citer Gérard de Nerval, autre auteur romantique, qui finit par se suicider malgré son talent poétique dévorant. La douleur existentielle était trop grande, et l’outil de cure trop faible.

En outre, la poésie peut raviver le souvenir de la souffrance, plutôt que de l’apaiser. Ainsi des Regrets de Joachim du Bellay, recueil dans lequel le poète s’adresse à la France, terre qui lui manque, et manque contre lequel il ne peut rien :

Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,

Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?

France, France, réponds à ma triste querelle.

Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

Ainsi, malgré son dévouement à la poésie, du Bellay ne trouve aucune voix pour lui répondre.

La grandeur du poète

Mais la question peut également se poser de savoir si le poète souhaite lui-même être consolé.

Car, comme la tristesse a quelque chose de grand, l’homme triste a quelque chose de grand. C’est donc en ressentant cette tristesse que le poète peut à son tour devenir grand.

Ce fait est perceptible dans le poème de Marceline Desbordes-Valmore qui s’intitule « L’exilé ». Dans celui-ci, l’écrivaine souffre de son exil et en jouit en même temps, car grâce à lui, elle peut se rapprocher des autres ; grâce à lui, elle se sent sœur de ceux qui veulent retrouver le chemin du paradis perdu.

Ainsi, la tristesse que l’on ressent peut redonner le goût de sa propre grandeur. Voire même, elle peut être la preuve de la plus grande des choses : celle d’avoir vécu. C’est encore Alfred de Musset qui le dit le mieux, dans sa pièce de théâtre On ne badine pas avec l’amour :

J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Transition

Mais c’est réduire la poésie que de la considérer par le seul prisme de la souffrance. N’est-elle pas, à la manière de la vie, bien plus que cela ?

Les autres pouvoirs de la poésie

Au cours de l’histoire de la littérature, la poésie a prouvé qu’elle savait remplir plusieurs rôles. Nous allons en citer deux, qui doivent convaincre de ses puissances protéiformes : le pouvoir de dénoncer d’abord, celui d’être gratuit ensuite.

Qu'est-ce qui inspire un poète ?
Nicolas Poussin, L'inspiration du poète, 1630
La poésie peut dénoncer

Ne considérer la poésie qu’à travers le prisme du lyrisme, c’est lui ôter toute une partie de son histoire, et même plus : toute une partie de sa puissance.

Au-delà d’exprimer les sentiments tristes ou joyeux du poète, elle peut lui servir de tribune politique pour dénoncer des injustices, comme les guerres ou les famines.

Citons par exemple le poème bien connu de Paul Eluard, édité puis distribué durant la guerre de 39-45, qui devait servir de rempart contre la barbarie nazie :

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

.

Liberté.

On pourrait citer des exemples plus anciens, comme « L’enfant », de Victor Hugo, dans lequel il dénonce les massacres turcs sur l’île grecque de Chio.

La gratuité de la poésie

Mais peut-être que la plus grande force de la poésie, c’est celle de pouvoir être complètement gratuite.

La poésie peut n’exister que pour le simple plaisir de son existence, pour la célébration de la beauté comme telle, qui existe en tout endroit dans la nature et dans ses mots.

Il y a eu les poètes du Parnasse, tenants de l’Art pour l’Art ; puis Charles Baudelaire célébrant une charogne se décomposant, dans un poème du même nom ; il y a aussi eu l’OuLiPo, qui s’amuse des contraintes lexicales ou grammaticales desquelles la beauté poétique peut toujours naître, sans cesse renouvelée.

Conclusion

En somme, la poésie a pu avoir, et peut encore avoir le rôle de consolant - de psychiatre même. Le poète exprime sa douleur, et il est sans aucun doute soulagé de la dire d’abord, de se savoir lu ensuite.

Mais la poésie ne peut pas absolument s’opposer à la souffrance. Elle peut sauver, mais elle ne sauvera pas nécessairement - elle sauvera trop rarement même. Plutôt, le poète doit trouver sa joie dans le fait de célébrer le sentiment, quel qu’il soit. Et encore : il trouve peut-être sa joie dans la seule élaboration du poème lui-même, vibrant hommage à la vie.

 

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Agathe

Professeur de langues dans le secondaire, je partage avec vous mes cours de linguistique !