Que l'injustice nous indigne montre que la justice est d'abord une exigence, et même une exigence d'égalité : c'est d'abord quand un partage, un traitement ou une reconnaissance sont inégalitaires, que nous crions à l'injustice. La justice devrait donc se définir par l'égalité, symbolisée par l'équilibre de la balance. Mais qu'est-ce qu'une égalité juste ? Suffit-il d'attribuer des parts égales à chacun ?
II/ Quelle égalité peut exiger la justice ?
• Personne ne peut soutenir que les hommes sont égaux en fait : aux inégalités naturelles (de force ou d'aptitudes) s'ajoutent en effet les inégalités sociales (de richesse ou de culture). Pourtant, la justice exige que les hommes soient égaux en droit, c'est-à-dire que, malgré les inégalités de fait, ils aient droit à une égale reconnaissance de leur dignité humaine.
• C'est ce que montre Rousseau dans le Contrat social : un État n'est juste et légitime que s'il garantit à ses citoyens le respect de ce qui fonde la dignité humaine, à savoir la liberté. Seule en effet elle est « inaliénable » : la vendre ou la donner au tyran, c'est se nier soi-même. Cette égalitéen droit doit pouvoir ainsi se traduire par une égalité en droits : nul ne doit posséder de privilèges eu égard à la loi de l'État.
III/ Quels sont les rapports du droit et de la justice ?
• Le droit est d'abord l'ensemble des règles qui régissent un État : c'est le droit positif. Comme ces règles varient d'un État à l'autre, n'y a-t-il nulle justice qui soit la même pour tous les hommes ? C'est bien la position de Pascal : les lois n'ont pas à être justes, elles doivent surtout garantir la paix sociale, car « Il vaut mieux une injustice qu'un désordre » (Goethe) .
• Mais ce n'est pas la position de Rousseau, ni de la pensée des « droits de l'homme » : les lois peuvent être injustes, et cautionner des inégalités de droits. Un droit positif juste sera alors un droit conforme au droit naturel, c'est-à-dire à ce que la raison reconnaît comme moralement fondé, eu égard à la dignité de la personne humaine.
IV/ La justice est-elle une vertu ou une illusion ?
• Platon soutient que la justice, si elle est l'idéal de la communauté politique, doit aussi être une vertu morale en chaque individu. Contre ceux qui soutiennent que « nul n'est juste volontairement »et que la justice comme vertu n'existe pas, Platon montre que c'est le rôle de l'éducation d'élever chacun à cette vertu suprême, qui implique à la fois sagesse, courage ettempérance.
• Certes, l'homme a tendance à vouloir s'attribuer plus que les autres au mépris de tout mérite : si comme Gygès, nous trouvions un anneau nous rendant invisibles, nous commettrions les pires injustices. Mais Gygès était un berger privé d'éducation, et qui vivait hors de la cité : l'enjeu de lapolitique, c'est précisément de rendre les citoyens meilleurs, en leur faisant acquérir cette vertu qu'est la justice, contre leurs penchants égoïstes.
V/ L'égalité des droits suffit-elle à fonder une société juste ?
• La démocratie a commencé par poser qu'il y avait des droits inaliénables et universels : les droits de l'homme. Mais la sphère des droits s'est progressivement étendue : par exemple, la richesse globale étant le fruit du travail de tous, il est normal que chacun ait droit à une part raisonnable.
• Cette extension du « droit de » au « droit à » s'est achevée par l'exigence de droits « en tant que » (femme, minorité, etc.). En démocratie, certaines minorités sont systématiquement ignorées, puisque c'est la majorité qui décide de la loi : donner des droits égaux à tous, c'est donc finalement reconduire des inégalités de fait.
Selon John Rawls il faut, au nom de la justice, tolérer des inégalités de droits, à condition que ces inégalités soient au profit des moins favorisés. Cela cependant amène à nier que tous les droits sont universels, parce que certains auront des droits que d'autres n'ont pas.
La citation
« Ne pouvant faire que le juste soit fort, on a fait que le fort soit juste. » (Pascal)
Si vous désirez une aide personnalisée, contactez dès maintenant l’un de nos professeurs !
Intéressant