Le monde en 1945

En Europe, la Seconde Guerre mondiale dure jusqu'à la capitulation sans condition de l'Allemagne, le 8 mai 1945, mais le territoire français est entièrement libéré depuis le mois de février. En Asie, les hostilités durent un an de plus, jusqu'au 15 août 1945. Le conflit laisse une Europe et une Asie complètement ravagées. Il modifie profondément les équilibres internationaux, notamment en confirmant que l'Europe ne compte plus guère à l'échelle mondiale. Par ailleurs, l'ampleur des destructions et la sauvagerie de la guerre ont provoqué une grave crise morale. Les gouvernants sont décidés à tout faire pour empêcher le retour d'engrenages comme ceux qui ont précipité le monde dans le chaos à deux reprises en vingt-cinq ans.
• À l'échelle de l'humanité entière, la Seconde Guerre mondiale a certainement été le conflit le plus sanglant de l'histoire, trois fois plus sanglant que la Première Guerre mondiale ; mais en Allemagne, par exemple, la guerre de Trente Ans, au XVIIe siècle, a fait bien plus de ravages.
• La Seconde Guerre mondiale a fait environ 60 millions de morts, dont une grosse vingtaine en Asie (surtout des Chinois massacrés par l'armée japonaise et des Japonais morts au combat ou dans les bombardements américains) et autant en URSS. Les pays les plus affectés, proportionnellement à leur taille, sont la Serbie et la Pologne : un Polonais sur six a été tué, dont l'ensemble de la communauté juive. En revanche, les États-Unis ont eu peu de pertes humaines.
La moitié des morts sont des civils, victimes de bombardements, d'atrocités, du génocide.
• Dans l'immédiat après-guerre, des millions d'Européens errent sur les routes : les rescapés du génocide tentent d'atteindre la Palestine ou les États-Unis ; les habitants des pays baltes occupés par l'Armée rouge essaient de fuir à l'ouest ; tous les Allemands d'Europe centrale, une quinzaine de millions au total, sont expulsés vers ce qui reste d'Allemagne, mais beaucoup sont massacrés en route.
• Les régions les plus détruites par la guerre sont le Japon et les villes chinoises, l'Europe centrale, Allemagne incluse, et l'ouest de l'URSS ; mais Londres et les ports français ont aussi beaucoup souffert. Les États-Unis n'ont subi aucune destruction sur leur territoire.
• Du fait des innombrables bombardements de terreur subies par les populations civiles, les villes ont été particulièrement exposées : Varsovie, par exemple, est détruite à 99 % ; à Berlin, il y a tant de décombres qu'on en fait des collines artificielles, les « montagnes du diable ». Les infrastructures (ponts, routes, gares) sont très touchées aussi ; d'où d'énormes difficultés de transport. En 1945, la pénurie règne dans toute l'Europe, et, en Allemagne et en URSS, la famine menace.
• Les usines sont un peu moins touchées : en URSS par exemple, elles ont été démontées et déplacées hors de portée du front. Mais elles ont travaillé à plein régime pendant quatre ans : les machines sont usées, elles n'ont pas été entretenues. Il va donc falloir non seulement reconvertir l'industrie à des productions de paix, mais largement la reconstruire : c'est un problème non seulement pour les vaincus mais aussi pour certains vainqueurs comme la Grande-Bretagne. En revanche, les États-Unis ont plutôt profité de la guerre pour moderniser leur industrie.
• Le premier vainqueur est évidemment l'Amérique. Elle a eu peu de pertes humaines, aucune destruction sur son territoire ; son industrie a profité de la guerre. Elle détient désormais les deux tiers du stock d'or mondial, ce qui fait du dollar une monnaie de référence à l'échelle mondiale. Elle a vaincu le Japon à elle toute seule ; elle a libéré l'Afrique du Nord et l'Europe occidentale – de ce fait, elle entretient désormais des troupes dans le monde entier. La popularité des États-Unis est immense dans les pays libérés par l'armée américaine, comme la France : dans les années suivantes, de nombreux éléments de l'American way of life vont s'y implanter.
• L'URSS, quoique épuisée et ravagée, est également un grand vainqueur. L'Armée rouge a chassé les Allemands de toute l'Europe centrale (cependant, l'on ne peut pas écrire qu'elle a « libéré » ces peuples, car elle leur a imposé une nouvelle dictature). C'est elle qui a pris Berlin en mai 1945. Malgré les nombreuses atrocités commises par cette armée, l'URSS et son dictateur Staline jouissent d'un immense prestige, y compris en Occident, pour avoir contribué à abattre « la bête immonde » (Hitler) : en France et en Italie, 30 % des électeurs votent communiste à la fin des années 1940.
Sur le plan territorial, jamais dans l'histoire, sauf en 1815, les troupes russes n'étaient parvenues aussi loin à l'ouest : la Russie soviétique va pouvoir se constituer un empire en Europe centrale. En attendant, dès 1945, elle annexe trois pays indépendants, les pays baltes, ainsi que des morceaux de Finlande, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Roumanie.
• Le sort de l'Allemagne est réglé aux conférences de Yalta (février 1945) et de Potsdam (juillet-août 1945). Elle cesse d'exister en tant que pays indépendant (jusqu'en 1949). Toutes ses conquêtes de la guerre lui sont retirées, ainsi que l'Autriche et d'importants territoires situés à l'est du pays, allemands depuis le Moyen Âge ; ceux-ci passent à la Pologne (elle-même amputée à l'est au profit de l'URSS). Ce qui reste est découpé en quatre zones d'occupation, américaine, soviétique, britannique et française ; certains en France projettent de rendre cette division définitive, c'est-à-dire d'en revenir à la situation d'avant l'unité allemande, en 1871.
• Hitler s'est suicidé et certains hauts dignitaires du nazisme ont pris la fuite ; mais ceux qui ont été faits prisonniers sont jugés par les vainqueurs aux procès de Nuremberg, en 1945-1946. Condamnés pour crimes de guerre et « crimes contre l'humanité » dans le cadre notamment du génocide, 12 des 24 accusés sont condamnés à mort, dont Göring.
• Les vainqueurs se lancent dans un programme de désarmement et de dénazification de l'Allemagne : il s'agit de changer les esprits, de faire des Allemands un peuple pacifique et attaché à la démocratie. Mais les Alliés n'ont pas tous la même perspective : les Français veulent affaiblir l'Allemagne le plus possible, les Américains veulent faire triompher la démocratie et le libéralisme, les Soviétiques veulent qu'une Allemagne socialiste renaisse des ruines du nazisme.
• L'ampleur des pertes et les souffrances des civils au cours de la Seconde Guerre mondiale étaient tout à fait inimaginables en 1939 : ainsi, en février 1945, à Dresde, un bombardement classique (au phosphore) a fait plus de 100 000 morts d'un coup.
L'emploi des techniques les plus modernes dans le but exclusif de semer la mort, et notamment le lancement par les Américains, en 1945, de deux bombes atomiques pour accélérer la reddition du Japon, a fait perdre à beaucoup d'Occidentaux toute foi dans le progrès. De même, on découvre que des médecins (allemands ou japonais) ont effectué des expériences médicales mortelles sur des prisonniers ou des déportés : la science est sur le banc des accusés.
• Le génocide et ses 6 millions de victimes juives et tsiganes représentent un autre traumatisme : il pose la question des valeurs collectives de l'humanité, met en évidence la fragilité de la civilisation européenne. Les générations suivantes s'interrogent, et pas seulement en Allemagne : comment en est-on arrivé là ? Comment a-t-on pu laisser Hitler parvenir au pouvoir et mettre ses projets à exécution ? Certains en 1945 se demandent aussi comment il se fait que Staline, qui a commis largement autant de crimes que Hitler, peut demeurer au pouvoir, et être traité comme un chef d'État respectable.
• Dès avant la fin de la guerre, les Alliés ont réfléchi à la manière de reconstruire un monde où la diplomatie l'emporterait sur la guerre et où les peuples ne se refermeraient pas sur eux-mêmes.
• En juillet 1944, à Bretton Woods, 44 pays fondent un nouveau système monétaire international, dont le dollar, monnaie de la première puissance économique mondiale, est le pivot. En 1947, c'est l'apparition du GATT (traité qui aboutira à la création de OMC en 1995), un organisme international qui lutte contre le protectionnisme et pour le libre-échange : en effet, pour les hommes de l'après-guerre, l'effondrement du commerce international dans les années 1930 a été l'une des causes de l'aggravation de la crise économique, donc de la guerre. La même année, apparaît le Fonds monétaire international (FMI), qui prête de l'argent aux pays en difficulté.
• Surtout, à la conférence de San Francisco, en 1945, la SDN, qui a échoué à éviter la guerre, cède la place à l'ONU, qui rassemble les principaux vainqueurs et dont on espère plus d'efficacité grâce à la prééminence du Conseil de sécurité et à la création des Casques bleus. En 1948, elle adopte une Déclaration universelle des droits de l'homme, afin que l'ensemble des États membres s'engagent à respecter des valeurs communes.
Aujourd'hui encore, la Seconde Guerre mondiale n'est pas un événement historique ordinaire : de très nombreux choix collectifs sont orientés par la volonté d'éviter que les drames de la période 1939-1945 ne se répètent. Ainsi, le récent élargissement de l'Union européenne s'explique en partie par la volonté de réconcilier l'Allemagne et ses voisins orientaux (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie notamment).

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Olivier

Professeur en lycée et classe prépa, je vous livre ici quelques conseils utiles à travers mes cours !